VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 1A.240/2005  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 1A.240/2005 vom 09.03.2007
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1A.240/2005 /fzc
 
Arrêt du 9 mars 2007
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président,
 
Aemisegger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
 
Greffier: M. Jomini.
 
Parties
 
X.________,
 
Y.________ SA,
 
tous deux représentés par Me Jean Jacques Schwaab, avocat,
 
contre
 
Z.________, et consorts, représentés par Me Laurent Trivelli, avocat,
 
Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels (ECA), avenue Général-Guisan 56, 1009 Pully, représenté par Me Philippe-Edouard Journot, avocat,
 
Commune de Lausanne, Direction de la sécurité publique, rue Beau-Séjour 8, case postale 5354,
 
1002 Lausanne,
 
Département de l'économie du canton de Vaud, Service de l'économie, du logement et du tourisme, Police cantonale du commerce, rue Caroline 11,
 
1014 Lausanne,
 
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
protection contre le bruit, établissement public,
 
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 13 juillet 2005.
 
Faits:
 
A.
 
L'établissement public "A.________", situé rue Cité-Derrière à Lausanne, est propriété de la société anonyme Y.________ SA Depuis plusieurs années, il est exploité par X.________, titulaire de la patente (depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2003 de la nouvelle loi cantonale vaudoise du 26 mars 2002 sur les auberges et les débits de boissons [LADB; RSV 935.31], la notion de "patente" a été remplacée par celle de "licence d'établissement"). L'établissement public "A.________" existe depuis de nombreuses années, X.________ en ayant repris l'exploitation en 1983.
 
Pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2003, l'exploitation de l'établissement public "A.________" était autorisée en vertu d'une patente de café-restaurant délivrée par le département cantonal compétent. Le 18 mars 1999, X.________ a demandé que lui soit octroyée une patente de dancing-discothèque, afin de pouvoir ouvrir plus tardivement son établissement, à cause d'une modification des habitudes de la clientèle. Le régime prévu pour le café-restaurant imposait la fermeture à 2 heures du matin en fin de semaine (du vendredi au samedi et du samedi au dimanche), et à 1 heure les autres nuits.
 
La Municipalité de Lausanne, à qui la demande de changement de patente a été adressée, a d'abord décidé de la dispenser d'une mise à l'enquête publique. L'Office cantonal de la police du commerce, du Département de l'économie, a demandé à X.________ d'effectuer une étude de bruit. Le bureau d'ingénieurs B.________, à Lausanne, a été mandaté et a déposé le 12 octobre 2000 une "expertise acoustique" indiquant les résultats de mesurages du bruit et proposant différentes mesures "d'assainissement"; celles-ci concernent l'utilisation d'un studio au premier étage du bâtiment, la limitation du bruit dans un petit bar au rez supérieur, l'isolation des plafonds et parois des salles du rez-de-chaussée, l'amélioration du sas d'entrée en façade ouest et l'isolation des portes et fenêtres en façade est (ch. 4 du rapport). L'expertise comporte également un passage intitulé "comportement de la clientèle à l'extérieur" où il est indiqué notamment que "l'exploitant a organisé son propre service de surveillance dans le but de restreindre les comportements bruyants de la clientèle lors de ses allées et venues à l'extérieur du bâtiment" (ch. 5.1 du rapport). Le "caractère traditionnel de l'établissement" est par ailleurs mentionné, parce qu'il pourrait justifier, selon l'auteur du rapport, un allégement de 5 dB pour les travaux d'assainissement (ch. 5.2 du rapport); il était fait référence à ce propos à une "directive" du 10 mars 1999 de la section romande du Cercle Bruit suisse (groupement des responsables cantonaux de la lutte contre le bruit), intitulée "Détermination et évaluation des nuisances sonores liées à l'exploitation des établissements publics" (directive "DEP", reproduite in RDAF 2000 I p. 21 ss).
 
B.
 
Le 9 janvier 2001, le Service cantonal de l'environnement et de l'énergie (SEVEN), du Département de la sécurité et de l'environnement, a informé X.________ que l'Office cantonal de la police du commerce l'avait consulté au sujet de la demande de changement de patente. Se référant au rapport B.________ du 12 octobre 2000, ce service a ordonné l'assainissement de l'établissement public, en précisant qu'"en fonction de l'importance des dépassements, cet assainissement [devait] être fait rapidement". Un délai a été fixé pour la production d'un plan d'assainissement de l'établissement (descriptif des mesures de protection contre le bruit, délai de réalisation), aussi en cas d'abandon du projet de changement de patente.
 
Toujours mandaté par X.________, le bureau B.________ a déposé un nouveau rapport, du 12 mars 2001, définissant les mesures d'assainissement nécessaires, notamment des travaux dans les salles de l'établissement et sur les façades, pour respecter les prescriptions de la directive "DEP" (laquelle propose certaines "valeurs limites"). Des indications complémentaires figuraient dans une lettre de X.________ du 7 mars 2001, où il précisait qu'il avait engagé un gardien pour le service extérieur, chargé d'éviter les nuisances provoquées par la clientèle.
 
