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Informationen zum Dokument  BGer U 25/2000  Materielle Begründung
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BGer U 25/2000 vom 08.02.2001
 
«AZA 7»
 
U 25/00 Rl
 
IIe Chambre
 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, et Ferrari, Jaeger, suppléant; Addy, Greffier
 
Arrêt du 8 février 2001
 
dans la cause
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, Lucerne, recourante,
 
contre
 
1. M.________,
 
2. X.________,
 
intimés, tous deux représentés par Maître Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat, Place St-François 8, Lausanne,
 
et
 
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
 
A.- M.________ travaillait en qualité de bûcheron au service de X.________, entreprise forestière. Le 24 juin 1996, il a donné congé à son employeur pour le 1er décembre 1996, en lui faisant part de son projet de s'établir dès cette date comme indépendant dans la même branche d'activité.
 
A la demande de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), M.________ a rempli et signé, le 17 avril 1997, un questionnaire destiné à déterminer, au vu de sa nouvelle activité lucrative, sa situation en matière de droit des assurances sociales pour l'assurance-accidents (LAA) et l'assurance-vieillesse et survivants (AVS). Après que la CNA lui eut signifié qu'elle le considérait, à la lumière de ses réponses, comme une personne de condition dépendante, il a fait compléter et préciser celles-ci par un assureur-conseil, en soutenant que son statut était celui d'un travailleur indépendant (lettre du 23 juin 1997).
 
A l'issue d'un nouvel examen de la situation, la CNA a maintenu son point de vue et, le 8 août 1997, elle a avisé M.________ que, vu sa qualité de salarié, il était assuré à titre obligatoire contre les accidents pour les travaux qu'il effectuait depuis le 1er janvier 1997 pour le compte de X.________. Elle portait par ailleurs à sa connaissance un «compte de primes provisoires basé sur l'estimation des salaires qui lui seront payés en 1997», en l'informant qu'il pouvait, à l'instar de l'employeur à qui ce compte de primes était également adressé le même jour, former opposition contre celui-ci. Saisie des oppositions de M.________ et de X.________, la CNA les a rejetées, par une seule et même décision du 2 décembre 1997.
 
B.- Les prénommés ont contesté cette décision par une écriture commune adressée au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en prenant, sous suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
 
« 1. Le recours est admis.
 
2. La décision sur opposition du 2 décembre 1997 est
 
annulée, respectivement réformée en ce sens que :
 
- M.________ est déclaré personne de condition indé-
 
pendante non soumise à la LAA;
 
- la facture de primes du 8 août 1997 d'un montant de
 
fr. 4'955 n'est pas due par X.________.»
 
La CNA a conclu au rejet du recours.
 
Après avoir complété l'instruction du cas par l'audition de M.________, le tribunal a prononcé l'admission des
 
recours, en reconnaissant au prénommé le statut d'indépendant à partir du 1er janvier 1997 (jugement du 11 février 1999).
 
C.- La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement en concluant à l'annulation de celui-ci et au rétablissement de sa décision sur opposition du 2 décembre 1997.
 
M.________ et X.________ concluent au rejet du recours avec suite de frais et dépens, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ne s'est pas déterminé.
 
Considérant en droit :
 
1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).
 
2.- a) Aux termes de l'art. 1er al. 1 LAA, sont assurés à titre obligatoire les travailleurs occupés en Suisse, y compris les travailleurs à domicile, les apprentis, les stagiaires, les volontaires ainsi que les personnes travaillant dans des écoles de métiers ou des ateliers protégés. Est réputé travailleur au sens de cette disposition celui qui, dans un but lucratif ou de formation et sans devoir supporter de risque économique propre, exécute durablement ou provisoirement un travail pour un employeur, auquel il est plus ou moins subordonné. En outre, la qualité de travailleur doit être déterminée de cas en cas, à la lumière de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment au regard de l'existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'un droit au salaire sous quelque forme que ce soit (ATF 115 V 58 ss consid. 2d, et les références; RAMA 1992 n° U 155 p. 252 ss consid. 2b). Souvent, on trouve des caractéristiques se rapportant aussi bien à une activité lucrative dépendante qu'indépendante et la question doit alors être tranchée au regard des éléments prépondérants.
 
b) Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 1997, déterminante pour trancher le cas d'espèce, l'art. 2 OLAA prévoyait, en application de l'art. 1er al. 2 LAA, que ne sont pas assurés à titre obligatoire :
 
«b. Les sous-traitants, les voyageurs de commerce et les
 
personnes faisant office d'intermédiaires entre em-
 
ployeurs et travailleurs, s'ils sont considérés comme
 
exerçant une activité indépendante en raison du fait
 
qu'ils supportent eux-mêmes le risque de l'entreprise;
 
sont considérés comme indépendants, en particulier :
 
1. Les sous-traitants qui disposent d'une organisation
 
propre ou qui reçoivent régulièrement des commandes
 
directes de tiers.
 
2. Les voyageurs de commerce qui utilisent leurs propres
 
locaux commerciaux, occupent du personnel et sup-
 
portent eux-mêmes l'essentiel des frais d'exploita-
 
tion.
 
Intitulé «Exceptions à l'obligation d'être assuré», l'art. 2 aOLAA doit être interprété comme toute disposition d'exception, soit ni restrictivement ni extensivement, mais de manière conforme à son sens et à son but, dans les limites de la règle générale (ATF 114 V 302 sv. consid. 3e, et les arrêts cités). Inscrite à l'art. 1er al. 1 LAA, celle-ci prévoit que les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire contre les accidents (Schlegel, Gedanken zum Arbeitnehmerbegriff in der obligatorischen Unfallversicherung, RSAS 1986 p. 242). Les sous-traitants ne font dès lors exception à la règle générale, d'après l'art. 2 let. b ch. 1 aOLAA, que s'ils supportent eux-mêmes le risque de l'entreprise soit, en particulier, s'ils disposent d'une organisation propre ou s'ils reçoivent régulièrement des commandes directes de tiers. Cette disposition ne fait, en réalité, que formaliser une jurisprudence constante et déjà ancienne du Tribunal fédéral des assurances (rendue en matière d'AVS), selon laquelle les sous-traitants sont considérés, en règle générale, comme des personnes exerçant une activité lucrative dépendante, sauf s'ils exploitent leur propre affaire et traitent sur un pied d'égalité, à leurs propres risques, avec l'entrepreneur qui leur a confié le travail (RSAS 1985 p. 212 consid. 1b et les références; voir aussi RCC 1989 p. 25).
 
3.- a) En examinant le livre de caisse de M.________, les premiers juges ont constaté, de manière à lier la Cour de céans (cf. consid. 1), que de janvier à novembre 1997, celui-ci avait eu pour seul client d'une certaine importance X.________, dont il avait été le salarié jusqu'en décembre 1996. Ils ont également établi que, bien que M.________ ait compté deux autres clients importants dès le mois de décembre 1997 (la commune de P.________ et un dénommé C.________), M.________ était néanmoins resté, par ordre de grandeur, son premier client en 1998, lui assurant plus de la moitié de son chiffre d'affaires. Enfin, toujours selon les constatations ressortant du jugement cantonal, «M.________ dispose notamment d'un véhicule adapté et d'une tronçonneuse, loue, en cas de besoin, les services de tiers, possède un papier à en-tête et a souscrit une assurance RC pour son entreprise. Il supporte par ailleurs à l'évidence le risque économique qui est celui d'un entrepreneur».
 
