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Informationen zum Dokument  BGer 4A_215/2011  Materielle Begründung
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BGer 4A_215/2011 vom 02.11.2011
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_215/2011
 
Arrêt du 2 novembre 2011
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Kolly.
 
Greffière: Mme Monti.
 
 
Participants à la procédure
 
Association X.________,
 
représentée par Me Alain Thévenaz,
 
recourante,
 
contre
 
Y.________, représenté par
 
Me Yves Nidegger,
 
intimé.
 
Objet
 
contrat de travail; licenciement immédiat injustifié,
 
recours en matière civile contre le jugement rendu le 16 avril 2010 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud et contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2010 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Faits:
 
A.
 
A.a Le 1er mai 1996, l'infirmier-anesthésiste Y.________ (ci-après: l'employé), né en 1962, est entré au service de l'Association X.________ (ci-après: l'employeuse). Cette association de droit privé exploitait l'Hôpital Z.________, qui est devenu par la suite l'Hôpital ....
 
Au mois de mars 2004, l'employé a eu quelques problèmes relationnels avec le responsable du service d'anesthésie. Au début du mois de février 2006, il a échangé des propos vifs avec un nouveau collègue. Cela étant, il entretenait de bons rapports avec ses collègues de travail, mais acceptait mal les critiques de son supérieur hiérarchique A.________.
 
A.b Le 28 novembre 2006, à l'occasion d'une opération, l'employé a jeté du matériel au sol, à côté des poubelles. Il n'est pas établi qu'il ait agi de façon délibérée.
 
Le 29 novembre 2006, peu avant 7 heures, l'employé a été interpellé sur cet incident par B.________, infirmier-chef du service d'anesthésie. L'employé a contesté les faits et haussé le ton. Très énervé, il a crié, déclarant qu'il en avait assez des remarques qui lui étaient faites, que cela n'allait pas bien et que si cela continuait ainsi, il allait partir. Il a demandé combien d'infirmiers-anesthésistes travaillaient ce jour-là. L'infirmier-chef lui a répondu qu'ils étaient tous occupés - ce qui était exact - et que sauf à trouver un remplaçant, il faudrait fermer une salle d'opération; après avoir précisé qu'il allait tenter de résoudre le problème, il s'est absenté dans ce but. Il a trouvé une personne disponible qui était infirmier-anesthésiste, mais dont la fonction d'anesthésiste ne figurait pas dans le cahier des charges. L'infirmier-chef n'a pas eu le temps d'annoncer cette nouvelle à l'employé, qui était déjà parti.
 
L'employeuse ne disposait pas d'une organisation précise pour le remplacement des infirmiers-anesthésistes, ce que l'employé savait. Si l'un d'eux s'annonçait malade le matin même, le personnel devait s'adapter, cas échéant en retardant le début du programme; jusque-là toutefois, aucune opération n'avait dû être annulée.
 
Ce même 29 novembre 2006, avant d'avoir connaissance de son licenciement, l'employé a consulté son généraliste qui l'a immédiatement mis en arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie. En fin de matinée, l'employé a été informé par téléphone de son licenciement immédiat pour abandon de poste. Il a sollicité et obtenu un entretien au cours duquel la résiliation lui a été confirmée une première fois, avant de l'être encore par lettre recommandée. A.________ et le responsable des ressources humaines, qui ont pris conjointement la décision et accordé l'entrevue, savaient que l'employé vivait une situation personnelle difficile et qu'il avait des problèmes avec son épouse.
 
Le soir même, l'employé a été hospitalisé jusqu'au lendemain à 10 heures à l'Hôpital ... sur le site de .... ll a contesté son congé par courrier posté le 30 novembre 2006.
 
L'employé a ensuite été suivi par les services psycho-sociaux et par son médecin-traitant. Il est resté en incapacité de travail totale jusqu'au 18 juin 2007; au cours de cette période, il a dû être hospitalisé en milieu psychiatrique du 30 janvier au 7 avril 2007.
 
A.c L'employé a demandé l'aide financière des services sociaux dès le 1er janvier 2007. Au 23 février 2007, il était débiteur à leur égard d'un montant de 3'177 fr. 55.
 