Le Service de l'environnement et de l'énergie a établi le 20 avril 2001 un préavis favorable au changement de patente, avec diverses conditions, relatives notamment aux heures de fermeture (01h00 du dimanche soir au mercredi soir, 02h00 la nuit de jeudi à vendredi, et 03h00 les vendredi soir et samedi soir), à la présence d'un service d'ordre à l'extérieur du jeudi au samedi, à la limitation du niveau sonore moyen pour la diffusion de musique à l'intérieur, et à la réalisation de divers travaux d'isolation. Le 4 mai 2001, le Département de l'économie a délivré à X.________ une patente de dancing valable du 1er juin 1999 au 31 mai 2002, en reprenant les conditions du préavis du Service de l'environnement et de l'énergie.
 
X.________ a réalisé les travaux d'isolation phonique au mois d'octobre 2001 et le bureau B.________ a effectué des mesurages de contrôle les 13 novembre 2001 et 28 mars 2002. Ce bureau a constaté d'importantes améliorations du sas d'entrée, du canal de ventilation, des vitrages et boiseries, des portes et sorties de secours.
 
C.
 
Comme plusieurs habitants du quartier s'étaient plaints des nuisances provenant de l'établissement public "A.________", l'autorité communale a décidé de mettre le dossier du changement de patente à l'enquête publique, du 9 au 29 juillet 2002. Septante-deux oppositions ont été enregistrées. Les services concernés de l'administration cantonale ont été invités à se prononcer. Le Service de l'environnement et de l'énergie a émis un nouveau préavis favorable et le Service de l'économie et du tourisme/ police cantonale du commerce a délivré le 20 décembre 2002 l'autorisation cantonale spéciale permettant le changement de catégorie de licence en dancing-discothèque, avec les conditions suivantes:
 
"1. Les horaires d'exploitation de la discothèque du l'établissement public "A.________" sont limités à: du dimanche soir au mercredi soir: 01h00, jeudi soir 02h00, vendredi et samedi soir: 03h00.
 
2. Ces horaires ne peuvent pas être prolongés.
 
3. La diffusion de musique ainsi que le service doivent être arrêtés au moins 15 minutes avant l'heure de fermeture.
 
4. Le niveau sonore moyen (Leq 60 minutes) ne doit pas dépasser 88 dB(A) pour la salle du rez-de-chaussée mesuré à l'endroit le plus exposé où se tient le public; un limiteur doit être réglé à ce niveau sonore et doit fonctionner en continu pendant les heures d'exploitation.
 
5. Le niveau sonore moyen (Leq 60 minutes) ne doit pas dépasser 77 dB(A) pour la salle du rez supérieur mesuré à l'endroit le plus exposé où se tient le public; un limiteur doit être réglé à ce niveau sonore et doit fonctionner en continu pendant les heures d'exploitation.
 
6. Afin de limiter les nuisances sonores de la clientèle à l'extérieur, un service d'ordre doit être présent en permanence à l'extérieur de l'établissement à partir de 22h00 les soirs de forte affluence (du jeudi au samedi soir). Ce service d'ordre doit s'occuper des nuisances dues à la clientèle au moins sur la ruelle du Lapin-Vert, sur la rue de l'Académie et à la Cité-Derrière.
 
7. Le sas d'entrée doit être complété par des éléments phonoabsorbants (murs, sol et plafond) de manière à obtenir une insonorisation optimale.
 
8. Le studio du 1er étage ne peut être loué qu'à l'exploitant du l'établissement public "A.________".
 
9. L'établissement public est limité à 109 places (86 places dans la salle du rez-de-chaussée et 23 dans la salle du rez supérieur)."
 
Le 17 janvier 2003, la Direction de la sécurité publique de la Ville de Lausanne a rendu une décision levant les oppositions, en se référant à cette autorisation spéciale ainsi qu'aux préavis des services cantonaux; elle a également retenu que le changement de patente n'allait pas à l'encontre des règles d'aménagement du territoire applicables à la zone de la Cité.
 
D.
 
Trois recours ont été déposés, devant le Tribunal administratif du canton de Vaud, contre la décision communale du 17 janvier 2003 et l'autorisation cantonale du 22 décembre 2002. Le premier a été formé par Z.________ et trente-trois consorts, qui sont des habitants du quartier de la Cité; les recourants demandaient l'annulation des décisions attaquées. Le second recours a été formé par l'Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels (ECA), propriétaire de bâtiments d'habitation dans le quartier, qui concluait également au refus des autorisations pour le changement de patente. Le troisième recours a été déposé par X.________ et Y.________ SA, qui demandaient d'une part que l'exploitant puisse, au moment de la fermeture, disposer d'un délai supplémentaire de trente minutes pour faire évacuer les lieux, et d'autre part que le niveau sonore moyen pour la salle du rez-de-chaussée soit limité à 92 dB(A) au lieu de 88 dB(A).
 
Le Tribunal administratif a tenu une audience le 7 septembre 2004. Il a renoncé à organiser une inspection locale.
 
Le Tribunal administratif a statué sur les trois recours le 13 juillet 2005 par un arrêt dont le dispositif est le suivant:
 
"I. Les recours formés par Z.________ et consorts ainsi que par l'Etablissement cantonal d'assurance sont admis. La décision de la Direction de la sécurité publique du 17 janvier 2003 et celle du Service de l'économie et du tourisme, Police cantonale du commerce, du 20 décembre 2002 sont annulées.
 
