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Informationen zum Dokument  BGer 1C_557/2011  Materielle Begründung
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BGer 1C_557/2011 vom 08.02.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1C_557/2011
 
Arrêt du 8 février 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Eusebio et Chaix.
 
Greffière: Mme Tornay Schaller.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Caritas Genève, Bureau de consultations juridiques,
 
recourant,
 
contre
 
Office fédéral des migrations, Division Nationalité, Quellenweg 6, 3003 Berne.
 
Objet
 
Annulation de la naturalisation facilitée,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 27 octobre 2011.
 
Faits:
 
A.
 
Le 23 février 1998, A.________, ressortissant libanais né en 1968, a déposé une demande d'asile en Suisse. Le 18 mai 1998, il a épousé B.________, ressortissante suisse, de dix-sept ans son aînée. Il s'est ainsi vu délivrer une autorisation de séjour et a retiré sa demande d'asile.
 
Le 25 février 2003, A.________ a déposé une demande de naturalisation facilitée fondée sur son mariage. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, les époux ont contresigné, 13 juillet 2005, une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation, ni divorce. Leur attention a été attirée sur le fait que la naturalisation facilitée ne pouvait pas être octroyée lorsque, avant ou pendant la procédure de naturalisation, l'un des époux demandait le divorce ou la séparation, ou lorsque la communauté conjugale effective n'existait plus. La déclaration signée précisait en outre que si cet état de fait était dissimulé, la naturalisation facilitée pouvait être annulée dans les cinq ans.
 
Par décision du 29 septembre 2005, l'Office fédéral des migrations (ci-après: l'ODM) a accordé la naturalisation facilitée à A.________.
 
B.
 
Les époux ont vécu séparément depuis le 6 mars 2006. Ils ont contresigné une requête commune de divorce le 23 juin 2006, laquelle a été introduite auprès du Président du Tribunal d'arrondissement II de Bienne-Nidau le 4 octobre 2006. Par jugement rendu le 12 juin 2007, cette autorité a prononcé la dissolution du mariage des prénommés.
 
Le 18 octobre 2007, le prénommé a épousé une ressortissante libanaise de onze ans sa cadette. Un enfant est né de cette union en juin 2009.
 
Le 19 décembre 2008, l'ODM a informé le prénommé qu'il allait examiner la possibilité d'ouvrir une procédure en annulation de sa naturalisation facilitée et l'a invité à se déterminer. Par courriers des 1er février et 26 mars 2009, A.________ a notamment répondu que son épouse l'avait obligé à quitter le domicile conjugal et avait pris seule l'initiative d'une procédure de divorce.
 
Sur réquisition de l'ODM, l'ex-épouse du prénommé a indiqué, le 16 mars 2009, qu'elle avait engagé la procédure de divorce après huit ans de vie commune, en raison de leur différence d'âge et du caractère divergent de leurs intérêts personnels. Entendue le 8 avril 2009 par l'autorité cantonale compétente, B.________ a expliqué en particulier que l'initiative du mariage venait d'elle, que leur vie de couple s'était déroulée normalement jusqu'en 2001, année au cours de laquelle elle avait été hospitalisée pour une tumeur aux intestins; elle était alors devenue irritable, refusant de se laisser approcher par son époux ou d'autres personnes; au moment de la naturalisation, leur union conjugale était stable; durant la période qui s'était écoulée entre le moment où son époux avait été naturalisé et celui où était intervenue leur séparation, son état de santé s'était aggravé, de sorte qu'elle ne pouvait presque plus rien entreprendre et restait la plupart du temps à la maison, se déplaçant avec un déambulateur; leur séparation était en substance le fruit d'un lent processus de dégradation de leurs relations due à ses nombreux problèmes de santé.
 
Dans le délai imparti à cet effet, A.________ a déclaré n'avoir rien à ajouter aux déclarations de son ex-épouse.
 
C.
 
Par décision du 14 octobre 2009, l'ODM a prononcé, avec l'assentiment de l'autorité cantonale compétente, l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à A.________. En substance, il a retenu que l'octroi de la naturalisation facilitée s'était fait sur la base de déclarations mensongères, voire de dissimulation de faits essentiels.
 
Le Tribunal administratif fédéral a confirmé la décision de l'ODM dans un arrêt rendu le 27 octobre 2011. Il a considéré en particulier que l'enchaînement rapide des événements fondait la présomption que la communauté conjugale des intéressés n'était plus étroite et effective au moment de la signature de la déclaration commune, les éléments avancés par A.________ n'étant pas suffisants pour renverser cette présomption.
 
D.
 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral. L'ODM et le Tribunal administratif fédéral ont renoncé à se déterminer.
 
E.
 
Par ordonnance du 23 janvier 2012, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif, présentée par le recourant.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Dirigé contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
 
2.
 
Le recourant conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères et reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation dans l'examen des éléments fondant le retrait de la naturalisation et d'avoir ainsi rendu une décision arbitraire et contraire au but de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN; RS 141.0).
 
2.1 Conformément à l'art. 41 al. 1 LN dans sa teneur jusqu'au 1er mars 2011 et à l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (RS 172.213.1), l'Office fédéral des migrations peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ans une naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels.
 
2.1.1 Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 132 II 113 consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêt 1C_406/2009 du 28 octobre 2009 consid. 3.1.1 et l'arrêt cité). La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1 p. 115; 128 II 97 consid. 4a p. 101 et les arrêts cités).
 
