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Informationen zum Dokument  BGer 2C_819/2011  Materielle Begründung
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BGer 2C_819/2011 vom 20.04.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
2C_819/2011
 
Arrêt du 20 avril 2012
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Zünd, Président,
 
Aubry Girardin, et Berthoud, Juge suppléant.
 
Greffière: Mme Cavaleri Rudaz.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représentée par Maître Laurent Kyd, avocat,
 
Etude Borel et Barbey,
 
recourante,
 
contre
 
Administration fiscale cantonale genevoise,
 
Objet
 
Impôt sur les gains immobiliers,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
 
du canton de Genève,
 
Chambre administrative, 1ère section,
 
du 30 août 2011.
 
Faits:
 
A.
 
X.________, domiciliée dans le canton de Vaud, travaillait en 2004 en qualité de secrétaire à mi-temps auprès de l'entreprise familiale Y.________ SA (ci-après : la société), sise à A.________ (VD), dont le but social est l'exploitation d'une entreprise de bâtiment et d'une entreprise générale de construction. Elle est titulaire de cinq actions, correspondant au 5 % du capital social de cette société, dont ses parents, B.________ et C.________, sont respectivement président et secrétaire du Conseil d'administration.
 
En 1994, X.________ a reçu de son père, en donation, à titre d'avancement d'hoirie, la parcelle non construite N° 1733 sur la commune de D.________ (GE). Ladite parcelle, ainsi que la parcelle adjacente N° 1735, acquise par la société le 23 juin 2003, ont fait l'objet en 2003 d'une réunion parcellaire dont furent notamment issues, après morcellement, les parcelles N°s 4791, 4792 et 4793, vendues respectivement les 12 janvier 2004 (vente à terme), 16 avril 2004 et 4 novembre 2003 (vente à terme).
 
B.
 
En date du 24 avril 2007, l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après : l'Administration fiscale cantonale) a adressé à X.________, au titre de la taxation cantonale et communale 2004, un bordereau d'impôt de 165'297 fr. 30, calculé notamment sur la base d'un revenu imposable de 543'035 fr., incluant le bénéfice réalisé par la vente des trois parcelles sises à D.________, considéré comme revenu d'une activité indépendante.
 
Par décision sur réclamation du 24 avril 2008, l'Administration fiscale cantonale a confirmé la taxation du 24 avril 2007 au motif que la vente des parcelles en cause devait être qualifiée de professionnelle.
 
Le 28 mai 2008, X.________ a interjeté recours contre la décision précitée du 24 avril 2008 auprès de la Commission cantonale de recours en matière d'impôts du canton de Genève, devenue depuis le 1er janvier 2009 la Commission cantonale de recours en matière administrative puis, dès le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance. Par jugement du 28 mars 2011, ce tribunal a rejeté le recours. Il a considéré, en bref, que la réunion des parcelles N°s 1733 et 1735, puis le remorcellement et l'équipement des parcelles ainsi valorisées, en association avec une société active dans le domaine de l'immobilier, permettaient de conclure que la contribuable avait agi comme un professionnel de l'immobilier.
 
C.
 
Saisie d'un recours dirigé par X.________ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 mars 2011, la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section (ci-après : la Cour de justice) l'a rejeté, par arrêt du 30 août 2011. Elle a retenu, en substance, que l'opération réalisée avait été planifiée avec soin, dans le cadre d'une société simple constituée avec une société active dans le domaine de l'immobilier dont la contribuable était salariée et actionnaire et que ces éléments suffisaient à conférer à l'intéressée la qualité de professionnelle de l'immobilier, même si elle n'avait réalisé qu'une seule opération de ce type, qu'elle avait été propriétaire du terrain en cause pendant dix ans et qu'elle ne disposait pas d'une formation technique ou professionnelle la prédestinant à une telle activité.
 
D.
 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 30 août 2011, ainsi que le bordereau d'impôt cantonal et communal 2004, et d'inviter l'Administration fiscale cantonale à lui notifier un bordereau d'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers suite à la cession des parcelles en cause. Elle se plaint d'une violation du droit cantonal et du droit fédéral harmonisé en matière d'impôt sur les gains immobiliers et requiert l'effet suspensif au recours.
 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de l'arrêt attaqué. L'Administration fiscale cantonale et l'Administration fédérale des contributions concluent au rejet du recours.
 
