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Informationen zum Dokument  BGer 1P.454/2006  Materielle Begründung
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BGer 1P.454/2006 vom 22.05.2007
 
Tribunale federale
 
{T 1/2}
 
1P.454/2006 /kur
 
Séance du 22 mai 2007
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Aeschlimann, Wurzburger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
 
Greffier: M. Kurz.
 
Parties
 
ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires,
 
Marie-Paule Blanchard-Queloz,
 
Nils de Dardel,
 
Christian Grobet,
 
Carlo Sommaruga,
 
Alberto Velasco,
 
recourants,
 
représentés par Me Maurizio Locciola, avocat,
 
contre
 
Grand Conseil du canton de Genève,
 
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3970,
 
1211 Genève 3.
 
Objet
 
Validité de l'initiative populaire IN 133 "Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse",
 
recours de droit public contre la décision du Grand Conseil du canton de Genève du 22 juin 2006.
 
Faits :
 
A.
 
Le 18 novembre 2005, le Conseil d'Etat du canton de Genève a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire intitulée "Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse" (IN 133). Lancée par l'Association genevoise de défense des locataires (Asloca), l'initiative prévoit l'adjonction dans la Constitution genevoise (Cst./GE) des dispositions suivantes:
 
Titre X E Affectation des ressources financières provenant de la Banque Nationale Suisse (nouveau)
 
Art. 160 F Financement de logements pérennes à loyers modérés (nouveau)
 
1Le tiers de tout actif libre de la Banque Nationale Suisse (ci-après: Banque Nationale) provenant notamment de la vente de l'or excédentaire versé au canton de Genève est affecté à la construction, à la mise à disposition de la population et à l'amélioration de logements à loyers modérés dont la pérennité doit être garantie (logements à caractère pérenne). Le 50% des dividendes annuels versés au canton par la Banque Nationale est également affecté aux mêmes buts, aussi longtemps que le parc immobilier à loyers modérés à caractère pérenne n'atteint pas 25% du parc immobilier locatif genevois, mais au minimum 50'000 logements. Le Grand Conseil décide si le solde des actifs et dividendes est affecté à la fondation ou à d'autres buts.
 
2En application de l'alinéa 1, les ressources financières provenant de la Banque Nationale sont utilisées:
 
a) à la mise en oeuvre d'une politique active d'acquisition de terrains destinés à la construction de logements locatifs à loyers modérés à caractère pérenne;
 
b) à la construction ou l'achat d'immeubles de logements en vue de réaliser des logements locatifs à loyers modérés à caractère pérenne;
 
c) à la construction ou l'achat d'immeubles de logements par des institutions de droit public ou sans but lucratif et des sociétés coopératives d'habitation, en vue de réaliser des logements locatifs à loyers modérés à caractère pérenne;
 
d) au financement des terrains et immeubles acquis par l'exercice du droit cantonal de préemption, tout particulièrement lorsque ceux-ci sont vendus par une fondation de droit public;
 
e) à l'assainissement d'immeubles vétustes, notamment ceux acquis par les communes à faible capacité financière, en vue de réaliser des logements locatifs à loyers modérés à caractère pérenne;
 
à l'assainissement d'immeubles de logements à caractère pérenne en vue de réduire les émissions de CO2, tout en limitant les majorations de loyer.
 
3Les immeubles acquis au moyen des ressources financières provenant de la Banque Nationale doivent être affectés à des logements à loyers modérés à caractère pérenne. Ils ne peuvent pas être aliénés. En revanche, ils peuvent être mis en droit de superficie, si le caractère pérenne des logements est garanti.
 
4Il est constitué une fondation de droit public chargée de procéder à la réalisation des objectifs fixés aux alinéas 1 et 2, grâce aux ressources financières provenant de la Banque Nationale en vertu de l'alinéa 1. Les investissements de la fondation supérieurs à 1'000'000 F sont soumis à l'approbation du Conseil d'Etat.
 