A compter du 28 janvier 2007, l'assurance-maladie collective perte de salaire contractée par l'employeuse a versé à l'employé des prestations qui se sont élevées à 15'907 fr. 50 jusqu'au 31 mars 2007.
 
L'Office d'assurance-invalidité a reconnu à l'employé le droit à une rente entière au taux d'invalidité de 100 % dès le 1er novembre 2007, puis à une demi-rente au taux d'invalidité de 50 % dès le 1er avril 2008.
 
B.
 
B.a Le 19 juin 2007, l'employé a actionné l'employeuse devant le Tribunal civil de l'arrondissement de .... Par prononcé du 25 juin 2008, le Président du tribunal précité a admis la requête en réforme de l'employé tendant à l'augmentation de ses conclusions ainsi que la requête en déclinatoire soulevée par l'employeuse. La cause a été transmise à la Cour civile du Tribunal cantonal.
 
Dans son mémoire de droit du 15 janvier 2010, l'employé a conclu au paiement de 112'666 fr. 60, dont 49'717 fr. 50 à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié, 20'665 fr. 85 à titre de salaire pour la période du 29 novembre 2006 au 30 mars 2007 et 39'742 fr. 50 à titre de salaire, respectivement défaut d'assurance, pour la durée du 1er juin au 31 octobre 2007.
 
Par jugement du 16 avril 2010, la Cour civile a condamné l'employeuse à verser à l'employé une indemnité de 35'835 fr. pour licenciement immédiat injustifié ainsi que 46'906 fr. 80, sous déduction des cotisations légales et conventionnelles; ce dernier montant incluait d'une part 41'428 fr. 50 de compensation pour le salaire qui aurait dû être touché pendant les périodes du 29 novembre 2006 au 29 mars 2007 puis du 19 juin 2007 au 31 août 2007, après déduction des indemnités d'assurance à hauteur de 15'907 fr. 50, et d'autre part 5'478 fr. 30 au titre de vacances non prises.
 
B.b Contre ce jugement, l'employeuse a formé un recours en nullité que la Chambre des recours a rejeté par arrêt du 9 novembre 2010.
 
C.
 
Devant le Tribunal fédéral, l'employeuse (ci-après: la recourante) a interjeté un recours en matière civile dirigé aussi bien contre le jugement de la Cour civile que contre l'arrêt de la Chambre des recours. Elle a conclu principalement au rejet des prétentions formées par l'employé (ci-après: l'intimé).
 
L'effet suspensif a été accordé à ce recours par ordonnance présidentielle du 12 mai 2011. Le 28 juin 2011, l'intimé s'est vu octroyer l'assistance judiciaire et un avocat d'office lui a été désigné.
 
L'intimé a conclu au rejet du recours. La recourante a encore déposé des observations.
 
La Cour civile et la Chambre des recours se sont référées à leurs décisions respectives.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le recours en matière civile est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance statuant en principe sur recours (cf. art. 75 LTF). Celles-ci doivent pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF (art. 111 al. 3 LTF dans sa teneur au 1.1.2011).
 
Les deux décisions attaquées ont été rendues sous l'ancienne procédure civile vaudoise. Selon cette réglementation, la Chambre des recours ne pouvait que partiellement contrôler un jugement rendu par la Cour civile. Le justiciable disposait à cet effet du recours en nullité et, à des conditions restrictives, du recours en réforme (art. 444-445 et 451a de l'ancien code de procédure civile du 14 décembre 1966, ci-après: aCPC/VD). Pour le surplus, le jugement de la Cour civile pouvait être attaqué directement devant le Tribunal fédéral (cf. arrêt 4A_100/2010 du 31 janvier 2011 consid. 1.1).
 
La décision de la Chambre des recours a été rendue le 9 novembre 2010 et son dispositif expédié le même jour. A cette époque, le recours au Tribunal fédéral n'était pas encore subordonné aux exigences des art. 75 al. 2 et 111 al. 3 (nouvelle teneur) LTF et les cantons disposaient toujours du délai transitoire pour adapter leur législation (cf. art. 130 al. 2 et 132 al. 1 i.f. LTF); en conséquence, le présent recours est recevable (cf. DENIS TAPPY, in Code de procédure civile commenté, 2011, n° 35 ad art. 405 CPC).
 
