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Informationen zum Dokument  BGer 4A_14/2012  Materielle Begründung
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BGer 4A_14/2012 vom 02.05.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_14/2012
 
Arrêt du 2 mai 2012
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
 
Greffier: M. Carruzzo.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________ GmbH, (précédemment V.________ GmbH), représentée par Me Teresa Giovannini, et Me Thomas Burckhardt,
 
recourante,
 
contre
 
Y.________ Sàrl, représentée par Mes Anne Véronique Schlaepfer et Philippe Bärtsch,
 
intimée.
 
Objet
 
arbitrage international,
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 20 novembre 2011 par le Tribunal arbitral ad hoc.
 
Faits:
 
A.
 
A.a Par contrat du 12 octobre 2001 (ci-après: le Contrat), la société V.________ GmbH (ci-après: V.________; actuellement: X.________ GmbH) s'est engagée à livrer à la société Y.________ Sàrl (ci-après: Y.________) une installation (ligne de production) permettant de fabriquer des non-tissés. Un non-tissé est un textile dont les fibres sont maintenues de façon aléatoire par voie chimique, thermique (thermoliage), mécanique (aiguilletage) ou hydraulique (hydroliage). Cette installation devait servir à produire un non-tissé hydrophobe à usage médical que Y.________ entendait vendre à des sociétés internationales pour la confection, entre autres objets, de blouses de chirurgien, de trousses chirurgicales et de champs opératoires.
 
Le contrat précité contient notamment les clauses suivantes, dont il sera question plus loin:
 
Art. 10.2 al. 4
 
"la période de garantie commencera à courir à la date de la réception."
 
Art. 12.2
 
"La Durée de la garantie s'étend sur une:
 
- période de 12 (douze) mois à compter de la réception du matériel chez le
 
Client Utilisateur et de toute façon
 
- au plus tard sur une période de 22 (vingt-deux) mois à compter de la date
 
d'embarquement du matériel; la date de connaissement ou du certificat de
 
prise en charge faisant foi."
 
A.b Le 20 janvier 2009, Y.________, se fondant sur la clause compromissoire incluse dans le Contrat, a initié une procédure arbitrale. Dans le dernier état de ses conclusions, elle a réclamé à V.________, d'une part, le paiement de 5'127'646 euros, motif pris de ce que la ligne de production n'aurait jamais été réceptionnée ni en état de fabriquer le non-tissé prévu, et, d'autre part, une déclaration concernant la fourniture de pièces de rechange durant une période de dix ans.
 
V.________ a excipé de l'irrecevabilité de la procédure arbitrale et conclu, sur le fond, au rejet intégral des prétentions de la demanderesse.
 
Un Tribunal arbitral ad hoc de trois membres a été constitué. Siégeant à Genève et appliquant le droit suisse, il a rendu, le 3 décembre 2010, sa sentence finale par laquelle il a rejeté les conclusions préalables de la défenderesse et admis partiellement les demandes de Y.________, en ce sens que V.________ a été condamnée à verser à celle-ci 3'250'000 euros, intérêts en sus, et à lui fournir des pièces de rechange, contre paiement, jusqu'au 31 décembre 2015.
 
A.c Le 21 janvier 2011, V.________ a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral (cause 4A_46/2011). Invoquant l'art. 190 al. 2 let. b, d et e LDIP, elle a conclu à l'annulation de la sentence finale.
 
Par arrêt du 16 mai 2011, la Ire Cour de droit civil du Tribunal fédéral, admettant partiellement le recours dans la mesure où il était recevable, a annulé la sentence attaquée. Elle s'est exprimée comme il suit relativement au problème du délai de prescription de 22 mois prévu à l'art. 12.2, second alinéa, du Contrat, seul point sur lequel le recours a été admis (arrêt cité, consid. 4.3.2 p. 19 s.):
 
"...[O]n cherche en vain, dans le texte de la sentence, une réfutation, même implicite, des arguments développés par la recourante en ce qui concerne le délai de prescription absolu... [L]a sentence ne contient pas de référence, fût-ce allusive, au délai de prescription absolu de 22 mois, pour ce qui est de l'applicabilité même de ce délai ou de ses conditions d'application, en particulier son point de départ. Il n'en ressort pas davantage, contrairement à ce que soutient le Tribunal arbitral dans lesdites observations, que les arbitres auraient constaté que l'intimée avait répondu à l'exception de prescription «de manière substantielle et convaincante». On en est donc réduit à ajouter foi aux seules allégations faites par le Tribunal arbitral dans la procédure fédérale quant à savoir s'il a traité ou non la question litigieuse. Or, s'il est vrai que l'obligation de motiver ne constitue pas l'un des éléments de la garantie du droit d'être entendu au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, ce serait vider de son contenu le devoir minimum des arbitres de traiter les questions pertinentes, tel que la jurisprudence susmentionnée l'a déduit de cette garantie, que de se fonder, face aux dénégations de la partie recourante, sur la simple allégation du Tribunal arbitral selon laquelle il a traité la question litigieuse.
 
...
 
Il y a lieu, dans ces conditions, d'admettre le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu et, partant, d'annuler la sentence entreprise.
 
Cela étant, pour tenir compte de la nature formelle du droit d'être entendu, d'une part, et du principe de l'économie de la procédure, d'autre part, il paraît expédient de traiter néanmoins les autres griefs articulés dans le recours, de manière à éviter que l'auteur de celui-ci ne doive saisir derechef le Tribunal fédéral pour qu'il les examine dans l'hypothèse où les arbitres rejetteraient l'exception de prescription dans leur nouvelle sentence."
 
Les observations du Tribunal arbitral, auxquelles référence est faite dans le passage ici reproduit de l'arrêt fédéral, consistaient en une lettre du président de la formation arbitrale, datée du 21 février 2011, précisant ce qui suit au sujet de la prescription (cf. arrêt cité, consid. 4.1.3):
 
"Le Tribunal arbitral a examiné également l'objection de prescription basée sur le délai absolu de 22 mois à compter de la date de l'embarquement du matériel. Il l'a implicitement rejetée en constatant que la demanderesse [i.e. l'intimée dans la procédure fédérale] a répondu à cette objection de manière substantielle et convaincante (v. Mémoire en Réplique § 202) et que la défenderesse [i.e. la recourante dans la procédure fédérale], dans son Mémoire de Duplique (v. §§ 243-244), n'a pas contredit les arguments développés par la Demanderesse de manière substantielle."
 
B.
 
B.a Par courrier électronique et lettre du 27 mai 2011, le Tribunal arbitral a pris acte de l'annulation de sa sentence, indiqué aux parties qu'il allait en rendre une nouvelle et invité celles-ci à lui faire savoir si elles entendaient de quelque manière compléter l'argumentation qu'elles avaient déjà développée durant la procédure.
 
