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Informationen zum Dokument  BGer 1P_52/2007  Materielle Begründung
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BGer 1P_52/2007 vom 04.09.2007
 
Tribunale federale
 
{T 1/2}
 
1P.52/2007 /col
 
Arrêt du 4 septembre 2007
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger,
 
Aeschlimann, Wurzburger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
 
Greffier: M. Kurz.
 
Parties
 
Alliance de gauche,
 
Comité d'initiative IN 136,
 
René Ecuyer,
 
Salika Wenger,
 
Rémy Pagani,
 
recourants,
 
tous représentés par Me Romolo Molo, avocat,
 
contre
 
Grand Conseil du canton de Genève,
 
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3970,
 
1211 Genève 3.
 
Objet
 
Validité de l'initiative populaire IN 136 "Touche pas à mon Hôpital et aux services publics",
 
recours de droit public contre la décision du Grand Conseil du 1er décembre 2006.
 
Faits:
 
A.
 
Le 8 mars 2006, le Conseil d'Etat du canton de Genève a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire intitulée "Touche pas à mon Hôpital et aux services publics" (ci-après: l'initiative ou IN 136). Lancée par l'Alliance de Gauche et signée par quelque 10500 citoyens, cette initiative porte sur l'introduction, dans la Constitution genevoise (Cst./GE), des deux dispositions suivantes:
 
Article 53B Sauvegarde des services publics
 
Afin d'assurer la sauvegarde des services publics et de leur statut démocratique, aucune privatisation ou sous-traitance, même partielle, et aucun transfert d'activités assumées régulièrement par l'Etat, un service public, une institution, une fondation ou un établissement cantonal de droit public, tels que hôpitaux, écoles, postes de police, fondations de logement, les Transports publics, les Services industriels, la Banque cantonale, l'Aéroport, le Palais des expositions, ne peut être effectué au profit de personnes de droit privé sans avoir fait l'objet d'une loi adoptée par le Grand Conseil et soumise obligatoirement à l'approbation du peuple. Il en va de même pour toute cessation d'activités assumées régulièrement par ces entités ou toute modification du statut ou des organes des institutions autonomes ainsi que toute cession d'objets immobiliers les concernant.
 
Article 182, alinéa 2 Disposition transitoire
 
2 Le présent article s'applique avec effet immédiat dès son adoption en votation populaire. Les lois ou décisions qui sont adoptées et entrées en vigueur entre le dépôt de l'initiative populaire et l'entrée en vigueur de l'art. 53B qui contreviennent à cet article sont soumises au vote populaire dans un délai de quatre mois à compter de l'adoption de l'initiative. A défaut, elles sont annulées de plein droit.
 
Selon l'exposé des motifs, l'initiative a pour but, face à la "volonté de privatiser et réduire les prestations essentielles des services publics au profit de certains milieux économiques", de soumettre au référendum obligatoire les décisions prises à cet égard. Les initiants mentionnent le cas des établissements hospitaliers publics visés par des projets de sous-traitance ou de délocalisation de prestations, ainsi que des Transports publics genevois (TPG).
 
B.
 
Dans son rapport du 24 mai 2006 sur la validité de l'initiative, le Conseil d'Etat genevois a estimé que le principe de l'unité de la matière n'était pas respecté sur deux points: les modifications des organes des établissements publics autonomes étaient sans rapport avec la privatisation ou la sous-traitance de tâches publiques; par ailleurs, la cession d'objets immobiliers "concernant" les établissements publics autonomes recouvrait aussi les donations en faveur de ces entités. Il y avait donc lieu de supprimer les parties concernées du texte. Pour le surplus, l'initiative, qui reprenait une partie de la teneur de l'initiative 119 "Pour une caisse d'assurance maladie publique à but social et la défense du service public" (IN 119), ne posait pas de problème de conformité au droit supérieur. Elle était exécutable, même s'il en résulterait un alourdissement de l'agenda électoral du canton, une complication des procédures de réorganisation, ainsi que des controverses quant aux actes concernés, certaines notions étant "dangereusement indéfinies". Le Conseil d'Etat préconisait la nullité partielle de l'initiative, et le refus de sa prise en considération, sans contre-projet.
 