2.
 
2.1 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), notion qui inclut le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). N'étant pas lié par l'argumentation des parties, il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions de droit que la partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4).
 
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). L'acte de recours doit alors contenir un exposé succinct des droits ou principes constitutionnels violés et exposer de manière claire et circonstanciée en quoi consiste leur violation (ATF 135 III 232 consid. 1.2; 134 II 244 consid. 2.2).
 
2.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de cette autorité ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
 
En l'occurrence, la recourante présente un état de fait qui diverge partiellement de celui contenu dans le jugement attaqué et confirmé par l'arrêt attaqué, sans expliquer en quoi les conditions prévues par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées; il n'en sera dès lors pas tenu compte (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3; 133 IV 286 consid. 6.2).
 
3.
 
3.1 La recourante reproche à la Cour civile vaudoise d'avoir violé l'art. 337 CO en refusant de reconnaître l'existence de motifs justifiant un licenciement immédiat. Les premiers juges auraient relativisé à tort la gravité objective du comportement de l'intimé.
 
3.2 La cour cantonale a considéré que les parties avaient été liées par un rapport de travail de droit privé et non de droit public. L'application du droit civil fédéral n'est pas remise en cause par la recourante.
 
3.3 En vertu de l'art. 337 CO, l'employeur peut résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Sont notamment considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2).
 
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. L'auteur du congé doit pouvoir justifier de circonstances propres à détruire la confiance qu'impliquent dans leur essence les rapports de travail, ou à l'ébranler de façon si sérieuse que la poursuite du contrat ne peut plus être exigée. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais des motifs objectifs peuvent aussi justifier un congé abrupt (ATF 129 III 380 consid. 2.2). Pour constituer un juste motif de licenciement, le refus de travailler ou les absences injustifiées doivent être persistants et précédés d'avertissements contenant la menace claire d'un renvoi immédiat. Il en va différemment lorsque l'absence s'étend sur plusieurs jours ou intervient alors que l'employeur a clairement formulé l'exigence que l'employé soit présent (ATF 108 II 301 consid. 3b). Si le travailleur justifie l'abandon d'emploi par la maladie et que l'employeur a des doutes sur l'authenticité du motif, celui-ci ne peut pas résilier le contrat mais doit mettre l'employé en demeure de reprendre le travail ou de présenter un certificat médical, sauf si une telle sommation apparaît d'emblée inutile (arrêt 4C.339/2006 du 21 décembre 2006 consid. 2.1).
 
Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements. Le Tribunal fédéral revoit avec réserve les décisions d'appréciation. Il n'intervient que lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante, lorsqu'elles s'écartent sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence ou, enfin, qu'elles s'appuient sur des faits qui n'auraient dû jouer aucun rôle, respectivement méconnaissent des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32).
 
3.4 Dans le cas concret, la Cour civile vaudoise a fait en substance les considérations suivantes:
 
Le premier incident relatif au matériel jeté par terre en salle d'opération était excusable et ne constituait pas un juste motif de résiliation immédiate. En revanche, l'intimé avait commis le lendemain un manquement objectivement grave en quittant les lieux sans attendre de savoir si l'infirmier-chef avait pu lui trouver un remplaçant, alors que l'opération d'un patient était programmée et que l'intimé connaissait le défaut d'organisation précise de la recourante pour suppléer à l'absence d'un infirmier-anesthésiste. Il fallait toutefois tenir compte de l'état d'énervement et d'excitation dans lequel se trouvait l'intimé, état qui ne pouvait s'expliquer par les seuls reproches formulés à son encontre. L'intimé traversait une période difficile dans sa vie privée, ce que la recourante savait. Cet état, qui avait conduit l'intimé à quitter les lieux, l'avait aussi conduit à consulter un médecin le même jour, avant de savoir qu'il était licencié. L'intimé avait bénéficié d'un arrêt de travail immédiat et avait été hospitalisé le soir même à ..., puis à nouveau deux mois plus tard en milieu psychiatrique. Il fallait en outre avoir égard au fait que l'intimé travaillait pour la recourante depuis plus de dix ans et n'avait jamais occasionné de problèmes, étant apprécié de ses collègues.
 
