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Informationen zum Dokument  BGer 1P_36/2007  Materielle Begründung
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BGer 1P_36/2007 vom 02.05.2007
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.36/2007 /col
 
Arrêt du 2 mai 2007
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président,
 
Aeschlimann et Fonjallaz.
 
Greffier: M. Rittener.
 
Parties
 
A.________,
 
recourante, représentée par Me Guy Zwahlen, avocat,
 
contre
 
Société coopérative B.________,
 
case postale 1436, 1227 Les Acacias,
 
intimée, représentée par Me Patrick Udry, avocat,
 
Procureur général du canton de Genève,
 
case postale 3565, 1211 Genève 3,
 
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
procédure pénale; appréciation des preuves,
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, du 13 décembre 2006.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 31 mai 2006, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné A.________ à une peine d'un an d'emprisonnement, avec sursis pendant trois ans, pour abus de confiance (art. 138 CP). Il a notamment retenu les faits suivants:
 
Employée en tant que caissière auprès de la Société coopérative B.________, A.________ a effectué des remboursements fictifs de bouteilles vides et conservé les montants ainsi obtenus, causant à son employeur un préjudice estimé à plus de 130'000 francs. A.________ travaillait essentiellement à la caisse du service clients, où sont restituées les bouteilles vides qui ne sont pas reprises par l'appareil de remboursement automatique mis à la disposition de la clientèle pour la majorité des restitutions. Il s'est avéré que les remboursements effectués à la caisse du service clients "explosaient" lorsque A.________ travaillait, alors qu'ils étaient peu importants lorsqu'elle était en congé.
 
Ces faits ont été constatés sur la base des nombreux documents produits par B.________, qui a établi divers tableaux et graphiques sur la base d'un journal informatique et de copies de tickets de caisse, lesquels ont également été versés au dossier. Confronté à une version différente de A.________ - qui contestait l'existence de remboursements fictifs et soutenait qu'elle n'était pas toujours à la caisse du service clients - le Tribunal de police l'a écartée. Il a considéré que la présence de l'intéressée au service clients et l'existence des remboursements fictifs étaient établies. De plus, il ressortait des documents précités que c'était bien A.________ qui avait procédé aux remboursements litigieux.
 
B.
 
A.________ a formé un appel contre ce jugement devant la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale), qui l'a rejeté par arrêt du 13 décembre 2006. Confirmant l'appréciation des preuves des premiers juges, la Chambre pénale a considéré que la présomption d'innocence avait été respectée. Elle a en outre écarté les calculs produits par A.________, dans la mesure où ils étaient contredits par les listings informatiques et les copie de tickets de caisse déposés par B.________.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elle se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves (art. 9 Cst.) ainsi que d'une violation de la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH). La Chambre pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Procureur général du canton de Genève a conclu au rejet du recours. La Société coopérative B.________ s'est déterminée; elle conclut au rejet du recours. Ces déterminations ont été communiquées à la recourante.
 
D.
 
Par ordonnance du 9 février 2007, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé l'effet suspensif au recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
 
2.
 
Le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral n'étant pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83) ni pour invoquer une violation directe d'un droit constitutionnel ou conventionnel, tel que la maxime "in dubio pro reo" consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH (ATF 121 IV 104 consid. 2b p. 107; 120 Ia 31 consid. 2b p. 35 s.), la voie du recours de droit public est ouverte à cet égard (art. 84 al. 2 OJ). Dans la mesure où l'arrêt attaqué confirme sa condamnation à une peine d'emprisonnement, la recourante a qualité pour contester ce prononcé (art. 88 OJ).
 
3.
 
La recourante se plaint d'une violation du principe de la présomption d'innocence et d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la constatation des faits.
 
3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 57 consid. 2 p. 61; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178).
 
L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Il en va de même lorsqu'il retient unilatéralement certaines preuves ou lorsqu'il rejette des conclusions pour défaut de preuves, alors même que l'existence du fait à prouver résulte des allégations et du comportement des parties (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Il ne suffit pas qu'une interprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisse également concevable pour que le Tribunal fédéral substitue sa propre appréciation des preuves à celle effectuée par l'autorité de condamnation, qui dispose en cette matière d'une grande latitude. En serait-il autrement, que le principe de la libre appréciation des preuves par le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).
 