Dans son rapport du 14 novembre 2006, la majorité de la Commission législative du Grand Conseil a elle aussi estimé que l'initiative ne respectait pas l'unité de la matière; comme cela avait été le cas pour l'IN 119, le vice était évident et ne justifiait ni une scission ni une nullité partielle. L'initiative était également inexécutable, car l'obligation d'adopter une loi formelle et la soumission systématique au vote pour toute réduction d'activité, réorganisation, modification d'organes ou de statuts paralyserait la gestion de l'Etat. Selon un rapport de minorité, l'invalidation partielle, dans le sens préconisé par le Conseil d'Etat, suffisait à corriger le défaut d'unité de la matière. Il n'y avait pas d'impossibilité d'exécution.
 
C.
 
Dans sa séance du 1er décembre 2006, le Grand Conseil genevois a déclaré l'IN 136 irrecevable. La majorité des députés a considéré que les conditions d'unité de genre et de forme, ainsi que de conformité au droit supérieur étaient satisfaites; en revanche, elle a estimé que l'unité de la matière faisait défaut et qu'il n'y avait lieu ni de scinder l'initiative, ni de la déclarer partiellement nulle. Elle a également considéré que l'initiative était inexécutable. Cette décision a été publiée dans la feuille d'avis officielle du 6 décembre 2006.
 
D.
 
Par acte du 22 janvier 2007, l'Alliance de gauche, le comité d'initiative, René Ecuyer, Salika Wenger et Rémy Pagani forment un recours de droit public contre la décision du Grand Conseil. Ils concluent à l'annulation de cette décision et à ce que le Grand Conseil soit invité à traiter au fond l'IN 136.
 
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours. Un second échange d'écritures a été ordonné, au terme duquel les parties ont maintenu leurs conclusions.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
La décision attaquée a été prise avant l'entrée en vigueur de la LTF. La loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) est par conséquent applicable (art. 132 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 15 al. 3 OJ, la Cour siège à sept juges.
 
1.1 En vertu de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des recours de droit public concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections et aux votations cantonales, quelles que soient les dispositions de la constitution cantonale et du droit fédéral régissant la matière.
 
1.2 Le recours institué par l'art. 85 let. a OJ permet au citoyen de se plaindre de ce qu'une initiative a été indûment soustraite au scrutin populaire, notamment parce qu'elle a été déclarée totalement ou partiellement invalide par l'autorité cantonale chargée de cet examen, et quelle que soit la motivation de cette décision d'invalidation.
 
1.3 La qualité pour recourir dans ce domaine appartient à toute personne à laquelle la législation cantonale accorde l'exercice des droits politiques pour participer à la votation en cause, même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 128 I 190 consid. 1 p. 192; 121 I 138 consid. 1 p. 139; 357 consid. 2a p. 360). La qualité pour agir des recourants agissant à titre personnel, électeurs dans le canton de Genève, est donc indiscutable. Il en va de même pour le comité d'initiative et l'Alliance de gauche, qui ont lancé l'initiative.
 
2.
 
Les recourants rappellent que le texte de l'IN 136 est repris de l'IN 119, dont le Tribunal fédéral avait confirmé l'invalidation pour défaut d'unité de la matière (ATF 129 I 381). Alors que l'IN 119 portait sur la création d'une caisse maladie et la sauvegarde du service public, l'IN 136 se limiterait à ce second objectif, en renforçant les droits démocratiques. L'initiative énoncerait les différents cas de démantèlement des services publics, soit: la suppression, la privatisation, le transfert d'activités ou la sous-traitance à des personnes privées. La deuxième partie de la seconde phrase de l'art. 53B porterait sur deux questions supplémentaires, soit la modification des statuts ou des organes des institutions autonomes et les cessions immobilières. Le premier point permettrait d'assurer le statut démocratique de ces établissements, notamment la représentation des partis politiques au sein de leurs organes. La référence aux cessions immobilières tiendrait au fait que la plupart des bâtiments utilisés par les services publics appartient à l'Etat. L'initiative formerait donc un tout cohérent et respecterait l'exigence d'unité de la matière, notamment par comparaison avec l'initiative "L'énergie: notre affaire" (arrêt P.312/84 / P.422/84 du 18 décembre 1984), qui portait sur une longue disposition constitutionnelle proposant un programme politique.
 