Dans ses observations du 16 janvier 2012, X.________ a confirmé les conclusions du recours.
 
E.
 
Par ordonnance du 7 octobre 2011, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que, sous réserve des exigences légales de motivation et des motifs exposés ci-dessous (consid. 2), la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte. La recourante étant destinataire de l'arrêt attaqué, elle a qualité pour recourir (art. 89 LTF).
 
2.
 
L'arrêt attaqué et les conclusions du recours ne concernent que les impôts cantonaux et communaux 2004. Selon l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Par conséquent, il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale.
 
D'après l'art. 106 al. 2 LTF en revanche, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ces griefs ont été invoqués et motivés. Il en va de même lorsque les dispositions de la loi sur l'harmonisation fiscale laissent une certaine marge de manoeuvre aux cantons, l'examen de l'interprétation du droit cantonal étant alors limité à l'arbitraire (ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209 s.). Dans ces conditions, l'art. 106 al. 2 LTF exige que l'acte de recours contienne, à peine d'irrecevabilité, un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et précise en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 134 I 65 consid. 1.3 p. 67; 134 V 138 consid. 2.1 p. 143).
 
3.
 
Le litige porte, en droit cantonal genevois, sur la qualification du bénéfice réalisé par la recourante à la suite de la vente des parcelles Nos 4791, 4792 et 4793 de la commune de D.________. Selon l'Administration fiscale cantonale, cette vente a généré un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante imposable au titre du revenu. Pour sa part, la recourante soutient qu'elle n'a bénéficié que d'un gain privé en capital, exclusivement soumis à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.
 
3.1 Selon l'art. 2 de la loi cantonale genevoise sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 - (aLIPP - IV), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 et applicable à la période fiscale 2004, sont imposables, au titre du produit de l'activité lucrative indépendante, les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation, de la réévaluation comptable ou du transfert dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable à l'étranger d'éléments de la fortune commerciale. Cette disposition correspond à l'art. 8 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14), dont la teneur est similaire à l'art. 18 al. 2 de la loi fédérale du 12 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).
 
L'impôt sur les gains immobiliers est réglementé, en droit cantonal genevois, aux art. 80 ss de la loi générale du canton de Genève sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP; RS/GE D 3 05) et, au plan fédéral, au chapitre 3 de la LHID. Selon l'art. 12 al. 1 LHID, l'impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable ou d'un immeuble agricole ou sylvicole à condition que le produit de l'aliénation soit supérieur aux dépenses d'investissement.
 
3.2 Selon la jurisprudence, la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) ou un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), dépend des circonstances concrètes du cas (cf. arrêts 2C_349/2009 du 16 novembre 2009 consid. 4.1.2; 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2). La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète toutefois largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés d'impôt ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si l'activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêts 2C_454/2011 et 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 5.1 et les références citées). Les éléments patrimoniaux utilisés pour l'accomplissement d'une activité lucrative indépendante sont pour leur part considérés comme des actifs commerciaux (cf. ATF 125 II 113 consid. 6c/bb p. 126 s.).
 
C'est avant tout en lien avec les transactions effectuées par les particuliers sur des immeubles ou sur des titres que la jurisprudence a été amenée à dégager des critères permettant de tracer la limite entre les gains (privés) en capital et les bénéfices (commerciaux) en capital (arrêt 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2). Elle a notamment considéré que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée les éléments suivants: le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur (re)vente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. On peut aussi mentionner l'utilisation effective du bien et le motif de son aliénation. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire même - exceptionnellement - isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante (arrêts 2C_454/2011 et 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 5.1 et les références citées). En outre, l'absence d'éléments typiques d'une telle activité dans un cas concret peut être relativisée par d'autres circonstances revêtant une intensité particulière (cf. ATF 125 II 113 consid. 3c p. 118 et 6a p. 124; arrêt 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2). En tout état, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes, telles qu'elles se présentent au moment de l'aliénation (arrêts 2C_454/2011 et 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 5.1 et les références citées).
 
