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Informationen zum Dokument  BGer 4C.280/2006  Materielle Begründung
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BGer 4C.280/2006 vom 16.11.2006
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.280/2006 /ech
 
Arrêt du 16 novembre 2006
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
Mme et MM. les juges Klett, juge présidant, Favre et Mathys.
 
Greffier: M. Thélin.
 
Parties
 
X.________ SA,
 
défenderesse et recourante, représentée par Me Olivier Carrard,
 
contre
 
Y.________ AG,
 
demanderesse et intimée, représentée par Me Benoît Carron.
 
Objet
 
bail à loyer; résiliation extraordinaire
 
recours en réforme contre l'arrêt rendu le 12 juin 2006 par la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
 
Faits:
 
A.
 
X.________ SA, société active dans l'exploitation de grands magasins de détail, a pris part à la réalisation du centre commercial de la Praille qui se trouve à proximité de Genève. Le 3 mai 2000, avec Y.________ AG qui exploitait elle aussi des magasins, elle a conclu une convention par laquelle les parties s'engageaient à conclure un contrat de bail à loyer. Y.________ AG aurait la jouissance de 2'871 m2 de locaux au premier étage du centre commercial et de 505 m2 au premier sous-sol. L'édifice se trouvait encore à l'état de projet et les emplacements étaient définis par un plan annexé à la convention. Les locaux seraient destinés à l'exploitation d'un grand magasin qui offrirait un assortiment obligatoire selon une liste également jointe à la convention. Le loyer s'élèverait à 5% du chiffre d'affaires mais, au minimum, par année, à 800'000 fr. durant les deux premières années, à 850'000 fr. durant les troisième et quatrième années, puis à 900'000 fr. dès la cinquième année. La durée initiale du bail serait fixée à dix ans; chaque partie aurait le droit de le résilier pour la fin de cette durée ou, si elles le reconduisaient tacitement, pour la fin de chaque année de bail. X.________ SA se réservait le droit de fixer le commencement du bail en fonction de l'ouverture du centre commercial qui était prévue pour avril ou mai 2002, mais au plus tard pour le printemps de 2003.
 
B.
 
En février 2001, puis de nouveau en juin et juillet 2001, divers journaux ont publié des informations selon lesquelles Y.________ AG avait subi des pertes durant plusieurs années consécutives. Elle n'avait ensuite réalisé qu'un modeste bénéfice et sa rentabilité demeurait insuffisante. Le directeur et le chef de la division informatique avaient été contraints à la démission. Les partenariats conclus avec d'autres entreprises n'avaient pas apporté de solution durable. Le groupe auquel Y.________ AG appartenait jusque-là s'en était séparé pour ne conserver que ses filiales actives dans le secteur immobilier. Un nouvel administrateur-délégué prévoyait de mettre en oeuvre un système « shop in shop » qui consiste à répartir les surfaces de vente entre des commerçants indépendants et spécialisés.
 
Par lettre du 26 novembre 2001 adressée à Y.________ AG, accompagnée d'une formule officielle de résiliation de bail, X.________ SA a dénoncé la convention du 3 mai 2000. Elle se référait aux informations diffusées par la presse et elle expliquait que la situation déficitaire de sa cocontractante ne serait désormais plus équilibrée par le secteur immobilier du groupe auquel elle avait appartenu. Les changements intervenus dans la composition de la direction révélaient des difficultés d'organisation et on redoutait l'acquisition du capital-action par un groupe étranger. La formule « shop in shop » ne correspondait pas au grand magasin prévu par la convention; elle n'était pas compatible avec la stratégie du centre commercial et elle risquait d'engendrer des conflits importants avec les autres locataires. Enfin, Y.________ AG prévoyait de poursuivre l'exploitation d'un grand magasin dans le quartier genevois de Plainpalais, situé à près de deux kilomètres du centre commercial de la Praille; or, il était évident que la convention impliquait la fermeture de ce point de vente. X.________ SA affirmait que ces circonstances, extraordinaires et imprévisibles au moment où la convention avait été conclue, constituaient pour elle de justes motifs de s'en départir.
 
C.
 
Le 24 décembre 2001, Y.________ AG a saisi la commission de conciliation compétente d'une requête tendant principalement à faire constater que le congé était inefficace et, subsidiairement, à le faire annuler. La conciliation n'ayant pas abouti, elle a pris les mêmes conclusions devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Par la suite, elle a en outre conclu à ce que X.________ SA fût condamnée à lui délivrer les locaux visés par la convention.
 