2.1 L'exigence d'unité de la matière découle de la liberté de vote et, en particulier, du droit à la libre formation de l'opinion des citoyens et à l'expression fidèle et sûre de leur volonté (art. 34 al. 2 Cst.). Cette exigence interdit de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs propositions de nature ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation ou à une opposition globales, alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une partie des propositions qui lui sont soumises (ATF 90 I 69 consid. 2c p. 74). Il doit ainsi exister, entre les diverses parties d'une initiative soumise au peuple, un rapport intrinsèque ainsi qu'une unité de but (ATF 129 I 366 consid. 2.3 p. 371; 128 I 190 consid. 3.2 p. 197; 125 I 227 consid. 3c p. 231; 123 I 63 consid. 4b p. 71 et les arrêts cités), c'est-à-dire un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement justifiée la réunion de plusieurs propositions en une seule question soumise au vote (ATF 112 Ia 391 consid. 3b p. 395; 104 Ia 215 consid. 2b p. 223-224 concernant le référendum financier). Ce principe est rappelé à l'art. 66 al. 2 Cst./GE, selon lequel il doit exister un "rapport intrinsèque" entre les diverses parties d'une initiative.
 
L'exigence d'unité de la matière est plus contraignante à l'égard d'une initiative portant sur une révision partielle que sur une révision totale de la constitution, soumise à une procédure propre (ATF 113 Ia 46 consid. 4a p. 52). Il y a lieu également de se montrer plus sévère pour une initiative rédigée de toutes pièces que pour une initiative non formulée: cette dernière contient une proposition générale qu'il appartiendra encore au législateur de concrétiser (ATF 123 I 63 consid. 4b p. 72 et les arrêts cités). L'IN 136 porte sur une révision partielle de la Constitution genevoise. Elle est rédigée de toutes pièces, ce qui justifie que l'on se montre particulièrement sévère au regard de l'exigence d'unité de la matière (ATF 129 I 381 consid. 2.2 p. 385; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit. no 795 p. 264).
 
2.2 L'unité de la matière est une notion relative qui doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes (ATF 123 I 63 consid. 4 p. 70 ss). Une initiative se présentant comme un ensemble de propositions diverses, certes toutes orientées vers un même but, mais recouvrant des domaines aussi divers qu'une politique économique, une réforme fiscale, le développement de la formation, la réduction du temps de travail, la réinsertion des sans-emploi, etc., viole la règle de l'unité de la matière (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/74). En revanche, une initiative populaire peut mettre en oeuvre des moyens variés, pour autant que ceux-ci sont rattachés sans artifice à l'idée centrale défendue par les initiants (ATF 125 I 227 consid. 3c p. 231). L'unité de la matière fait ainsi défaut lorsque l'initiative présente en réalité un programme politique général (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/74), lorsqu'il n'y a pas de rapport suffisamment étroit entre les différentes propositions, ou encore lorsque celles-ci sont réunies de manière artificielle ou subjective (ATF 123 I 63 consid. 4d p. 73 et consid. 5 p. 73/74 ainsi que la doctrine citée). On peut, parmi les exemples de la jurisprudence récente, citer les affaires suivantes:
 
- Dans son arrêt Beer, le Tribunal fédéral a confirmé qu'une initiative législative non formulée (IN 105) comprenant onze chapitres concernant la favorisation de l'emploi, la lutte contre le chômage et la réforme de la fiscalité, ne respectait pas l'unité de la matière, faute d'un rapport étroit entre la multitude de propositions qu'elle contenait (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73-74);
 
- Le Tribunal fédéral a en revanche considéré que l'unité de la matière était respectée dans le cas de l'initiative genevoise IN 109, qui concernait la politique de paix et envisageait divers moyens comme la réduction des dépenses militaires, la prévention des conflits et le développement de moyens non militaires pour assurer la sécurité de la population (ATF 125 I 227 consid. 3 p. 230). Le fil conducteur se retrouvait tout au long du texte de l'initiative;
 
- Dans l'arrêt Schäppi c/ZH (ATF 129 I 366), le Tribunal fédéral a considéré que les quatre dispositions constitutionnelles proposées tendaient au même but, soit à réaménager les rapports entre les églises et l'Etat. Les trois domaines visés (autonomie des églises, financement et reconnaissance étatique) étaient en étroite connexité;
 