II. Le recours formé par X.________ et la société Y.________ SA est partiellement admis dans le sens des considérants.
 
III. et IV. [Frais et dépens]".
 
D'après les considérants, les décisions administratives attaquées ont été annulées pour violation de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01). Le Tribunal administratif n'a pas critiqué le changement de licence en tant que tel - le passage du régime du café-restaurant à celui de dancing-discothèque - mais il a retenu que "l'horaire de fermeture prolongé à 02h00 du matin le jeudi, puis à 03h00 du matin les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche" provoquait des "immissions inadmissibles au sens de l'art. 15 LPE" (consid. 3c in fine). Quant à l'admission partielle du recours des exploitants du l'établissement public "A.________", elle concerne la limitation du niveau sonore moyen des émissions pour la salle du rez-de-chaussée (condition n° 4 de l'autorisation cantonale); le Tribunal administratif a considéré qu'il appartiendrait à l'autorité cantonale de "fixer un niveau de bruit conforme à celui préconisé par le bureau d'ingénieurs" (consid. 4). Dans la partie "faits" de l'arrêt (p. 6), le Tribunal administratif a résumé certains éléments du rapport du bureau B.________ rédigé après les mesurages des 13 novembre 2001 et 28 mars 2002, en retenant, à propos du "niveau limite du bruit intérieur", qu'"une exploitation à un niveau de 93 dB(A) ne provoquerait pas forcément un dépassement des valeurs limites et pourrait être envisagée sans grand risque".
 
E.
 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ et Y.________ SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Ils se plaignent d'une constatation manifestement incomplète des faits pertinents et de la violation, à ce propos, d'une règle essentielle de procédure. Ils critiquent en effet l'appréciation par le Tribunal administratif, sans inspection locale, des inconvénients subis par les habitants des logements situés dans le voisinage, et ils prétendent que la juridiction cantonale, se fondant exclusivement sur les déclarations et plaintes formulées par les opposants, aurait omis d'examiner certaines pièces (rapport du bureau B.________ sur les mesurages, "contre-pétition" d'habitants en faveur du l'établissement public "A.________", notamment). Les recourants dénoncent également un abus du pouvoir d'appréciation dans l'application de la législation fédérale sur la protection de l'environnement, en faisant valoir en substance que le Tribunal administratif aurait dû juger conformes au droit fédéral les restrictions d'horaire prévues par l'administration cantonale, sur la proposition du service spécialisé (SEVEN), en y ajoutant toutefois une "demi-heure de battement" permettant d'échelonner les départs des clients.
 
Z.________ et consorts ainsi que l'ECA concluent au rejet du recours. Le Département cantonal de l'économie prend des conclusions dans le même sens. La Direction communale de la sécurité publique s'en remet à justice. Le Tribunal administratif propose le rejet du recours.
 
Un avis a été demandé à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP; actuellement: Office fédéral de l'environnement, OFEV). La prise de position de cet office a été communiquée aux parties, qui ont pu se déterminer à ce sujet.
 
F.
 
Par une ordonnance du 26 octobre 2005, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif présentée par les recourants.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la procédure de recours au Tribunal fédéral (art. 132 al. 1 LTF).
 
2.
 
En vertu de l'art. 97 al. 1 OJ, en relation avec l'art. 5 al. 1 PA, la voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions (prises en dernière instance cantonale - art. 98 let. g OJ) fondées sur le droit public fédéral.
 
L'arrêt attaqué a été rendu dans le cadre d'une procédure de changement de catégorie de patente (ou de licence) régie par la loi cantonale vaudoise sur les auberges et les débits de boissons (LADB). Pour accorder à l'établissement public litigieux la licence de discothèque (art. 16 LADB) et assortir cette autorisation de conditions, l'autorité cantonale a appliqué non seulement la loi cantonale précitée, mais également des normes de la législation fédérale sur la protection de l'environnement. Devant le Tribunal fédéral - comme précédemment devant le Tribunal administratif -, la contestation porte précisément sur l'application de ces règles du droit fédéral qui ont pour but la limitation des émissions de bruit. En effet, pour les établissements publics, cette limitation peut être réalisée par l'adoption de prescriptions en matière d'exploitation, notamment par la fixation d'un horaire d'ouverture plus restrictif que celui applicable généralement aux établissements de la catégorie concernée (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.1 p. 35). Comme les griefs des recourants se rapportent exclusivement à de telles limitations d'horaire, le recours de droit administratif est en principe ouvert. La société propriétaire de l'établissement et le titulaire de la licence d'exploitation ont qualité pour recourir (art. 103 let. a OJ). Les autres conditions de recevabilité du recours de droit administratif (art. 104 ss OJ) sont manifestement remplies et il y a lieu d'entrer en matière.
 
3.
 
Les recourants concluent à l'annulation totale de l'arrêt attaqué. Or, d'après le ch. II du dispositif, le Tribunal administratif aurait partiellement fait droit à leurs conclusions. La portée juridique de cet élément de l'arrêt est toutefois incertaine: dès lors que la décision du 20 décembre 2002 du Service de l'économie et du tourisme/police cantonale du commerce était entièrement annulée (ch. I du dispositif de l'arrêt attaqué), y compris en tant qu'elle prévoyait des limitations du niveau sonore moyen dans les salles de l'établissement, il n'y avait plus lieu de préciser ou de réformer les différentes clauses et conditions de l'autorisation.
 
Quoi qu'il en soit, les recourants ne discutent pas cette admission partielle de leur recours cantonal, et l'autorité administrative cantonale qui avait imposé la clause litigieuse n'a pas elle-même recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Comme la contestation ne porte pas sur le bruit intérieur ni sur les mesures de protection de la clientèle contre les nuisances dans l'établissement public (voir à ce sujet l'ordonnance du Conseil fédéral sur la protection contre les nuisances sonores et les rayons laser lors de manifestations - RS 814.49), il faut interpréter les conclusions des recourants dans ce sens qu'ils demandent l'annulation du ch. I du dispositif de l'arrêt attaqué, à l'exclusion du ch. II, ainsi que des chiffres III et IV qui règlent la question accessoire des frais et dépens.
 