3.5 La recourante souligne tout d'abord que le comportement de l'intimé était propre à mettre en danger la santé, voire la vie des patients. Une telle constatation de fait ne ressort pas du jugement, ni expressément, ni implicitement. La cour cantonale se réfère aux témoignages de B.________, A.________ et du responsable des ressources humaines, selon lesquels l'intimé était conscient d'avoir mis en péril l'organisation du programme opératoire et d'avoir mis l'hôpital dans une situation difficile, ce d'autant plus que le patient était entré dans le bloc opératoire. Elle retient en définitive que le comportement de l'intimé était propre à provoquer l'annulation de l'opération à laquelle il devait participer. Il n'y avait dès lors pas à tenir compte, dans l'examen des motifs du renvoi immédiat, d'une prétendue mise en danger de la santé des patients.
 
3.6 La recourante soutient que les éventuels problèmes conjugaux de l'intimé ne justifiaient pas un abandon de poste, que son état de santé lui permettait de participer à des opérations, comme le démontrait l'activité exercée le jour précédent, et qu'en tout état de cause, elle n'avait pas connaissance de ses problèmes de santé. Quant à l'intimé, il objecte qu'étant malade, il avait le droit de quitter les lieux sans avoir à se préoccuper de son remplacement et que la recourante était à même de faire face à une absence annoncée le matin même.
 
Ces argumentations se heurtent partiellement aux constatations de fait du jugement. Il ressort en effet de la motivation résumée ci-dessus (consid. 3.4) que l'intimé a quitté l'hôpital en raison d'un état d'énervement et d'excitation dû à la fois aux reproches formulés à son encontre et à sa situation personnelle difficile et que cet état a motivé une consultation médicale qui a abouti au diagnostic d'une incapacité de travail pour cause de maladie. Il n'est certes pas établi que l'intimé ait évoqué des problèmes de santé, ni qu'il ait fait part du diagnostic de son médecin lorsque son licenciement lui a été signifié. En particulier, il n'apparaît pas que l'intimé ait dit qu'il devait partir en raison d'un état maladif; le seul fait de dire "ça ne va pas, si ça continue je vais partir" ne saurait être interprété en ce sens. Toutefois, la recourante avait connaissance de la situation personnelle difficile de l'intimé et pouvait constater l'état anormal d'excitation dans lequel il se trouvait; au demeurant, elle pouvait constater que cet état était peu compatible avec une activité d'assistance en salle d'opération.
 
S'agissant du grief soulevé par l'intimé, il importe peu que par le passé, la recourante n'ait jamais dû annuler d'opération et qu'elle ait été contrainte de s'adapter en cas de maladie annoncée le matin même; cela n'exclut pas de retenir qu'en l'occurrence, l'intimé l'a placée dans une situation difficile et que son comportement était propre à annuler l'opération pour laquelle il était programmé. On observe au demeurant que l'intimé s'est dans un premier temps inquiété de la disponibilité de ses collègues, ce qui démontre suffisamment qu'il était conscient des difficultés organisationnelles que son départ pouvait causer.
 
En définitive, les juges vaudois n'ont pas ignoré la gravité objective du comportement de l'intimé, compte tenu de sa responsabilité et du planning de la journée. Ils l'ont toutefois relativisée à juste titre eu égard à l'état de santé de l'intimé, à son ancienneté et aux bonnes relations qu'il entretenait avec ses collègues. La recourante n'avait pas connaissance du certificat médical d'incapacité de travail pour cause de maladie lorsqu'elle a signifié le licenciement, mais elle était à même de constater l'état de l'intimé. De surcroît, il ne ressort pas de l'état de fait que l'intimé ait eu le moindre antécédent d'abandon de son poste. En bref, la cour cantonale n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la recourante aurait pu raisonnablement maintenir la poursuite des relations contractuelles jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat.
 
4.
 