- Dans son arrêt du 25 septembre 2003, le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Grand Conseil genevois invalidant l'IN 119 intitulée "Pour une caisse-maladie publique à but social et la défense du service public"; celle-ci comportait deux volets distincts, soit, d'une part, la création d'un établissement cantonal d'assurance-maladie comportant des règles détaillées de gestion et, d'autre part, la soumission au référendum facultatif de toute décision relative à la privatisation ou au transfert des activités de l'Etat, les deux projets étant de nature distincte (ATF 129 I 381).
 
- Par arrêt du 26 mai 2004 (ATF 130 I 185), le Tribunal fédéral a considéré que l'initiative populaire genevoise IN 120 "Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers" ne respectait pas l'unité de la matière: elle tendait d'une part à soumettre au référendum les modifications de dispositions législatives sur les droits des locataires, et d'autre part à les faire figurer dans la Constitution cantonale en modifiant certaines d'entre elles. Il y avait une multiplicité de buts (protection des locataires et des habitants de quartiers, renforcement des droits politiques) et un foisonnement de dispositions de nature diverse. Une scission n'était pas possible, compte tenu de la longueur et de la complexité du texte; en revanche, le Tribunal fédéral a estimé qu'une invalidation partielle était possible en limitant l'initiative à l'instauration du référendum obligatoire pour la modification des lois visées.
 
2.3 L'IN 136 se rapproche de ce dernier exemple en ce qu'elle préconise la sauvegarde des services publics et de leur statut démocratique, cela par le biais d'une obligation faite au Grand Conseil d'agir par voie législative et d'un renforcement des droits politiques. Or, il est parfaitement concevable que des citoyens favorables par principe à l'élargissement des droits politiques ne soient pas opposés à certains aménagements du service public (cf. ATF 130 I 185 consid. 3.5). L'initiative prétend par ailleurs s'appliquer à une multitude d'actes censés affecter le service public, soit les privatisations, les sous-traitances même partielles et les transferts ou cessations d'activités. A cela s'ajoutent les modifications du statut, des organes ainsi que les cessions immobilières concernant les entités visées. Ces trois derniers objets posent un problème évident sous l'angle de l'unité de la matière, car une modification du statut, des organes ou une cession d'immeuble (en dehors des cas évidents mentionnés par les recourants) n'affectent pas nécessairement le service public en tant que tel, et ne présentent dès lors qu'un rapport très indirect avec l'objet principal de l'initiative. Les entités visées sont elles aussi définies de manière très large puisqu'à côté de l'Etat sont visés les institutions, fondations et établissements de droit public. A titre d'exemples, l'art. 53B mentionne les hôpitaux, écoles, postes de police, fondations de logement, les Transports public, les Services industriels, la Banque cantonale, l'Aéroport et le Palais des expositions. Enfin, l'art. 53B soumet au référendum obligatoire non seulement des actes de la compétence du Grand Conseil, mais également des actes de niveau réglementaire ou décisionnel, voire même des actes internes aux établissements concernés.
 
Une telle multiplicité de moyens n'apparaît pas nécessaire au regard du but poursuivi par l'initiative et, partant, incompatible avec le principe de l'unité de la matière. Compte tenu de l'extrême diversité des situations auxquelles l'initiative entend s'appliquer, on se trouve davantage en présence d'un postulat de nature politique que d'une proposition homogène faite aux citoyens (ATF 130 I 185 consid. 3.6 in fine p. 200).
 
3.
 
Le Grand Conseil a également invalidé l'initiative en la tenant pour inexécutable. Suivant l'avis de la majorité de la Commission législative, il a estimé que l'application de l'art. 53B entraverait l'action de l'Etat: toute réduction de l'activité de l'état (tels un changement d'horaires, des réorganisations de services et des décisions administratives courantes), de même qu'un changement d'administrateur d'une institution autonome, devraient être soumis au peuple, ce qui nécessiterait d'innombrables votations. Les recourants relèvent que de telles votations pourraient être regroupées quatre fois par années lors des votations fédérales. Le cas échéant, une loi d'application permettrait d'appliquer l'art. 53B Cst./GE de façon raisonnable. Comme le relève le rapport du Conseil d'Etat, l'alourdissement de l'agenda électoral ne constituerait pas un obstacle absolu à la réalisation de l'initiative.
 