Sur la base de ces éléments, les premiers juges ont conclu que la situation de l'intimé rassemblait davantage d'éléments plaidant en faveur d'une activité indépendante que d'éléments caractéristiques d'une activité salariée. Ils ont en effet considéré qu'il n'était pas décisif que X.________ fût, pour ainsi dire, le seul client de M.________ durant l'année 1997, car il fallait tenir compte du fait que ce dernier débutait dans son activité indépendante et qu'il ne pouvait donc se constituer, «en quelque sorte d'un jour à l'autre, sa propre clientèle». Cela demandait au contraire du temps et la situation allait vraisemblablement évoluer vers une diversification et un accroissement de la clientèle. C'est également, ajoutent les premiers juges, parce que l'activité indépendante de M.________ en était à ses débuts en 1997 que les critères permettant de reconnaître l'existence d'une entreprise n'étaient présents que «dans une mesure limitée».
 
b) La recourante critique cette opinion, en arguant que celle-ci repose, non sur la situation telle qu'elle se présentait au moment déterminant, mais sur des conjectures et des faits postérieurs au prononcé de la décision sur opposition litigieuse du 2 décembre 1997. Or, fait-elle valoir, les éléments au dossier «démontrent clairement l'absence de clientèle propre» de M.________ et le peu d'investissements que celui-ci a consentis. Dès lors, en se fondant sur les Directives sur le salaire déterminant (DSD) dans l'AVS, l'AI et l'APG édictées par l'OFAS au sujet des travailleurs à la tâche (ch. 4046 ss), la recourante en déduit que M.________ doit être considéré comme une personne de condition dépendante.
 
4.- a) En l'espèce, il est constant que, durant l'année 1997, M.________ a travaillé presque exclusivement pour le compte de X.________, à l'exception du mois de décembre. Par ailleurs, il faut admettre que ces travaux, s'ils étaient certes effectués pour le compte de X.________, n'en étaient pas moins destinés, dans leur finalité, à des clients de celui-ci, si bien qu'ils ont été réalisés dans le cadre d'une relation de sous-traitance (sur cette notion, cf. Tercier, Les contrats spéciaux, 2ème édition, no 3363ss). Ce point est d'ailleurs admis par les intimés (détermination, p. 3; voir aussi la lettre du 24 juin 1996 de X.________ à M.________).
 
b) Avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1998, du nouvel art. 1er OLAA, la notion de travailleur dans l'assurance-accidents était une notion autonome qui ne se recouvrait pas nécessairement avec celle de salarié dans le droit de l'AVS, même si certaines règles de coordination existaient déjà (RAMA 1992 n° U 155 p. 253ss consid. 2c; Frésard, L'assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, n. 2 p. 1 sv.). Les directives de l'OFAS auxquelles se réfère la recourante ne disent toutefois pas autre chose, en ce qui concerne la situation des sous-traitants, que l'art. 2 let. b aOLAA. C'est donc bien, en tout état de cause, à la lumière de cette disposition que doit s'examiner le statut de cotisant de M.________ pour l'année 1997, attendu qu'au cours de cette année-là son activité a porté, ainsi qu'on l'a vu, quasi exclusivement sur les travaux qu'il a effectués en qualité de sous-traitant pour le compte de X.________. A cet égard, les premiers juges et les intimés ne sauraient être suivis quand ils préconisent de tenir compte du développement prévisible des affaires, en ce sens «qu'avec l'écoulement du temps la situation va se modifier et que la clientèle de M.________ va se diversifier». D'une part, il s'agit-là davantage d'une pétition de principe que d'un fait établi au degré de la vraisemblance prépondérante. D'autre part et surtout, l'état de fait déterminant en matière d'assurance-accidents est celui qui existait au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 116 V 246), soit en l'espèce le 2 décembre 1997, si bien que les faits survenus après cette date ne peuvent servir à autre chose qu'à apprécier la situation prévalant à la période à laquelle ils se rapportent, le cas échéant dans une nouvelle décision.
 
c) Cela étant, M.________ supportait-il, en 1997, le «risque de l'entreprise» au sens de l'art. 2 let. b aOLAA ?
 
aa) Des faits établis dans le jugement entrepris, il ne résulte pas que le prénommé disposait, au moment déterminant, d'une «organisation propre» (art. 2 let. b ch. 1 in initio aOLAA).
 