4.1 La recourante reproche aux juges vaudois une fausse application de l'art. 324a CO. Elle soutient qu'en vertu de l'échelle bernoise, l'intimé incapable de travailler n'aurait dû toucher un salaire que jusqu'à fin février 2007; or, il se serait vu indûment allouer un salaire pour les mois d'avril et mai 2007, sans qu'il résulte du dossier que l'incapacité de travail ait cessé.
 
4.2 En cas de résiliation immédiate injustifiée, le travailleur a droit à ce qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé (art. 337c al. 1 CO). Si l'employé est frappé d'une incapacité de travail, l'employeur doit lui verser, à titre d'indemnité, ce qu'il aurait pu toucher comme salaire en vertu de l'art. 324a CO jusqu'à la résiliation ordinaire du contrat (STAEHELIN/VISCHER, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1996, n° 8 ad art. 337c CO).
 
Selon l'article 324a CO, le travailleur empêché de travailler sans faute de sa part en raison d'une maladie a droit à son salaire pour un temps limité (al. 1). L'employeur paie en principe un salaire de trois semaines pendant la première année de service et, ensuite, un salaire pour une période plus longue fixée équitablement (al. 2). Selon l'échelle bernoise habituellement utilisée en Suisse romande, le salaire est dû pendant quatre mois s'agissant de la 10ème à la 14ème année de service (REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 2010, p. 383 n° 28 ad art. 324a CO; RÉMY WYLER, Droit du travail, 2e éd. 2008, p. 227 s.). Le droit au paiement d'un salaire limité vaut pour chaque année de service. Lorsque l'incapacité de travail s'étend d'une année de service à l'autre, le travailleur peut donc cumuler les prétentions pour les deux années en cause (arrêt 4C.125/1998 du 10 septembre 1998 consid. 1a, in JAR 1999 167, confirmé par l'arrêt 4P.87/2002 du 20 juin 2002 consid. 3; REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., p. 384 n° 28 ad art. 324a CO; WYLER, op cit., p. 229).
 
4.3 En l'occurrence, les premiers juges ont retenu une incapacité de travail du 29 novembre 2006, jour du renvoi immédiat, au 18 juin 2007; ils ont considéré que le délai de congé ordinaire expirait le 31 août 2007. Ils ont octroyé à l'intimé des dommages-intérêts correspondant à quatre mois de salaire pour la période du 29 novembre 2006 au 29 mars 2007 et à deux mois et 12/30èmes de salaire du 19 juin 2007 au 31 août 2007, soit un montant total de 57'336 fr. Ils ont déduit de cette somme les indemnités d'assurance touchées pour les mois de janvier à mars 2007 (15'907 fr. 50); pour le surplus, ils ont constaté que la recourante n'avait pas allégué ni établi le montant des prestations d'assurance afférentes aux mois d'avril et mai 2007.
 
4.4 Contrairement à ce que plaide la recourante, la cour vaudoise n'a précisément pas alloué d'indemnité à titre de salaire pour les mois d'avril et mai 2007, de sorte que le grief tombe à faux. Par ailleurs, la recourante ne conteste pas l'indemnité allouée pour la période du 19 juin au 31 août 2007. Pour le surplus, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant s'il aurait fallu tenir compte de l'entrée de l'intimé dans une nouvelle année de service le 1er mai 2007, dès lors que l'intéressé n'a pour sa part pas contesté le jugement.
 
4.5 S'agissant des indemnités d'assurance afférentes aux mois d'avril et mai 2007, la recourante objecte que le cadre du litige ne portait pas sur ces deux mois puisque l'intimé n'avait pas réclamé de salaires y-afférents. Elle en déduit que l'instruction n'avait pas à porter sur cette période et que le reproche de la Cour civile sur le défaut d'allégation et de preuve serait contraire à la bonne foi.
 
Si la recourante estimait disposer d'un élément propre à réduire la créance de l'intimé, il lui incombait d'alléguer et d'établir l'étendue des indemnités touchées (art. 8 CC), cas échéant en requérant la collaboration de l'intimé ou de l'assurance. Comme elle ne l'a pas fait, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant si l'employeur peut exiger la déduction des indemnités d'assurance qui continuent d'être versées alors que le devoir de payer le salaire a expiré (cf. STREIFF/VON KAENEL, Arbeitsvertrag, 6e éd. 2006, p. 288 n° 13 ad art. 324a/b CO).
 
