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Informationen zum Dokument  BGer 2P.269/2006  Materielle Begründung
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BGer 2P.269/2006 vom 17.04.2007
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
2P.269/2006
 
2P.270/2006
 
Arrêt du 17 avril 2007
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
 
Hungerbühler, Wurzburger, Yersin et Karlen.
 
Greffière: Mme Dupraz.
 
Parties
 
2P.269/2006
 
X.________,
 
recourante,
 
et
 
2P.270/2006
 
Société Genevoise pour la Protection des Animaux (SGPA),
 
recourante,
 
contre
 
Conseil d'Etat du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, case postale 3964, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
Art. 5, 9 et 49 Cst., art. 3 de la convention européenne du 13 novembre 1987 pour la protection des animaux de compagnie (règlement transitoire concernant le port de la muselière),
 
recours de droit public contre le règlement précité du Conseil d'Etat du canton de Genève du 26 septembre 2006.
 
Faits :
 
A.
 
Le canton de Genève a adopté différentes réglementations en matière de chiens, notamment en vue de protéger le public. A cet égard, on peut d'abord citer la loi genevoise du 1er octobre 2003 sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (ci-après: la loi genevoise), dont l'art. 13 définit comme suit les chiens dangereux:
 
"Sont considérés comme dangereux:
 
a) les chiens appartenant à des races dites d'attaque, selon la classification cynologique dont le Conseil d'Etat dresse une liste, ainsi que les croisements issus de ces races;
 
b) les chiens dressés à l'attaque, sauf ceux utilisés par la police, la douane, l'armée et les agents de sécurité ayant subi avec succès un examen auprès de la police, conformément au concordat intercantonal sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996;
 
c) les chiens avec antécédents avérés, soit ceux ayant déjà attaqué et mordu des personnes ou des animaux et ayant fait l'objet de la procédure fixée à l'article 16."
 
Le règlement du 6 décembre 2004 d'application de la loi genevoise (ci-après: le règlement d'application) interdit aux chiens, à son art. 11, l'accès à divers lieux, dont les places de jeux pour enfants ainsi que les pataugeoires, les pelouses, massifs de fleurs et plantations des promenades, jardins et parcs publics (al. 1 lettres h et i). Selon l'art. 12 du règlement d'application, les chiens doivent être tenus en laisse dans divers lieux, dont les promenades et quais-promenades, les jardins et parcs publics, ainsi que dans les emplacements analogues, accessibles au public (al. 1 lettre b). Par ailleurs, l'art. 17 al. 2 du règlement d'application mentionne que font partie des chiens dangereux les chiens tels que: Am'staff, Boerbull, Cane Corso, Dogue argentin, Fila brasileiro, Mastiff, Mâtin espagnol, Mâtin napolitain, Pitbull, Presa canario, Rottweiler, Tosa.
 
Le règlement transitoire concernant l'élevage, l'acquisition et la détention de chiens dangereux ou potentiellement dangereux a été adopté le 5 avril 2006 par le Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat). Selon son art. 17, il a effet jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de modification de la loi genevoise, mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 2007. En particulier, les art. 7 et 8 dudit règlement soumettent à autorisation l'acquisition et la détention des chiens potentiellement dangereux. En date du 27 février 2007, le Tribunal fédéral a rejeté un recours formé contre différentes dispositions de ce règlement (arrêt 2P.140/2006). Il a en particulier estimé qu'en soi, le principe de la primauté du droit fédéral n'empêchait pas les cantons de prendre en la matière des mesures de protection du public. Il a admis que les mesures critiquées alors pouvaient se justifier, les chiens concernés étant susceptibles de provoquer des accidents graves, voire extrêmement graves, comme cela s'était du reste déjà produit.
 
B.
 
Le 9 août 2006, un enfant d'un an et demi a été attaqué au visage et gravement blessé par un chien Pitbull au Parc La Grange à Genève. A la suite de cet accident, le Conseil d'Etat a adopté, le 26 septembre 2006, un règlement transitoire concernant le port de la muselière (ci-après: le Règlement) qui a été publié le 29 septembre 2006. Le Règlement a la teneur suivante:
 
"Art. 1 But
 
Le présent règlement a pour but, en complément aux mesures prévues par la loi, le règlement d'application et le règlement transitoire, d'assurer la sécurité publique en matière de détention de chiens dangereux ou potentiellement dangereux et d'éviter des agressions canines pouvant entraîner des dommages aux personnes et aux animaux domestiques.
 
Art. 2 Champ d'application
 
Le port de la muselière est obligatoire:
 
a) sur la voie publique pour tous les chiens dangereux tels que définis à
 
l'article 13 de la loi;
 
b) pour tous les chiens lorsqu'ils se trouvent dans un parc public, tel que
 
figurant en annexe au présent règlement;
 
c) pour tous les chiens faisant l'objet d'une décision individuelle de port
 
de la muselière notifiée par le vétérinaire cantonal.
 
