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Informationen zum Dokument  BGer 8C_472/2011  Materielle Begründung
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BGer 8C_472/2011 vom 27.01.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
8C_472/2011 {T 0/2}
 
Arrêt du 27 janvier 2012
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Frésard et Niquille.
 
Greffier: M. Beauverd.
 
 
Participants à la procédure
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Flumattstrasse 1, 6004 Lucerne,
 
recourante,
 
contre
 
C._________, France,
 
représentée par Me Eric C. Stampfli, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-accidents (entreprise téméraire),
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève
 
du 13 avril 2011.
 
Faits:
 
A.
 
C._________ travaillait depuis 2004 comme vendeuse au service de la société B.________ SA. A ce titre, elle était obligatoirement assurée contre les risques d'accident professionnel et non professionnel auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Elle est titulaire d'une licence NET délivrée par la Fédération Française de Motocyclisme l'autorisant à participer à des entraînements sur des circuits. Elle est membre du Moto Club Vitesse W.________, qui a pour vocation de promouvoir le sport motocycliste dans la discipline «vitesse» et de permettre ainsi à de nombreuses personnes de découvrir et de pratiquer la moto sur circuit. Ce club organise chaque année, en partenariat avec la société Y.________, des manifestations sur divers circuits en France et à l'étranger.
 
Le 30 mars 2009, C._________ participait à une séance de pilotage libre organisée par le club sur le circuit Z.________ (France). Elle pilotait une Honda XR 650 R, qu'elle conduisait depuis cinq ou six ans. Alors qu'elle avait déjà effectué cinq tours de circuit, elle a chuté. Les deux motards qui la suivaient ont réussi à l'éviter, cependant que le troisième l'a heurtée de plein fouet au moment où elle se relevait. Grièvement blessée, elle a été transportée au Centre hospitalier universitaire X.________. Elle a subi un polytraumatisme sévère sous la forme de multiples fractures et un arrachement du membre supérieur droit.
 
Par décision du 1er juillet 2009, la CNA a réduit de 50 % ses prestations en espèces au motif du caractère téméraire de l'entreprise à l'origine de l'accident. Saisie d'une opposition de l'assurée, elle l'a rejetée par une nouvelle décision le 8 mars 2010.
 
B.
 
C._________ a recouru contre cette décision sur opposition. Par arrêt du 13 avril 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis le recours. Elle a annulé les décisions administratives et condamné la CNA à allouer à l'assurée l'intégralité des prestations LAA en matière d'accident non professionnel.
 
C.
 
La CNA exerce un recours en matière de droit public par lequel elle conclut à l'annulation du jugement cantonal et au rétablissement de sa décision sur opposition du 8 mars 2010.
 
C._________ conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Sans se prononcer sur le fond du litige, l'intimée soutient que le recours ne satisfait pas aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF. Selon elle, la recourante se bornerait à une critique appellatoire du jugement attaqué et ne démontrerait pas en quoi les faits constatés par la juridiction précédente auraient été établis de manière arbitraire ni en quoi le jugement attaqué violerait le droit.
 
1.2 Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à l'obligation de motiver, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit; il faut qu'à la lecture de son exposé, on comprenne clairement quelles règles de droit auraient été, selon lui, transgressées par l'autorité cantonale (cf. ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245; 134 V 53 consid. 3.3 p. 60). En l'espèce, ces conditions sont à l'évidence réalisées. La recourante expose en effet de manière détaillée les raisons pour lesquelles elle estime que la séance de pilotage à laquelle a participé l'assurée constitue une entreprise téméraire. D'ailleurs, l'intimée perd de vue que lorsque la décision attaquée concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 3 LTF). La partie recourante peut donc faire valoir que les faits ont été établis de manière erronée et le tribunal peut alors examiner librement cette question et non sous l'angle restreint de l'arbitraire. Il peut même constater d'office que l'état de fait est erroné ou incomplet. Il peut lui-même le rectifier ou le compléter (cf. BERNARD CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2009, n. 68 ad art. 105 LTF). Par ailleurs, sous réserve des exceptions indiquées à l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en matière de droit public, applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF).
 
Le grief d'irrecevabilité soulevé est dès lors mal fondé.
 
2.
 
2.1 L'art. 39 LAA habilite le Conseil fédéral à désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent dans l'assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. La réglementation des cas de refus ou de réduction peut déroger à l'art. 21 al. 1 à 3 LPGA. Fondé sur cette norme de délégation de compétence, l'art. 50 al. 1 OLAA prévoit qu'en cas d'accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves. Les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l'assuré s'expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures. Toutefois, le sauvetage d'une personne est couvert par l'assurance même s'il peut être considéré comme une entreprise téméraire (art. 50 al. 2 OLAA).
 