5La loi fixe les modalités de fonctionnement de la fondation dont le conseil est formé de douze membres désignés par le Conseil d'Etat. Il est composé pour un tiers de représentants d'associations de locataires d'importance cantonale existant depuis 10 ans au moins, proposés par celles-ci, pour un tiers de représentants de coopératives d'habitation ou d'autres institutions sans but lucratif proposés par celles-ci, et pour un tiers de représentants des autorités cantonales et municipales.
 
Art. 182, alinéas 2 et 3 (nouveaux) Dispositions transitoires
 
2Dans l'attente de leur affectation en vertu de l'article 160F, les actifs et les dividendes versés par la Banque Nationale Suisse au canton de Genève sont mis en compte dès la date de la publication, dans la Feuille d'avis officielle, du lancement ou, à défaut, dès la date du dépôt de l'initiative, qui est à l'origine de l'article 160F. Ces fonds ne peuvent pas être utilisés autrement que pour les besoins de trésorerie de l'Etat jusqu'à l'entrée en vigueur de cet article. La fondation est, en outre, mise au bénéfice d'une créance à concurrence du montant qui lui est dû en vertu de l'article 160F. Cet article s'applique avec effet immédiat dès son entrée en vigueur, si nécessaire en dérogation à la législation existante.
 
3Si dans les douze mois qui suivent l'adoption par le peuple de l'initiative « Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse » la loi visée à l'article 160F, alinéa 5, n'est pas entrée en vigueur, le Conseil d'Etat édicte un règlement transitoire portant sur l'organisation de la fondation constituée à l'article 160F, alinéa 4.
 
Selon l'exposé des motifs, les difficultés financières des pouvoirs publics limitaient les possibilités de construction de logements à loyers modérés. Le produit de la vente de l'or de la Banque Nationale Suisse (BNS), qui devait être prochainement distribué aux cantons, constituait une "aubaine inattendue"; pour Genève, cela représentait près de 550 millions de francs, dont le tiers permettrait la réalisation d'environ 3000 logements bon marché.
 
B.
 
Dans son rapport au Grand Conseil, du 1er février 2006, le Conseil d'Etat a considéré que même s'il n'y avait pas de lien entre les dividendes attribués annuellement en vertu de l'art. 31 LBN et la cession aux cantons des actifs provenant de l'or excédentaire, le principe d'unité de la matière était respecté compte tenu de l'origine et de l'affectation communes des fonds. Par arrêté du 27 avril 2005, le Conseil d'Etat avait décidé d'affecter le bénéfice extraordinaire de la BNS à la réduction de la dette, conformément à une motion déposée le 4 janvier 2005 et adoptée par le Grand Conseil le 21 avril 2005. Il était certes possible de mettre la fondation, après sa création, au bénéfice d'une créance correspondante; toutefois, une telle dépense, de 179 millions de francs, viendrait à péjorer les comptes de l'Etat. Quant à la part du canton au bénéfice de la BNS, de l'ordre de 72 millions de francs, il s'agissait d'un revenu courant de l'Etat de Genève; selon les prévisions transmises par la Confédération, cette part devrait diminuer, en raison notamment de la cession d'une grande partie des actifs libres. Rappelant l'ensemble des dépenses effectuées en faveur de l'office cantonal du logement et les démarches en cours dans le cadre de la nouvelle politique du logement, le Conseil d'Etat préconisait le refus de l'initiative.
 
La Commission législative s'est prononcée, le 26 mai 2006; les dispositions transitoires (art. 182 al. 2 et 3 Cst./GE), qui prévoyaient la mise en réserve des sommes versées par la Confédération, en attendant le vote populaire, violaient le droit supérieur et devaient être invalidées. Le reste de l'initiative était exécutable.
 
Par décision du 22 juin 2006, publiée sans motivation dans la feuille d'avis officielle du 28 juin suivant, le Grand Conseil a invalidé l'initiative dans son ensemble.
 
C.
 
L'Asloca, ainsi que cinq citoyens genevois, forment un recours de droit public pour violation des droits politiques. Ils demandent à pouvoir compléter leurs écritures une fois connue la motivation de la décision d'invalidation, et concluent principalement à l'annulation de cette décision.
 