D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 130 II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49 consid. 2b p. 52).
 
2.1.2 La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par renvoi de l'art. 19 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA; RS 172.021]). Ce principe vaut également devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet dans certaines circonstances que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique, lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 130 II 482 consid. 3.2 p. 485). Partant, si l'enchaînement rapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption en raison, non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA ; cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 132 II 113 consid. 3.2 p. 115 s.), mais encore de son propre intérêt (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485 s.).
 
S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il a signé la déclaration (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 165 s. et les arrêts cités).
 
2.1.3 En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le laps de temps relativement court entre la déclaration commune (juillet 2005), l'octroi de la naturalisation facilitée (septembre 2005), la séparation du couple (mars 2006), le jugement de divorce (juin 2007) et le remariage du recourant avec une ressortissante libanaise (octobre 2007) fondait la présomption que le couple n'envisageait déjà plus une vie future partagée lors de la signature de la déclaration commune et que la naturalisation facilitée avait été obtenue frauduleusement. Le recourant ne conteste aucun de ces éléments, lesquels sont propres à fonder la présomption que sa naturalisation a été obtenue frauduleusement.
 
Conformément à la jurisprudence précitée, il s'agit donc uniquement de déterminer si l'intéressé est parvenu à renverser cette présomption en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune.
 
2.1.4 Pour expliquer une soudaine dégradation du lien conjugal six mois après l'octroi de la naturalisation, le recourant se borne à affirmer, de manière appellatoire de surcroît, que la situation médicale de son ex-épouse s'est dégradée durant cette période, de sorte que "le couple a pris conscience que leur avenir se déroulerait dorénavant séparément". Nonobstant le fait que cet élément ne permet pas d'établir qu'en juillet 2005, au moment de la signature de la déclaration commune, l'harmonie existait toujours au sein du couple au point d'envisager la continuation de leur vie maritale pour une période durable, le recourant perd de vue que le Tribunal administratif fédéral a retenu que le certificat médical établi le 29 octobre 2009 par un médecin généraliste ne fournissait aucune explication médicale propre à démontrer que l'affection dont souffrait l'ex-épouse se serait dégradée de manière extrêmement rapide entre le moment de la signature de la déclaration commune et la date de la séparation des ex-époux, au point d'exercer une influence sur leur vie de couple, tous deux disant former une communauté de vie conjugale intacte et stable à peine quelques mois auparavant. L'argument du recourant manque donc de pertinence, ce d'autant plus que l'intéressé ne nie pas que les difficultés conjugales entre les époux avaient commencé quelques années plus tôt, notamment depuis l'opération subie par son ex-épouse en 2001. Ce dernier élément tend d'ailleurs plutôt à renforcer la présomption établie par l'instance précédente.
 
Au demeurant, le fait que le recourant ait continué à soutenir son ex-épouse malade, qu'il ne l'ait jamais trompée et qu'il ait toujours travaillé est sans incidence sur le présent litige, puisqu'on ne voit pas en quoi il serait en mesure d'établir que les ex-époux formaient une communauté stable lors de la signature de la déclaration commune. De même, le fait - dont se prévaut le recourant - que le mariage était sincère est sans pertinence pour l'examen de la question de savoir s'il y a eu obtention frauduleuse de naturalisation au sens de l'art. 41 LN, vu la jurisprudence susmentionnée. Enfin, nonobstant le fait que les époux ont déposé une requête commune de divorce, il importe peu pour l'issue de la cause que l'ex-épouse ait été à l'origine de la procédure de séparation.
 
On ne voit pas non plus en quoi le Tribunal administratif fédéral aurait violé "le respect de la vie privée de l'intéressé", en retenant que le remariage du recourant avec une femme plus jeune, quatre mois après le prononcé du divorce, était un indice du fait que la stabilité requise du mariage n'existait déjà plus au moment de la signature de la déclaration commune.
 
Pour le reste, l'intéressé se contente de critiquer les éléments que l'instance précédente a retenus, non pas pour établir la présomption de fait, mais pour la renforcer. Ces griefs manquent de pertinence, dans la mesure où ils ne tendent pas à renverser la présomption établie. Le recourant n'a en outre fait entendre aucun témoin, ni produit aucune pièce qui aurait permis de se prononcer sur l'intensité du lien conjugal existant entre les époux durant la période déterminante.
 
2.1.5 En définitive, même si certains des arguments mentionnés par l'instance précédente - ainsi le fait que l'ex-épouse ne se souvienne pas du lieu exact de leur rencontre - ne sont pas pertinents, les éléments avancés par le recourant ne suffisent pas à renverser la présomption établie. En effet, l'intéressé n'apporte aucun élément propre à démontrer la survenance d'un événement extraordinaire postérieur à la signature de la déclaration commune et susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal, après plus de huit ans de mariage. Le prénommé ne rend pas non plus vraisemblable qu'en juillet 2005, au moment de la signature de la déclaration commune, il n'avait pas conscience de ce que la communauté conjugale n'était plus orientée vers l'avenir. Il en découle que les conditions d'application de l'art. 41 LN sont réunies et que le Tribunal administratif fédéral n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation et n'a pas versé dans l'arbitraire en confirmant l'annulation de la naturalisation facilitée qui avait été octroyée au recourant.
 
3.
 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III.
 
Lausanne, le 8 février 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
La Greffière: Tornay Schaller
 
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