4.
 
A propos des nuisances provoquées par leur clientèle, les recourants critiquent les constatations de fait de l'arrêt attaqué, qui seraient incomplètes et, sur certains points, établies en violation de règles essentielles de procédure (cf. art. 104 let. b OJ en relation avec l'art. 105 al. 2 OJ). Ils dénoncent l'absence d'inspection locale par le Tribunal administratif et soutiennent que l'instruction a été conduite de manière insuffisante pour déterminer de manière précise les nuisances provenant de l'exploitation de leur établissement. Sur le fond, ils reprochent à la juridiction cantonale un abus du pouvoir d'appréciation car, en substance, il ne serait pas démontré que les conditions fixées par l'administration cantonale, sur la base des propositions du service spécialisé en matière d'environnement, ne permettraient pas de respecter les normes fédérales sur la protection contre le bruit.
 
4.1 L'arrêt attaqué rappelle que, dans ses dispositions générales, la loi fédérale sur la protection de l'environnement prévoit, pour la limitation des émissions, un concept d'action à deux niveaux: une limitation dite préventive, qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes (art. 11 al. 2 LPE), puis une limitation complémentaire ou plus sévère des émissions qui doit, en vertu de l'art. 11 al. 3 LPE, être ordonnée s'il appert ou s'il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement, seront nuisibles ou incommodantes (art. 11 al. 3 LPE).
 
En l'espèce, le Tribunal administratif a considéré que les conditions d'exploitation prévues dans l'autorisation cantonale - les horaires, la présence d'un service d'ordre, l'amélioration de l'isolation du sas d'entrée, notamment - avaient été fixées "dans le cadre de la première étape de limitation des émissions prévue par l'art. 11 al. 2 LPE", et qu'il lui incombait de déterminer, "dans le cadre de la deuxième étape de limitation des émissions prévue par l'art. 11 al. 3 LPE, si les atteintes à l'environnement rest[aient] nuisibles ou incommodantes malgré les mesures préventives de limitation des émissions à la source prises en application de l'art. 11 al. 2 LPE" (consid. 1d de l'arrêt attaqué). Le Tribunal administratif a rappelé qu'en principe les valeurs limites d'immissions définissaient le seuil à partir duquel une atteinte était nuisible ou incommodante (art. 13 al. 1 LPE; voir également l'art. 15 LPE, qui définit les valeurs limites d'immissions relatives au bruit et aux vibrations). Des valeurs limites sont fixées, pour différentes sources de bruit, dans les annexes de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS 814.41). Toutefois, aucune de ces annexes ne s'applique au bruit des établissements publics - à savoir le bruit provoqué par le comportement des clients, par le service (vaisselle) ou par la musique -, de sorte que l'autorité compétente en matière de protection contre le bruit doit évaluer les immissions en se fondant directement sur les critères légaux relatifs à ces valeurs limites (art. 40 al. 3 OPB; ATF 130 II 32 consid. 2.2 p. 35).
 
Le Tribunal administratif s'est encore référé aux art. 7 et 8 OPB. L'art. 7 OPB s'applique, selon son titre, à la limitation des émissions des "nouvelles installations fixes", tandis que l'art. 8 OPB concerne les "installations fixes modifiées", qui existaient déjà lors de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la protection de l'environnement le 1er janvier 1985 (à propos de la distinction entre installations nouvelles et installations existantes: ATF 123 II 325 consid. 4c/cc p. 330). D'après l'arrêt attaqué, la seconde disposition est applicable en l'espèce. L'art. 8 al. 1 OPB reprend le principe de l'art. 11 al. 2 LPE, s'agissant des émissions de bruit des éléments d'installation nouveaux ou modifiés. L'art. 8 al. 2 OPB dispose que lorsque l'installation est notablement modifiée, les émissions de bruit de l'ensemble de l'installation devront au moins être limitées de façon à ne pas dépasser les valeurs limites d'immission. L'art. 8 al. 3 OPB définit ce qu'il faut entendre par "modification notable" au sens de l'alinéa précédent.
 
4.2 L'établissement public litigieux était déjà exploité avant le 1er janvier 1985. Il s'agit donc d'une ancienne installation qui, en cas de modification, peut être soumise au régime de l'art. 8 OPB. Dans son avis sur le recours, l'Office fédéral de l'environnement soutient toutefois que la modification litigieuse serait "substantielle" car l'octroi de la nouvelle patente entraînerait un "changement d'affectation complet". Cet office en déduit qu'il faudrait appliquer, plutôt que l'art. 8 OPB, les exigences du droit fédéral pour les nouvelles installations, qui sont en principe plus sévères (art. 25 LPE, art. 7 OPB - ces normes prescrivent le respect des valeurs de planification, inférieures aux valeurs limites d'immissions; cf. notamment ATF 125 II 643 consid. 17b p. 671). D'après la jurisprudence, il est en effet concevable d'appliquer le régime des nouvelles installations dans un cas de transformation d'un établissement public existant, lorsque le régime d'exploitation précédent ne provoquait pas, ou presque pas de nuisances, et que l'on prévoit que l'établissement modifié sera bruyant (cf. ATF 123 II 325 consid. 4c/aa p. 329; arrêt 1A.213/2000 du 21 mars 2001, consid. 2d, in DEP 2001 p. 500; arrêt 1A.111/1998 du 20 novembre 1998, consid. 3a, in DEP 1999 p. 264).
 
