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Informationen zum Dokument  BGer 5P.189/2005  Materielle Begründung
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BGer 5P.189/2005 vom 02.03.2006
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5P.189/2005 /frs
 
Arrêt du 2 mars 2006
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Meyer et Hohl.
 
Greffière: Mme Mairot.
 
Parties
 
Dame X.________, (épouse),
 
recourante, représentée par Mes Pierre-Alain Schmidt
 
et Jean-Yves Schmidhauser, avocats,
 
contre
 
X.________, (époux),
 
intimé, représenté par Me Vincent Solari, avocat,
 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
art. 9 et 29 Cst. (divorce),
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 15 avril 2005.
 
Faits:
 
A.
 
X.________, né en 1950 à La Mecque (Arabie Saoudite), et dame X.________, née en 1951 à Lausanne (VD), se sont mariés en 1974 à Djeddah (Arabie Saoudite). Trois enfants sont issus de cette union: A.________, née en 1975, B.________, née en 1977 et C.________, née en 1987.
 
Les 4 et 21 septembre 1987, les conjoints ont signé devant un notaire de Genève, où ils s'étaient installés, un contrat de séparation de biens. Ils vivent séparés depuis le début de 1988.
 
Le 17 août 1994, le mari a ouvert action en divorce devant le Tribunal de première instance du canton de Genève.
 
Par jugement du 13 novembre 2003, cette autorité a, notamment, prononcé le divorce (1); attribué à la mère l'autorité parentale sur l'enfant C.________ (2); fixé le droit de visite du père et maintenu la curatelle instaurée en application de l'art. 308 al. 2 CC (3); condamné celui-ci à payer en faveur de sa fille cadette, au-delà de sa majorité en cas d'études ou de formation professionnelle sérieuses et régulières, une contribution d'entretien, indexée, d'un montant de 2'000 fr. par mois, frais de scolarité et primes d'assurance maladie en sus (4); condamné le mari à verser à l'épouse la somme de 10'000 fr. par mois pour elle-même (5); ordonné le transfert en faveur de celle-ci, sur un compte de libre passage ouvert à cet effet, d'un montant de 96'095 fr. à titre de partage de l'avoir de prévoyance du mari (6); ordonné le partage en nature de la propriété sise à Y.________ sous la forme de deux lots de valeur équivalente, la maison étant prise en compte pour un montant de 1'870'000 fr. et le terrain pour un prix de 400 fr. le mètre carré, dit que celui des deux lots comprenant le bâtiment et une parcelle d'au moins 2'500 mètres carrés est attribué à l'épouse et commis un notaire aux fins d'exécuter le partage (7); enfin, compensé les dépens (8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (9).
 
B.
 
Par arrêt du 15 avril 2005, la Cour de justice du canton de Genève a annulé les chiffres 4, 5 et 7 du jugement de première instance. Statuant à nouveau sur ces points, elle a en substance augmenté à 3'500 fr. la contribution d'entretien mensuelle en faveur de l'enfant (4) et à 20'000 fr. celle due à la mère (5); dit qu'il n'y avait pas lieu - sous réserve du partage de la propriété de Y.________ - de procéder à la liquidation du régime matrimonial, les époux étant soumis au régime de la séparation de biens, donné acte aux parties de ce qu'elles admettaient le partage en nature de la propriété de Y.________, dit que le lot revenant à l'épouse comporte le bâtiment d'habitation et le chemin sis derrière celui-ci, ce chemin représentant une surface de 520 mètres carrés et devant être constitué en copropriété, mis à la charge exclusive du mari le paiement, jusqu'à complète extinction, de la dette et des intérêts hypothécaires concernant l'immeuble susmentionné et débouté les parties de toutes autres ou plus amples conclusions (7).
 
C.
 
Parallèlement à un recours en réforme, dame X.________ exerce un recours de droit public contre l'arrêt du 15 avril 2005, concluant à son annulation.
 
L'intimé propose le rejet du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Cette règle souffre toutefois des exceptions dans certaines situations, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid. 1 p. 215; 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379 et les arrêts cités). Il se peut également que le Tribunal fédéral soit amené à examiner les deux recours en parallèle (ATF 117 II 630 consid. 1b p. 631; 111 II 398 consid. 1).
 
Dans son recours de droit public, la recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement établi les faits et apprécié les preuves visant à démontrer que le premier domicile des époux, au sens de l'art. 19 de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour, du 25 juin 1891 (LRDC), se situait en Californie et non en Arabie Saoudite. Elle se plaint en outre sur ce point d'une violation de son droit à une décision motivée (art. 29 al. 2 Cst.). Ces griefs ne sont toutefois pertinents que si la loi applicable au régime matrimonial des époux antérieurement au contrat de séparation de biens se détermine en fonction de l'art. 19 LRDC, ce qui apparaît controversé. Il convient par conséquent de trancher d'abord cette question, qui relève du recours en réforme, avant d'examiner le grief d'arbitraire dans la constatation des faits précités. Dans ces circonstances, un examen simultané des deux recours s'impose.
 