5.
 
5.1 La recourante se plaint ensuite d'une application arbitraire de l'art. 3 aCPC/VD et d'une violation de l'art. 29 Cst. La cour cantonale aurait statué extra petita en allouant à l'intimé des salaires pour les mois d'avril et mai 2007 alors que dans son mémoire de droit, il avait conclu au paiement de salaire uniquement pour les périodes du 29 novembre 2006 au 30 mars 2007, puis du 1er juin au 31 octobre 2007.
 
5.2 Le grief est irrecevable en tant qu'il a trait à l'application de l'art. 29 Cst., faute de motivation suffisante (cf. art. 106 al. 2 LTF). Pour le surplus, la recourante se méprend sur la teneur du jugement de la Cour civile, puisque l'intimé, encore une fois, n'a pas touché de compensation en relation avec les mois d'avril et mai 2007. Le grief relatif à l'art. 3 aCPC/VD tombe à faux.
 
6.
 
6.1 La recourante se plaint d'une violation de l'art. 44 CO. De son point de vue, l'intimé aurait contrevenu à l'obligation faite au lésé de réduire le dommage dès lors qu'il s'est abstenu de contracter une assurance individuelle perte de gain qui lui aurait permis de continuer à toucher des indemnités. La cour cantonale aurait ainsi dû renoncer à lui allouer des salaires pendant la période d'incapacité de travail, soit jusqu'au 31 août 2007.
 
6.2 L'art. 337c CO permet à l'employé d'obtenir ce qu'il aurait gagné si l'employeur avait respecté l'échéance du délai de congé (al. 1). Il faut toutefois imputer sur ce montant le revenu auquel il a intentionnellement renoncé (al. 2). Cette disposition découle du principe selon lequel le lésé doit s'efforcer de diminuer le dommage (STAEHELIN/VISCHER, op. cit., n° 10 ad art. 337c CO).
 
La résiliation du rapport de travail a pour effet de mettre fin au rapport d'assurance. Dans la mesure où la perte de la couverture d'assurance est une conséquence de la résiliation injustifiée, le travailleur doit pouvoir obtenir réparation pour le dommage encouru. Toutefois, s'il avait connaissance de la possibilité de conclure des assurances facultatives pour couvrir les risques qui n'étaient plus assurés en raison de la résiliation et qu'il n'a pas agi, il ne peut plus se plaindre de la lacune de couverture qu'il a omis de combler. Dans le cas contraire où il aurait fait le nécessaire, il pourrait demander à être indemnisé pour les primes payées pendant la période correspondant au délai ordinaire de résiliation (WYLER, op. cit., p. 515).
 
6.3 En l'occurrence, il apparaît que la couverture de l'assurance collective perte de salaire a expiré 180 jours après la fin des rapports de travail survenue le 29 novembre 2006. Il s'avère toutefois que pour la période postérieure à l'échéance de l'assurance, la recourante a été condamnée à dédommager l'intimé uniquement pour la perte de salaire subie entre le 19 juin et le 31 août 2007, alors que l'intimé était apte au travail, selon les constatations des juges vaudois qui lient la Cour de céans. Dès lors que la recourante n'a pas dû supporter de dommage lié à la perte de couverture d'assurance, elle ne saurait reprocher à l'intimé de ne pas avoir diminué ce dommage. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
 
7.
 
7.1 La recourante se plaint enfin d'une violation de l'art. 337c al. 3 CO. L'indemnité allouée à l'intimé - correspondant à quatre mois de salaire - devrait être supprimée ou réduite compte tenu de la gravité des manquements de l'intimé et du fait que la recourante n'avait pas connaissance de son incapacité de travail pour cause de maladie, qu'elle n'aurait apprise que deux jours après le licenciement.
 