La défenderesse a requis le tribunal de rejeter la requête et de constater qu'elle-même avait valablement dénoncé la convention. Elle persistait dans les motifs déjà exposés et elle invoquait, de plus, des faits survenus depuis le 26 novembre 2001: la demanderesse avait cédé ses branches d'activité autres que les grands magasins et elle s'était rapprochée du groupe Z.________, lequel avait acquis la totalité de ses actions. En décembre 2003, les enseignes Y.________ avaient entièrement disparu, remplacées par celles de Z.________. Celle-ci était déjà présente dans le centre commercial sur une surface d'environ 4'000 m2; lui délivrer en outre les locaux concernés, par l'intermédiaire de la demanderesse, aurait entraîné sa surreprésentation dans le centre, avec un risque d'assortiments identiques dans plusieurs magasins.
 
Le tribunal a interrogé divers témoins qui ont surtout apporté des renseignements sur la situation financière de la demanderesse et l'évolution de ses affaires avant son passage au groupe Z.________. Il s'est prononcé sur la requête le 13 septembre 2005 et il a donné, en substance, gain de cause à la demanderesse. Il a retenu que dans la mesure où elles étaient avérées, les circonstances invoquées par la défenderesse ne constituaient pas de justes motifs de résiliation anticipée d'un bail à loyer, de sorte que la dénonciation était inefficace. La défenderesse n'était pas en mesure de délivrer les locaux concernés car, dans le centre commercial entre-temps réalisé et inauguré, ces locaux étaient déjà loués à des tiers; la demanderesse ne pourrait donc que réclamer des dommages-intérêts.
 
La Chambre d'appel en matière de baux et loyers a statué le 12 juin 2006 sur l'appel de la défenderesse; elle a confirmé le jugement dont le dispositif constatait l'inefficacité du congé.
 
D.
 
Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre d'appel et de constater la validité et le bien-fondé de la dénonciation intervenue le 26 novembre 2001.
 
La demanderesse conclut au rejet du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Les art. 273 al. 1 et 274f al. 2 CO confèrent un droit d'action ayant pour objet de faire constater, avec l'autorité de la chose jugée, la validité ou, au contraire, la nullité ou l'inefficacité d'une résiliation de bail (cf. Martin Usteri et al., Schweizerisches Mietrecht: Kommentar, 2e éd., Zurich 1998, ch. 20 ad art. 274g CO). L'arrêt de la Chambre d'appel est un jugement final concernant cette action, rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ).
 
Selon la jurisprudence relative à l'art. 46 OJ, dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné (ATF 119 II 147 consid. 1; 111 II 384 consid. 1). Ce mode de calcul est pertinent aussi dans la présente affaire, alors même que les locaux loués n'ont pas été délivrés à la demanderesse. La valeur litigieuse est donc égale à dix ans du loyer convenu, ce qui excède largement le minimum de 8'000 fr.
 
Pour le surplus, le recours est formé par une partie qui a succombé dans des conclusions concernant sa propre situation juridique. Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.
 
2.
 
Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, à l'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste ou qu'il soit nécessaire de compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 63 al. 2, 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140). La partie recourante n'est pas autorisée à critiquer les constatations de fait ni à alléguer des faits qui n'ont pas été constatés (art. 55 al. 1 let. c OJ). En l'occurrence, l'argumentation de la défenderesse est irrecevable en tant qu'elle fait référence aux déclarations des témoins et aux pièces du dossier plutôt qu'aux constatations de la Chambre d'appel, ou qu'elle repose sur des allégations nouvelles relatives aux difficultés de la réalisation du centre commercial et à l'ampleur des sommes investies.
 
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties (art. 63 al. 1 OJ) et il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 43 al. 4, 63 al. 3 OJ); néanmoins, d'ordinaire, il se prononce seulement sur les questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ concernant la motivation du recours (ATF 117 II 199 consid. 1 p. 200; 116 II 92 consid. 2 p. 94).
 
3.
 
Par leur convention du 3 mai 2000, les parties se sont promis de conclure un contrat futur de bail à loyer. Aux termes de l'art. 22 al. 1 CO, une promesse de ce genre constitue elle-même, en principe, un contrat valable. Cependant, lorsque le contrat futur doit lier les mêmes parties et que la promesse en spécifie déjà tous les éléments essentiels, elle se confond avec ce contrat et celui-ci est donc conclu d'emblée (ATF 129 III 264 consid. 3.2.1 p. 267; 118 II 32 consid. 3b p. 33). En l'occurrence, la convention spécifie sans ambiguïté la chose à louer et le loyer dû en contrepartie, soit tous les éléments essentiels d'un bail à loyer selon l'art. 253 CO. Ainsi, la Chambre d'appel retient à bon droit que la relation des parties est soumise aux règles du bail à loyer.
 