2.2 La jurisprudence qualifie d'entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l'instruction, de la préparation, de l'équipement et des aptitudes de l'assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables (ATF 134 V 340 consid. 3.2.2 p. 344; SVR 2007 UV n. 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.1). Tel est le cas, par exemple, de la participation à une course automobile de côte ou en circuit (ATF 113 V 222; 112 V 44), à une compétition de motocross (RAMA 1991 no U 127 p. 221 [U 5/90]), à un combat de boxe ou de boxe thaï (ATFA 1962 p. 280; RAMA 2005 no U 552 p. 306 [U 336/04]), ou encore, faute de tout intérêt digne de protection, de l'action de briser un verre en le serrant dans sa main (SVR 2007 UV n. 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2).
 
2.3 D'autres activités non dénuées d'intérêt comportent des risques élevés, qui peuvent être limités, toutefois, à un niveau admissible si l'assuré remplit certaines exigences sur le plan des aptitudes personnelles, du caractère et de la préparation. A défaut, l'activité est qualifiée de téméraire et l'assurance-accidents est en droit de réduire ses prestations conformément aux art. 39 LAA et 50 OLAA. On parle dans ce cas d'une entreprise téméraire relative, en ce sens que le refus ou la réduction des prestations dépend du point de savoir si l'assuré était apte à l'exercer et a pris les précautions nécessaires pour limiter les risques à un niveau admissible. Peuvent constituer des entreprises téméraires relatives le canyoning (ATF 125 V 312), la plongée (AT 134 V 340), y compris la plongée spéléologique dans une source (ATF 96 V 100), l'alpinisme et la varappe (ATF 97 V 72, 86), le vol delta (ATF 104 V 19). Selon le degré de difficulté et le niveau de risque dans un cas particulier, il n'est pas exclu de qualifier l'une ou l'autre de ces activités d'entreprise téméraire absolue (cf. SVR 2007 UV n. 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.2).
 
2.4 La Commission ad hoc des sinistres LAA a établi à l'intention des assureurs-accidents une recommandation en matière d'entreprises téméraires (recommandation no 5/83 du 10 octobre 1983 complétée le 16 juin 2010). Cette recommandation contient une liste des entreprises considérées comme téméraires. Sont notamment considérées comme telles les courses de moto, y compris l'entraînement, ainsi que la moto sur circuit (hors cours de formation à la sécurité routière).
 
De telles recommandations n'ont pas valeur d'ordonnances administratives ni de directives d'une autorité de surveillance aux autorités d'exécution de la loi. Il s'agit de simples recommandations qui ne lient pas le juge (ATF 114 V 315 consid. 5c p. 318).
 
3.
 
3.1 Les premiers juges considèrent que le stage auquel a participé l'intimée ne peut pas être qualifié d'entreprise téméraire absolue. Le jour de l'accident, il y avait un nombre limité de participants. Il n'y a pas eu de départ en masse. La vitesse n'était pas mesurée. La journée se déroulait sous la surveillance d'instructeurs appelés à vérifier si les participants maîtrisaient leur engin. Dans de telles circonstances, on devait admettre que les mesures destinées à ramener le danger à des proportions raisonnables ont été prises dans le cas d'espèce. Les premiers juges ont également nié que l'on fût en présence d'une entreprise téméraire relative. Ils retiennent que l'intimée s'est présentée à la manifestation du 30 mars 2009 munie de tout le matériel et équipement adéquats. Elle s'est inscrite à une journée pour «intermédiaire », ce qui correspondait à son niveau. La journée, encadrée par des moniteurs et d'autres professionnels, tels que des commissaires de piste, a été organisée sur un circuit homologué muni des signaux nécessaires (drapeaux et feux actionnés en cas d'accident). Enfin, l'accident n'était pas inévitable du moment que les deux motards qui suivaient immédiatement l'assurée ont réussi à l'éviter.
 
3.2 La CNA soutient que le risque d'accident sous la forme d'une chute ou d'une collision ne peut pas être ramené à des proportions raisonnables dans le cadre du pilotage libre sur circuit, de telle sorte que cette activité doit être qualifiée d'entreprise téméraire.
 
4.
 
On ne saurait d'emblée affirmer que la pratique de la moto sur circuit, en dehors de toute compétition, constitue une entreprise téméraire absolue. En soi, le risque inhérent à cette pratique n'est guère plus élevé que la conduite sur route: même si la vitesse est limitée sur les routes, le pilote est soumis au danger que peuvent provoquer les autres usagers, tandis qu'un circuit est en principe libre des obstacles que constitue la circulation et est en général spécialement aménagé pour atténuer les conséquences des erreurs ou des chutes. Il s'agit donc d'examiner plus précisément les conditions dans lesquelles se déroule une séance de pilotage du genre de celle à laquelle l'assurée a participé.
 
