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Informationen zum Dokument  BGer H 61/2002  Materielle Begründung
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BGer H 61/2002 vom 22.05.2003
 
Eidgenössisches Versicherungsgericht
 
Tribunale federale delle assicurazioni
 
Tribunal federal d'assicuranzas
 
Cour des assurances sociales
 
du Tribunal fédéral
 
Cause
 
{T 7}
 
H 61/02
 
Arrêt du 22 mai 2003
 
IVe Chambre
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffier: M. Wagner
 
Parties
 
Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne, recourant,
 
contre
 
1. F.________,
 
2. I.________,
 
3. O.________,
 
intimés, tous représentés par Me Jean-Marie Faivre, avocat, rue de la Rôtisserie 2, 1204 Genève,
 
Instance précédente
 
Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève
 
(Jugement du 20 décembre 2001)
 
Faits:
 
A.
 
Dans les causes opposant I.________, F.________ et O.________ à la Caisse interprofessionnelle d'assurance-vieillesse et survivants de la Fédération romande des syndicats patronaux (la caisse), le Tribunal fédéral des assurances, par arrêt du 29 novembre 2000, a admis les recours en ce sens que les jugements de la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI, du 11 février 2000, étaient annulés, les causes étant renvoyées à l'autorité judiciaire de première instance pour qu'elle statue à nouveau en procédant conformément aux considérants. Les faits déterminants sont exposés de manière détaillée dans l'arrêt précité, auquel il est renvoyé.
 
B.
 
Par lettres du 11 juillet 2001, la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI a donné à P.________, W.________ et S.________, soit les revendeuses autorisées T.________ concernées par les factures litigieuses de cotisations paritaires du 12 novembre 1996, la possibilité de se déterminer en connaissance de cause sur ces factures et sur les recours formés contre celles-ci par I.________, F.________ et O.________.
 
P.________ a pris position dans un écrit du 16 août 2001. De son côté, W.________ a affirmé qu'elle avait travaillé en qualité d'indépendante.
 
Les parties au procès ont déposé leurs observations. Par jugement du 20 décembre 2001, la juridiction cantonale a admis les recours et annulé les «décisions» du 12 novembre 1996. En bref, elle a considéré les revendeuses autorisées T.________ comme étant de condition indépendante.
 
C.
 
L'Office fédéral des assurances sociales interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de celui-ci. Il invite le Tribunal fédéral des assurances à dire que l'activité des revendeurs autorisés est une activité salariée, vu que les éléments en faveur d'une activité lucrative dépendante apparaissent prédominants.
 
I.________, F.________ et O.________ concluent, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. La caisse s'en remet à justice. P.________, W.________ et S.________ n'ont pas déposé d'observations.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Les factures litigieuses du 12 novembre 1996 se présentent comme des décomptes de cotisations paritaires.
 
À la différence de simples décomptes de cotisations, qui ne peuvent ni ne doivent être communiqués sous la forme de décisions (ATF 110 V 167; RCC 1976 p. 567), dans ces factures, la caisse, se fondant sur les déclarations de salaires des 20, 30 et 31 octobre 1996, a fixé les cotisations dues, en taxant les concessionnaires T.________ comme employeurs des revendeurs autorisés. En définitive, les factures du 12 novembre 1996 sont des actes d'administration par lesquels la caisse a pris une décision relative aux obligations des revendeurs autorisés (art. 128 al. 1 RAVS). Rendues sous la forme de décisions écrites, ces factures pouvaient donc faire l'objet d'un recours devant la juridiction cantonale.
 
1.2 La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).
 
Il n'y a donc pas lieu d'examiner dans la présente procédure ce qu'il en est du montant réclamé par la caisse à titre de cotisations au régime des allocations familiales de droit cantonal, question qui ne ressortit pas à la compétence de la Cour de céans (ATF 124 V 146 consid. 1).
 
1.3 Suivant les faits établis, les produits T.________ sont distribués selon un procédé particulier. Des revendeurs autorisés présentent ces produits lors de réunions privées. Ils s'assurent à cet effet le concours d'une hôtesse qui réunit à son domicile des connaissances. Ils recueillent ensuite les commandes. Ils ne sont pas liés par la liste/prix du catalogue et doivent disposer d'un stock d'au moins 400 fr. Ils assument leurs frais et sont rémunérés sur la base d'une marge brute d'environ 25% du prix catalogue. Les revendeurs sont conseillés par des monitrices qui sont elles-mêmes rattachées à un concessionnaire. Une monitrice regroupe environ une vingtaine de revendeurs. Elles sont rétribuées par le concessionnaire à raison de 3% sur les ventes réalisées par leurs revendeurs. Elles ont le statut de salariées. Il y a dix-huit concessionnaires en Suisse. Ce sont eux qui distribuent, suivant les commandes, les produits aux revendeurs et assurent la formation, dans le cadre de séminaires, des monitrices. Chaque concessionnaire doit posséder un stock de marchandises d'une valeur de 100'000 fr. à 150'000 fr.
 
