VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 6S.129/2003  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 6S.129/2003 vom 26.05.2003
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6S.129/2003 /dxc
 
Arrêt du 26 mai 2003
 
Cour de cassation pénale
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
 
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
 
Greffier: M. Denys.
 
Parties
 
A.________, enfant mineur agissant par ses parents B.________ et C.________,
 
recourant, représenté par Me Catherine Rondoni, avocate, 83, rue des Eaux-Vives, 1207 Genève,
 
contre
 
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
Mesures éducatives,
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 14 mars 2003.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 15 octobre 2002, le Tribunal de la jeunesse du canton de Genève a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et a institué une assistance éducative à son égard, chargeant le Service de protection de la jeunesse de suivre son évolution et de surveiller son éducation. Il ressort notamment ce qui suit de ce jugement:
 
A.________, né le 26 décembre 1987, de nationalité suisse, est domicilié chez ses parents; il fréquentait en 2001-2002 le Cycle d'orientation X.________. Le 22 mai 2002, il cheminait à proximité dudit Cycle en compagnie de trois camarades. Les quatre jeunes gens ont croisé deux garçons de leur âge. Estimant que ces derniers "le regardaient mal", A.________ leur a asséné des coups de pied et de poing, de concert avec ses camarades. Une des victimes a subi, outre des éraflures, un hématome crânien; l'autre des contusions importantes au visage; toutes deux se sont trouvées en état de choc.
 
B.
 
Par arrêt du 14 mars 2003, la Cour de cassation genevoise a rejeté le recours de A.________.
 
C.
 
Agissant par ses parents, A.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à son annulation et sollicite par ailleurs l'effet suspensif.
 
Le 16 avril 2003, le Tribunal fédéral a signalé qu'aucune mesure d'exécution ne pourrait être entreprise jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif.
 
Le Procureur général genevois conclut au rejet du pourvoi.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).
 
2.
 
2.1 Né le 26 décembre 1987, le recourant a commis les actes reprochés le 22 mai 2002. Il était alors âgé de plus de sept ans, mais de moins de quinze ans révolus, et ne conteste pas avoir commis un acte punissable. Conformément à l'art. 82 al. 2 CP, il est ainsi exposé aux dispositions du Code pénal applicables aux enfants.
 
Le recourant s'en prend à la mesure ordonnée et invoque une violation des art. 83 et 84 CP. A propos de l'art. 84 CP, il se prévaut notamment d'une application arbitraire de cette disposition et renvoie à l'art. 9 Cst. En réalité, il ne fait rien d'autre dans sa motivation que de dire en quoi consiste la mauvaise application de l'art. 84 CP. Il soulève ainsi une violation du droit fédéral, sans que la référence à l'art. 9 Cst. y donne une autre portée. Une violation de cette norme constitutionnelle ne pourrait de toute façon pas être valablement soulevée dans un pourvoi (cf. art. 269 al. 2 PPF).
 
2.2 L'art. 83 CP prévoit que l'autorité compétente constatera les faits. En tant que cela est nécessaire pour la décision à prendre, elle s'entourera d'informations sur la conduite, l'éducation et la situation de l'enfant et requerra rapports et expertises quant à l'état physique et mental; elle pourra aussi ordonner la mise en observation pendant un certain temps. L'art. 84 CP dispose quant à lui que si l'enfant a besoin de soins éducatifs particuliers, notamment s'il est très difficile, abandonné ou en sérieux danger, l'autorité de jugement ordonnera l'assistance éducative ou le placement familial ou dans une maison d'éducation (al. 1). L'assistance éducative tend à donner les soins, l'éducation et l'instruction dont l'enfant a besoin (al. 2).
 
La violation invoquée de l'art. 83 CP ne saurait constituer un grief autonome mais doit être examinée au regard de l'assistance éducative ordonnée en application de l'art. 84 CP, que conteste également le recourant.
 