7.2 En cas de résiliation immédiate injustifiée, l'art. 337c al. 3 CO permet au juge d'allouer au travailleur une indemnité dont il fixe librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, mais sans dépasser l'équivalent de six mois de salaire. Cette indemnité, qui s'ajoute aux droits découlant de l'art. 337c al. 1 CO, revêt une double finalité, à la fois réparatrice et punitive (ATF 135 III 405 consid. 3.1 p. 407). Elle est en principe due dans tous les cas de licenciement immédiat et injustifié (ATF 133 III 657 consid. 3.2 p. 660). Une éventuelle exception ne peut se justifier que dans des conditions particulières; les circonstances doivent être propres à exclure tout manquement de l'employeur ou tout reproche d'un autre ordre (ATF 116 II 300 consid. 5a; cf. aussi ATF 120 II 243 consid. 3e p. 248).
 
L'atteinte portée par un tel licenciement aux droits de la personnalité du travailleur étant à la base de son octroi, ladite indemnité doit être proportionnée à la mesure de cette atteinte. Entrent aussi en considération la gravité de la faute de l'employeur, une éventuelle faute concomitante de l'employé, la manière dont la résiliation a été annoncée, la durée des rapports de travail, l'âge de l'employé, sa position dans l'entreprise, sa situation personnelle et les effets économiques du licenciement (ATF 123 III 391 consid. 3c; 121 III 64 consid. 3c; WYLER, op. cit., p. 517 s.; STAEHELIN/VISCHER, op. cit., n° 18 ad art. 337c CO).
 
Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral ne substitue qu'avec retenue sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale (art. 4 CC; ATF 121 III 64 consid. 3c).
 
7.3 En l'occurrence, la cour cantonale a fixé l'indemnité à 35'835 fr., correspondant à 4 mois de salaire, en mentionnant les éléments suivants: les conséquences importantes que le licenciement a manifestement eues sur la santé de l'intimé, même si ses difficultés personnelles ont aussi joué un rôle; la durée des rapports de travail, qui s'est écoulée sans qu'il y ait eu de problèmes; le fait que l'intimé était apprécié de ses collègues; l'absence d'avertissement; les effets économiques du licenciement et, enfin, la gravité objective du manquement de l'intimé, même si celle-ci n'était pas suffisante pour justifier un renvoi immédiat.
 
7.4 La cour cantonale n'a pas méconnu la gravité objective du comportement de l'intimé. Il faut effectivement avoir égard au fait que la recourante n'avait pas connaissance de l'incapacité de travail de l'intimé lorsqu'elle a pris et annoncé sa décision de licenciement. L'on ne saurait donc accorder d'importance particulière à la longue durée écoulée entre le licenciement effectif et l'échéance ordinaire du contrat, prolongée en l'occurrence par le délai de protection pour cause de maladie (art. 336c al. 1 let. b CO; cf. STAEHELIN/VISCHER, op. cit., p. 668 n° 18 ad art. 337c CO); la cour cantonale n'en a à juste titre pas tiré argument. Cela étant, la recourante connaissait la situation personnelle difficile de l'intimé et pouvait se rendre compte de l'état anormal d'excitation dans lequel il se trouvait, qui paraissait au demeurant peu compatible avec une activité d'assistance en salle d'opération; elle n'avait pas eu à souffrir jusque-là d'absence impromptue de sa part, ni d'aucun manquement établi pendant les quelque dix ans qu'a duré la relation contractuelle. L'ignorance du certificat d'incapacité de travail ne saurait dès lors avoir le même rôle que dans l'affaire jugée à l'arrêt 4C.259/2006 du 12 janvier 2007 cité par la recourante. L'on peut encore relever que l'intimé a dû attendre un délai de carence de 60 jours avant de toucher des indemnités d'assurance et a dû s'adresser aux services sociaux, alors que la recourante, de son propre aveu, avait reçu le certificat d'incapacité de travail deux jours après le licenciement.
 
En définitive, en fixant l'indemnité à 4 mois de salaire, on peut encore admettre que la Cour civile n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation.
 
Pour le surplus, la recourante ne formule aucun grief sur le calcul de l'indemnité de 35'835 fr., de sorte que celle-ci doit être confirmée.
 
8.
 
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
En conséquence, la recourante supportera les frais de justice et versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 2 novembre 2011
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: Klett
 
La Greffière: Monti
 
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