2.
 
Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours de droit public est recevable selon les art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.
 
3.
 
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement établi les faits et apprécié les preuves visant à démontrer que le premier domicile des époux, mentionné à l'art. 19 LRDC, se situait en Californie et non en Arabie Saoudite. Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., elle soutient en outre que l'arrêt attaqué est, à cet égard, insuffisamment motivé.
 
Comme exposé au considérant 4 de l'arrêt rendu simultanément sur le recours en réforme interjeté par la recourante (5C.147/2005), lorsque les époux ont eu préalablement plusieurs domiciles à l'étranger, il convient d'appliquer par analogie non pas l'art. 19 al. 1, mais l'art. 31 al. 3 LRDC, partant, de continuer à soumettre leurs rapports internes au régime matrimonial qui était le leur selon la loi de leur dernier domicile à l'étranger, et non celle du premier. En l'occurrence, il est établi qu'immédiatement avant de s'installer en Suisse, les conjoints étaient domiciliés en Arabie Saoudite. Les constatations de la Cour de justice concernant leur éventuel premier domicile aux États-Unis sont dès lors sans pertinence. Par conséquent, les critiques soulevées à cet égard par la recourante se révèlent superflues.
 
4.
 
La recourante prétend en outre que la Cour de justice a arbitrairement apprécié tant le certificat établi par son psychiatre le 24 août 1987 que le témoignage de celui-ci du 19 février 1997, en refusant d'admettre qu'elle était incapable de discernement lorsqu'elle a signé le contrat de séparation de biens du 4 septembre 1987.
 
4.1 Est capable de discernement au sens du droit civil toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement par la suite, notamment, d'une maladie mentale (art. 16 CC). La capacité de discernement au sens de l'art. 16 CC étant présumée, il incombe à celui qui soutient qu'elle fait défaut d'en rapporter la preuve (ATF 108 V 121 consid. 4 p. 126). Alors que la description de l'état mental d'un individu relève du fait, savoir si cet état mental est constitutif d'incapacité de discernement au sens de l'art. 18 CC ressortit au droit (cf. J.-F. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 4.3.4 et 4.6.3 ad art. 63). Ainsi, seules les constatations du juge relatives à l'état dans lequel se trouvait une personne au moment où elle a accompli l'acte litigieux et celles concernant la nature et les effets d'éventuels dérangements peuvent être examinées dans le recours de droit public, la voie du recours en réforme étant ouverte pour vérifier si l'instance inférieure a posé le problème d'une manière conforme au droit, soit en particulier si elle n'a pas méconnu la notion même de capacité de discernement, les règles sur l'expérience générale de la vie ou la vraisemblance prépondérante exigée pour exclure la capacité de discernement (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4C.82/2005 du 8 mai 2005 consid. 2.1 et 5C.52/2003 du 11 mars 2004 consid. 4.1.1 in fine).
 
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a procédé à des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
 
4.2 En l'espèce, la cour cantonale retient qu'entendu comme témoin le 19 février 1997, le docteur M.________, psychiatre, a déclaré avoir reçu la recourante en septembre 1986; elle était alors angoissée et déprimée par des problèmes conjugaux. Selon ce médecin, elle se trouvait dans un état second et souffrait d'une agitation psychomotrice; ce genre de pathologie engendrait un désir de fuir les situations problématiques, ce qui pouvait conduire le patient à faire à peu près n'importe quoi pour atténuer sa souffrance et à obéir à des pressions. Confirmant le certificat établi par ses soins le 24 août 1987, il a précisé qu'il l'avait rédigé parce que sa patiente lui avait dit qu'elle avait signé des documents et qu'il doutait de la validité d'une signature obtenue dans de telles conditions. En octobre 1987, il lui avait prescrit un séjour dans une maison de repos car elle était épuisée.
 
Selon la Cour de justice, ces éléments peuvent certes laisser supposer qu'à l'époque, la recourante ne jouissait pas d'un bon état de santé. De nature sommaire et générale, ils ne suffisent toutefois pas à démontrer que l'intéressée présentait, le jour de la signature du contrat litigieux, une incapacité de discernement au sens où l'entend la jurisprudence, à savoir l'absence tant de la capacité d'apprécier le sens et la portée de cet acte que de la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté.
 