Art. 3 Amende administrative
 
1Les contrevenants au présent règlement sont passibles d'une amende administrative de 100 à 60 000 F.
 
2L'office vétérinaire cantonal, les services de police et les agents de sécurité municipaux sont habilités à infliger l'amende.
 
Art. 4 Entrée en vigueur
 
Le présent règlement entre en vigueur le 2 octobre 2006.
 
Art. 5 Durée de validité du règlement
 
Le présent règlement a effet jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de modification de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (PL 9835), mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 2007."
 
C.
 
Agissant par la voie du recours de droit public (2P.269/2006), X.________, propriétaire d'un chien bâtard de type berger, conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'art. 2 lettre b du Règlement. La recourante relève que les chiens dits dangereux doivent porter la muselière partout et tout le temps sur la voie publique selon l'art. 2 lettre a du Règlement (disposition non attaquée par l'intéressée). Il serait dès lors contraire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) d'imposer à un maître qui n'a pas un chien dit dangereux non seulement de tenir son propre chien en laisse dans tous les parcs publics, mais encore de lui mettre une muselière. En plus d'une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), la recourante fait valoir en substance une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le Conseil d'Etat ne disposant pas d'une base légale suffisante et ne pouvant s'appuyer sur la clause générale de police pour édicter le Règlement, notamment la disposition plus particulièrement attaquée. Le principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.) serait violé, parce que les cantons n'auraient pas de compétences en la matière et que le port de la muselière représenterait dans le cas visé un mauvais traitement prohibé notamment par l'art. 2 al. 3 de la loi fédérale du 9 mars 1978 sur la protection des animaux (LPA; RS 455) et par l'art. 3 al. 1 de la convention européenne du 13 novembre 1987 pour la protection des animaux de compagnie (RS 0.456).
 
Le Conseil d'Etat conclut, sous suite de frais, à la confirmation de l'art. 2 lettre b du Règlement.
 
Lors d'un second échange d'écritures, les parties ont maintenu leurs positions respectives. Le Conseil d'Etat a alors indiqué qu'une modification de la loi genevoise était en voie d'adoption. Il est ainsi prévu que le port de la muselière ne s'appliquera qu'aux chiens potentiellement dangereux, et cela sur l'ensemble de la voie publique, à l'exception des espaces de liberté pour chiens, pour autant que ces espaces soient clôturés. Un examen en cours porte par ailleurs sur les parcs publics devant être interdits aux chiens, étant précisé que leur nombre doit cependant rester limité. L'issue de ce processus est toutefois incertaine.
 
D.
 
Agissant par la voie du recours de droit public (2P.270/2006), la Société Genevoise pour la Protection des Animaux (SGPA) conclut également, sous suite de frais et dépens, et avec des arguments identiques à ceux de X.________, à l'annulation de l'art. 2 lettre b du Règlement. Elle se prévaut de son but social de protection des animaux et de sa qualité de propriétaire de chiens qu'elle peut être amenée à faire promener dans les parcs publics.
 
Le Conseil d'Etat conclut à la confirmation de l'art. 2 lettre b du Règlement.
 
Au cours d'un second échange d'écritures, les parties ont maintenu leurs positions respectives, pour les même motifs que ceux développés dans la procédure mentionnée sous lettre C ci-dessus.
 
E.
 
Par ordonnances du 2 novembre 2006, le Président de la IIe Cour de droit public a rejeté les requêtes d'effet suspensif présentées par les recourantes.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Les deux recours portent sur le même objet et font valoir des arguments identiques. Il convient donc de joindre les causes 2P.269/2006 et 2P.270/2006 et de statuer sur les deux recours dans un seul arrêt.
 
2.
 
L'acte attaqué ayant été édicté avant le 1er janvier 2007, la procédure est encore régie par la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ) (art. 132 al. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF; RS 173.110]).
 
3.
 
Déposé en temps utile contre un arrêté cantonal qui n'est pas susceptible d'être attaqué par un moyen de droit cantonal, les recours sont en principe recevables (art. 84 al. 1 et 86 al. 1 OJ). Comme propriétaire d'un chien qu'elle peut être amenée à promener dans un parc public, X.________ a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Il en va de même sous cet angle pour la SGPA. Il n'est pas nécessaire d'examiner si, au surplus, cette dernière, qui n'a pas dans ses buts statutaires la défense de ses membres, aurait également la qualité pour recourir en raison de son but.
 
4.
 
4.1 Les recourantes se plaignent de violations des principes de l'interdiction de l'arbitraire et de la proportionnalité.
 
Un arrêté de portée générale viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire s'il ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou s'il est dépourvu de sens et de but (ATF 124 I 297 consid. 3b p. 299 et la jurisprudence citée). Par ailleurs, le principe de la proportionnalité, bien qu'étant de rang constitutionnel n'est pas un droit constitutionnel ayant une portée propre (ATF 126 I 112 consid. 5b p. 120; 125 I 161 consid. 2b p. 163). Ainsi, lorsque ce principe constitutionnel est invoqué dans le cadre d'un recours de droit public pour violation de l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.), le Tribunal fédéral n'examine ce moyen que sous l'angle restreint de l'arbitraire; autrement dit, ce grief se confond alors avec celui de l'arbitraire (ATF 117 Ia 27 consid. 7a p. 32).
 