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours. Un second échange d'écritures a été ordonné, au terme duquel les parties ont maintenu leurs conclusions.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
La décision attaquée a été prise et le recours de droit public introduit avant l'entrée en vigueur de la LTF. La loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) est par conséquent applicable (art. 132 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 15 al. 3 OJ, la Cour siège à sept juges.
 
1.1 En vertu de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des recours de droit public concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections et aux votations cantonales, quelles que soient les dispositions de la constitution cantonale et du droit fédéral régissant la matière.
 
1.2 Le recours institué par l'art. 85 let. a OJ permet au citoyen de se plaindre de ce qu'une initiative a été indûment soustraite au scrutin populaire, notamment parce qu'elle a été déclarée totalement ou partiellement invalide par l'autorité cantonale chargée de cet examen, et quelle que soit la motivation de cette décision d'invalidation.
 
1.3 La qualité pour recourir dans ce domaine appartient à toute personne à laquelle la législation cantonale accorde l'exercice des droits politiques pour participer à la votation en cause, même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 128 I 190 consid. 1 p. 192; 121 I 138 consid. 1 p. 139; 357 consid. 2a p. 360). La qualité pour agir des recourants agissant à titre personnel, électeurs dans le canton de Genève, est donc indiscutable. Il en va de même pour l'Asloca, constituée en personne morale, qui a lancé l'initiative. Pour le surplus, déposé dans les formes et le délai prévus aux art. 89 et 90 OJ, le recours est recevable.
 
2.
 
Les recourants contestent l'invalidation des dispositions transitoires de l'initiative. Ils estiment qu'une initiative populaire peut prendre effet à la date de son lancement ou de son dépôt.
 
Pour le Grand Conseil, l'initiative ne pourrait avoir d'effet suspensif, de sorte que le Conseil d'Etat pouvait valablement disposer des montants reçus au printemps et en été 2005. L'initiative ne pourrait non plus avoir un effet rétroactif proprement dit qui empêcherait l'affectation des montants versés avant que le peuple se prononce.
 
2.1 Les dispositions transitoires prévues par l'initiative (art. 182 al. 2 Cst./GE) imposent que les actifs et dividendes versés par la BNS soient mis en compte dès le lancement de l'initiative, ou à la date de son dépôt. Les fonds ne pourraient être utilisés autrement que pour des besoins de trésorerie jusqu'à l'entrée en vigueur de l'art. 160 F Cst./GE. La fondation prévue par cette disposition serait au bénéfice d'une créance pour l'équivalent du montant qui lui est dû. Selon l'art. 182 al. 3 Cst./GE, le Conseil d'Etat doit adopter un règlement sur l'organisation de la fondation si, dans l'année qui suit l'adoption de l'initiative, la loi d'application n'est pas entrée en vigueur.
 
2.2 Le droit d'initiative n'implique aucun effet suspensif (ATF 128 I 190 consid. 5.1 p. 202, 101 Ia 354 consid. 3j p. 359; Tschannen, Stimmrecht und politische Verständigung, Bâle 1995, n° 707 p. 469). En effet, les dispositions législatives ou constitutionnelles visées par l'initiative ne peuvent entrer en vigueur qu'après avoir été acceptées par le peuple, puis, à l'instar de toute règle de droit, dûment promulguées (cf. la loi genevoise sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels, art. 11 ss). Il est par conséquent exclu qu'une initiative populaire puisse imposer des obligations à l'Etat avant même d'avoir été acceptée en votation (arrêt 1P.838/2006 du 28 mars 2007, consid. 2).
 