Le même jour, les conseils de V.________ ont écrit au Tribunal arbitral pour lui demander à quel titre il se considérait saisi de l'affaire, dès lors que la cause ne lui avait pas été renvoyée par le Tribunal fédéral.
 
Le 30 mai 2011, le Tribunal arbitral a invité les parties à lui adresser tous commentaires utiles au sujet de sa compétence et de la suite de la procédure.
 
Par lettres du 10 juin 2011 de leurs conseils, les parties ont donné suite à cette invitation. Y.________ a expliqué pourquoi elle estimait que le Tribunal arbitral était compétent pour rendre une nouvelle sentence, ajoutant qu'il n'était pas nécessaire de rouvrir les débats sur la question de la prescription absolue de 22 mois. De son côté, V.________ a exposé les raisons pour lesquelles le Tribunal arbitral n'était, à son avis, pas compétent pour statuer derechef. Elle a soutenu, en outre, que le Tribunal arbitral n'était plus indépendant ni impartial du fait qu'il s'était déjà prononcé sur l'exception de prescription. Aussi l'a-t-elle enjoint de se récuser in corpore. Selon elle, enfin, l'instruction de la cause au fond devait être suspendue jusqu'à droit jugé sur les exceptions d'incompétence et de composition irrégulière du Tribunal arbitral, de sorte qu'elle "réserv[ait] à cet égard et d'ores et déjà tous ses droits".
 
A l'invitation du Tribunal arbitral, chaque partie a déposé ses commentaires sur la prise de position de la partie adverse par écritures du 29 juin 2011.
 
Par lettre et courrier électronique du 4 août 2011, le Tribunal arbitral a clos la procédure et fixé aux parties un délai pour lui communiquer leurs éventuelles conclusions concernant les frais encourus depuis l'arrêt du Tribunal fédéral.
 
Le même jour, V.________ a fait savoir au Tribunal arbitral que s'il avait l'intention de rendre une nouvelle sentence, elle entendait encore se déterminer sur le fond de la question litigieuse, ce qu'elle s'était expressément réservé de faire dans sa prise de position antérieure et ce qui aurait nécessairement une incidence sur les frais de la procédure arbitrale.
 
Le 5 août 2011, Y.________ a transmis au Tribunal arbitral ses commentaires sur la lettre de V.________.
 
Se référant à ces deux lettres, le Tribunal arbitral a relancé les parties, en date du 8 août 2011, afin qu'elles lui communiquent leurs conclusions sur les frais pour la période postérieure à l'arrêt fédéral. Les parties ont soumis l'état de leurs frais, le 15 août 2011, V.________ s'abstenant toutefois de prendre des conclusions à ce propos, motifs pris de l'incompétence du Tribunal arbitral et de son manque d'impartialité.
 
B.b Le 22 août 2011, V.________ a demandé au Tribunal de première instance du canton de Genève de prononcer la récusation des trois membres du Tribunal arbitral. Elle a également requis et obtenu du Tribunal arbitral qu'il suspende la procédure jusqu'à droit jugé sur la demande de récusation.
 
Après avoir donné à Y.________ et aux membres du Tribunal arbitral l'occasion de se déterminer, le Tribunal de première instance a rejeté la demande de récusation par jugement du 31 octobre 2011.
 
B.c Par lettre du 2 novembre 2011, V.________ a sollicité du Tribunal arbitral qu'il lui octroie "un délai pour se déterminer sur le fond du litige (question de la prescription absolue), ainsi qu'elle s'en [était] réservée (sic) le droit par courriers des 29 juin 2011 et 4 août 2011".
 
Dans une lettre du 3 novembre 2011, Y.________ a fait savoir qu'elle s'opposait à cette requête.
 
Se référant à ces deux missives, le Tribunal arbitral, par lettre du 16 novembre 2011, a indiqué aux parties qu'après en avoir délibéré, il considérait qu'il n'était pas nécessaire de leur donner une occasion supplémentaire de compléter leurs argumentations sur le problème de la prescription absolue. Il estimait, en effet, qu'elles avaient eu amplement l'occasion de le faire durant la procédure, notamment dans leurs écritures, et qu'il n'y avait eu, depuis la clôture de celle-ci, aucun élément nouveau justifiant de reprendre l'instruction.
 
B.d Par sentence finale du 20 novembre 2011, le Tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour reprendre et mener à chef la procédure arbitrale après l'arrêt du 16 mai 2011 (ch. 1 du dispositif); il a pris acte du rejet de la requête de récusation par le Tribunal de première instance du canton de Genève (ch. 2 du dispositif) et a indiqué qu'il n'y avait pas de raison justifiant la réouverture de la procédure d'instruction sur l'exception de prescription absolue (ch. 3 du dispositif). Pour le surplus, le Tribunal arbitral a repris les chefs du dispositif de la sentence du 3 décembre 2010 avec une nouvelle numérotation (ch. 4 à 10 et ch. 12 du dispositif), en précisant que chaque partie supporterait ses frais et honoraires afférents à la période postérieure à l'arrêt du 16 mai 2011 (ch. 11 du dispositif).
 
S'agissant du moyen tiré de la prescription absolue, le Tribunal arbitral l'a rejeté par les motifs résumés ci-après (cf. sentence attaquée, n. 345).
 
Premièrement, le délai de prescription de 22 mois, fixé à l'art. 12.2, second alinéa, du Contrat, n'a de sens que dans une situation normale, dans laquelle le vendeur exécute son obligation principale en livrant la chose vendue, fût-ce avec des défauts. Il n'a aucun sens, en revanche, si le vendeur, telle la recourante, ne satisfait pas à cette obligation-là. Admettre le contraire reviendrait à autoriser le vendeur à exciper de la prescription fondée sur la garantie avant même d'avoir livré la chose vendue. La recourante n'a, du reste, pas répondu aux arguments de l'intimée relatifs à la clause contractuelle précitée; elle n'a, en particulier, pas réfuté l'objection selon laquelle il paraît difficile d'expliquer comment le délai absolu de 22 mois pourrait être appliqué d'une manière cohérente dans une situation où ce délai arrive à échéance avant la réception de la ligne de production. Deuxièmement, le fait que, pour mettre un terme à une situation ne pouvant plus durer, l'intimée a été contrainte d'accepter une chose ne répondant pas aux exigences contractuelles ne saurait, à lui seul, modifier le régime juridique et faire renaître rétroactivement la prescription de l'action en garantie. Troisièmement, la prescription absolue serait intervenue, en l'espèce, alors que la ligne de production faisait toujours l'objet d'essais; les tests effectués par les parties n'auraient ainsi plus eu de sens si les garanties pour les défauts avaient déjà été prescrites. Quatrièmement, le silence des parties au sujet du délai de garantie de 22 mois, alors que le délai de douze mois avait fait l'objet de discussions entre elles et avait été prolongé à plusieurs reprises, confirme que seul ce dernier délai aurait pu être appliqué in casu. Cinquièmement, l'objection de la recourante est d'autant moins acceptable que les difficultés rencontrées étaient imputables à cette partie en sa qualité de venderesse chargée du montage de la ligne de production. Sixièmement, enfin, les délais de garantie ont été suspendus, en vertu de l'art. 12.3 du Contrat, tant que cette ligne ne produisait pas l'objet promis, à savoir des non-tissés hydrophobes.
 
