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Informationen zum Dokument  BGE 94 I 29  Materielle Begründung
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Regeste
Sachverhalt
Considérant en droit:
1. Le Grand Conseil ne conteste pas aux recourants leur qualit&ea ...
2. En vertu de l'art. 39 al. 2 Cst. cant., "les lois sont soumise ...
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5. Il ressort des considérants précédents qu ...
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5. Arrêt du 21 février 1968 dans la cause Blaser et consorts contre Grand Conseil du canton de Neuchâtel.
 
 
Regeste
 
Gesetzesreferendum.  
2. Begriff des dem Referendum unterliegenden Erlasses "von allgemeiner Tragweite" und des ihm nicht unterliegenden einfachenErlasses. Als einfacher Erlass gilt nach neuenburgischem Recht derjenige, der in bezug auf seinen Gegenstand und seine Dauer beschränkt ist, selbst wenn er in die Rechtsstellung einer unbeschränkten Anzahl von Personen eingreift (Erw. 2).  
3. Grundsatz der Übereinstimmung (oder der Stufenordnung) der Formen: Eine Behörde kann ihre Anordnungen nur unter Beobachtung der bei ihrem Erlass angewendeten Form gültig abändern (Erw. 3).  
 
Sachverhalt
 
BGE 94 I, 29 (30)A.- La loi neuchâteloise du 13 décembre 1948 sur la fermeture des magasins durant la semaine prescrit à l'art. 1er: "La fermeture des magasins est fixée à 18 heures 30 du lundi au vendredi et à 17 heures le samedi et la veille des jours fériés légaux ne tombant pas sur un dimanche". Selon l'art. 2, sur requête écrite des deux tiers au moins des commerçants d'une même branche d'activité et après avoir consulté les associations d'employés intéressées, le Conseil communal peut, dans certaines limites, déroger à la disposition précédente, soit en particulier: "a) avancer d'une heure au plus ou retarder de deux heures au plus pour tout ou partie de l'année l'heure de fermeture, b) exclusivement pour les magasins de tabac retarder l'heure de fermeture le samedi jusqu'à 20 heures 30 au maximum".
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Le 22 novembre 1967, le Grand Conseil neuchâtelois a voté le décret suivant, intitulé "Décret complétant la loi sur la fermeture des magasins durant la semaine":
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"Article premier. - La loi sur la fermeture des magasins durant la semaine, du 13 décembre 1948, est complétée, à titre d'essai, par la disposition suivante:
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Article additionnel. - Les magasins sont autorisés en 1967 à retarder l'heure de fermeture jusqu'à 22 heures un soir par semaine dans les 15 jours précédant Noël ou Nouvel An.
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BGE 94 I, 29 (31)Il appartient au Conseil communal de fixer les soirs d'ouverture après consultation des milieux intéressés.
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Art. 2. - Le Conseil d'Etat est chargé de pourvoir à la promulgation et à l'exécution du présent décret qui, n'étant pas de portée générale, n'est pas soumis aux formalités de referendum."
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L'art. 2 du décret se réfère implicitement à l'art. 39 al. 2 Cst. cant., en vertu duquel les lois et les décrets de portée générale sans caractère d'urgence sont soumis au referendum facultatif.
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B.- Par un recours de droit public, Frédéric Blaser, Charles Roulet et Louis Sidler concluent à l'annulation du décret du 22 novembre 1967. Invoquant la violation de leurs droits politiques, ils argumentent en bref comme il suit.
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Bien que sa validité soit limitée dans le temps, le texte attaqué contient une règle de droit au sens de la loi fédérale du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils. En autorisant quiconque exploite un magasin à en retarder la fermeture à certaines conditions, il n'arrête pas une mesure isolée, visant un cas particulier, mais formule une disposition de caractère général, qui est soumise en vertu de l'art. 39 al. 2 Cst. cant. aux formalités du referendum. Dès lors, c'est en méconnaissance des droits des électeurs que le Grand Conseil a soustrait le décret du 22 novembre 1967 au scrutin populaire.
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Le Grand Conseil s'est écarté en outre du principe de la hiérarchie des formes, d'après lequel un acte accepté expressément ou tacitement par le peuple ne peut être modifié que par un acte adopté conformément à la même procédure.