4.2 Comme on le verra encore ci-après (consid. 5), les recourantes contestent uniquement le port de la muselière dans les parcs publics imposé aux chiens "ordinaires", soit aux chiens qui n'entrent ni dans la catégorie des chiens dangereux selon l'art. 13 de la loi genevoise, ni dans celle des chiens faisant l'objet d'une décision individuelle au sens de l'art. 2 lettre c du Règlement. A cet égard, il faut constater que, dans les parcs publics qui ne sont pas interdits aux chiens, ces derniers doivent de toute façon être tenus en laisse. De plus, dans ces parcs, les chiens se voient interdire l'accès notamment aux places de jeux pour enfants ainsi qu'aux pelouses, massifs de fleurs et plantations (art. 11 al. 1 lettres h et i du règlement d'application). S'agissant de chiens non définis comme dangereux et ne faisant pas l'objet d'une décision individuelle au sens de l'art. 2 lettre c du Règlement, ces mesures, qu'il incombe à l'autorité compétente de faire respecter, suffisent à assurer la sécurité du public. Dans ces conditions, imposer en plus le port de la muselière, avec tous les inconvénients en résultant pour les chiens, est une obligation manifestement disproportionnée, soit arbitraire et donc contraire à l'art. 9 Cst., indépendamment des difficultés pratiques pour appliquer pareille contrainte à tous les chiens quels qu'ils soient. Le Conseil d'Etat fait valoir que les parcs publics ne représentent que 1,192% du territoire genevois. Il n'en reste pas moins que ces parcs constituent une surface importante pour promener les chiens dans les communes urbaines et suburbaines notamment, de sorte qu'il n'y a pas là de raison suffisante pour justifier la mesure attaquée. Du reste, dans sa dernière écriture, le Conseil d'Etat lui-même envisage l'abandon du port de la muselière généralisé dans les parcs publics accessibles aux chiens. L'art. 2 lettre b du Règlement se révèle donc inconstitutionnel et doit être annulé. Dès lors, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres arguments soulevés par les recourantes.
 
5.
 
En revanche, les recourantes n'attaquent pas le port de la muselière obligatoire pour les chiens définis comme dangereux ainsi que pour les chiens faisant l'objet d'une décision individuelle au sens de l'art. 2 lettre c du Règlement. Elles en font même en quelque sorte un argument pour libérer les autres chiens de l'obligation de porter la muselière dans les parcs publics. L'art. 2 lettre a du Règlement impose le port de la muselière sur la voie publique en général à tous les chiens dangereux. Par ailleurs, comme on l'a vu, l'art. 2 lettre b du Règlement impose la muselière à tous les chiens dans les parcs publics. On peut se demander si la voie publique au sens du Règlement comprend les parcs publics. Si tel est bien le cas, l'annulation de l'art. 2 lettre b du Règlement n'exempte pas du port de la muselière dans les parcs publics les chiens dangereux ni d'ailleurs ceux qui font l'objet d'une décision individuelle au sens de l'art. 2 lettre c du Règlement. Il serait du reste difficilement compréhensible, pour ne pas dire absurde, que les chiens dangereux doivent porter la muselière sur les routes et trottoirs, mais pas dans les allées des parcs publics. Cependant, pour qu'il n'y ait pas le moindre doute, on précisera, à toutes fins utiles, que l'annulation de l'art. 2 lettre b du Règlement ne concerne ni les chiens définis comme dangereux ni ceux qui font l'objet d'une décision individuelle au sens de l'art. 2 lettre c du Règlement, ces deux catégories restant soumises à l'obligation du port de la muselière dans les parcs publics. Les recourantes n'ayant de toute façon pas critiqué cette mesure de manière conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ pour les deux catégories de chiens précitées, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant le bien-fondé de ladite mesure en ce qui les concerne.
 
6.
 
En conséquence, les recours doivent être admis et l'art. 2 lettre b du Règlement annulé dans le sens des considérants.
 
Bien qu'il succombe, le canton de Genève, dont l'intérêt pécuniaire n'est pas en cause, n'a pas à supporter de frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).
 
Les recourantes, qui n'ont pas procédé avec l'assistance d'un avocat, n'ont pas droit à des dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Les causes 2P.269/2006 et 2P.270/2006 sont jointes.
 
2.
 
Les recours sont admis et l'art. 2 lettre b du règlement transitoire du Conseil d'Etat du canton de Genève du 26 septembre 2006 concernant le port de la muselière est annulé dans le sens des considérants.
 
3.
 
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire ni alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourantes et au Conseil d'Etat du canton de Genève.
 
Lausanne, le 17 avril 2007
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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