C.
 
Le 9 janvier 2012, V.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 190 al. 2 let. a, b, d et e LDIP, elle conclut, sur compétence, à ce que le Tribunal fédéral constate que le Tribunal arbitral n'avait pas la compétence de se saisir du litige après l'arrêt du 16 mai 2011 et, partant, annule la sentence finale du 20 novembre 2011. Sur le fond, elle reprend cette dernière conclusion et invite le Tribunal fédéral, en tant que de besoin, à déclarer que les trois arbitres sont récusés. La recourante a, en outre, requis l'octroi de l'effet suspensif jusqu'à droit connu sur son recours, de même qu'à titre superprovisoire. Cette dernière requête a été admise par ordonnance présidentielle du 12 janvier 2012, tandis que la demande d'effet suspensif ordinaire est toujours pendante.
 
Dans sa réponse du 13 février 2012, Y.________ (ci-après: l'intimée) conclut au rejet du recours.
 
Le même jour, le Tribunal arbitral a produit le dossier de la cause et indiqué qu'il s'en remettait à justice, s'agissant du recours.
 
Le 29 février 2012, la recourante a déposé des observations (ci-après: la réplique) au sujet de la réponse de l'intimée.
 
L'intimée a formulé des remarques sur ces observations dans une écriture du 16 mars 2012 (ci-après: la duplique).
 
Par ailleurs, les parties ont encore déposé des écritures et des pièces en rapport avec la demande d'effet suspensif présentée par la recourante.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par la recourante ou encore des motifs de recours invoqués, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière.
 
1.2 A l'encontre de la sentence du 20 novembre 2011, la recourante formule plusieurs griefs dont certains ont trait au Tribunal arbitral lui-même, d'autres à la procédure arbitrale conduite par le Tribunal arbitral et les derniers à la décision sur le fond rendue par les arbitres. Il y a lieu d'examiner successivement ces différents griefs dans l'ordre proposé par elle.
 
2.
 
2.1 Dans un premier groupe de moyens, la recourante fait grief au Tribunal arbitral de s'être ressaisi de l'affaire, après l'annulation de la sentence finale du 3 décembre 2010 par l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mai 2011, alors que, de son propre aveu, il avait déjà jugé la question de la prescription absolue, au sens de l'art. 12.2, second alinéa, du Contrat, et qu'il ne présentait plus, de ce fait, les garanties d'indépendance et d'impartialité découlant de l'art. 30 Cst. Dès lors, le Tribunal arbitral, à suivre la recourante, était irrégulièrement composé (art. 190 al. 2 let. a LDIP). Il aurait, de surcroît, violé l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, plus précisément l'ordre public procédural sanctionné par cette disposition, en ne rendant pas un jugement indépendant sur les conclusions et l'état de fait qui lui étaient soumis.
 
L'intimée conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de ces moyens. Au sujet de celle-là, elle se prévaut de la jurisprudence fédérale en la matière, qui exclut de revoir, même indirectement, la décision prise par le juge d'appui sur une demande de récusation et qui fait de l'ordre public procédural une garantie subsidiaire. Il convient d'examiner, en premier lieu, ces deux arguments. Admis, ils entraîneraient, en effet, l'irrecevabilité des moyens en question, rendant ainsi superflu l'examen de leur mérite.
 
2.2 L'art. 180 al. 3 LDIP dispose qu'en cas de litige et si les parties n'ont pas réglé la procédure de récusation, le juge compétent du siège du tribunal arbitral statue définitivement.
 
2.2.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque le juge cantonal - appelé aussi juge d'appui - a statué sur une requête de récusation, en application de la disposition citée, sa décision est définitive et ne peut être attaquée ni directement ni indirectement dans le cadre d'un recours fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP et dirigé contre la sentence finale du tribunal arbitral (ATF 128 III 330 consid. 2.2). A l'inverse, la décision prise par un organisme privé, comme la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) ou le Conseil International de l'Arbitrage en matière de Sport (CIAS), au sujet d'une demande de récusation d'un arbitre, si elle n'est pas non plus susceptible d'un recours direct au Tribunal fédéral, pourra néanmoins être revue dans le cadre d'un recours dirigé contre la sentence, motif pris de la composition irrégulière du tribunal arbitral (arrêt 4A_644/2009 du 13 avril 2010 consid. 1 et les références).
 
Pour justifier cette différence de traitement, suivant que la décision sur la demande de récusation émane d'un organisme privé ou du juge d'appui, le Tribunal fédéral explique, s'agissant de la première hypothèse, qu'un ordre juridique doit se réserver la faculté de revoir les sentences ou les procédures arbitrales sous l'angle de leur conformité à ses principes juridiques fondamentaux, au nombre desquels figure le droit à un arbitre indépendant et impartial. Cependant, lorsqu'un juge étatique, tel le juge d'appui, a déjà examiné si l'arbitre incriminé satisfaisait à ces exigences, la nécessité d'un nouveau contrôle étatique n'existe pas. Conformément au but poursuivi par la législation suisse en matière d'arbitrage international, qui est de limiter autant que faire se peut les possibilités de contestation dans cette procédure, il faut donc admettre, avec la doctrine dominante, que le caractère définitif de la décision rendue au sujet de la récusation par le juge d'un canton en application de l'art. 180 al. 3 LDIP signifie qu'un contrôle ultérieur de cette décision, dans le cadre d'un recours au Tribunal fédéral contre la sentence finale du Tribunal arbitral, est exclu (ATF 128 III 330 consid. 2.2 et les auteurs cités).
 