3.3 Dans le cas d'espèce, la Cour de justice a retenu que l'opération litigieuse avait été unique, qu'elle avait porté sur un immeuble dont la recourante avait été propriétaire pendant dix ans et que celle-ci ne disposait pas d'une formation technique ou professionnelle la prédestinant à une activité indépendante de professionnelle de l'immobilier. Elle a donc admis qu'au regard de ces critères, l'opération litigieuse relevait de l'administration de la fortune privée de l'intéressée. Pour le surplus, il ressort du dossier que la recourante n'a pas procédé de manière systématique, en vue de la réalisation rapide d'un bénéfice, notamment au travers de démarches publicitaires, visant à tirer profit de la conjoncture favorable du marché immobilier. L'immeuble en cause lui a été remis à titre d'avancement d'hoirie et elle n'a pas engagé personnellement de fonds étrangers en vue de la valorisation du terrain reçu à titre gratuit. En outre, la recourante n'a pas réinvesti le bénéfice réalisé au travers de la vente des parcelles litigieuses. Ces circonstances accréditent la thèse de la recourante selon laquelle on ne se trouve pas en présence d'un commerce professionnel d'immeubles relevant d'une activité lucrative indépendante. Il reste donc à déterminer si la constitution de la société simple entre la recourante et la société Y.________ SA, active dans le domaine de l'immobilier, dont la recourante est salariée et actionnaire, en vue de la valorisation des parcelles en cause et de leur vente suffit à conférer au bénéfice réalisé par la recourante la qualité de revenu provenant d'une activité indépendante.
 
S'il est vrai que les liens unissant la recourante à la société dépassent le cadre du simple contrat de travail, il ne faut pas perdre de vue que la recourante, âgée de 32 ans en 2004, n'exerçait qu'une activité de secrétaire à mi-temps, pour un gain annuel brut de 19'045 francs. Elle n'était en outre titulaire que du 5 % du capital social de la société. La recourante n'exerçait donc aucun rôle dirigeant et, comme on l'a vu, ne disposait pas de connaissances spécifiques dans le commerce d'immeubles. En l'absence des compétences requises à cet effet, elle n'a joué aucun rôle actif dans l'acquisition par la société de la parcelle N° 1735 sise à D.________, de la réunion de celle-ci avec sa propre parcelle (N° 1733), du morcellement des surfaces ainsi réunies et de l'équipement des terrains en vue de leur vente. Elle a uniquement profité de la mise en valeur de sa parcelle par un tiers, certes versé dans les affaires immobilières, mais sans implication personnelle de sa part. Sa situation est comparable à celle de la contribuable ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral du 1er mars 2010 (causes 2C_403/2009 et 2C_404/2009 précitées) dans la mesure où elle n'a eu qu'un rôle secondaire dans le cadre d'une opération immobilière conçue et réalisée par un tiers, en dehors de tout procédé systématique et planifié de sa part. Il faut admettre, dans ces conditions, que l'implication limitée de la recourante dans la valorisation et la vente des parcelles litigieuses ne suffit pas à contrebalancer les autres éléments du dossier (opération unique, durée de la possession relativement longue, absence de connaissances techniques ou professionnelles spécifiques, d'engagement de fonds propres et de réinvestissement) permettant de considérer qu'elle n'a pas dépassé le cadre de l'administration courante de sa fortune privée.
 
4.
 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et que l'arrêt de la Cour de justice du 30 août 2011 doit être annulé.
 
La cause sera renvoyée à l'Administration fiscale cantonale pour une nouvelle taxation dans le sens des considérants.
 
Vu l'issue du recours, le canton de Genève supportera les frais judiciaires (art. 66 LTF) et versera à la recourante une indemnité à titre de dépens pour la procédure fédérale (art. 68 LTF). Le Tribunal fédéral ne fera pas usage de la faculté prévue aux art. 67 et 68 al. 5 LTF et renverra la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur les frais et dépens de la procédure suivie devant elle.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis.
 
2.
 
L'arrêt de la Cour de justice du 30 août 2011 est annulé. La cause est renvoyée à l'Administration fiscale cantonale pour une nouvelle taxation dans le sens des considérants.
 
3.
 
L'affaire est renvoyée à la Cour de Justice afin qu'elle fixe à nouveau les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle.
 
4.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du canton de Genève.
 
5.
 
Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale.
 
6.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section et à l'Administration fiscale du canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions.
 
Lausanne, le 20 avril 2012
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
La Greffière: Cavaleri Rudaz
 
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