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Informationen zum Dokument  BGer 6S.85/2003  Materielle Begründung
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BGer 6S.85/2003 vom 08.09.2003
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6S.85/2003 /rod
 
Arrêt du 8 septembre 2003
 
Cour de cassation pénale
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Schneider, Président, Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
 
Greffière: Mme Angéloz.
 
Parties
 
X.________,
 
recourant, représenté par Me Michel Dupuis, avocat, case postale 3860, 1002 Lausanne,
 
contre
 
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
Fixation de la peine (homicide par négligence et ivresse au volant),
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, du 22 juillet 2002.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 18 janvier 2002, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a condamné X.________, pour homicides par négligence et ivresses au volant, à la peine de 6 mois d'emprisonnement. Il a par ailleurs donné acte à A.Y.________ et B.Y.________ de leurs réserves civiles.
 
B.
 
Ce jugement retient, en résumé, ce qui suit.
 
B.a Né en 1956, X.________ a effectué un apprentissage d'électricien, avant d'obtenir un diplôme d'ingénieur ETS. Depuis lors, il a travaillé dans sa profession. En 1988 il a créé la société M.________ SA, dont il est l'administrateur. Parallèlement, il travaille à 60 % à l'EPFL.
 
Marié depuis 1985, X.________ a deux filles, âgées respectivement de 16 et 11 ans. La cadette est infirme moteur cérébral et souffre d'une grave malformation cardiaque; elle vit en institution durant la semaine et passe les week-ends chez ses parents.
 
Les renseignements généraux recueillis sur X.________ sont favorables. Son casier judiciaire mentionne une condamnation, prononcée le 12 août 1996, à 5 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans et 700 francs d'amende avec délai d'épreuve de même durée, pour ivresse au volant, avec un taux d'alcoolémie de 1,49 g ; ces mêmes faits lui ont valu un retrait de permis de deux mois.
 
B.b Entre le 17 janvier 1997 et le 15 février 2001, X.________, selon les déclarations qu'il a faites aux débats, a conduit environ quarante-cinq fois sous l'influence de l'alcool.
 
B.c Le 15 février 2001, après son travail, X.________, s'est rendu en voiture à Etoy pour fêter les 40 ans d'un ami. Arrivé sur place vers 12 h 50, il a bu deux verres de vin blanc à l'apéritif et en tout cas cinq verres de vin rouge pendant le repas, puis consommé un sorbet arrosé de vodka et encore plusieurs calvados, probablement quatre à cinq.
 
Vers 18 h 25, il a repris le volant pour regagner son domicile à Lausanne, empruntant la route cantonale depuis Allaman. Parvenu sur le tronçon rectiligne qui précède le pont enjambant la route de Bellefontaine, en raison de son état physique déficient, il a laissé sa voiture dévier vers la gauche. Le véhicule s'est ainsi trouvé sur la voie de circulation inverse, où survenait normalement la voiture pilotée par D.Y.________, né en 1959, dans laquelle sa fille C.Y.________, née en 1990, avait pris place sur le siège avant droit. Les deux voitures sont entrées violemment en collision frontale. D.Y.________ et sa fille ont été tués sur le coup. De son côté, X.________ a souffert de diverses fractures et d'un léger traumatisme cranio-cérébral. La prise de sang effectuée à 20 heures sur X.________ a révélé un taux d'alcoolémie entre 1,93 et 2,13 g ; au bénéfice du doute, le premier de ces taux a été retenu. Le dosage pratiqué sur D.Y.________ a révélé un taux d'alcool nul.
 
B.d X.________ a admis d'emblée qu'il avait des problèmes avec l'alcool, qu'il lui arrivait régulièrement d'en boire et qu'il n'ignorait pas les effets de l'absorption d'alcool sur son aptitude à conduire. Il a expliqué que, le jour de l'accident, il savait, en reprenant sa voiture, qu'il avait bu des quantités d'alcool ne pouvant qu'amener un taux d'alcoolémie très nettement supérieur à la limite légale, mais avait escompté qu'en conduisant prudemment il pourrait rentrer chez lui sans causer d'accident. Il était toutefois conscient qu'en agissant de la sorte il prenait des risques non négligeables.
 
B.e X.________ a tenté à plusieurs reprises d'entrer en relation avec A.Y.________, épouse et mère des défunts, et le fils de celle-ci, B.Y.________, par le truchement d'un prêtre, lesquels, ébranlés par le drame, n'ont toutefois pas souhaité une telle rencontre.
 
B.f Selon son médecin, le Dr Z.________, X.________ présente une dépendance à l'alcool et aux médicaments depuis 1991, époque à laquelle sa mère était subitement décédée et qui suivait la naissance de sa fille handicapée. La situation s'est aggravée en 1994 et il a alors été examiné par un psychiatre, qui a diagnostiqué divers troubles. En août 2000, lors d'une recrudescence des troubles liés à son addiction à l'alcool et aux médicaments, il a consulté le Département de psychiatrie adulte et a été pris en charge par le Dr R.________, qui a procédé à un sevrage ambulatoire en cinq jours, suivi de contrôles jusqu'à la fin septembre. Il serait resté abstinent jusque vers la mi-novembre, avant de recommencer à boire de l'alcool.
 