2.3 Bien plus qu'une rétroactivité (qui peut être admise à certaines conditions, cf. ATF 130 I 185 consid. 5.5 p. 204-205) ou un effet suspensif (qui tend au maintien d'un état de fait), les dispositions transitoires de l'art. 182 al. 2 Cst./GE tendent à instaurer un effet anticipé en imposant par avance un mode d'utilisation des fonds perçus de la BNS. Un tel effet est contraire à la règle générale qui veut qu'un acte législatif ne déploie ses effets qu'au moment où il a été adopté. Les recourants se réfèrent à tort à la disposition transitoire de l'initiative IN 120, jugée admissible par le Tribunal fédéral (ATF 130 I 185 consid. 5.5 p. 204). Cette disposition soumettait au référendum facultatif les éventuelles modifications législatives adoptées entre le dépôt de l'initiative et son entrée en vigueur; dans ce cas, il s'agissait d'un effet rétroactif qui déployait ses effets après l'entrée en vigueur des dispositions de l'initiative. En l'occurrence, les initiants entendaient imposer immédiatement à l'Etat un certain comportement, avant même l'adoption et l'entrée en vigueur des dispositions de l'initiative, afin d'éviter que celle-ci ne soit vidée d'une partie importante de son objet. Un tel effet anticipé n'est pas admissible. Comme le relève le Grand Conseil, admettre le contraire permettrait à un nombre limité de citoyens de paralyser l'action de l'Etat durant plusieurs années, par le simple lancement d'initiatives. L'invalidation de l'art. 182 al. 2 de l'initiative ne prête donc pas le flanc à la critique.
 
2.4 La validité de l'art. 182 al. 3 des dispositions transitoires n'est, en revanche, pas contestée en tant que telle par le Grand Conseil. En effet, la constitution peut prévoir un délai pour la mise en oeuvre de certaines de ses dispositions (cf. art. al. 3 Cst./GE qui impose au Grand Conseil d'adopter dans les douze mois un projet de loi confor-mément à une initiative non formulée), et comporter une délégation provisoire à l'exécutif en cas de manquement. En soi, cette disposition n'est pas contraire au droit supérieur.
 
3.
 
Les recourants contestent que la partie principale de l'initiative, soit l'art. 160 F Cst./GE, soit devenue inexécutable: les versements de la BNS sont intervenus progressivement et de nouveaux versements pourraient encore être effectués à l'avenir, au titre des bénéfices extraordinaires et ordinaires. Au demeurant, les fonds de la BNS n'auraient pas été affectés à une dépense précise, de sorte que leur comptabilisation pourrait être corrigée sans problème. En réplique, les recourants soutiennent que la décision d'affecter les montants versés par la BNS ne pouvait se faire que sous la forme d'une loi formelle, et devait figurer au budget. La motion adoptée le 21 avril 2005 ne serait pas assimilable à une loi, mais à une simple déclaration d'intention. En réalité, les versements de la BNS auraient servi à des amortissements occultes qui ne figureraient pas dans les comptes 2005 de l'Etat. Ce jeu d'écritures illégal pourrait être corrigé en cas d'acceptation de l'initiative, au titre d'une opération de trésorerie garantie par une créance au bénéfice de la fondation à créer. L'initiative serait toujours réalisable - éventuellement sans ses dispositions transitoires -, dans la perspective de nouveaux versements du produit de la vente d'or de la BNS, ainsi que des dividendes annuels qui sont toujours régulièrement attribués aux cantons.
 
Pour le Grand Conseil, l'affectation de la part genevoise au bénéfice extraordinaire de la BNS a été décidée par arrêté du 27 avril 2005 du Conseil d'Etat, conformément à une motion acceptée par le Parlement le 21 avril précédent, de sorte que le financement voulu par l'initiative ne serait plus disponible. Un changement d'affectation exigerait des opérations non prévues par l'initiative. Au demeurant, on ne saurait mettre la créance prévue à l'art. 182 al. 2 (nouveau) Cst./GE au bénéfice d'une fondation inexistante. En définitive, l'invalidité de la disposition transitoire affecterait la validité de l'ensemble de l'initiative, privée de son objet essentiel. Quant à l'argumentation basée sur le respect des prescriptions relatives aux comptes de l'Etat, elle serait d'une part tardive et, d'autre part, sans rapport avec la question des droits politiques.
 