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C.- Le 7 décembre 1967, le président de la Chambre de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par les recourants. Sans entendre préjuger le sort du recours, il considère que les objections opposées par le Grand Conseil à la demande de suspension ne paraissent pas dénuées de tout fondement et que l'application du décret en cause ne semble pas devoir léser des intérêts particuliers ou généraux.
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D.- Le Grand Conseil propose le rejet du recours pour les raisons résumées ci-dessous.
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Selon que sa portée est générale ou non, le décret du 22 novembre 1967 est soumis à la procédure référendaire ou y échappe. Ni la constitution cantonale, ni la loi neuchâteloise du 21 novembre 1944 sur l'exercice des droits politiques ne définissent le décret de portée générale. Il résulte toutefois des art. 140 et 141 de cette loi qu'il appartient au Grand Conseil de décider de la nature des décrets qu'il vote. Ainsi, le droit neuchâtelois BGE 94 I, 29 (32)ne contient aucune disposition comparable aux art. 4 à 8 de la loi fédérale sur les rapports entre les conseils. Il s'ensuit que les règles de droit fédéral ne s'appliquent pas nécessairement en l'espèce par analogie.
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Les travaux qui ont précédé l'adoption des lois du 23 novembre 1916 et du 21 novembre 1944 sur l'exercice des droits politiques n'éclairent pas la ratio legis. Il faut remonter jusqu'en 1879, soit à l'époque où le referendum législatif a été introduit dans la constitution neuchâteloise, pour trouver dans les actes parlementaires des indications utiles. Il en ressort que la majorité de la commission chargée d'élaborer le nouvel art. 39 al. 2 Cst. cant. n'entendait pas lui attribuer une portée plus étendue que celle de la disposition correspondante de la constitution fédérale. Au demeurant, les débats relatifs à l'art. 39 et à la loi du 14 juillet 1879 sur l'exercice du droit de referendum n'ont pas porté sur la distinction entre les décrets de portée générale et les décrets simples. Cependant, on peut en déduire que le Grand Conseil a réservé à ce sujet son pouvoir d'appréciation.
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Il a d'ailleurs usé largement de cette compétence, qui ne lui a jamais été contestée. En particulier, sans se heurter à l'opposition des recourants, il a modifié récemment plusieurs textes législatifs par voie de décret simple.
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Suivant sa jurisprudence, le Tribunal fédéral ne s'écarte de l'interprétation du droit public cantonal par un Grand Conseil qu'en cas de violation flagrante de la constitution. En l'espèce, l'art. 39 al. 2 Cst. cant. n'a pas été transgressé. Loin de modifier la loi sur la fermeture des magasins, le décret du 22 novembre 1967 se borne à la compléter à titre d'essai. Limité dans le temps et quant à son objet, il n'a pas une portée générale.
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C'est à tort enfin que les recourants invoquent la loi fédérale sur les rapports entre les conseils. Si les cantons sont tenus de régler l'exercice des droits politiques conformément à l'art. 6 Cst., il n'est en revanche pas nécessaire qu'ils instituent une procédure référendaire en tous points semblable à celle du droit fédéral.
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Considérant en droit:
 
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BGE 94 I, 29 (33)En principe, seul a vocation pour recourir celui qui a un intérêt actuel et pratique à l'admission du recours. Le Tribunal fédéral renonce toutefois à cette exigence lorsqu'elle fait obstacle au contrôle de la constitutionnalité d'un acte qui peut se reproduire dans les mêmes conditions (RO 92 I 29; 89 I 264 consid. 5; 87 I 245, avec références). En l'espèce, le décret du 22 novembre 1967 a déjà sorti tous ses effets. Cependant, si le présent recours était déclaré irrecevable faute d'intérêt, il devrait en être de même des recours qui seraient formés contre des décrets ultérieurs identiques. Le Tribunal fédéral ne pourrait dès lors jamais en revoir la constitutionnalité. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
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Lorsque, comme en l'espèce, il est saisi d'un recours en vertu de l'art. 85 litt. a OJ, le Tribunal fédéral examine librement l'application du droit constitutionnel cantonal. Il en va de même à l'égard des lois cantonales qui précisent le contenu et l'étendue du droit de vote. Mais le décret du 22 novembre 1967 émanant de la plus haute autorité cantonale, le juge doit s'imposer une certaine réserve, sans se confiner cependant sur le terrain de l'arbitraire (RO 93 I 318 consid. 4; 92 I 355 consid. 3; 91 I 271 consid. 2 et 318 consid. 3).