A la suite de l'accident, X.________ a repris contact avec les Drs Z.________ et R.________. Il a en outre consulté la Dresse T.________, qui a posé le diagnostic de probable état de stress post-traumatique et de dépendance à l'alcool. A ce médecin, il a dit vouloir attendre l'issue de son procès avant d'entreprendre une éventuelle psychothérapie.
 
A l'audience, X.________ a déclaré que, depuis l'accident, il était totalement abstinent, ce qui a été confirmé par des attestations médicales, qu'il continuerait à s'abstenir d'alcool et souhaitait faire de la prévention en matière d'ivresse en faisant état du drame qu'il avait provoqué. Il a indiqué qu'il n'était pas encore prêt pour une éventuelle psychothérapie.
 
B.g A raison des faits susdécrits, X.________ a été reconnu coupable d'ivresses au volant (art. 91 al. 1 LCR), commises en concours réel, et d'homicides par négligence (art. 117 CP), retenus en concours idéal.
 
Au stade de la fixation de la peine, le tribunal a estimé que la culpabilité de l'accusé était très importante, compte tenu de ses antécédents, de son taux d'alcoolémie élevé, du fait qu'il n'ignorait pas qu'il reprendrait le volant après avoir bu et, surtout, de ce qu'il avait été conscient des conséquences possibles de sa consommation d'alcool sur son aptitude à conduire. Il a en outre relevé qu'avant l'accident, l'accusé avait conduit à de nombreuses reprises sous l'influence de l'alcool et a également retenu la circonstance aggravante du concours. A décharge, le tribunal a tenu compte de l'attitude positive adoptée par l'accusé après l'accident, relevant notamment la franchise avec laquelle il avait admis ses torts et des faits qui aggravaient sa situation pénale, de ses tentatives de rencontrer la famille des victimes et des renseignements favorables recueillis sur son compte. Il a encore souligné que l'accusé avait souffert du handicap de sa fille cadette, relevant que son alcoolisme devait être mis en relation avec cette souffrance et que, depuis l'accident, il était abstinent. Il a aussi évoqué le probable état de stress post-traumatique et les lésions subies par l'accusé. Sur la base de ces considérations, le tribunal a estimé qu'une peine significative devait être prononcée. Toutefois, compte tenu des éléments favorables relevés, une peine qui, par sa durée, puisse être exécutée en semi-détention apparaissait suffisante. Au demeurant, une sanction plus élevée ferait perdre à l'accusé son emploi et son activité d'indépendant, ce qui nuirait à sa réinsertion sociale; à cet égard, on pouvait s'inspirer de la jurisprudence relative à la limite de 18 mois au-delà de laquelle le sursis ne peut être accordé. Enfin, le tribunal a considéré que le sursis était exclu, compte tenu de la répétition du comportement ayant valu à l'accusé la condamnation prononcée en 1996, ceci régulièrement pendant plusieurs années. Il a dès lors condamné X.________ à 6 mois d'emprisonnement ferme.
 
C.
 
Outre les parties civiles, le Ministère public a recouru contre ce jugement, concluant à une aggravation de la peine.
 
Par arrêt du 22 juillet 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable le recours des parties civiles et admis celui du Ministère public, fixant la peine à 2 ans d'emprisonnement. Elle a considéré, en bref, que la peine prononcée par les premiers juges, au vu des éléments à prendre en compte, était excessivement clémente.
 
D.
 
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 63 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant l'effet suspensif.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le recourant se plaint d'avoir été condamné à une peine excessive.
 
1.1 Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte qu'un pourvoi en nullité portant sur la quotité de la peine ne peut être admis que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 21 et les arrêts cités).
 
Les éléments pertinents pour la fixation de la peine ont été exposés dans les ATF 117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a et, plus récemment, dans l'ATF 129 IV 6 consid. 6.1, auxquels on peut se référer. Il suffit ici de rappeler que la gravité de la faute est le critère essentiel à prendre en considération dans la fixation de la peine et que le juge doit l'évaluer en fonction de tous les éléments pertinents, notamment ceux qui ont trait à l'acte commis et à l'auteur lui-même.
 