3.1 Selon la jurisprudence, une initiative populaire doit être invalidée si son objet est impossible (ATF 101 Ia 354 consid. 9 p. 365 et les arrêts cités). Il ne se justifie pas, en effet, de demander au peuple de se prononcer sur un sujet qui n'est pas susceptible d'être exécuté. L'invalidation ne s'impose toutefois que dans les cas les plus évidents. L'obstacle à la réalisation doit être insurmontable: une difficulté rela-tive est insuffisante, car c'est avant tout aux électeurs qu'il appartient d'évaluer les avantages et les inconvénients qui pourraient résulter de l'acceptation de l'initiative (ATF 128 I 190 consid. 5 p. 202; 99 Ia 406 consid. 4c p. 407; 94 I 120 consid. 4b p. 126 concernant des initiatives visant à interrompre des travaux de construction). Par ailleurs, l'impossibilité doit ressortir clairement du texte de l'initiative; si celle-ci peut être interprétée de telle manière que les voeux des initiants sont réalisables, elle doit être considérée comme valable (Grisel, Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, Berne 2004 p. 254). L'impossibilité peut être matérielle ou juridique. S'agissant des initiatives tendant à la remise en cause de travaux, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas inexécutabilité du simple fait que l'ouvrage est déjà commencé (ATF 94 I 125), mais qu'il y a impossibilité matérielle d'exécution lorsque l'ouvrage est en état d'achèvement (ATF 101 Ia 354 consid. 10 p. 367 ss). Pour juger de cette question, il y a lieu, compte tenu de l'objet et du caractère de l'initiative, de se placer non pas au moment du dépôt de l'initiative, mais, au plus tôt, au moment où l'autorité compétente statue sur sa recevabilité, voire au moment le plus proche possible de celui où l'initiative devrait être soumise au vote populaire (ATF 101 Ia 354 consid. 10 p. 369). Il est ainsi possible qu'une initiative exécutable au moment de son dépôt devienne impossible à réaliser au moment du scrutin, pour autant toutefois que ce dernier n'ait pas été retardé à dessein (ATF 128 I 190 consid. 5 p. 201ss).
 
3.2 Le 4 janvier 2005, une motion a été déposée devant le Grand Conseil. Elle tendait à l'affectation de la part cantonale des bénéfices de la vente d'or de la BNS au remboursement très partiel (soit environ 5%) de la dette du canton. Cette proposition a été adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat le 21 avril 2005. Le même jour, le Grand Conseil a refusé une motion déposée le 5 avril précédent, tendant au contraire à ce que le Conseil d'Etat n'affecte pas la recette extraordinaire tant que le Grand Conseil n'aurait pas statué à ce sujet. Le 27 avril 2005, le Conseil d'Etat a décidé que les montants versés au canton de Genève par le Département fédéral des finances, provenant de la vente de l'or excédentaire de la BNS, seraient affectés intégralement à la réduction de la dette du canton. Le 3 avril 2006, le Conseil d'Etat a présenté un rapport sur la motion du 4 janvier 2005, en expliquant que la méthode de comptabilisation choisie avait été celle retenue par la majorité des cantons: le versement de 539,8 millions de fr. avait été identifié dans le budget de fonctionnement comme une recette extraordinaire utilisée, dans le cadre du bouclement des comptes 2005, pour résorber en partie les amortissements à rattraper figurant au découvert du bilan (soit un total de plus de 732 millions de fr.). Selon l'inspection cantonale des finances, il s'agissait d'un "actif sans valeur".
 
3.3 Invoquant diverses dispositions de la constitution genevoise et de la loi cantonale sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, les recourants soutiennent que cette affectation aurait dû, s'agissant de recettes extraordinaires et d'amortissements supplémentaires, faire l'objet d'une loi du Grand Conseil, et non seulement d'une décision sur motion sans effet contraignant. L'opération effectuée par le Conseil d'Etat avait en réalité pour but de dissimuler le très important déficit de l'exercice 2005.
 