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a) Le Grand Conseil fait état des travaux préparatoires de l'art. 39 Cst. cant., adopté en votation populaire les 28 et 29 juin 1879. Il se réfère notamment aux discussions de la commission du Grand Conseil et aux débats de cette dernière autorité elle-même. Certes, le Tribunal fédéral recourt dans chaque cas aux procédés d'interprétation qui lui paraissent les plus adéquats à dégager le sens et la portée d'une norme, sans nécessairement faire abstraction de la méthode historique. Cependant, en l'espèce, il n'est pas nécessaire d'examiner plus précisément si et dans quelles conditions il se justifie de tenir BGE 94 I, 29 (34)compte des opinions émises au cours des travaux préparatoires. En effet, les délibérations auxquelles le Grand Conseil se reporte, qui remontent à près d'un siècle, ne sont rien moins qu'explicites. Il en ressort seulement que le Parlement neuchâtelois entendait introduire dans le droit public cantonal les institutions de démocratie semi-directe qu'avait adoptées le constituant fédéral. Il semblerait donc qu'à l'arrêté fédéral de portée générale corresponde le décret de portée générale, l'un comme l'autre étant soumis, sauf clause d'urgence, au referendum facultatif. Toutefois, la notion d'arrêté fédéral de portée générale est restée des plus controversées jusqu'à l'adoption de la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (RO 74 I 254 et les références à la doctrine). Il est par conséquent pratiquement exclu de définir par voie de comparaison la notion de décret de portée générale.
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Les travaux préparatoires montreraient en outre qu'en attribuant à ses actes la qualité de loi ou de décret avec ou sans portée générale, le Grand Conseil conserve un certain pouvoir d'appréciation et de décision. Sans qu'il soit nécessaire de trancher la question, il est certain que le Grand Conseil n'est pas absolument libre dans l'exercice de ce pouvoir. Cela est si vrai que l'autorité législative a défini elle-même ce qu'il fallait entendre par loi et par décret dans la loi qu'elle a votée le 21 novembre 1944 sur l'exercice des droits politiques.
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b) C'est en effet au regard de cette loi qu'il convient d'examiner la nature du décret attaqué. Elle dispose, à son art. 138 al. 2, qu'"une loi est une disposition législative d'ordre général et sans limite de temps. Le décret est limité à un objet particulier ou dans le temps". Sans doute l'art. 138 ne donne-t-il pas la définition du décret de portée générale; mais il n'est pas nécessaire de la rechercher. En déniant à son acte du 22 novembre 1967 le caractère de décret de portée générale, le Grand Conseil lui a implicitement conféré celui de décret simple. Il suffit donc d'examiner si l'acte incriminé satisfait aux critères formulés par l'art. 138 al. 2 précité pour le décret simple; si c'est bien le cas, l'art. 2 du décret ne viole pas les droits politiques garantis par la constitution neuchâteloise (cf. RO 74 I 255; 76 I 25).
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Ces critères sont, d'une part, la limitation à un objet particulier, d'autre part, la limitation dans le temps. Or, il apparaît clairement que le décret du 22 novembre 1967 leur est conforme. Tout d'abord, l'ouverture des magasins jusqu'à 22 heures BGE 94 I, 29 (35)n'était autorisée qu'à deux occasions, plus précisément une fois par semaine pendant la quinzaine précédant Noël 1967 ou Nouvel An 1968; circonscrit aussi étroitement, l'objet du décret doit être tenu pour particulier. Ensuite, l'acte incriminé a sorti tous ses effets avant le 1er janvier 1968: sa durée était donc limitée. Il est vrai qu'il affectait la situation juridique d'un nombre indéterminé de personnes et qu'à ce titre, il formulait une norme générale; cependant, il convient de faire remarquer que, dans sa définition du décret, le droit public neuchâtelois ne fait pas mention de ce dernier critère. L'acte attaqué peut dès lors être considéré comme un décret simple au sens de l'art. 138 al. 2 de la loi sur l'exercice des droits politiques; il n'était donc pas soumis au referendum institué par l'art. 39 al. 2 Cst. cant., dont les recourants invoquent par conséquent à tort la violation. Le premier moyen du recours est ainsi mal fondé.