La recourante ne démontre pas, d'une façon conforme aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189; 129 III 626 consid. 4 p. 629 et les arrêts cités), en quoi l'autorité cantonale aurait arbitrairement apprécié la force probante du certificat médical du 24 août 1987 et celle du témoignage du psychiatre du 19 février 1997. Contrairement à ce qu'elle prétend, ledit certificat n'atteste pas de sa "totale incapacité de discernement", mais se limite à faire état d'un accroissement de ses sentiments d'angoisse et de panique induits par une situation familiale stressante; quant à la conclusion selon laquelle toute décision ou signature de la part de l'intéressée devait à ce moment-là être considérée comme nulle, elle ne liait pas l'autorité cantonale dès lors qu'il s'agit d'une question de droit. Enfin, la Cour de justice pouvait, sans arbitraire (sur cette notion: ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280), s'écarter des déclarations du médecin traitant de la recourante, recueillies près de dix ans après la signature du contrat de séparation de biens, pour le motif qu'elles comportaient des imprécisions quant aux dates et ne se rapportaient ni à l'acte litigieux, ni au moment de la conclusion de celui-ci, mais qu'elles présentaient, comme le certificat du 24 août 1987, un caractère purement général.
 
5.
 
La recourante dénonce aussi une violation de son droit constitutionnel à être entendue. Elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir refusé de donner suite à sa requête d'expertise visant à établir les revenus réels de l'intimé.
 
A l'instar de l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. ATF 108 Ia 293 consid. 4a p. 294), l'art. 8 CC accorde au justiciable le droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 290; 105 II 143 consid. 6a/aa p. 145 et les arrêts cités). Cette dernière norme étant une règle fédérale en matière de preuve au sens de l'art. 63 al. 2 OJ (ATF 125 III 78 consid. 3b p. 79; 124 III 134 consid. 2b/bb p. 143; 107 II 484 consid. 1 p. 486), sa violation peut être soulevée dans un recours en réforme lorsque, comme dans le cas présent, celui-ci est ouvert. Le moyen se révèle donc irrecevable (art. 84 al. 2 OJ).
 
6.
 
Invoquant les art. 9 et 29 al. 2 Cst., la recourante affirme que la cour cantonale a commis un déni de justice formel en passant sous silence son chef de conclusions tendant à ce que la contribution d'entretien allouée en sa faveur soit indexée sur l'indice genevois des prix à la consommation.
 
6.1 Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 4 aCst., qui garde toute sa valeur sous l'empire de l'art. 29 al. 1 Cst., une autorité de jugement commet un déni de justice formel si elle refuse indûment de se prononcer sur une requête dont l'examen relève de sa compétence (ATF 117 Ia 116 consid. 3a p. 117/118 et les arrêts cités), ce qu'il appartient au recourant d'établir (ATF 87 I 241 consid. 3 p. 246). Ainsi, la juridiction qui n'entre pas en matière sur un recours qui lui est soumis dans un domaine dont elle a la compétence matérielle, locale et fonctionnelle pour en connaître commet un déni de justice formel (ATF 118 Ib 381 consid. 2b/bb p. 390/391; 117 Ia 116 précité et les références). L'interdiction du déni de justice est un droit de nature formelle dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment du sort du recours sur le fond (ATF 121 I 230 consid. 2a p. 232 et les arrêts cités).
 
6.2 En l'espèce, la Cour de justice n'a pas commis de déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. (et non, comme le mentionne l'acte de recours, par l'art. 9 Cst.) puisqu'elle a statué, dans le dispositif de son arrêt, sur l'intégralité de l'appel formé par la recourante en "déboutant les parties de toutes autres conclusions". Il est vrai que ce déboutement global n'est nullement motivé, ce qui pourrait entraîner une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. Toutefois, si la recourante a effectivement demandé que sa pension soit indexée, le Tribunal de première instance n'avait déjà rien prévu de tel, ni motivé sa décision à cet égard. La recourante a réitéré ses conclusions en ce sens devant la Cour de justice, mais son mémoire d'appel ne contient aucune remarque, que ce soit d'un point de vue formel ou matériel, à propos du défaut d'indexation de dite contribution. Dans son recours de droit public, elle soutient à juste titre qu'elle a expressément conclu à l'indexation de celle-ci, sans toutefois prétendre, avec raison, qu'elle aurait soulevé un grief à ce sujet en appel. Or, en vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, seuls sont en principe recevables devant le Tribunal fédéral les moyens qui, pouvant l'être, ont été présentés à l'autorité cantonale de dernière instance (ATF 129 I 49 consid. 3 p. 57; 128 I 354 consid. 6c p. 357; 107 Ia 187 consid. 2b p. 191; 99 Ia 113 consid. 4a p. 12; W. Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne 1994, p. 370-371). Il n'y a donc pas lieu d'examiner si la Cour de justice a commis, sur ce point, une violation du droit d'être entendu liée à une motivation insuffisante de l'arrêt attaqué.
 
7.
 
En conclusion, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires seront dès lors supportés par la recourante (art. 156 al. 1 OJ), qui versera en outre des dépens à l'intimé (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimé un montant de 15'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 2 mars 2006
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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