Cette jurisprudence est approuvée par une bonne partie de la doctrine (en plus des auteurs mentionnés dans l'arrêt déjà cité, qualifiés de doctrine dominante, voir aussi les auteurs suivants qui, pour certains, ont émis leur opinion en rapport avec la disposition traitant la question litigieuse dans le Code de procédure civile [CPC; cf. l'art. 369 al. 5 ainsi libellé: "La décision sur la récusation ne peut être revue qu'à la faveur de la première sentence attaquable."]: PIERRE-YVES TSCHANZ, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé - Convention de Lugano, 2011, n° 62 ad art. 180 LDIP; PHILIPPE SCHWEIZER, in Knoepfler/Schweizer, Arbitrage international, 2003, p. 680; MATTHIAS LEEMANN, Challenging international arbitration awards in Switzerland on the ground of lack of independence and impartiality of an arbitrator, in Bulletin de l'Association Suisse de l'Arbitrage [ASA] 2011 p. 10 ss, 16 1er §; BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 2e éd. 2011, n° 839a in fine; IVO SCHWANDER, in Schweizerische Zivilprozessordnung [éd. Brunner/Gasser/Schwander], 2011, n° 10 ad art. 369 CPC; GASSER/RICKLI, in Schweizerische Zivilprozessordnung, Kurzkommentar, 2010, n° 3 ad art. 369 CPC; STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, Zivilprozessrecht, 2008, n° 11 ad § 29; PLANINIC/KUBAT ERK, in ZPO Kommentar [éd. Gehri/Kramer], 2010, n° 11 ad art. 369 CPC). Il sied de relever que certains de ces auteurs admettent, malgré tout, la possibilité de former un recours en matière civile au sens de l'art. 77 LTF, contre la décision du juge d'appui pour y faire valoir d'autres motifs que celui tiré du défaut d'indépendance ou d'impartialité de l'arbitre visé par la demande de récusation, telle la violation de l'égalité des parties ou de leur droit d'être entendues durant la procédure de récusation (LEEMANN, ibid.; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n° 840; voir aussi: GIRSBERGER/VOSER, International Arbitration in Switzerland, 2e éd. 2012, n° 564).
 
D'autres auteurs critiquent la jurisprudence fédérale. Ainsi, pour KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI (Arbitrage international, 2e éd. 2010, nos 402/ 808a et note de pied 633 p. 504), l'adverbe "définitivement", figurant à l'art. 180 al. 3 LDIP, ne vise à exclure que le recours direct contre la décision prise par le juge d'appui et ne saurait, dès lors, entraîner la perte d'un motif de recours prévu par la loi, à savoir l'art. 190 al. 2 let. a LDIP (dans le même sens, POUDRET/BESSON, Comparative law of international arbitration, 2e éd. 2007, n° 791 p. 729), pareille délégation de fait du pouvoir du Tribunal fédéral au juge d'appui étant contraire au caractère exclusif de la compétence du Tribunal fédéral en matière de recours et incompatible avec les conditions très strictes de l'exclusion du recours au sens de l'art. 192 LDIP. Aussi ces auteurs préconisent-ils, par analogie avec l'art. 369 al. 5 CPC, de permettre au Tribunal fédéral de revoir la décision sur la récusation prise par le juge d'appui à la faveur d'un recours contre la première sentence attaquable devant lui (dans le même sens, cf. JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Présentation critique du projet de réglementation de l'arbitrage interne (art. 351 à 359 P-CPC), in Le Projet de Code de procédure civile fédérale [éd. Lulic], Cedidac 2008, p. 253 ss, 244 s. let. L). SÉBASTIEN BESSON (Réflexions sur la jurisprudence suisse la plus récente rendue en matière d'arbitrage international, in Bulletin ASA 2003 p. 463 ss) reproche, en outre, à cette jurisprudence de créer une différence de traitement difficilement compréhensible entre l'arbitrage institutionnel et l'arbitrage ad hoc, puisqu'un recours fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP serait toujours possible, dans le premier type d'arbitrage, même en cas de décision négative sur la récusation rendue par l'organisme privé (p. 471 s. n° 14). Par conséquent, pour cet auteur, un tel recours devrait toujours être possible en cas de décision de rejet de la demande de récusation prise en cours d'arbitrage, que cette décision émane d'un organisme privé ou du juge d'appui (p. 472 n° 14; dans le même sens, cf. PETER/BESSON, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2e éd. 2007, n° 36 ad art. 180 LDIP).
 
2.2.2 Un changement de jurisprudence peut se justifier notamment lorsqu'il apparaît que les circonstances ou les conceptions juridiques ont évolué ou qu'une autre pratique respecterait mieux la volonté du législateur. Les motifs du changement doivent être objectifs et d'autant plus sérieux que la jurisprudence est ancienne afin de ne pas porter atteinte sans raison à la sécurité du droit (ATF 136 III 6 consid. 3; 135 II 78 consid. 3.2).
 
Au regard de ces principes, il ne se justifie pas de modifier la jurisprudence relative à l'art. 180 al. 3 LDIP. Les motifs sur lesquels repose cette jurisprudence, vieille d'une dizaine d'années et approuvée par bon nombre d'auteurs, restent toujours d'actualité. Il s'agit d'assurer, d'une part, que le problème de l'impartialité et de l'indépendance des membres d'un tribunal arbitral puisse être soumis à un juge étatique et non pas être réglé définitivement par un organisme privé, tout en veillant, d'autre part, à ce que les possibilités d'élever des contestations dans la procédure de récusation des arbitres soient limitées au strict minimum. Sous ce dernier aspect, l'expérience enseigne que les parties impliquées dans une procédure arbitrale internationale ne se privent pas, loin s'en faut, des moyens dont elles disposent déjà pour retarder, sinon paralyser, la bonne marche de celle-ci (cf., parmi d'autres: PIERRE LALIVE, Dérives arbitrales, in Bulletin ASA 2005 p. 587 ss). Aussi le principe de la célérité de l'arbitrage commande-t-il de faire en sorte, dans la mesure du possible, que la question de la récusation des arbitres soit réglée une fois pour toutes in limine litis. A cet égard, il ne faut du reste pas surestimer l'importance pratique de la jurisprudence actuelle, si l'on se souvient qu'une partie substantielle de l'arbitrage international, tels les arbitrages conduits sous l'égide de la CCI (art. 14 du Règlement d'arbitrage de la CCI en vigueur depuis le 1er janvier 2012) ou les arbitrages sportifs soumis au TAS (cf. art. R34 du Code de l'arbitrage en matière de sport), est exclue de son champ d'application.
 
Il est vrai que l'adverbe "définitivement", utilisé à l'art. 180 al. 3 LDIP, n'impose pas la solution retenue par cette jurisprudence. Cependant, il ne l'exclut pas (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n° 12 p. 345).
 
On ne voit pas non plus en quoi la jurisprudence critiquée impliquerait une délégation (de fait) du pouvoir du Tribunal fédéral au juge d'appui, accompagnée de la suppression d'un motif de recours prévu par la loi. Rien ne s'oppose, en effet, à ce que l'on considère l'art. 180 al. 3 LDIP comme une lex specialis par rapport à l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, en ce sens que la décision prise - sur requête ad hoc et non sur recours -par le juge d'appui au sujet de la récusation d'un arbitre clôt la procédure spécifique prévue à cette fin et, partant, ne peut plus être revue indirectement à l'occasion d'un recours dirigé contre une sentence ultérieure. Il va sans dire que les motifs de récusation qui seraient apparus postérieurement à la décision prise par le juge d'appui pourront être invoqués dans le cadre d'un recours contre une telle sentence, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP.
 