3.4 Sous l'angle de l'exécutabilité de l'initiative, la question de savoir si les décisions d'affectation du bénéfice de la vente d'or de la BNS ont été valablement prises, et si les règles sur les comptes de l'Etat ont été respectées, n'a pas à être examinée dans la cadre de la présente procédure. Il apparaît en effet que la part versée par la BNS au canton de Genève a été, de facto, entièrement affectée au remboursement de la dette. L'opération a été intégrée dans le compte d'Etat 2005, lequel a été définitivement approuvé le 22 septembre 2006 par le Grand Conseil. Les fonds versés en 2005 ne sont dès lors plus disponibles, ce qui rend la réalisation de l'initiative impossible. Il serait certes possible d'affecter aux buts prévus à l'art. 160 F de l'initiative un montant équivalent à celui qui a servi à la réduction de la dette du canton; toutefois, comme le relève le Conseil d'Etat dans son rapport, cela impliquerait l'utilisation non plus des ressources financières provenant de la BNS, mais d'autres recettes de l'Etat, afin d'accroître les dépenses liées au logement social, ce qui ne correspondrait plus à l'objet de l'initiative.
 
4.
 
Il reste à savoir si, privée d'objet pour ce qui concerne les versements opérés en 2005, l'initiative demeure néanmoins réalisable.
 
4.1 Selon l'art. 66 al. 2 Cst./GE, le Grand Conseil déclare partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides; à défaut, il déclare l'initiative nulle.
 
Cette disposition, introduite lors de la révision constitutionnelle du 27 mars 1993, est une application du principe selon lequel une initiative doit être interprétée dans le sens le plus favorable aux initiants, selon l'adage "in dubio pro populo" (arrêt 1P.451/2006 du 28 février 2007 consid. 2.2). Elle apparaît également comme une concrétisation, en matière de droit populaire, du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) qui veut que l'intervention étatique porte l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens, et que les décisions d'invalidation soient autant que possible limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 132 I 282 consid. 3.1 p. 286 et les arrêts cités; 129 I 381 consid. 4a p. 388). Ainsi, lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants (ATF 130 I 185 consid. 5 p. 202; 125 I 227 consid. 4a et b p. 231 et la jurisprudence citée). L'invalidité d'une partie de l'initiative ne doit entraîner celle du tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé (ATF 128 I 190 consid. 6 p. 203; 125 I 227 consid. 4 p. 231; 124 I 107 consid. 5b p. 117; 121 I 334 consid. 2a p. 338 et la jurisprudence citée).
 
Tel qu'il est rédigé, l'art. 66 al. 2 Cst./GE ne confère pas sur ce point une simple faculté au Grand Conseil, mais une véritable obligation. L'invalidation partielle a ainsi fréquemment été décidée par l'autorité cantonale, qu'il s'agisse de sanctionner une violation de la règle de l'unité de la matière (ATF 132 I 282: initiative "Energie-Eau: notre affaire!"; 130 I 185: initiative "Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers"; 129 I 381: initiative "Pour une caisse d'assurance maladie publique à but social et la défense du service public"), la non conformité partielle au droit supérieur (ATF 128 I 190, initiative "pour un projet de stade raisonnable"; 125 I 227, initiative "Genève, République de Paix"; arrêt 1P.238/2000 du 26 janvier 2001 publié in SJ 2001 I p. 237 concernant l'initiative "Pour le libre choix du moyen de transport") ou l'inexécutabilité d'une partie d'une initiative (ATF 128 I 190).
 
4.2 En l'espèce, il est vrai que l'invalidation des dispositions transitoires, de l'aveu même des recourants, vide l'initiative d'une part importante de son contenu. En effet, le titre de l'initiative mentionne uniquement "l'or de la Banque nationale". En outre, selon l'exposé des motifs, l'initiative visait en premier lieu le produit de la vente de l'or de la BNS "qui sera prochainement distribué aux cantons". Le montant de 550 millions de francs, présenté comme une "aubaine inattendue", est expressément mentionné, et l'initiative permettrait ainsi la construction d'environ 3000 logements bon marché.
 