Le changement de patente n'a pas été requis dans le but de modifier sensiblement le mode d'exploitation (il s'agit toujours d'un "bar de nuit", selon les recourants), mais essentiellement pour prolonger les heures d'ouverture en fin de soirée. Pour évaluer l'importance du changement, il faut se fonder sur les éléments concrets, et non pas sur la différence entre un café-restaurant type et une discothèque type. En l'espèce, le projet ne consiste pas à augmenter la surface de l'établissement (les salles contiendront toujours 109 places) ni les aménagements extérieurs. En particulier, il y a lieu de noter que l'établissement ne dispose pas d'un parking et que le quartier dans lequel il se trouve n'est pas ouvert au trafic motorisé durant la nuit (réservé aux riverains et aux taxis à partir de 22 heures); une extension des horaires ne provoque donc pas une augmentation, sur place, des nuisances des véhicules. Quant aux horaires, ils étaient déjà relativement étendus avec la patente de café-restaurant puisque ce régime permet une exploitation au-delà de minuit. La modification consiste en réalité, comme cela est exposé dans l'arrêt attaqué, à prolonger d'une heure l'horaire d'ouverture les jeudi, vendredi et samedi, dans un endroit où le voisinage de l'établissement est déjà confronté à certaines nuisances. Dans ces conditions, le Tribunal administratif a décidé à bon escient d'appliquer l'art. 8 OPB plutôt que l'art. 7 OPB (cf. à ce propos l'arrêt 1A.43/2004 du 19 août 2004, consid. 3.2, in ZBl 106/2005 p. 36, où le Tribunal fédéral a admis l'application de l'art. 8 OPB dans un cas analogue).
 
Cela étant, la modification doit être qualifiée de "notable", au sens de l'art. 8 al. 2 OPB. L'art. 8 al. 3 OPB prévoit cette qualification quand il y a lieu de s'attendre à ce que l'installation elle-même, ou l'utilisation accrue des voies de communication, entraîne la perception d'immissions de bruit plus élevées. Il en va ainsi dans le cas particulier puisqu'avec les horaires prolongés, des nuisances pourront se produire pendant une plus longue période. L'application de l'art. 8 al. 2 OPB - soit l'obligation de limiter les émissions de bruit de l'ensemble de l'installation de façon à ne pas dépasser les valeurs limites d'immission - n'est du reste pas contestée dans le cas particulier (pour un autre cas d'application, cf. arrêt 1A.43/2004 déjà cité). Il convient enfin de relever que l'art. 8 al. 2 OPB exprime, pour les cas de transformation d'installations existantes, le principe énoncé à l'art. 11 al. 3 LPE, tandis que l'art. 8 al. 1 OPB rappelle le principe de l'art. 11 al. 2 LPE.
 
4.3 Dans la présente affaire, le Tribunal administratif devait examiner si les mesures ordonnées par l'autorité cantonale étaient conformes aux prescriptions du droit fédéral sur la limitation des émissions de bruit, en particulier à l'art. 8 al. 2 OPB. En l'absence de valeurs limites d'immissions pour le bruit des établissements publics, il faut évaluer les nuisances en se fondant directement sur les critères légaux (cf. supra, consid. 4.1). En substance, d'après la jurisprudence, il faut tenir compte du genre de bruit, du moment où il se produit, de la fréquence à laquelle il se répète, du niveau de bruit ambiant ainsi que du degré de sensibilité de la zone; conformément à la définition donnée à l'art. 15 LPE des valeurs limites d'immissions, il faut veiller à ce que l'exploitation ne provoque pas de gêne sensible pour les voisins (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.2 p. 36).
 
Comme il s'agit d'une installation existante, déjà à l'origine d'immissions de bruit du même genre, la question de l'assainissement peut se poser, indépendamment du projet de changement de patente (art. 16 ss LPE, art. 13 ss OPB). En l'espèce toutefois, l'objectif de l'assainissement serait en principe le respect des valeurs limites d'immissions (cf. notamment ATF 126 II 480 consid. 3a p. 483); tel est précisément le sens de l'art. 8 OPB. Des mesures d'assainissement ont du reste été réalisées, divers travaux d'isolation ayant été effectués depuis l'année 2001. La contestation ne porte pas sur les mesures d'assainissement tendant à éviter la diffusion à l'extérieur du bruit produit à l'intérieur de l'établissement, mais uniquement sur les nuisances provoquées par la clientèle sur la place devant l'établissement ainsi que dans les rues du quartier.
 
4.4 L'évaluation de la gêne provoquée par le bruit doit tenir compte de l'environnement dans lequel se trouve l'établissement public concerné. Il s'agit en l'occurrence d'un quartier urbain, dans le centre ville ou à proximité directe de celui-ci (secteur de la Cité). Le degré de sensibilité au bruit III (zones mixtes - cf. art. 43 al. 1 let. c OPB) a été attribué à la plus grande partie de ce quartier. Deux plans partiels d'affectation prévoient cependant, pour des parties de ce quartier, un degré de sensibilité II (zones d'habitation - cf. art. 43 al. 1 let. b OPB). Différents immeubles, auparavant utilisés par l'administration cantonale, ont été récemment affectés au logement. Le quartier de la Cité compte plusieurs établissements publics ouverts après minuit en fin de semaine. Des établissements publics se trouvent également dans des quartiers voisins (rue de la Barre, place du Tunnel, quartier de Saint-Pierre).
 