Par ailleurs, la différence de traitement entre l'arbitrage institutionnel et l'arbitrage ad hoc s'explique facilement par le fait, pertinent, que, dans le premier cas, la décision touchant la récusation émane d'un organisme privé auquel l'ordre juridique suisse ne peut pas abandonner le soin de vérifier le respect de la garantie primordiale que constituent l'indépendance et l'impartialité des membres du Tribunal arbitral, tandis que, dans le second, elle est prise par un juge étatique.
 
Enfin, le parallèle que d'aucuns voudraient tirer avec l'art. 369 al. 5 CPC, précité, n'est pas forcément de mise. D'abord, les solutions adoptées pour l'arbitrage interne ne valent pas nécessairement pour l'arbitrage international, étant donné que, dans celui-ci, le contrôle du juge étatique sur la procédure arbitrale n'est, en règle générale, pas aussi étendu que dans celui-là. Force est, ensuite, de constater que le texte de cette disposition va sans doute bien davantage dans le sens préconisé par les tenants de cette opinion que le texte de l'art. 180 al. 3 LDIP. Ce nonobstant, la doctrine n'en demeure pas moins partagée sur le point de savoir - ce n'est pas le lieu d'en décider - si la décision sur la récusation prise par le juge d'appui peut être revue indirectement à la faveur d'un recours dirigé contre la première sentence attaquable (pour des auteurs admettant cette possibilité, cf.: KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., p. 504, note de pied 633; URS WEBER-STECHER, in Schweizerische Zivilprozessordnung [éd. Spühler/Tenchio/Infanger], 2010, n° 38 ad art. 369 CPC; SCHNYDER/PFISTERER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [éd. Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger], 2010, n° 11 ad art. 369 CPC; PLANINIC/KUBAT ERK, ibid.; FÉLIX DASSER, in Kurzkommentar ZPO [éd. Oberhammer], 2010, n° 11 ad art. 369 CPC; pour des auteurs excluant cette possibilité, cf. BERGER/KELLERHALS, ibid.; SCHWANDER, ibid.; GASSER/RICKLI, ibid.).
 
2.2.3 Par jugement du 31 octobre 2011, le Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté la demande de récusation déposée par la recourante. Dès lors, en application de sa jurisprudence, le Tribunal fédéral ne peut pas entrer en matière sur le moyen, tiré de la violation de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, visant à remettre indirectement en question le bien-fondé de ce jugement. Peu importe, à cet égard, que, dans les considérants de celui-ci (p. 11 antépénultième §), l'autorité cantonale ait réservé la possibilité d'un recours indirect fondé sur cette disposition en se référant au passage susmentionné de l'ouvrage de KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI. La recourante ne saurait se prévaloir de l'avis de cette autorité pour former un recours dont la recevabilité est exclue par la jurisprudence fédérale.
 
2.3 La tentative de la recourante de soumettre au Tribunal fédéral le même moyen par le détour du grief tiré de la violation de l'ordre public procédural est d'emblée vouée à l'échec.
 
Selon une jurisprudence constante, l'ordre public procédural, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est qu'une garantie subsidiaire ne pouvant être invoquée que si aucun des moyens prévus à l'art. 190 al. 2 let. a à d LDIP n'entre en ligne de compte (arrêt 4A_530/2011 du 3 octobre 2011 consid. 3.2). Ainsi conçue, cette garantie constitue une norme de précaution pour les vices de procédure auxquels le législateur n'aurait pas songé en adoptant les autres lettres de l'art. 190 al. 2 LDIP. Elle n'a nullement pour but de permettre à une partie de soulever un moyen entrant dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 let. a à d LDIP, mais irrecevable pour une autre raison.
 
Par conséquent, le grief tiré de la violation de l'ordre public procédural est, lui aussi, irrecevable. C'est dire que la recourante s'en est prise sans succès à la composition du Tribunal arbitral.
 
3.
 
Dans un deuxième groupe de moyens, la recourante, se plaint d'une violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. Elle reproche, tout d'abord, au Tribunal arbitral de s'être ressaisi sua sponte du litige, après la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mai 2011, alors qu'aucune base légale ou contractuelle ne fondait sa compétence pour rendre une nouvelle sentence. Elle lui fait grief, ensuite, d'avoir statué extra potestatem en tranchant la question litigieuse en équité sans que les parties lui en aient donné l'autorisation. Il y a lieu d'examiner successivement ces deux moyens, dont l'intimée conteste la pertinence.
 
3.1 Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral expose, par le menu, les raisons qui le conduisent à admettre sa compétence pour statuer sur la question de la prescription absolue de la créance litigieuse (p. 53 à 61, n. 236 à 251). Sa démonstration apparaît en tous points convaincante et les arguments que la recourante lui oppose ne sont pas de nature à en infirmer le bien-fondé.
 
3.1.1 D'un point de vue théorique, il est exact, comme le souligne la recourante, qu'en vertu de l'adage lata sententia iudex desinit esse iudex, le juge est dessaisi de la cause à partir du moment où il a rendu son jugement, en ce sens qu'il ne peut plus modifier celui-ci (ATF 130 IV 101 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a/bb p. 99; sur le principe du dessaisissement [Unabänderlichkeit] et la question, controversée, du moment déterminant à cet égard - adoption ou communication de la décision -, cf., parmi d'autres: FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2001, nos 1232 à 1234 et 1265 à 1268). Ce qui vaut pour le juge vaut aussi pour l'arbitre, dans l'arbitrage international comme dans l'arbitrage interne: la sentence est définitive dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP), moment à partir duquel elle déploie les mêmes effets qu'une décision judiciaire entrée en force et exécutoire (art. 387 CPC). Ainsi, la sentence finale rendue, le tribunal arbitral voit sa compétence s'éteindre et devient functus officio, sous réserve de diverses exceptions (BERGER/KELLERHALS, op. cit., n° 915a; PHILIPPE SCHWEIZER, in Code de procédure civile commenté, 2011, n° 7 ad art. 395 CPC).
 