2.
 
Le litige porte sur le caractère dépendant ou indépendant des revenus perçus par les revendeurs autorisés T.________ depuis janvier 1995. Ratione temporis, les dispositions de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, ne sont pas applicables.
 
2.1 Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss RAVS). Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé; quant au revenu provenant d'une activité indépendante, il comprend «tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante» (art. 9 al. 1 LAVS).
 
Selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques. Les rapports de droit civil peuvent certes fournir éventuellement quelques indices pour la qualification en matière d'AVS, mais ne sont pas déterminants. Est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique couru par l'entrepreneur.
 
Ces principes ne conduisent cependant pas à eux seuls à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d'activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 123 V 162 consid. 1, 122 V 171 consid. 3a, 283 consid. 2a, 119 V 161 consid. 2 et les arrêts cités).
 
2.2 Dans un arrêt non publié R. du 18 septembre 1968 (H 58/68), le Tribunal fédéral des assurances a considéré que les «présentatrices» d'articles T.________ exerçaient une activité lucrative dépendante, attendu qu'elles se trouvaient dans un rapport incontestable de subordination dans l'organisation du travail envers l'entreprise R.________ SA et qu'elles ne supportaient guère le risque, limité, d'une imprudence ou d'une malhonnêteté des «hôtesses», lesquelles ne devaient livrer la marchandise que contre paiement préalable (le double de la «liste de prix» était remis aux clients lors des commandes). La Cour de céans a retenu que les «présentatrices» demandaient pratiquement la livraison des marchandises à R.________ SA au fur et à mesure des commandes reçues. Elles ne s'exposaient ainsi qu'à voir leurs efforts dénués de succès et à perdre du temps, ce qui ne saurait constituer un risque permettant de les considérer comme des personnes de condition indépendante (ATFA 1963 p. 179 consid. 1). Dans ces conditions, il importait peu qu'elles doivent assumer elles-mêmes certains frais (cadeau aux «hôtesses», emballage, téléphone, déplacement, etc.).
 
3.
 
3.1 Les premiers juges ont retenu que les revendeurs autorisés T.________ ne percevaient pas de commissions, mais une marge commerciale - à savoir la différence entre le prix d'achat et le prix de vente qu'ils ont consenti librement à leurs clients (ils peuvent par exemple accorder des rabais par rapport aux prix figurant dans le catalogue) -, et qu'ils agissent en leur nom et pour leur propre compte, à telle enseigne que le concessionnaire ne connaît pas leur clientèle. Ils en ont conclu que, contrairement à l'avis de l'OFAS du 26 juin 1995, la jurisprudence rendue en la matière à propos des représentants de commerce ne saurait s'appliquer dans le cas d'espèce.
 
Selon la juridiction de première instance, le revendeur autorisé assume le risque économique encouru par l'entrepreneur. En effet, la vente est conclue en son nom et pour son propre compte, et le risque économique n'est plus limité comme auparavant à une imprudence ou un geste malhonnête de l'hôtesse chez laquelle la réunion e eu lieu. Il doit dorénavant payer au concessionnaire la marchandise qu'il a commandée, alors que le client s'est à ce stade uniquement contenté de marquer un intérêt, sans s'engager à quoi que ce soit. Il supporte d'une façon générale le risque sur les débiteurs. C'est lui qui établit les conditions financières des commandes.
 
D'autre part, les premiers juges ont considéré qu'il n'existe pas non plus de rapport social de dépendance économique dans l'organisation du travail entre le revendeur autorisé et le concessionnaire. Ils ont retenu que dans le cadre du contrat de vente conclu entre le revendeur et le client, ni le nom du concessionnaire, ni même son existence n'apparaissent. Celui-ci ne connaît pas les clients. Le revendeur est libre d'organiser son travail selon l'horaire et le rythme qui lui conviennent. Il n'a pas à rendre de comptes au concessionnaire et il choisit librement ses clients. Le fait qu'il bénéficie d'une formation gratuite et de conseils ne suffit pas pour conclure qu'il y ait des instructions de travail au sens du ch. 1015 des directives de l'OFAS sur le salaire déterminant.
 
3.2 De son côté, le recourant fait valoir que les différences entre l'ancien système de vente de la maison R.________ SA employant des «présentatrices» d'articles T.________ et la nouvelle organisation de vente mise en place depuis janvier 1995 sont bien moins grandes qu'il n'y paraît, les éléments qui font conclure à l'existence d'une activité salariée étant nettement prédominants dans le cas particulier. Il relève que les revendeurs autorisés n'occupent pas de personnel ni n'utilisent leurs propres locaux commerciaux. Le conseiller T.________ peut même bénéficier d'une voiture de fonction. L'engagement financier des revendeurs se limite ainsi à 400 fr. pour le stock de base et ne saurait en aucun cas être assimilé à un investissement comparable à celui d'un entrepreneur. Il s'agit de frais généraux au même titre que les frais de publicité, frais de réunion, frais de téléphone engendrés par l'activité de revendeur. Les «présentatrices» supportaient des frais analogues sans pour autant être de condition indépendante.
 