5.
 
5.1 L'intimée s'est inscrite pour le «Pack loisirs », limité à 40 participants. Sur le calendrier des journées de la saison 2009, l'organisateur affichait le slogan publicitaire suivant: «Roulez comme des champions! Avec des champions! ». Ce slogan incite à penser que les journées s'adressent en priorité à des personnes dotées d'une certaine expérience et désireuses de se confronter à des conditions de pilotage exigeantes, voire analogues à celles que l'on rencontre dans une compétition motocycliste. Des consignes de sécurité sont données avant le départ, notamment sur la signification des drapeaux. Après un départ groupé et un premier tour de repérage à vitesse réduite en compagnie des moniteurs, le pilotage est libre. Aucune consigne n'est donnée quant à la vitesse. Les pilotes ne sont pas tenus d'observer un intervalle entre eux (procès verbal de comparution personnelle du 7 juillet 2010). A la suite de l'accident, un constat d'huissiers a été dressé le 3 août 2009. Les huissiers se sont fait délivrer une copie du CD-Rom de l'enregistrement vidéo de la manifestation du 30 mars 2009 et ont procédé à un constat photographique de la portion de circuit où a eu lieu l'accident. Il en ressort qu'au moment de l'accident, plusieurs participants se suivaient de près à des vitesses que l'on peut qualifier d'élevées. Le constat photographique établit que cette portion de circuit présente une montée, avec au sommet une légère courbe à gauche, puis une assez forte déclivité. La chute s'est produite dans cette déclivité, de telle sorte que la visibilité était masquée à l'arrière pour les participants qui suivaient et qui ne pouvaient donc distinguer suffisamment tôt un obstacle. Les personnes entendues s'accordent d'ailleurs pour déclarer que l'endroit était dépourvu de visibilité pour les motos qui viennent immédiatement après. Par ailleurs, selon les déclarations d'un témoin recueillies par la gendarmerie nationale française, un feu est placé pour signaler le drapeau rouge à l'endroit de la chute. Le témoin a précisé qu'il y avait déjà eu plusieurs accidents à cet endroit vers lequel des caméras sont dirigées, pour cette raison précisément. Ce tronçon n'est pourtant pas signalé comme étant particulièrement dangereux (procès-verbal de comparution personnelle du 7 juillet 2010).
 
5.2 Même si les séances de pilotage sur circuit ainsi décrites ne font pas l'objet d'un chronométrage, elles n'en impliquent pas moins une certaine recherche de vitesse, sans quoi elles ne présenteraient guère d'intérêt. A l'abri des contraintes de la circulation routière, elles donnent au pilote la possibilité de rouler bien au-delà des limitations de vitesse qu'impose la conduite sur route. Elles lui permettent d'adopter la meilleure trajectoire sur circuit, de s'entraîner aux techniques de freinage et de positionnement sur la moto. Elles lui offrent aussi l'occasion de tester ses propres limites et celles de sa machine. Le fait de rouler en groupe est de nature à susciter une certaine émulation, voire à favoriser un esprit de compétition. Le risque de chute n'est pas négligeable, même pour un pilote expérimenté. Lorsque plusieurs motos roulent à des distances très rapprochées et à des vitesse élevées, de surcroît sur une portion de circuit sans visibilité à l'arrière, une chute présente un danger particulièrement grave, tout d'abord pour la victime, qui risque d'être percutée de plein fouet, et ensuite pour les pilotes qui suivent de près et qui risquent à leur tour de chuter. Un tel danger ne pouvait guère être maîtrisé par le personnel d'encadrement. Si la séance peut être stoppée par le lever d'un drapeau ou par un feu, cette mesure n'intervient qu'après coup.
 
5.3 L'accident survenu dans de telles conditions résulte de la réalisation d'un risque inhérent et particulièrement important au genre de manifestation à laquelle l'intimée participait. Il y a lieu d'admettre, en conséquence, que la séance de pilotage au cours de laquelle l'accident assuré est survenu, constituait une entreprise téméraire absolue. La recourante était ainsi en droit de réduire de moitié ses prestations en espèces.
 
6.
 
Vu ce qui précède, le recours se révèle bien fondé.
 
Succombant, l'intimée supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis et le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 13 avril 2011 est annulé.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 27 janvier 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Ursprung
 
Le Greffier: Beauverd
 
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