La force de chose jugée formelle (formelle Rechtskraft) qu'emporte la communication de la sentence et qui confère à celle-ci l'autorité matérielle de la chose jugée (materielle Rechtskraft) cesse si la sentence est annulée à la suite d'un recours extraordinaire au sens de l'art. 77 al. 1 LTF (DIETER GRÄNICHER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [éd. Sutter-Somm/Hasenböhler/ Leuenberger], 2010, n° 22 ad art. 387 CPC). Dans une telle hypothèse, la situation juridique équivaut à celle qui existait avant la communication de la sentence finale aux parties. Par l'effet de l'annulation, ces dernières sont de nouveau dans l'attente d'une sentence finale qui tranchera leur différend et mettra un terme à la procédure arbitrale pendante. Quant aux arbitres ayant conduit cette procédure, leur mission n'est pas achevée ou, si on considère qu'elle l'a été temporairement, elle est réactivée. Il n'est donc pas illogique d'admettre, dans un tel cas, que le tribunal arbitral qui a rendu la sentence annulée et qui est chargé d'en rendre une nouvelle n'a jamais été functus officio (dans ce sens, cf. l'auteur même cité par la recourante: ALEXIS MOURRE, Is There a Life after the Award?, in Post Award Issues [éd. Tercier], ASA Special Series n° 38, 2011, p. 1 ss, 13/14 et 18) ou ne l'a été que durant la période qui s'est écoulée entre la communication et l'annulation de la sentence.
 
Sur le plan des principes, il n'y a, dès lors, aucune objection à ce que les mêmes arbitres statuent à nouveau lorsque leur sentence finale a été annulée, pour autant bien sûr que la cause de cette annulation ne réside pas dans la composition irrégulière du tribunal arbitral (art. 190 al. 2 let. a LDIP) ou dans leur défaut de compétence (art. 190 al. 2 let. b LDIP) et qu'ils n'aient pas non plus été valablement récusés entre-temps (art. 180 LDIP).
 
Exiger à cette fin une base légale expresse ou, sinon, un accord des parties, ainsi que le préconise la recourante, n'est ni nécessaire, s'agissant de celle-là, ni réaliste, s'agissant de celui-ci. Quant à la première, si l'on admet que la mission des arbitres perdure en raison de l'annulation de la sentence finale, il devrait suffire que la compétence du tribunal arbitral pour statuer derechef ne soit pas exclue par la législation du siège du tribunal arbitral, par le règlement applicable d'une institution d'arbitrage ou par la volonté de toutes les parties exprimée avant ou après la communication de la sentence annulée. Quant au second, le refus d'une partie de le passer aurait pour effet, sinon de bloquer la procédure arbitrale, du moins d'en prolonger sensiblement la marche, puisqu'il faudrait alors désigner de nouveaux arbitres et, le cas échéant, refaire tout ou partie de l'instruction.
 
Au demeurant, il existait et il existe toujours, dans le domaine de l'arbitrage interne, une base "légale" établissant pareille compétence du tribunal arbitral. Elle se trouvait, à l'époque, à l'art. 40 al. 4 du concordat sur l'arbitrage du 27 mars 1969 (ci-après: CA ou le Concordat) et a été remplacée, désormais, par l'art. 395 al. 2 CPC, ces deux dispositions prévoyant que, lorsque la sentence est annulée, les arbitres statuent à nouveau. Or, s'agissant de l'arbitrage international, le Tribunal fédéral a indiqué, dans un arrêt publié en 1991 déjà, en se référant à l'art. 40 al. 4 CA et en constatant l'absence de règle correspondante dans la LDIP, qu'il convenait d'appliquer la même règle à ce type d'arbitrage (ATF 117 II 94 consid. 4, 2e § in fine). Il l'a fait, faut-il le préciser pour répondre à une objection de la recourante (recours, n. 111 i let. a), en donnant une portée générale à ce principe jurisprudentiel, sans égard au fait que ledit arrêt concernait une décision incidente par laquelle le tribunal arbitral avait nié à tort sa compétence. Il sied de relever, d'ailleurs, que l'auteur précité, invoqué par la recourante à l'appui de sa thèse, se fonde précisément sur ce précédent pour ranger l'ordre juridique suisse parmi ceux qui admettent le renvoi de la cause au même tribunal arbitral (MOURRE, op. cit., p. 13).
 
3.1.2 Sur le vu des explications qui précèdent, l'argument de la recourante, tiré du fait que le Tribunal fédéral n'a pas ordonné formellement le renvoi de la cause au Tribunal arbitral a quo, dans le dispositif de son arrêt du 16 mai 2011, ne résiste pas à l'examen. Du reste, en s'abstenant de procéder à un tel renvoi, la Ire Cour de droit civil s'est conformée à une pratique bien établie (arrêt 4P.100/2003 du 30 septembre 2003, publié in ATF 130 III 35; arrêt 4P.172/2006 du 22 mars 2007, publié in ATF 133 III 235; arrêt 4A_400/2008 du 9 février 2009; arrêt 4A_600/2010 du 17 mars 2011), à laquelle elle n'a, semble-t-il, dérogé qu'une seule fois (arrêt 4A_433/2009 du 26 mai 2010 consid. 4 et ch. 2 du dispositif).
 
Dès lors, contrairement à l'avis de la recourante, l'absence de renvoi exprès de la cause au Tribunal arbitral dont émanait la sentence annulée ne saurait être interprétée comme une interdiction implicitement signifiée aux arbitres ayant rendu ladite sentence de statuer derechef.
 
3.1.3 Autant que l'on puisse en juger, la solution voulant qu'en cas d'annulation d'une sentence, le Tribunal arbitral déjà saisi du litige reste compétent pour rendre la nouvelle sentence est approuvée par l'ensemble de la doctrine (BERGER/KELLERHALS, op. cit., nos 915a et 1654; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., p. 484, note de pied 567; POUDRET/BESSON, op. cit., n° 835 p. 776; LALIVE/POUDRET/REYMOND, op. cit., n° 3.6 ad art. 191 LDIP; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé - Convention de Lugano, 2011, n° 56 ad art. 191 LDIP; CESARE JERMINI, Die Anfechtung der Schiedssprüche im internationalen Privatrecht, 1997, n° 681). A cet égard, la tentative de la recourante de démontrer que les précédents sur lesquels se fondent les auteurs cités par le Tribunal arbitral sous n. 248 de la sentence attaquée ne seraient pas pertinents n'enlève rien au fait que ces auteurs ont exprimé une opinion concordante à l'appui de ladite solution.
 
3.1.4 Des motifs d'économie de la procédure justifient également la solution critiquée par la recourante. Constituer un nouveau tribunal arbitral, afin qu'il se prononce sur un point précis qui n'a pas été traité dans la sentence annulée, après avoir refait ou complété au besoin l'instruction, irait à l'encontre du principe de célérité et ne ferait que retarder l'issue d'une procédure qui aura souvent débuté depuis quelques années déjà, cela au détriment de la partie qui obtiendra finalement gain de cause.
 
3.1.5 Force est d'admettre, partant, que le Tribunal arbitral s'est estimé, à juste titre, compétent pour se prononcer sur la question qu'il avait omis de trancher dans sa sentence finale du 3 décembre 2010, omission ayant conduit à l'annulation de cette sentence.
 