3.3 Les indices caractéristiques d'une activité indépendante résident dans la mise en oeuvre d'investissements d'une certaine importance, l'usage de ses propres locaux de travail et l'engagement de son personnel (ATF 119 V 163 consid. 3b). Le risque particulier de l'entrepreneur découle du fait que, quel que soit le résultat de son activité, il doit supporter les coûts de son entreprise, en particulier les frais généraux, pertes, risques d'encaissement et de ducroire (Greber/Duc/Scartazzini, Commentaire des articles 1 à 16 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants [LAVS], ad. art. 5 LAVS, n° 111 p. 181; Rudolf Rüedi, Die Abgrenzung zwischen selbständiger und unselbständiger Erwerbstätigkeit, in: Aktuelle Fragen aus dem Beitragsrecht der AHV, Referate der Tagung des Schweizerischen Instituts für Verwaltungskurse vom 28. November 1997 in Luzern, Schaffhauser/Kieser (éd.), St. Gallen, 1998, p. 131 s.; cf. en outre ATF 123 V 162 s. consid. 1 et les références).
 
3.4 Le «revendeur autorisé T.________» est lié au concessionnaire par un contrat prévoyant qu'il vend des produits T.________ selon le système T.________ (réunions à domicile) uniquement et qu'il doit s'abstenir de vendre d'autres produits d'après le système T.________ ou un système similaire durant les réunions où il vend des produits T.________.
 
En l'occurrence, la vente des produits de cette marque selon le système T.________ des réunions à domicile ne nécessitait aucune organisation d'entreprise de la part des revendeuses autorisées. Celles-ci n'ont pas engagé de personnel ni fait usage de leurs propres locaux de travail. Il n'y a pas eu non plus d'investissements d'une certaine importance, si ce n'est l'acquisition d'un équipement de base d'une valeur d'environ 400 fr., qui leur appartenait à la signature du contrat et dont le paiement se faisait selon entente avec le concessionnaire. Toutefois, cela ne suffisait pas à faire admettre l'existence d'un risque économique propre (arrêt H.B. du 23 janvier 1957 [H 169/56], in RCC 1957 p. 222; arrêt P. R. et E. B. du 4 décembre 1956 [H 165/56], in RCC 1957 p. 278 consid. 2; voir aussi, à propos de l'offre d'articles ou de prestations de service à domicile, Hanspeter Käser, Unterstellung und Beitragswesen in der obligatorischen AHV, 2ème édition, p. 138, ch. m. 4.79 et la note n° 266).
 
À la différence des «présentatrices» d'articles T.________ employées par R.________ SA, le revendeur autorisé T.________ doit payer au concessionnaire la marchandise qu'il commande, alors que le client se contente à ce stade uniquement de marquer un intérêt, sans s'engager à quoi que ce soit. Toutefois, le risque de mévente est limité (comp. RCC 1989 p. 466 s. consid. 3b, où il s'agissait de revendeurs d'un quotidien). Ainsi que le relève avec raison le recourant, rien n'empêche le revendeur autorisé de ne commander que les articles qui lui ont été payés au préalable.
 
De même que les «présentatrices» d'articles T.________ étaient dans une relation de dépendance envers R.________ SA, de même les revendeuses autorisées le sont par rapport à T.________, respectivement leurs concessionnaires. En effet, pour être autorisées à vendre les produits de cette marque, elles ne peuvent le faire que selon le système T.________ des réunions à domicile.
 
Comme pour les «présentatrices», les frais engendrés par l'activité de revendeur autorisé T.________ (frais de déplacement, de livraison, de téléphone ou de publicité, rémunération ou récompense de l'hôtesse, etc.) ne sont pas déterminants pour la condition du cotisant.
 
Au vu de ce qui précède, et même si, comme le relèvent les premiers juges et les intimés, l'activité de revendeur autorisé présente des particularités liées à son mode d'organisation (liberté d'agir pour son propre compte et d'établir les factures en son nom, avec les risques d'encaissement et de ducroire que cela comporte; liberté d'organiser son travail selon l'horaire et le rythme qui lui conviennent), les éléments en faveur d'une activité lucrative dépendante apparaissent prédominants, au sens de la LAVS et de la jurisprudence y relative. Dans ce sens, le jugement cantonal se révèle contraire au droit fédéral et doit dès lors être annulé.
 
4.
 
La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Succombant, les intimés supporteront les frais de justice (art. 156 al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ). Ils ne sauraient prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
 
1.
 
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI, du 20 décembre 2001, est annulé.
 
2.
 
Les frais de justice, d'un montant de 1'000 fr., sont mis à la charge des intimés, solidairement.
 
3.
 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à W.________, à S.________, à P.________, à la Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande des syndicats patronaux (CIAM-AVS), Genève, et à la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité.
 
Lucerne, le 22 mai 2003
 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
 
La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:
 
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