La situation des habitants d'un quartier urbain typique (en l'occurrence dans le centre historique), avec plusieurs établissements publics, n'est pas comparable à celle d'habitants de petites localités, ou de quartiers résidentiels périphériques tranquilles. Le degré de sensibilité au bruit attribué à la zone n'est pas, dans ce contexte, le seul critère décisif car, comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le retenir, on peut attendre des habitants d'un centre ville qu'ils tolèrent dans une certaine mesure le bruit des établissements publics (cf. arrêt 1A.111/1998 du 20 novembre 1998, consid. 4b, in DEP 1999 p. 264). L'arrêt attaqué mentionne les différents objectifs d'aménagement du territoire de la commune dans le quartier en cause. Le développement du logement et le maintien des activités commerciales sont l'un et l'autre prévus, et il n'y a pas de motifs de considérer, sur la base des constatations du Tribunal administratif, que le secteur de la Cité devrait bénéficier d'une tranquillité particulière, ni qu'il se distinguerait des quartiers animés, fréquentés le soir, des centres des grandes villes du pays.
 
Il ressort par ailleurs de l'arrêt attaqué que, pour les représentants de la commune entendus en cours d'instruction, l'établissement litigieux a, comme un autre établissement nocturne voisin, un caractère "historique". Il faut sans doute entendre par là qu'il est exploité depuis longtemps sous la même enseigne, et qu'il est traditionnellement un élément caractéristique du quartier. Le caractère traditionnel d'une installation, par exemple d'une manifestation culturelle dans une ville, peut être pris en compte lors de l'évaluation des nuisances sonores, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 126 II 366 consid. 3c p. 371; arrêt 1A.39/2004 du 11 octobre 2004, consid. 5.4, in DEP 2005 p. 40). Dans son avis sur le présent recours, l'Office fédéral de l'environnement se réfère à cette jurisprudence, dans le cadre de l'appréciation du bruit de cet établissement public. La vocation traditionnelle du quartier est en définitive un élément à prendre en considération.
 
Au demeurant, le genre d'animation d'une ville ou d'un quartier et l'offre en lieux de rencontre et de loisirs dépendent largement des choix politiques des autorités locales, qui peuvent favoriser ou non l'exploitation des établissements publics par la réglementation générale des horaires d'ouverture. Ces choix politiques doivent naturellement être arrêtés en coordination avec les options d'aménagement du territoire (par exemple la mixité sociale et fonctionnelle des quartiers urbains), dont la commune est responsable à titre prioritaire. Ces différents éléments seront ensuite pris en compte par l'autorité administrative qui, dans un cas particulier, sera amenée à appliquer les normes du droit fédéral sur la protection contre le bruit.
 
4.5 D'après l'arrêt attaqué, les nuisances sonores de l'établissement public litigieux proviennent de deux types de comportement des clients, en fin de semaine (étant précisé que l'amélioration de l'isolation du sas d'entrée, selon la condition n° 7 de l'autorisation cantonale, devrait résoudre le problème de la diffusion de musique au moment de l'ouverture de la porte): les bruits des groupes de clients lorsqu'ils quittent ensemble l'établissement à la fermeture, et les bruits des clients attroupés devant l'établissement pendant les heures d'exploitation. Il est également fait mention du bruit du trafic motorisé dans le quartier (les scooters notamment), la signalisation interdisant la circulation à partir de 22 heures n'étant pas toujours respectée. En outre, des piétons passent durant la nuit dans ce quartier, et ils fréquentent différents établissements publics (un représentant de la commune a évoqué un "circuit de la vie nocturne"). Le comportement des clients ou des passants est parfois spécialement bruyant (cris, rires, chahut, verre brisé, bagarres).
 
4.5.1 Il convient de distinguer entre d'une part les nuisances qui proviennent directement de l'établissement - lors d'attroupements devant la porte ou de la sortie des clients -, et d'autre part les nuisances dites secondaires, à savoir celles que produit la clientèle, piétonne ou motorisée, sur les voies d'accès. La question des nuisances secondaires est réglée en droit fédéral à l'art. 9 OPB. Cette norme, qui vise les nuisances du trafic routier, dispose que l'exploitation d'installations fixes nouvelles ou notablement modifiées ne doit pas entraîner un dépassement des valeurs limites d'immission consécutif à l'utilisation accrue d'une voie de communication (let. a), ou la perception d'immissions de bruit plus élevées en raison de l'utilisation accrue d'une voie de communication nécessitant un assainissement (let. b). On peut s'inspirer de cette norme pour l'examen d'autres nuisances secondaires, notamment celles causées par le comportement de la clientèle d'un établissement public notablement modifié (cf. Anne-Christine Favre, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l'environnement, thèse Lausanne 2002, p. 308-310). Ce ne sont pas des comportements isolés contraires à la réglementation de police (utilisation d'un véhicule à moteur en dépit de l'interdiction, bagarres, tapage nocturne) qui sont déterminants de ce point de vue, mais les nuisances "ordinaires" provoquées par la circulation des clients dans le quartier. En réalité, s'agissant des critères à appliquer pour évaluer les immissions de bruit, les nuisances secondaires doivent être traitées comme les nuisances provenant directement de l'établissement public. Il faut, dans l'un et l'autre cas, examiner si le comportement "ordinaire" des clients, du fait de la prolongation des heures d'ouverture, provoque dans l'ensemble du quartier une gêne sensible pour les habitants.
 