Au demeurant, le Tribunal fédéral, par la formulation du considérant 4.3.2, dernier paragraphe, de son arrêt du 16 mai 2011 (cf. let. A.c ci-dessus), a clairement laissé entendre que la nouvelle sentence devrait être rendue par les mêmes arbitres. Dans le cas contraire, il va sans dire qu'il ne se serait pas référé aux "arbitres" et à "leur nouvelle sentence", mais, s'agissant d'une question d'importance qu'il n'aurait pas pu passer sous silence, aurait parlé de "nouveaux arbitres", d'un "nouveau Tribunal arbitral à constituer" ou utilisé toute autre expression équivalente. Aussi la recourante n'est-elle pas crédible lorsqu'elle cherche à attribuer une autre signification au passage en question.
 
3.2
 
3.2.1 Dans un second moyen, la recourante reproche au Tribunal arbitral, toujours sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, d'avoir statué extra potestatem en faisant appel à l'équité sans y avoir été autorisé par les parties (cf. art. 187 al. 2 LDIP). Elle fonde son grief sur une phrase extraite de la sentence attaquée (n. 345 b, p. 104) et ainsi libellée:
 
"... l'application de la prescription absolue serait injuste puisqu'il est incontesté, selon ce qui a été démontré plus haut, que l'action en dommages-intérêts ouverte par la Demanderesse n'était elle pas prescrite au moment de l'ouverture de l'action."
 
3.2.2 Le recours pour le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP est ouvert lorsque le tribunal arbitral a statué sur des prétentions qu'il n'avait pas la compétence d'examiner, soit qu'il n'existât point de convention d'arbitrage, soit que celle-ci fût restreinte à certaines questions ne comprenant pas les prétentions en cause (extra potestatem) (ATF 116 II 639 consid. 3 in fine p. 642). Un tribunal arbitral n'est en effet compétent, entre autres conditions, que si le litige entre dans les prévisions de la convention d'arbitrage et que lui-même n'excède pas les limites que lui assignent la requête d'arbitrage et, le cas échéant, l'acte de mission (arrêt 4A_210/2008 du 29 octobre 2008 consid. 3.1).
 
Dans sa jurisprudence relative au Concordat, le Tribunal fédéral avait rattaché l'exercice non autorisé du pouvoir de statuer en équité à l'art. 36 let. b CA, relatif à la compétence du tribunal arbitral (ATF 110 IA 56 consid. 1b p. 57). Le bien-fondé de cette approche, approuvée par une partie de la doctrine (DANIEL LUCIEN BÜHR, Der internationale Billigkeitsschiedsspruch in der privaten Schiedsgerichtsbarkeit der Schweiz, 1993, p. 78 s.; ANDREAS BUCHER, Le nouvel arbitrage international en Suisse, 1988, n° 344; le même, quoique moins affirmatif, in Commentaire romand, préc., n° 55 ad art. 187 LDIP; BERTI/SCHNYDER, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2e éd. 2007, n° 39 ad art. 190 LDIP), a été mis en doute par d'autres auteurs (LALIVE/POUDRET/REYMOND, op. cit., n° 5b ad art. 190 LDIP; RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd. 1993, p. 347; MARKUS WIRTH, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2e éd. 2007, n° 312 ad art. 187 LDIP; BERGER/KELLERHALS, op. cit., no 1556; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n° 651; CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 110 ad art. 77 LTF). Sous l'empire de la LDIP, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir s'il fallait rattacher le vice en question à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, faute d'un grief correspondant (consid. 2, non publié, de l'arrêt reproduit partiellement aux ATF 116 II 634). Saisi du grief de violation de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP à propos du même vice, il a cependant évoqué la possibilité d'annuler la sentence de ce chef au cas où elle aboutirait à un résultat incompatible avec l'ordre public (ATF 116 II 634 consid. 4a p. 637). Puis, dans un arrêt plus récent, il a qualifié de controversée, tout en la laissant indécise, la question de savoir si l'usurpation du pouvoir de statuer en équité est contraire à l'ordre public visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, lorsque la sentence n'aboutit pas à un résultat incompatible avec cet ordre public (arrêt 4A_370/2007 du 21 février 2008 consid. 5.6).
 
L'usurpation du pouvoir de statuer en équité constitue une irrégularité qui n'affecte pas la compétence du tribunal arbitral, mais qui soulève la question des principes juridiques ou de la méthode suivant lesquels le différend opposant les parties doit être tranché (BERGER/KELLERHALS, ibid.). Autrement dit, savoir quelles sont les règles de procédure et de droit de fond que le tribunal arbitral doit appliquer n'est pas un problème de compétence (CORBOZ, ibid.). Le grief correspondant n'est donc pas celui visé par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. Tout au plus relève-t-il de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, encore que ce dernier point soit controversé (cf. BERGER/KELLERHALS, op. cit., nos 1556, p. 448, et 1603, lesquels nient l'applicabilité de cette disposition lorsque le Tribunal arbitral statue en équité sans y avoir été autorisé par les parties). Il n'est cependant pas nécessaire de pousser plus avant l'analyse à cet égard, puisque la recourante n'invoque pas cette dernière disposition à l'appui du grief considéré.
 
Il suit de là que le moyen fondé sur la violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP est irrecevable.
 
Ne l'eût-il pas été qu'il n'aurait, de toute façon, pas pu prospérer. Aussi bien, il ressort clairement de la sentence attaquée (n. 345 a, c, d, e et f, p. 103 à 105), de même que des remarques de l'intimée (réponse, n. 52 à 55), que le Tribunal arbitral s'est fondé sur des considérations d'ordre juridique pour arriver à la conclusion que le délai de prescription de 22 mois prévu à l'art. 12.2, second alinéa, du Contrat n'était pas applicable en l'espèce. En taxant la solution contraire, préconisée par la recourante, d'"injuste", les arbitres n'ont pas quitté le domaine du droit pour entrer dans celui de l'équité. Ils ont simplement entendu renforcer leur argumentation juridique, présentée au paragraphe précédent, dans laquelle ils avaient démontré en quoi ladite solution leur semblait incohérente. La recourante omet du reste de mentionner, en citant le passage topique de la sentence (cf. consid. 3.2.1 ci-dessus), les termes qui établissent le lien entre les deux arguments avancés par le Tribunal arbitral (cf. sentence, n. 345 b, p. 104: "Dans le prolongement de cet argument...").
 
3.3 Cela étant, la recourante a contesté sans succès la compétence du Tribunal arbitral.
 
4.
 