2.3 En référence au jugement de première instance, la Cour de cassation genevoise a admis qu'il pouvait être renoncé à une enquête au sens de l'art. 83 CP dans le cas concret. Elle a justifié la nécessité d'une assistance éducative de la manière suivante: l'infraction commise doit être qualifiée de grave et il est hors de question de la laisser sans réponse; le Code pénal actuel n'offre qu'un choix limité au juge; les quelques punissions prévues à l'art. 87 CP apparaissent dérisoires eu égard à la gravité des faits; le recourant ne réalise certes aucune des situations énumérées exemplativement à l'art. 84 CP (enfant très difficile ou abandonné ou en sérieux danger); cela n'exclut cependant pas l'application de l'art. 84 CP pour autant que la mesure prononcée respecte les principes de la proportionnalité et de la subsidiarité; le recourant n'apparaît pas réellement conscient de la réalité de son acte et est conforté dans cette opinion par ses parents qui, selon leurs déclarations à l'audience de première instance, semblent banaliser sa violence, la mettant sur le compte d'un passage obligé de l'adolescence. La Cour de cassation genevoise a ajouté que ce dernier constat ressortait également des écritures et de la plaidoirie de l'avocate du recourant.
 
2.4 L'assistance éducative est la mesure la moins incisive prévue à l'art. 84 CP et permet le maintien de l'enfant dans son milieu familial. Elle implique que les parents soient soutenus dans leur éducation, en principe par un assistant social (cf. Hansueli Gürber/Christoph Hug, Basler Kommentar I, art. 84 CP n. 6). Comme le précise l'art. 84 al. 2 CP, l'assistance éducative tend à donner les soins, l'éducation et l'instruction dont l'enfant a besoin.
 
L'art. 84 CP ne dit rien des conditions qui doivent être réunies pour permettre au juge de prononcer une assistance éducative. A titre indicatif, il mentionne le cas de l'enfant très difficile ou abandonné ou en sérieux danger. Le juge dispose d'une grande marge de manoeuvre dans son appréciation. L'exigence essentielle réside, comme le texte légal l'indique, dans la nécessité de soins éducatifs particuliers. De manière générale, l'enfant a besoin de tels soins lorsque son comportement permet de conclure à une situation éducative déficiente et lorsque lui-même ou son entourage n'apparaît pas suffisamment fort pour surmonter cette situation (cf. Hansueli Gürber/Christoph Hug, op. cit., art. 84 CP n. 3; Jörg Rehberg, Strafrecht II, 7ème éd., p. 200/201; Martin Stettler, L'assistance éducative, in RPS 1976 p. 275 ss, 277; Christoph Bürgin, Sanktionen im Schweizerischen Jugendstrafrecht heute und morgen, in Entre médiation et perpétuité, Groupe suisse de travail de criminologie, vol. 20, p. 123 ss, 127/128). Cela étant, avant de pouvoir dire si une assistance éducative se justifie, il est indispensable de réunir des renseignements sur la vie de l'enfant, en particulier son environnement familial, éducatif et scolaire. L'enquête ne peut en principe pas se borner à relever certaines carences éducatives, mais doit aussi comporter un pronostic quant aux incidences d'une assistance (cf. Martin Stettler, op. cit., p. 278).
 
En l'espèce, la Cour de cassation genevoise a nié que le recourant réalisât l'un des cas énumérés à l'art. 84 CP (enfant très difficile ou abandonné ou en sérieux danger). Il résulte de sa motivation qu'elle a fondé sa décision essentiellement sur l'audition des parents lors de l'audience de première instance. A l'instar du Tribunal de la jeunesse, elle a fait ressortir que les "parents semblent banaliser totalement la violence de leur fils, en la mettant sur le compte d'un passage obligé de l'adolescence". Or, les propos d'audience reprochés aux parents ne suffisent en soi pas pour ordonner une mesure d'assistance éducative. Les propos en question, qui minimisent l'infraction, pourraient aussi s'expliquer par un souci de protection de l'enfant exposé à une décision judiciaire. Rien dans le cas concret ne justifiait l'économie d'une enquête au sens de l'art. 83 CP sur l'environnement social et éducatif du recourant. Contrairement à ce que laisse entendre la Cour de cassation genevoise, le fait que l'assistance éducative soit la plus légère des mesures possibles selon l'art. 84 CP n'ôte pas toute portée à l'enquête. En effet, le but de celle-ci est précisément de permettre de définir si une mesure, quelle qu'elle soit, est ou non nécessaire. Il s'ensuit que la Cour de cassation genevoise a violé les art. 83 et 84 CP.
 
3.
 
Le pourvoi doit être admis. Il ne sera pas perçu de frais et une indemnité sera allouée au recourant (art. 278 al. 3 PPF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le pourvoi est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais.
 
3.
 
La Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de 3'000 francs à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, au Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation genevoise.
 
Lausanne, le 26 mai 2003
 
Au nom de la Cour de cassation pénale
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).