3.2 La présomption d'innocence est garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et par l'art. 32 al. 1 Cst., qui ont la même portée. Elle a pour corollaire le principe "in dubio pro reo", qui concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle de l'appréciation des preuves, ce principe, dont la violation n'est invoquée que sous cet angle par la recourante, signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait et l'appréciation des preuves que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.). Il examine en revanche librement la question de savoir si, sur la base du résultat d'une appréciation non arbitraire des preuves, le juge aurait dû éprouver un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé; dans cet examen, il s'impose toutefois une certaine retenue, le juge du fait, en vertu du principe de l'immédiateté, étant mieux à même de résoudre la question (cf. arrêts non publiés 1P.454/2005 du 9 novembre 2005, consid. 2.1; 1P.428/2003 du 8 avril 2004, consid. 4.2 et 1P.587/2003 du 29 janvier 2004, consid. 7.2).
 
3.3 En l'occurrence, dans une écriture prolixe, la recourante soutient en substance que les chiffres avancés par la B.________ sont faux et que les remboursements n'étaient pas moins importants lorsqu'elle était en congé ou en vacances. Elle fonde ces allégations sur une comparaison entre un "listing" informatique de 2001 et le "tableau annuel des remboursements" établi par l'intimée.
 
Vérification faite, il est exact que certains montants figurant sur le listing de 2001 sont plus élevés que les valeurs reproduites dans le "tableau annuel". Comme l'intimée l'explique de manière convaincante dans sa détermination, il semble qu'il ait échappé à la recourante que le listing de 2001 ne se limite pas aux remboursements effectués à la caisse du service clients, mais qu'il recense également les retours de bouteilles vides effectués par l'intermédiaire de l'appareil de remboursement automatique. Cet élément n'est toutefois pas déterminant, dans la mesure où la recourante ne peut de toute façon pas tirer argument en sa faveur des différences entre les deux documents précités. En effet, les différences de valeurs n'ont pas seulement été relevées en ce qui concerne les semaines de vacances de la recourante, mais pratiquement pour chaque semaine de l'année en cause. De même, ces différences ne concernent que rarement des jours de congé de la recourante. Celle-ci ne saurait dès lors reprocher à l'intimée d'avoir artificiellement réduit certains montants pour démontrer que le volume des remboursements diminuait fortement lors de ses vacances ou de ses jours de congé. Au contraire, la plupart des montants réduits dans le "tableau annuel" concernent des jours de présence de la recourante à la caisse du service clients. Elle est donc malvenue de se prévaloir de ces différences pour dénier toute valeur probante aux tableaux produits par l'intimée, ces derniers étant du reste fondés sur le journal informatique de caisse et sur les copies de tickets de caisse également versés au dossier. Quoi qu'il en soit, les chiffres non contestés par la recourante suffisent largement à démontrer que les remboursements diminuaient de manière spectaculaire lorsqu'elle était absente. L'autorité intimée n'a donc pas procédé à une appréciation arbitraire des preuves à cet égard.
 
Pour le surplus, la recourante se borne à critiquer les constatations de faits concernant son train de vie et sa présence à la caisse du service clients, sans démontrer en aucune manière conformément aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ que, sur la base de l'ensemble des éléments de preuve soumis aux juges cantonaux, il était manifestement insoutenable ou, autrement dit, absolument inadmissible, de retenir ces faits.
 
3.4 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la Chambre pénale n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation des preuves de manière arbitraire. Dès lors qu'au terme de cette appréciation des preuves exempte d'arbitraire il ne subsiste pas de doute sérieux et irréductible quant à la culpabilité de la recourante, le grief tiré de la violation de la présomption d'innocence doit être rejeté.
 
4.
 
Manifestement mal fondé, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée, qui s'est déterminée, a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 2 mai 2007
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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