La recourante reproche, par ailleurs, au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue ainsi que l'égalité des parties (art. 190 al. 2 let. d LDIP), et d'avoir également méconnu la bonne foi régissant la procédure (art. 190 al. 2 let. e LDIP), en lui refusant le droit de s'exprimer sur le fond (i.e. sur la question, en suspens, de la prescription absolue de la créance litigieuse), alors qu'elle s'était expressément réservé la possibilité de le faire avant de déposer sa demande de récusation et qu'elle avait renouvelé sa requête ad hoc après le rejet de cette demande par le juge d'appui.
 
Tel qu'il est présenté, ce grief multiforme n'est pas recevable. C'est le lieu de rappeler que le Tribunal fédéral examine uniquement les griefs invoqués et motivés par le recourant (art. 77 al. 3 LTF). Or, sur ce point, le présent recours pèche au niveau de sa motivation. En effet, dans sa sentence du 20 novembre 2011, le Tribunal arbitral a exposé, sous le titre "Mesures d'instruction", les raisons pour lesquelles il considérait qu'il n'était pas nécessaire de donner suite à la requête de la recourante (n. 256 à 258, p. 62 s.). Or, dans son recours, cette dernière laisse intacts les arguments développés par les arbitres à cet égard, se contentant, pour l'essentiel, d'indiquer ce qu'elle aurait pu faire valoir pour étayer son exception de prescription, si elle avait eu la possibilité de se déterminer sur le fond. Sa réplique, il est vrai, contient une référence au n. 257 de la sentence attaquée et un embryon de critique de la position du Tribunal arbitral sur le point de procédure controversé (n. 42 à 44 p. 15 s.). Toutefois, une telle écriture n'a pas pour objet de permettre à une partie d'invoquer des moyens qu'elle n'a pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours, non prolongeable (art. 47 al. 1 LTF), fixé par l'art. 100 al. 1 LTF (cf. arrêt 4A_652/2011 du 7 mars 2012 consid. 3.2), ou de compléter hors délai une motivation, sinon inexistante, du moins insuffisante pour que le Tribunal fédéral puisse admettre la recevabilité du grief considéré.
 
Dans ces conditions, il n'est pas possible d'entrer en matière sur les griefs relatifs à la procédure suivie par le Tribunal arbitral après la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mai 2011.
 
5.
 
5.1 En dernier lieu, la recourante reproche au Tribunal arbitral, pour reprendre ses propres termes, d'avoir "dénaturé la loi ainsi que le but et la portée de la clause contractuelle de prescription absolue, conduisant à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice et de la bonne foi (Article 190 al. 2 let. e LDIP) et le principe de l'égalité de traitement (Article 190 al. 2 let. d LDIP)" (recours, p. 50).
 
A l'appui de cet ultime moyen, la recourante cite trois précédents relatifs, l'un, à l'interprétation d'un règlement communal en matière de plan d'extension (ATF 108 IA 74 consid. 4c), les deux autres, à l'interprétation des contrats en droit français (arrêt 4P.119/2006 du 11 juillet 2006 consid. 3.1.2) et en droit suisse (ATF 111 II 284 consid. 2 p. 287). Elle en fait ressortir les termes "dénaturer" et "dénaturation" qui s'y trouvent, en définissant la dénaturation, par référence au deuxième arrêt cité, comme "la méconnaissance du sens clair et précis d'un écrit" (recours, n. 136 p. 51). Selon elle, cette notion s'inscrirait précisément dans le cadre des griefs de violation de l'ordre public procédural ou du droit à l'égalité de traitement, la dénaturation ayant pour effet de heurter tant le sentiment de la justice que ce droit-là, et dans celui de violation de l'ordre public matériel, la dénaturation d'un contrat revenant à trahir la confiance des parties et à méconnaître le principe de la bonne foi.
 
Appliquant ces principes au cas concret, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir dénaturé aussi bien la loi que le contrat: la première, en appliquant la prescription de dix ans à l'action en dommages-intérêts de l'acheteur, alors qu'il aurait dû appliquer l'art. 210 CO (prescription annale) en tout état de cause; le second, en substituant indûment le terme "réception" à l'expression "embarquement du matériel" et en tirant des conclusions erronées des trois prolongations de garantie octroyées par elle à l'intimée.
 
5.2
 
5.2.1 Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement incapables (ATF 132 III 389 consid. 2.2.1). S'agissant plus particulièrement de la fidélité contractuelle, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par ce principe, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. Le Tribunal fédéral a souligné à maintes reprises que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe pacta sunt servanda (arrêt 4A_46/2011 du 16 mai 2011 consid. 4.2.1).
 
Par son argumentation, la recourante tente de contourner cette jurisprudence solidement établie en forgeant de toutes pièces un nouveau concept - la dénaturation - qu'elle cherche à assimiler à la notion spécifique d'ordre public de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. Pareille tentative est d'emblée vouée à l'échec. En réalité, la dénaturation, selon le sens que lui attribue la recourante (cf. consid. 5.1, 2e al., ci-dessus), s'apparente tout au plus à l'arbitraire dans l'interprétation ou l'application de la loi ou du contrat et n'a ainsi rien à voir avec cette notion-là. C'est dire que le Tribunal arbitral, quand bien même il aurait interprété ou appliqué de manière insoutenable les dispositions pertinentes de la loi entrant en ligne de compte (i.c. les art. 97, 201 et 210 CO) ou les clauses topiques du Contrat, notamment en ne se fondant pas sur les règles de droit censées régir la question litigieuse ou en confondant des termes distincts figurant dans une clause contractuelle, ne saurait se voir imputer une violation de l'ordre public matériel au sens restrictif que lui donne la jurisprudence y relative.
 
5.2.2 Quant à l'ordre public procédural (sur cette notion, cf. l'ATF 132 III 389 consid. 2.2.1), il ne constitue qu'une garantie subsidiaire (cf. consid. 2.3 ci-dessus). Par conséquent, la recourante ne saurait en déplorer la violation pour soumettre à l'examen du Tribunal fédéral les mêmes arguments que ceux qu'elle lui a présentés en vain sous l'angle de la violation de l'ordre public matériel.
 
Enfin, la recourante ne démontre pas en quoi les reproches qu'elle adresse au Tribunal arbitral dans ce contexte impliqueraient une violation de l'égalité des parties et tomberaient sous le coup de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. Cette branche du moyen examiné est, partant, irrecevable.
 
6.
 
Force est, en définitive, de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable.
 
Dès lors, la conclusion de la recourante tendant à ce que le Tribunal fédéral récuse les membres du Tribunal arbitral devient sans objet. Il en va de même de la requête d'effet suspensif formulée dans le recours.
 
7.
 
Succombant, la recourante devra payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à son adverse partie (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 25'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 30'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral ad hoc.
 
Lausanne, le 2 mai 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: Klett
 
Le Greffier: Carruzzo
 
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