4.5.2 Il n'y a pas lieu d'examiner à titre préliminaire le grief de violation des règles essentielles de procédure, en relation notamment avec le refus du Tribunal administratif d'organiser une inspection locale. Il convient en effet de traiter les griefs de fond et de contrôler l'application du droit fédéral de la protection de l'environnement, sur la base des faits constatés dans l'arrêt attaqué. Dans ce cadre, l'appréciation anticipée des preuves par la juridiction cantonale pourra le cas échéant être revue.
 
4.5.3 L'arrêt attaqué reproduit in extenso le préavis du Service de l'environnement et de l'énergie sur la base duquel le Service de l'économie et du tourisme/police cantonale du commerce a délivré le 20 décembre 2002 la licence de dancing-discothèque, avec diverses conditions. Il ressort de ce préavis que le service cantonal spécialisé en matière de protection contre le bruit a effectué des mesures et qu'il s'est fondé sur des constats (émanant de ses propres fonctionnaires ainsi que de fonctionnaires de police, sur place pendant les heures d'ouverture nocturnes), à propos des nuisances précitées. Il a retenu qu'il était difficile de déterminer la part prise par L'établissement public "A.________" par rapport à l'ensemble des nuisances (celles du trafic motorisé, notamment des scooters, et celles des piétons qui circulent ou restent aux alentours des établissements publics du quartier). Il a constaté, essentiellement pendant les deux nuits de fin de semaine, des attroupements devant l'établissement ainsi que des comportements bruyants de la clientèle (cris, rires, chahut) malgré la présence d'un service d'ordre, celui-ci permettant toutefois souvent de réduire les nuisances. Du dimanche soir au mercredi soir, le quartier peut être considéré comme calme, avec un bruit ambiant aux environs de 40 dB(A), tandis qu'en fin de semaine, ce bruit ambiant est de l'ordre de 45 à 60 dB(A) entre minuit et 03h30, avec des pointes à plus de 70 dB(A). Les jeudi, vendredi et samedi soirs, les nuisances sonores dans le quartier peuvent être considérées comme importantes. Le Service de l'environnement et de l'énergie a conclu son préavis en estimant qu'il n'était pas possible d'autoriser une exploitation selon des horaires de type discothèque, à savoir jusqu'à 4 heures du matin, et que le doublement du nombre de place dans l'établissement, qui avait été sollicité, ne pouvait pas être autorisé car les nuisances sonores dues à la clientèle seraient augmentées alors qu'elles sont "juste acceptables avec l'horaire et la capacités actuels" (à savoir une fermeture à 02h00 le jeudi soir et à 03h00 les vendredi et samedi soirs).
 
Contrairement à ce que le Tribunal administratif a retenu, on ne saurait considérer que l'autorité administrative cantonale se serait bornée à examiner la limitation des nuisances sous l'angle de l'art. 11 al. 2 LPE, et qu'elle aurait renoncé à appliquer l'art. 11 al. 3 LPE ou l'art. 8 al. 2 OPB dont la portée est analogue (cf. supra, consid. 4.2). Au regard des critères qui ont été appliqués, qui tiennent compte de la situation concrète dans le quartier, il faut admettre que les différentes conditions auxquelles le changement de licence est subordonné ont été fixées dans le but de respecter l'ensemble des exigences du droit fédéral de la protection de l'environnement. Il s'agissait en l'espèce d'évaluer les nuisances sonores supplémentaires provoquées par la prolongation d'une heure de l'horaire d'exploitation. A la fermeture, soit au moment où tous les clients encore présents sont tenus de quitter l'établissement, les bruits de comportement à l'extérieur ne devraient pas être nettement différents une heure plus tôt ou une heure plus tard. Le changement de patente a donc principalement pour effet de différer ce moment à une heure plus avancée de la nuit, et de prolonger aussi bien la durée des attroupements devant l'établissement que la période pendant laquelle des nuisances secondaires se produisent dans le quartier. Dans ce contexte, le service spécialisé du canton a estimé que les horaires et autres restrictions imposés étaient compatibles avec les exigences du droit fédéral. Il a mentionné une condition spéciale, la présence d'un service d'ordre, qui a déjà été mise en oeuvre et dont il n'y a pas lieu douter de l'efficacité, au moins pour que les nuisances ne produisent généralement pas de gêne trop sensible.
 
Le Tribunal administratif a néanmoins considéré que cette évaluation des nuisances n'était pas concluante. Il n'a pas estimé nécessaire de faire à son tour des constatations sur place, entre minuit et le moment de la fermeture de l'établissement; il s'est référé aux éléments du dossier et aux déclarations de cinq voisins (auteurs du recours cantonal) à son audience, qui se sont exprimés de manière précise et concordante à propos de la gêne subie par les habitants dans le quartier. La véracité de ces déclarations n'est nullement contestée. On y trouve toutefois des références à des incidents (des actes d'incivilité, des menaces, des agressions, des bagarres) ou aux nuisances du trafic nonobstant l'interdiction de circuler (scooters en particulier), éléments qui ne sont pas directement liés à l'exploitation normale de l'établissement public litigieux. Cela étant, la gêne supplémentaire provoquée par les bruits de comportement "ordinaires" des clients de cet établissement, en raison de la prolongation des horaires, n'est objectivement pas négligeable; l'on peut concevoir que, pour certains voisins, il s'agisse d'une gêne sensible voire importante. Néanmoins, les nouveaux éléments retenus par le Tribunal administratif ne sont pas suffisants pour considérer que l'autorité administrative cantonale - dont les constatations, basées sur une analyse effectuée depuis le début de la procédure de changement de patente, ont été reprises dans l'état de fait de l'arrêt attaqué - aurait fait une appréciation erronée de ces nuisances, compte tenu des caractéristiques concrètes de l'établissement (situé dans un quartier urbain mixte typique à proximité d'autres établissements, considéré comme un café traditionnel ou "historique", etc. - cf. supra, consid. 4.4).
 
