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Informationen zum Dokument  BGer 6B_326/2011  Materielle Begründung
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BGer 6B_326/2011 vom 14.02.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_326/2011
 
Arrêt du 14 février 2012
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Mathys, Président,
 
Jacquemoud-Rossari et Denys.
 
Greffier: M. Rieben.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Me Michel Dupuis, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
1. Ministère public du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
 
2. Y.________ SA,
 
représentée par Me Nicolas Perret, avocat,
 
intimés.
 
Objet
 
Paiement d'une créance compensatrice; levée d'un séquestre,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, du 21 mars 2011.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 22 juin 2010, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu X.________ coupable d'abus de confiance portant sur des valeurs patrimoniales (art. 138 ch. 1 al. 2 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, avec sursis et délai d'épreuve de quatre ans. Le Tribunal de police a en outre condamné X.________ à verser à Y.________ SA la somme de 265'781,85 francs, avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2004, ainsi qu'au paiement à l'Etat de Genève d'une créance compensatrice d'un même montant, qu'il a allouée à Y.________ SA. Enfin, il a ordonné le séquestre, en garantie de cette créance compensatrice, de parts sur deux immeubles sis à A.________ et à B.________ dont X.________ est copropriétaire ainsi que d'un véhicule.
 
B.
 
Saisie d'un appel du condamné, circonscrit à la question de la créance compensatrice et du séquestre, la Chambre pénale de la Cour de Justice a confirmé le jugement attaqué par arrêt du 21 mars 2011.
 
C.
 
X.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à la réforme de la décision entreprise en ce sens qu'il ne soit pas condamné au paiement d'une créance compensatrice à l'Etat de Genève et, en conséquence, à ce que le séquestre prononcé soit levé; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.
 
Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale de la Cour de Justice a indiqué qu'elle se référait aux considérants de son arrêt et le Ministère public a déposé une réponse aux termes de laquelle il a conclu au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Les décisions en matière de confiscation sont des décisions pénales (art. 78 al. 1 LTF; arrêt 6B_17/2011 du 18 juillet 2011 consid. 1 et les réf. citées; cf. aussi ATF 126 I 97 consid. 1a p. 100). Dirigé par l'auteur de l'infraction contre le prononcé de la créance compensatrice, à l'exclusion de la décision d'allocation, le recours est recevable à cet égard (cf. Niklaus Schmid, Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, Band I, 2ème éd., 2007, n. 155 ad art. 70-72 CP; n. 82 ad art. 73 CP).
 
1.2 Aux termes de l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. D'après l'art. 99 al. 1 LTF, la partie recourante n'est pas recevable à introduire des faits nouveaux, à moins que cela ne s'impose en raison des motifs de la décision attaquée. Le recourant affirme que, par le biais d'une saisie de salaire, il s'acquitte depuis le mois de décembre 2010 d'un montant mensuel de 800 francs à titre de paiement de sa dette à l'égard de l'intimée. Cette constatation ne ressort pas du dossier cantonal et le recourant ne soutient pas que la décision de l'autorité précédente a rendu ce fait pertinent. Il n'est dès lors pas recevable à s'en prévaloir.
 
2.
 
Le recourant conteste sa condamnation au paiement d'une créance compensatrice et le prononcé du séquestre.
 
2.1 L'art. 70 al. 1 CP autorise le juge à confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Inspirée de l'adage selon lequel "le crime ne paie pas", cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 132 II 178 consid. 4.1 p. 178; 129 IV 322 consid. 2.2.4 p. 327; 117 IV 107 consid. 2a p. 110). Lorsque les valeurs à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne, selon l'art. 71 CP, leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent dont le but est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 124 I 6 consid. 4b/bb p. 8 s.; 123 IV 70 consid. 3 p. 74). Afin d'assurer l'exécution de la créance compensatrice, le séquestre d'éléments du patrimoine peut être ordonné en vertu de l'art. 71 al. 3 CP. A la différence du séquestre pénal traditionnel, les effets de ce séquestre conservatoire sont maintenus, une fois le jugement en force, jusqu'à son remplacement par une mesure du droit des poursuites. Cette mesure provisoire et purement conservatoire tend à éviter que le débiteur de la créance compensatrice ne dispose de ses biens pour les soustraire à l'action future du créancier (Message du 30 juin 1993 du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire - révision du droit de la confiscation, punissabilité de l'organisation criminelle, droit de communication du financier, FF 1993 III 305). Enfin, le juge peut allouer au lésé, à sa demande, jusqu'à concurrence des dommages-intérêts fixés judiciairement, le montant de l'amende payée par le condamné, les objets et valeurs confisqués et les créances compensatrices, à la condition que le lésé cède à l'Etat une part correspondante de sa créance (art. 73 al. 1 et 2 CP).
 
2.2 Le recourant ne soutient pas qu'une créance compensatrice ne pouvait être prononcée au motif que les conditions de l'art. 71 CP ne seraient pas réunies. Il ne conteste pas davantage que les biens qui ont été séquestrés pouvaient, en eux-mêmes, faire l'objet d'une telle mesure. Il fait en revanche valoir qu'il a été condamné à payer à l'intimée des dommages-intérêts à hauteur de 265'781,85 francs ainsi qu'une créance compensatrice d'un même montant et qu'il est dès lors exposé au risque de devoir payer deux fois cette somme. Ainsi, à moins que l'arrêt entrepris ne vise à substituer la créance compensatrice à la créance de l'intimée, ce qu'il conviendrait alors de préciser, celui-ci devrait être réformé en ce sens qu'il n'est pas condamné à payer la créance compensatrice et que le séquestre destiné à la garantir est levé.
 