3.1 Selon la jurisprudence, une initiative populaire doit être invalidée si son objet est impossible (ATF 101 Ia 354 consid. 9 p. 365 et les arrêts cités). Il ne se justifie pas, en effet, de demander au peuple de se prononcer sur un sujet qui n'est pas susceptible d'être exécuté. L'invalidation ne s'impose toutefois que dans les cas les plus évidents. L'obstacle à la réalisation doit être insurmontable: une difficulté relative est insuffisante, car c'est avant tout aux électeurs qu'il appartient d'évaluer les avantages et les inconvénients qui pourraient résulter de l'acceptation de l'initiative (ATF 128 I 190 consid. 5 p. 202; 99 Ia 406 consid. 4c p. 407; 94 I 120 consid. 4b p. 126 concernant des initiatives visant à interrompre des travaux de construction). Par ailleurs, l'impossibilité doit ressortir clairement du texte de l'initiative; si celle-ci peut être interprétée de telle manière que les voeux des initiants sont réalisables, elle doit être considérée comme valable (Grisel, Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, Berne 2004 p. 254). L'impossibilité peut être matérielle ou juridique. S'agissant des initiatives tendant à la remise en cause de travaux, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas inexécutabilité du simple fait que l'ouvrage est déjà commencé (ATF 128 I 202; 94 I 125), mais qu'il y a impossibilité matérielle d'exécution lorsque l'ouvrage est en état d'achèvement (ATF 101 Ia 354 consid. 10 p. 367 ss).
 
3.2 Comme le relèvent les recourants, la disposition constitutionnelle proposée par l'initiative n'est certes pas absolument impossible à mettre en oeuvre; il appartient en principe au corps électoral de décider s'il veut être consulté plus fréquemment. Toutefois, on ne saurait considérer que le Grand Conseil a abusé de son pouvoir d'appréciation en estimant que l'application de l'art. 53B Cst./GE serait propre à entraver la gestion de l'Etat. En effet, l'initiative obligerait le Grand Conseil à adopter des lois formelles pour toute une série d'actes relevant jusque-là du gouvernement, voire de la gestion administrative de l'ensemble des établissements public (changement dans les organes, modifications de l'offre au public, aliénations immobilières). Le peuple serait systématiquement appelé à se prononcer, de sorte que la validité de ces décisions courantes pourrait demeurer indécise durant de nombreux mois.
 
3.3 En outre, l'initiative pêche aussi par son imprécision. L'exigence de précision normative, également applicable lorsqu'il s'agit de définir l'étendue des droits politiques, impose en effet que l'on puisse autant que possible savoir si l'intervention du parlement, puis du peuple, est nécessaire pour l'adoption d'un acte déterminé. En l'occurrence, l'initiative contient de nombreuses notions indéterminées telles que les "activités assumées régulièrement" par l'Etat ou les entités de droit public, les "cessations d'activité", "modifications du statut", et "cessions d'objets immobiliers les concernant", qui ne manqueront pas de susciter des contestations, voire des recours. En outre, les électeurs appelés à s'exprimer sur le texte de l'initiative ne seraient pas à même d'en apprécier la portée, faute de savoir si les notions auxquelles la disposition constitutionnelle fait référence doivent ou non faire l'objet d'une interprétation extensive. Ainsi, la liste des services publics visés à l'art. 53B Cst./GE n'est qu'exemplative; toutefois, la longueur de l'énumération paraît tendre à l'exhaustivité, tout en omettant des entités telles que les établissements médico-sociaux ou les musées par exemple. Il en découle d'importantes incertitudes quant au champ d'application de la disposition. Les recourants admettent d'ailleurs cette insuffisance de précision puisqu'ils évoquent la possibilité d'y remédier dans le cadre d'une loi d'exécution (cf. à ce sujet consid. 4.3 ci-dessous).
 