La défenderesse argue vainement de ce que le centre commercial est propriété d'une autre société, constituée après la convention du 3 mai 2000, et de ce qu'elle-même n'est titulaire d'aucun droit quelconque sur les locaux concernés. Il est vrai que, d'ordinaire, le bailleur n'est en mesure de délivrer la chose au locataire et, ensuite, de lui en assurer une jouissance paisible, que s'il possède cette même chose à titre de propriétaire ou d'usufruitier, ou éventuellement, dans le cas d'une sous-location, à titre de locataire (David Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, p. 47 ch. 1.2.1; Usteri et al., op. cit., p. 27 ch. 9). Néanmoins, il lui est loisible de contracter l'obligation correspondante alors qu'il n'est pas encore en mesure de l'exécuter et qu'il prévoit de se procurer ultérieurement les moyens matériels ou juridiques qui lui seront nécessaires. Dans la présente affaire, la défenderesse s'est valablement obligée à fournir des locaux qui n'étaient pas encore construits et la qualification du contrat conclu par elle ne dépend pas du statut juridique de l'édifice ou des parties de l'édifice réalisé dans l'intervalle. Cette qualification ne dépend pas non plus du fait qu'aucun loyer n'a encore été payé ni offert par la demanderesse, ni du fait que cette partie, selon les affirmations de la défenderesse, ne serait peut-être pas en mesure de satisfaire à toutes ses obligations concernant l'assortiment convenu. Contrairement à l'argumentation présentée, la convention ne peut donc pas être considérée comme un simple « protocole d'accord » souscrit au cours de négociations que, par la suite, la défenderesse n'aurait pas voulu poursuivre.
 
4.
 
La convention ne prévoit pas que le loyer soit payable d'avance et déjà avant la délivrance des locaux. Il n'est donc exigible qu'après, selon l'art. 257c CO, de sorte que l'art. 82 CO, invoqué par la défenderesse, n'autorise pas cette partie à refuser sa prestation au motif que le loyer n'a pas été payé.
 
5.
 
La Chambre d'appel a examiné la dénonciation du 26 novembre 2001 au regard de l'art. 266g al. 1 CO concernant la résiliation du bail pour de justes motifs.
 
5.1 Selon cette disposition, une partie peut résilier le bail à n'importe quel moment, en observant le délai de congé légal, si l'exécution du contrat lui devient intolérable pour de justes motifs. Ce droit de congé extraordinaire correspond au principe général selon lequel les contrats de durée peuvent être résiliés de manière anticipée pour de justes motifs. Seules des circonstances d'une gravité exceptionnelle, qui n'étaient pas connues ni prévisibles lors de la conclusion du contrat et qui ne sont pas la conséquence d'une faute de la partie qui s'en prévaut, peuvent constituer de justes motifs aux termes de l'art. 266g al. 1 CO. Ces circonstances doivent être si graves qu'elles rendent la continuation du bail, jusqu'à son terme, objectivement intolérable; la perception subjective d'une situation intolérable, par la partie qui résilie, n'est pas déterminante (ATF 122 III 262 consid. 2a/aa p. 265; arrêt 4C.35/2006 du 30 mai 2006, consid. 2.1).
 
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), si le congé extraordinaire répond à de justes motifs. A cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier et, notamment, l'intérêt de l'autre partie au maintien du contrat (arrêt précité du 30 mai 2006, ibidem). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111/112; 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 130 III 213 consid. 3.1 p. 220).
 
5.2 La défenderesse fait état des difficultés rencontrées par la demanderesse, relatées par la presse et prétendument confirmées par les témoignages recueillis, et elle reproche aux précédents juges d'avoir violé l'art. 266g CO en refusant de les tenir pour pertinentes et suffisamment graves.
 
D'après son argumentation, un juste motif de congé extraordinaire est réalisé lorsque le locataire subit une dégradation importante de sa situation financière et que l'avenir du contrat s'en trouve compromis. Or, selon les auteurs auxquels elle se réfère, c'est seulement le locataire qui est autorisé à résilier le contrat au motif que, par suite d'une diminution imprévisible et considérable de ses propres ressources, il se trouve désormais dans l'incapacité d'assumer le loyer (Peter Higi, Commentaire zurichois, ch. 48 ad art. 266g CO; David Lachat, Commentaire romand, ch. 3 ad art. 266g CO; imprécis: Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, Zurich 2003, p. 312 ch. 2182). Le système des règles déterminantes ne permet d'ailleurs pas que dans cette situation de détresse du locataire, le même droit soit reconnu aussi au bailleur. L'art. 266h CO prévoit qu'en cas de faillite du locataire après la délivrance de la chose, le bailleur ne peut pas résilier le contrat sans avoir préalablement, et sans succès, exigé des sûretés pour les loyers à échoir. Si le locataire se révèle insolvable déjà avant la délivrance, c'est l'art. 83 al. 1 et 2 CO qui est applicable (Usteri et al., op. cit., ch. 7 et 8 ad art. 266h CO; Lachat, Commentaire, ch. 2 ad art. 266h CO); le bailleur peut alors retenir la chose tant qu'il n'a pas obtenu une garantie (al. 1) mais il ne peut pas non plus se départir du contrat sans avoir préalablement réclamé cette garantie (al. 2). La faillite ou l'insolvabilité du locataire constituent des menaces plus graves, pour le bailleur, qu'une diminution même importante des ressources de son cocontractant. On ne comprendrait donc pas que le bailleur puisse résilier abruptement dans ce cas-ci alors que dans les éventualités prévues aux art. 83 ou 266h CO, il ne peut le faire qu'après avoir vainement réclamé une garantie. En conséquence, dans le cas du locataire de locaux commerciaux, des pertes ou une activité déficitaire ne sauraient justifier à elles seules un congé extraordinaire selon l'art. 266g CO.
 