Il convient de relever que, quand bien même le Département cantonal de l'économie a pris des conclusions tendant au rejet du recours de droit administratif, il a préalablement exposé dans son écriture que l'évaluation des nuisances par le Tribunal administratif ne correspondait pas à une "évaluation concrète selon la LPE" et que le seul témoignage des voisins plaignants ne suffisait pas pour déterminer si les nuisances sonores étaient excessives au sens de l'art. 15 LPE. L'autorité cantonale, en dépit de la formulation de ses conclusions, n'a en réalité pas remis en cause la validité de sa décision du 20 décembre 2002.
 
Les recourants font donc valoir à juste titre que les conditions assortissant l'autorisation de changement de patente ou de licence, sur la base des propositions du service spécialisé en matière d'environnement, permettent en principe le respect des normes fédérales sur la protection contre le bruit, et que par conséquent le Tribunal administratif n'était pas fondé, sur la base des éléments qu'il a retenus, à annuler la décision du Service de l'économie et du tourisme/police cantonale du commerce. Dans les circonstances particulières de la présente espèce, il apparaît en effet que l'autorisation de changement de patente, avec les différentes clauses prescrites par l'administration cantonale, est conforme au droit fédéral. Le recours de droit administratif doit être admis pour ce motif.
 
Cela étant, en cas d'évolution des circonstances, un nouvel examen des clauses accessoires de l'autorisation pourrait être requis par les intéressés (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.4 p. 39).
 
5.
 
Les recourants demandent encore à bénéficier d'une "demi-heure de battement", permettant d'échelonner les départs des clients. En réalité, ils concluent ainsi à une prolongation d'une demi-heure des horaires d'exploitation, par rapport aux conditions fixées lors du changement de patente. Ils n'allèguent toutefois aucun motif sérieux à ce propos car le problème des départs "échelonnés" se pose a priori d'une manière analogue quelle que soit l'heure de fermeture. En d'autres termes, l'exploitant peut veiller à ce que les clients quittent son établissement par groupes successifs, sur une certaine durée, en arrêtant suffisamment tôt le service ou la musique. Une telle modification des conditions d'exploitation n'est manifestement pas requise pour une bonne application des normes fédérales sur la protection contre le bruit.
 
6.
 
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être admis et que les ch. I, III et IV de l'arrêt attaqué doivent être annulés (cf. supra, consid. 3). Le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond (art. 114 al. 2 OJ) et confirmer les conditions d'exploitation fixées dans la décision du Service de l'économie et du tourisme/police cantonale du commerce du 20 décembre 2002, à l'exception de la condition n° 4 concernant le niveau sonore moyen pour la salle du rez-de-chaussée, pour laquelle il y a lieu de reprendre la solution du Tribunal administratif, selon le ch. II du dispositif de l'arrêt attaqué dont les recourants ne demandaient pas l'annulation (cf. supra, consid. 3). Ainsi, l'autorité administrative cantonale devra fixer à nouveau la limite de ce niveau sonore moyen. Comme l'autorisation cantonale de changement de licence est confirmée, la décision communale sur les oppositions doit elle aussi être confirmée.
 
L'affaire doit être renvoyée au Tribunal administratif pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
 
7.
 
Les intimés Z.________ et consorts, d'une part, et Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels (ECA), d'autre part (ce dernier agissant dans la présente procédure comme propriétaire foncier et non pas comme institution de droit public exerçant ses attributions officielles), qui succombent, doivent payer les frais de la présente procédure de recours (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Ils auront en outre à verser des dépens aux recourants, assistés d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours de droit administratif est admis et les ch. I, III et IV de l'arrêt rendu le 13 juillet 2005 par le Tribunal administratif du canton de Vaud sont annulés.
 
La décision prise le 20 décembre 2002 par le Service de l'économie et du tourisme du canton de Vaud/police cantonale du commerce est confirmée, sous réserve de la condition n° 4 qui doit faire l'objet d'une nouvelle décision conformément au ch. II du dispositif de l'arrêt du 13 juillet 2005 du Tribunal administratif. La décision prise le 17 janvier 2003 par la Direction de la sécurité publique de la Commune de Lausanne est confirmée.
 
L'affaire est renvoyée au Tribunal administratif pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge des intimés Z.________ et consorts.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimé Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels.
 
4.
 
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à titre de dépens aux recourants X.________ et Y.________ SA, pris solidairement, est mise à la charge des intimés Z.________ et consorts.
 
5.
 
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à titre de dépens aux recourants X.________ et Y.________ SA, pris solidairement, est mise à la charge de l'intimé Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels.
 
6.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à la Direction de la sécurité publique de la commune de Lausanne, au Département de l'économie et au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement.
 
Lausanne, le 9 mars 2007
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).