Le texte de l'IN 136 n'est donc pas suffisamment clair pour permettre aux citoyens de se prononcer en connaissance de cause, comme l'exige l'art. 34 al. 2 Cst. (cf. ATF 133 I 110 consid. 8 p. 126). La décision du Grand Conseil n'est pas non plus critiquable sous cet angle.
 
4.
 
Les recourants invoquent - spécialement en réplique - l'obligation faite au Grand Conseil, par l'art. 66 al. 2 Cst./GE, de sauver une initiative populaire en la scindant ou en ne l'invalidant que partiellement. Il suffirait selon eux de séparer l'initiative en deux parties: la première phrase et le début de la seconde phrase de l'art. 53B d'une part; la dernière partie de la disposition d'autre part, avec l'adaptation rédactionnelle nécessaire. Les recourants soutiennent également que le manque de précision dont serait entaché l'art. 53B pourrait être réparé dans le cadre d'une loi d'application.
 
4.1 Selon l'art. 66 al. 2 Cst./GE, le Grand Conseil déclare partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides; à défaut, il déclare l'initiative nulle. Cette disposition, introduite lors de la révision constitutionnelle du 27 mars 1993, est une application du principe selon lequel une initiative doit être interprétée dans le sens le plus favorable aux initiants, selon l'adage "in dubio pro populo" (arrêt 1P.451/2006 du 28 février 2007 consid. 2.2). Elle apparaît également comme une concrétisation, en matière de droit populaire, du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) qui veut que l'intervention étatique porte l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens, et que les décisions d'invalidation soient autant que possible limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 132 I 282 consid. 3.1 p. 286 et les arrêts cités; 129 I 381 consid. 4a p. 388). Ainsi, lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants (ATF 130 I 185 consid. 5 p. 202; 125 I 227 consid. 4a et b p. 231 et la jurisprudence citée). L'invalidité d'une partie de l'initiative ne doit entraîner celle du tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé (ATF 128 I 190 consid. 6 p. 203; 125 I 227 consid. 4 p. 231; 124 I 107 consid. 5b p. 117; 121 I 334 consid. 2a p. 338 et la jurisprudence citée). Tel qu'il est rédigé, l'art. 66 al. 2 Cst./GE ne confère pas sur ce point une simple faculté au Grand Conseil, mais une véritable obligation. L'invalidation partielle a ainsi fréquemment été décidée par l'autorité cantonale, qu'il s'agisse de sanctionner une violation de la règle de l'unité de la matière (ATF 132 I 282: initiative "Energie-Eau: notre affaire!"; 130 I 185: initiative "Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers"; 129 I 381: initiative "Pour une caisse d'assurance maladie publique à but social et la défense du service public"), la non-conformité partielle au droit supérieur (ATF 128 I 190, initiative "pour un projet de stade raisonnable"; 125 I 227, initiative "Genève, République de Paix") ou l'inexécutabilité d'une partie d'une initiative (ATF 128 I 190; arrêt 1P.454/2006 du 22 mai 2007 concernant l'initiative "Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse").
 
4.2 En l'espèce, le Grand Conseil n'a pas failli à la mission que lui impose l'art. 66 al. 2 Cst. car, comme cela est relevé ci-dessus, le défaut d'unité de la matière et les problèmes de clarté et d'exécutabilité affectent l'initiative dans son ensemble, et non seulement une partie de celle-ci. La scission proposée par les recourants, ou une invalidation partielle, n'apporteraient guère d'amélioration de ce point de vue.
 
4.3 Quant à une éventuelle loi d'application, il convient de relever que l'IN 136 est une initiative rédigée de toutes pièces, susceptible d'application immédiate, et qui ne prévoit pas de législation d'exécution. En outre, rien ne permet de présumer la teneur d'une telle législation, sans doute difficile à élaborer compte tenu de la diversité et de la complexité de l'initiative. Les recourants se contentent d'affirmer que le texte de l'initiative devra être appliqué de façon raisonnable, mais cela n'enlève rien aux défauts intrinsèques dont celui-ci est entaché.
 
5.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Compte tenu de la pratique relative aux recours de droit public pour violation des droits politiques (et abandonnée après l'entrée en vigueur de la LTF, ATF 133 I 141), il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. Il n'est pas non plus alloué de dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et au Grand Conseil du canton de Genève.
 
Lausanne, le 4 septembre 2007
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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