Si elle est motivée en premier lieu par l'existence de ce versement ponctuel, l'initiative ne s'y limite toutefois pas: le titre même de la disposition constitutionnelle porte non seulement sur l'or mais plus généralement sur les "ressources financières provenant de la BNS". L'art. 160 F Cst./GE vise en effet le tiers de "tout actif libre de la BNS" provenant "notamment" de la vente de l'or excédentaire versé au canton de Genève. Comme l'admet le Grand Conseil, il n'est pas exclu que de nouvelles ventes de l'or excédentaire aient lieu dans l'avenir (cf. notamment la motion du 7 février 2007 de la Commission de gestion du Conseil national tendant à confier au Parlement la décision relative aux modalités de répartition d'un tel bénéfice, adoptée par le Conseil national le 12 mars 2007). Les sommes en jeu, de même que la part allouée aux cantons pourraient certes être sensiblement moindres qu'en 2005, mais cela ne prive pas un canton de décider par avance de leur affectation.
 
L'initiative porte également sur l'utilisation, au profit du logement social, de 50% des dividendes annuels versés aux cantons par la BNS, conformément à l'art. 31 al. 3 de la loi fédérale sur la Banque Nationale (LBN, RS 951.11). Ce revenu annuel (soit, pour le canton de Genève, 72 millions de fr. pour l'année 2005) revêt une importance non négligeable dans la perspective du but poursuivi par l'initiative, puisqu'il n'est pas limité dans le temps et que son affectation doit être maintenue "aussi longtemps que le parc immobilier à loyers modérés à caractère pérenne n'atteint pas 25% du parc immobilier locatif genevois, mais au minimum 50'000 logements". Selon le rapport du Conseil d'Etat, ce revenu annuel devrait subir une diminution conséquente pour les années à venir, notamment en raison de la liquidation intervenue en 2005. Toutefois, selon l'annexe à l'ordonnance sur la répartition des parts des cantons au bénéfice porté au bilan de la BNS (modèle de calcul; RS 951.181), la part revenant au canton de Genève, calculée selon la population résidante moyenne et la capacité financière du canton, est d'environ 67 millions de fr. Il ne s'agit en tout cas pas de sommes négligeables.
 
4.3 Amputée de ses dispositions transitoires, l'initiative conserve donc un objet, certes limité, mais qui peut encore être considéré comme correspondant au but principal poursuivi par des initiants, tel qu'il pouvait objectivement être compris par les signataires (cf. ATF 130 I 185 consid. 5.2 p. 203). La question de savoir si l'affectation de montants réduits est propre à la réalisation du but poursuivi par l'initiative ne relève pas de la validité de l'initiative, mais de son opportunité. Le cas échéant, le message à l'attention des citoyens devra expliquer clairement l'objet de l'initiative, ainsi redéfini, afin que le corps électoral puisse s'exprimer en parfaite connaissance de cause (cf. ATF 105 Ia 362 consid. 9 p. 368).
 
L'invalidation totale de l'initiative par le Grand Conseil genevois apparaît par conséquent comme disproportionnée; elle viole l'obligation, faite au parlement genevois à l'art. 66 al. 2 Cst./GE, de soumettre au peuple la partie restante de l'initiative qui est en elle-même valide, tout en conservant un sens correspondant à la démarche des initiants.
 
5.
 
Le recours de droit public doit par conséquent être admis partiellement, et la décision d'invalidation annulée en tant qu'elle porte sur les art. 160 F et 182 al. 3 de l'initiative. Contrairement à ce que prétend le Grand Conseil, une admission partielle du recours est possible même si les recourants n'ont pas présenté de conclusions spécifiques dans ce sens.
 
Les recourants obtenant partiellement gain de cause, il se justifie de ne pas percevoir d'émolument judiciaire. Le canton de Genève versera aux recourants une indemnité, réduite, à titre de dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est partiellement admis et la décision du Grand Conseil genevois du 22 juin 2006 est annulée en tant qu'elle déclare invalides les art. 160 F et 182 al. 3 Cst./GE. Le recours est rejeté pour le surplus.
 
2.
 
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée aux recourants, à la charge du canton de Genève.
 
3.
 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et au Grand Conseil du canton de Genève.
 
Lausanne, le 22 mai 2007
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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