1.2 La cour cantonale a estimé que la gravité de la faute commise par le recourant justifiait de fixer la peine à 2 ans d'emprisonnement. A l'appui, elle a d'abord relevé qu'il apparaissait qu'on se trouvait à la limite d'une infraction intentionnelle, soit de deux meurtres réalisés par dol éventuel. Elle a ensuite observé que l'alcoolisme du recourant, eût-il sa cause dans la souffrance induite par le handicap de sa fille, ne constituait pas une fatalité existentielle. Elle a en outre estimé que l'évolution du recourant n'avait pas été aussi fondamentale qu'elle puisse justifier de prononcer une peine en soi excessivement clémente afin de ne pas compromettre les efforts méritoires de l'intéressé, rappelant le refus de ce dernier de se soumettre à une psychothérapie. Elle a encore observé que certains éléments favorables, tels que les bons renseignements obtenus sur le recourant et les lésions qu'il avait subies à la suite de l'accident, n'avaient pas réellement valeur d'éléments à décharge. Enfin, elle a estimé que les premiers juges s'étaient inspirés à tort de la jurisprudence relative à la prise en considération, dans la fixation de la peine, du seuil de 18 mois compatible avec l'octroi du sursis.
 
Le recourant objecte qu'une peine de 2 ans d'emprisonnement est manifestement trop sévère au vu de l'ensemble des éléments à prendre en considération dans le cas d'espèce et, en particulier, des nombreux éléments qui lui sont favorables. Il reproche en outre à la cour cantonale d'avoir écarté le raisonnement par lequel les premiers juges s'étaient inspirés de la jurisprudence relative à la limite de 18 mois au-delà de laquelle le sursis ne peut être accordé.
 
1.3 Il est établi que, pendant les quatre ans qui ont précédé l'accident, le recourant a conduit environ quarante-cinq fois sous l'influence de l'alcool. Le jour de l'accident, il avait ingéré des quantités considérables d'alcool, la prise de sang effectuée environ une heure et demie plus tard ayant révélé un taux d'alcoolémie minimum de 1,93 g  Comme il l'a admis, il n'ignorait pas les effets de l'absorption d'alcool sur son aptitude à conduire et était en particulier conscient des risques qu'il prenait en conduisant néanmoins dans l'état où il se trouvait lors de l'accident. L'arrêt attaqué admet dès lors à juste titre qu'on peut lui reprocher une négligence majeure.
 
On ne peut certes exclure, au vu des faits retenus, qu'il existe, du moins dans une certaine mesure, une relation de cause à effet entre la souffrance éprouvée par le recourant en raison du handicap de sa fille et son alcoolisme, qui est à l'origine de l'accident. A ce jour, le recourant ne s'est cependant toujours pas décidé à entreprendre une psychothérapie, qui eût permis de s'attaquer aux causes profondes de son alcoolisme.
 
Il est vrai que le recourant a fait preuve d'emblée et tout au long de la procédure d'une grande franchise, reconnaissant ses torts ainsi que des faits dont il n'ignorait pas qu'ils aggravaient sa situation pénale. En sa faveur, on doit également relever que, depuis l'accident, il est abstinent, qu'il a tenté à plusieurs reprises d'entrer en relation avec la famille des victimes et qu'il s'est engagé à faire dans son entourage de la prévention en matière d'ivresse au volant. Enfin, les renseignements généraux obtenus sur son compte, attestés par divers témoignages recueillis à l'audience, sont positifs, tant sur le plan familial que professionnel et personnel. Ces divers éléments favorables ne peuvent toutefois compenser que très partiellement la grave négligence, aux conséquences tragiques, dont a fait preuve le recourant. Alors qu'il était conscient des dangers auxquels il exposait les autres usagers en conduisant dans l'état où il se trouvait, il n'a pas voulu renoncer à prendre le volant. Comme le relève l'arrêt attaqué, on se trouve à la limite d'un meurtre commis par dol éventuel. A cela s'ajoute que le recourant, qui avait déjà été condamné pour ivresse au volant en 1996, ce qui eût dû constituer un avertissement, a par la suite encore conduit à des dizaines de reprises sous l'influence de l'alcool, quelque 45 fois entre janvier 1997 et le jour de l'accident. Un tel comportement tend à démontrer le peu de cas que faisait le recourant de la sécurité et de la vie d'autrui. En définitive, il a fallu un accident aux conséquences très graves pour qu'il se décide à réagir.
 
Dans ces conditions, on ne peut dire que la cour cantonale aurait abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la faute commise, eu égard à l'ensemble des éléments pertinents à prendre en compte, justifiait le prononcé d'une peine de 2 ans d'emprisonnement.
 
Vu ce qui précède, la question de savoir si, pour décider du prononcé d'une peine qui puisse être exécutée en semi-détention, soit une peine d'une durée maximale de six mois (cf. art. 1 al. 1 de l'ordonnance 3 relative au code pénal suisse; OCP 3, RS 311.3), il se justifie de s'inspirer de la jurisprudence relative à la prise en considération de la limite de 18 mois au-delà de laquelle le sursis ne peut être accordé (cf. ATF 118 IV 342 consid. 2f p. 349 s.; également ATF 121 IV 97 consid. 2c p. 102), ne se pose pas en l'espèce.
 
La peine infligée au recourant ne viole donc pas le droit fédéral.
 
2.
 
Le pourvoi doit ainsi être rejeté et le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF). La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le pourvoi est rejeté.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.
 
Lausanne, le 8 septembre 2003
 
Au nom de la Cour de cassation pénale
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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