Le Ministère public soutient pour sa part, aux termes de sa réponse au recours, que la cession, par la partie civile, de sa créance vise à éviter que le condamné ne paie deux fois et qu'elle ne confère pas une nouvelle créance contre le condamné à l'Etat de Genève. Celui-ci a par ailleurs cédé à l'intimée la créance compensatrice qu'il détenait.
 
2.3
 
2.3.1 Alors que la confiscation tend à priver l'auteur de l'infraction de l'avantage illicite qu'il en a retiré, afin de lui enlever toute rentabilité, la créance en dommages-intérêts tend à réparer le dommage civil causé à la victime. Ces deux mesures ne visent donc pas le même but. Le mécanisme d'allocation de la créance compensatrice au lésé s'il cède une part correspondante de sa créance en dommages-intérêts prévu par l'art. 73 CP suppose nécessairement l'existence de deux créances. Selon la jurisprudence, il y a lieu de renoncer à la confiscation uniquement lorsque le dommage civil a été réparé, puisque ce n'est que lorsque le condamné s'est acquitté de sa dette envers le lésé qu'il ne retire pas d'avantage de son infraction. La simple admission des prétentions que celui-ci a fait valoir n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 117 IV 107 consid. 2a p. 110). Il en résulte que lorsqu'il n'a pas réparé le dommage qu'il a causé au lésé, l'auteur de l'infraction peut être condamné au paiement tant de dommages-intérêts que d'une créance compensatrice.
 
Il ne peut cependant être tenu de restituer deux fois l'avantage illicite qu'il a retiré de l'infraction (Florian Baumann, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2ème éd., 2007, n. 35 ad art. 70/71 CP; Niklaus Schmid, op. cit., n. 41 ad art. 73 CP; Stefan Trechsel/Marc Jean-Richard, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, n. 9 ad art. 70 CP; Denis Piotet, Les effets civils de la confiscation pénale, 1995, p. 55). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré, dans un cas où l'autorité cantonale avait renoncé à prononcer une confiscation après avoir admis, sur le principe, les prétentions civiles du lésé, qu'afin de sauvegarder l'intérêt de l'Etat à la suppression de l'avantage illicite et celui de l'auteur à ne pas le payer deux fois, le juge pouvait ordonner la confiscation sous réserve de restitution à l'auteur au cas et dans la mesure où il avait réparé le dommage causé au lésé (ATF 117 IV 107 consid. 2b p. 111). L'allocation de la créance compensatrice au lésé à la condition qu'il cède à l'Etat une part correspondante de sa créance en dommages-intérêts n'a en revanche pas pour effet d'empêcher que l'auteur de l'infraction doive restituer deux fois l'avantage illicite qu'il a retiré de celle-ci. Elle ne le libère pas du paiement de la créance compensatrice ou de celle en dommages-intérêts. Elle permet, tout au plus, d'éviter que le lésé puisse s'enrichir en obtenant le paiement de l'une et de l'autre.
 
2.3.2 En l'espèce, le recourant n'a en l'état pas dédommagé l'intimée. Il conserve ainsi un profit résultant de son infraction. La cour cantonale pouvait donc le condamner, sans violer le droit fédéral, au paiement de dommages-intérêts à l'intimée à hauteur de 265'781,85 francs ainsi que d'une créance compensatrice d'un même montant. L'autorité cantonale était par conséquent également en droit d'ordonner le séquestre de biens dont le recourant est propriétaire afin de garantir la créance compensatrice. Le recours est rejeté en tant qu'il visait à l'annulation du prononcé de cette créance et à la levée du séquestre.
 
2.3.3 Cela étant, la décision attaquée ne prévoit aucun dispositif tendant à éviter que le recourant ne doive s'acquitter aussi bien de la créance compensatrice que de celle en dommages-intérêts. Le recourant est ainsi exposé au risque qu'il mentionne, à savoir devoir payer deux fois le montant de 265'781,85 francs. Sur ce point, la décision attaquée viole le droit fédéral. Le recours doit être admis dans cette mesure et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle complète sa décision à cet égard.
 
3.
 
Le recourant a requis l'assistance judiciaire. Cette requête est sans objet dans la mesure où il obtient gain de cause et il peut, à ce titre, prétendre à des dépens réduits (art. 64 al. 2 et 68 al. 1 LTF). Le recours était, pour le surplus, dénué de chance de succès, si bien que l'assistance judiciaire doit être refusée dans cette mesure (art. 64 al. 1 LTF). Vu l'issue du litige, le recourant supporte une part des frais de la cause. Le point sur lequel le recourant obtient gain de cause étant, par ailleurs, sans incidence sur le droit de la partie civile intimée à obtenir la réparation intégrale de son dommage, ce qui explique qu'elle n'ait pas été invitée à se déterminer, il n'y a pas lieu de mettre des frais à la charge de cette dernière (art. 66 al. 1 LTF), ni de lui allouer des dépens. Le Ministère public ne supporte pas de frais non plus (art. 66 al. 4 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est partiellement admis et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle complète sa décision dans le sens des considérants. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La part des frais judiciaires mise à la charge du recourant est arrêtée à 1'000 fr., le solde demeurant à la charge de l'Etat.
 
3.
 
Le canton de Genève versera en main du conseil du recourant la somme de 1500 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée dans la mesure où elle n'est pas sans objet.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale.
 
Lausanne, le 14 février 2012
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Mathys
 
Le Greffier: Rieben
 
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