Il apparaît au contraire que, pour reprendre les termes des premiers juges, les «critères permettant de reconnaître l'existence d'une entreprise» n'étaient «présents»
 
que «dans une mesure limitée». Au vrai, les investissements consentis sont plutôt modestes, puisqu'ils se résument à l'acquisition d'une tronçonneuse et, comme cela ressort des factures produites durant la procédure d'opposition auxquelles fait allusion la recourante, à l'acquisition de vêtements de travail et de matériel léger (pour un montant de 820 fr. environ). Il est vrai que les premiers juges ont également pris en compte l'achat d'une jeep d'occasion (d'une valeur de 17 000 fr. environ, y compris son crochet d'attelage). Mais, comme le fait justement remarquer la recourante en se référant au procès-verbal établi le 10 juillet 1997 par l'un de ses inspecteurs, ce véhicule n'est pas équipé pour accomplir des travaux forestiers, si bien que son acquisition n'est, à la vérité, que de peu de poids pour démontrer l'existence d'une organisation d'entreprise. Quant au fait que M.________ «loue, en cas de besoin, les services de tiers, possède un papier à entête et a souscrit une assurance RC pour son entreprise», ce sont là des indices qui ne sont pas non plus suffisants pour établir l'exercice d'une activité indépendante, au vu de l'ensemble des circonstances du cas.
 
A cet égard, il y a lieu de compléter les faits constatés dans le jugement entrepris en prenant en considération, ainsi que le demande la recourante, les réponses que
 
M.________ a fournies dans le cadre du questionnaire destiné à déterminer sa situation à l'égard des assurances sociales. Compte tenu des précisions que celui-ci a fait apporter le 23 juin 1997 par son assureur-conseil et de celles qu'il a lui-même données le 10 juillet suivant au cours d'un entretien avec un inspecteur de la CNA, on doit en particulier retenir que M.________ ne dispose pas d'un local de travail équipé d'installations courantes dans la branche; qu'il ne se procure pas à son propre compte le matériel servant à l'exécution du travail (hormis la jeep dont il a déjà été question plus haut); qu'il n'occupe pas de personnel; qu'il utilise un local appartenant à X.________ lorsqu'il travaille pour celui-ci; qu'il est lié aux «directives orales sur l'organisation du travail» de ce celui-ci; qu'il n'est pas inscrit au registre du commerce; qu'il n'a pas apposé d'enseigne publicitaire et, enfin, qu'il n'est pas membre d'une organisation ou d'une association professionnelle. Ce sont là autant d'éléments qui parlent en faveur d'une activité salariée.
 
bb) On ne voit par ailleurs pas non plus que M.________ recevait, en 1997, «régulièrement des commandes directes de tiers» (art. 2 let. b ch. 1 aOLAA in fino). Au contraire, et ce point n'est pas discutable (ni discuté d'ailleurs), l'essentiel des «commandes» étaient le fait de X.________, à qui M.________ adressait de façon régulière, presque mensuellement, des factures concernant le travail effectué. De ce point de vue également, sa situation se rapprochait donc bel et bien, sous l'angle de l'assurance-accidents, de celle d'un salarié.
 
cc) Dans ces circonstances, force est d'admettre que M.________ ne supportait pas lui-même le risque de l'entreprise en 1997, ce qui justifie l'admission du recours et l'annulation du jugement entrepris.
 
5.- Comme la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario), les intimés, qui succombent, en supporteront les frais (art. 156 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). Ils ne sauraient par ailleurs, vu l'issue du litige, prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
 
p r o n o n c e :
 
I. Le recours est admis et le jugement du 11 février 1999
 
du Tribunal des assurances du canton de Vaud est annu-
 
lé.
 
II. Les frais de justice, d'un montant de 800 fr., sont
 
mis à la charge des intimés, solidairement.
 
III. L'avance de frais effectuée par la recourante, d'un
 
montant de 800 fr., lui est restituée.
 
IV. Il n'est pas alloué de dépens.
 
V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
 
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
 
fédéral des assurances sociales.
 
Lucerne, le 8 février 2001
 
Au nom du
 
Tribunal fédéral des assurances
 
p. le Président de la IIe Chambre :
 
Le Greffier :
 
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