Sur la base des comptes de la demanderesse, la Chambre d'appel constate un bénéfice de cette société en 1999 et des pertes en 2000 et 2001; elle constate également une « légère diminution » du chiffre d'affaires de 1999 à 2001. Selon son appréciation, il n'est pas établi que la société se soit trouvée en état de surendettement ou d'incapacité de payer un loyer tel que celui convenu, et elle retient que le congé extraordinaire ne se justifiait pas dans cette situation. Son raisonnement ne comporte rien de contraire à la disposition précitée.
 
Selon l'argumentation présentée, un juste motif de congé extraordinaire est aussi réalisé lorsque le locataire, par suite d'une mauvaise gestion du commerce qu'il exploite dans les locaux loués, subit une fuite de sa clientèle ou un retrait de l'autorisation d'exploiter (Higi, op. cit., ch. 52 ad art. 266g CO). La Chambre d'appel n'a cependant pas constaté que les magasins déjà exploités par la demanderesse, ou seulement certains d'entre eux, auraient présenté de graves dysfonctionnements. La défenderesse n'avait donc aucune raison objective de mettre en doute l'aptitude de sa cocontractante à exploiter le magasin prévu par la convention.
 
5.3 La défenderesse fait aussi grief à la Chambre d'appel de n'avoir pas pris dûment en considération la volonté de la demanderesse de mettre en oeuvre, dans les locaux qui lui étaient promis, une formule « shop in shop » qui ne correspondait pas au grand magasin prévu par la convention.
 
Le congé extraordinaire de l'art. 266g CO est en principe subsidiaire aux autres cas de résiliation prévus par la loi (Usteri et al., op. cit., ch. 3 à 5 ad art. 266g CO; Lachat, Commentaire, ch. 2 ad art. 266g CO), de sorte qu'en règle générale, si le motif de la partie qui veut résilier correspond à l'un de ceux-ci, elle doit agir sur la base de la disposition concernée et dans le respect des modalités que celle-ci prévoit.
 
Selon la jurisprudence relative à l'art. 257f CO, le bailleur peut résilier le bail de locaux commerciaux moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois si, en dépit une protestation écrite, le locataire persiste à utiliser les locaux d'une manière incompatible avec les stipulations du contrat (ATF 132 III 109). Cette disposition vise toutefois l'utilisation de locaux dont le locataire a déjà pris possession. Avant leur délivrance, conformément à l'opinion de la défenderesse, on peut envisager que le bailleur soit autorisé à résilier le contrat sur la base de l'art. 266g CO si, au regard des circonstances, il peut prévoir avec certitude que le locataire ne respectera pas les modalités convenues pour l'utilisation (cf. Higi, op. cit., ch. 51 ad art. 266g CO). En l'occurrence, cette question restera indécise car une situation de ce genre n'était pas réalisée. Il n'est pas non plus nécessaire d'examiner si le juge du congé extraordinaire peut aussi prendre en considération, éventuellement, des faits postérieurs à la résiliation.
 
Devant la juridiction cantonale, la demanderesse a admis qu'elle sous-traitait des surfaces de vente à un fournisseur d'appareils de télécommunication et qu'elle envisageait de lui attribuer 30 m2 dans ses locaux au centre commercial de la Praille. On ne peut cependant pas exclure qu'elle eût renoncé à ce projet si la défenderesse avait mis les locaux à sa disposition tout en s'opposant strictement à cette forme de sous-location. Pour le surplus, la Chambre d'appel n'a constaté aucun fait d'où on pourrait déduire d'une manière objective que les locaux, s'ils étaient délivrés à la demanderesse, ne seraient pas utilisés selon les clauses du contrat. En particulier, cette autorité n'a pas constaté que par suite de son intégration au groupe Z.________, la demanderesse serait devenue incapable d'offrir l'assortiment spécifié dans la liste annexée à la convention.
 
6.
 
Le recours en réforme se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 8'000 fr.
 
3.
 
La défenderesse acquittera une indemnité de 9'000 fr. due à la demanderesse à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
 
Lausanne, le 16 novembre 2006
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La juge présidant: Le greffier:
 
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