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c) A vrai dire, pour interpréter l'art. 39 al. 2 Cst. cant., les recourants se réfèrent également à la loi fédérale du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils. Ils font valoir que, parmi les différentes espèces d'arrêtés fédéraux de portée générale que cette loi énumère, il en est une qui, suivant la définition qu'en donne l'art. 6 al. 1, se rapproche du décret neuchâtelois de portée générale; cette disposition prévoit que "les actes législatifs de durée limitée qui contiennent des règles de droit doivent être édictés sous forme d'arrêté fédéral de portée générale". Par règle de droit, il faut entendre "toutes les normes générales et abstraites qui imposent des obligations ou confèrent des droits aux personnes physiques ou morales, ainsi que celles qui règlent l'organisation, la compétence ou les tâches des autorités ou fixent une procédure" (art. 5 al. 2 de la loi précitée).
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En l'espèce, le décret attaqué, affectant la situation d'un nombre indéterminé de personnes, formulait une norme générale. En revanche, il n'est pas certain que la règle qu'il a édictée ait été abstraite; le nombre de situations auxquelles il devait s'appliquer n'était pas, en effet, indéterminé, puisqu'il ne visait que deux cas, dans une période précisément limitée. D'ailleurs, même si le décret du 22 novembre 1967 satisfaisait aux deux critères posés par la loi fédérale, il ne devrait pas pour autant être qualifié de décret de portée générale, la loi fédérale ne s'appliquant pas en matière cantonale, fût-ce par analogie.
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BGE 94 I, 29 (36)3. Reprochant au Grand Conseil d'avoir dérogé à une loi soumise au referendum facultatifpar un acte qui, lui, y échappait, les recourants se prévalent d'une violation du principe du parallélisme - ou de la hiérarchie - des formes.
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a) En vertu du principe de la légalité, toute autorité est liée par ses actes aussi longtemps qu'elle ne les a pas abrogés ou modifiés (RO 74 I 17; 76 IV 52; 87 I 258; 91 I 278 consid. 7; JAA XXIX, no 176, p. 317; XXX, no 28, p. 59, et no 124, p. 208). Les justiciables doivent en effet être assurés qu'elle applique à tous la même norme, et qu'il ne puisse y être dérogé que dans les cas que la norme prévoit elle-même. Toutefois, s'il était loisible à l'autorité de revenir sur ses actes par n'importe quelle voie, le principe de la légalité risquerait d'être éludé. Aussi, conformément à la règle du parallélisme des formes, l'autorité ne revise-t-elle valablement ses actes que selon la forme dans laquelle ils ont été adoptés.
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Le Tribunal fédéral en a déjà jugé ainsi dans plusieurs arrêts. Le législateur ne peut notamment s'écarter d'une loi sujette au referendum par un décret qui y est soustrait (RO 30 I 722 consid. 3; 50 I 232). L'autorité législative ne saurait déléguer ses compétences à l'autorité exécutive, en l'habilitant à s'écarter de la législation en vigueur, que par un texte soumis au referendum (RO 88 I 33; cf. RO 93 I 333 consid. 3). Etant normative, l'interprétation authentique doit, sauf disposition constitutionnelle contraire, emprunter la forme prévue pour la règle interprétée (RO 33 I 630 consid. 3; 70 I 8 consid. 5 et 6). C'est donc un principe d'une jurisprudence ferme, sinon abondante, qu'une norme ne peut être modifiée ou abrogée que par un acte de rang égal ou supérieur (RO 87 I 360; 89 I 275 consid. 17).
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b) En droit public neuchâtelois, toute loi ou tout décret de portée générale sont déférés au vote populaire, si 6000 électeurs au moins en font la demande (art. 39 al. 2 Cst. cant.; art. 138 de la loi sur l'exercice des droits politiques). Dès lors, d'après le principe du parallélisme des formes, ces actes législatifs ne peuvent être revisés que par des actes également sujets au referendum. En l'espèce, la loi neuchâteloise du 13 décembre 1948 fixe la fermeture des magasins durant la semaine à 18 heures 30, et le samedi à 17 heures (art. 1er); des dérogations peuvent être accordées à certaines conditions par le Conseil communal (art. 2). En autorisant l'ouverture jusqu'à 22 heures, le décret du Grand Conseil du 22 novembre 1967 a manifestement modifié la loi. Peu importe que cette modification n'ait BGE 94 I, 29 (37)été introduite qu'à titre d'essai et qu'elle n'ait été applicable qu'à deux reprises; elle n'en dérogeait pas moins à la réglementation légale. Prenant cette mesure par un décret simple, acte non soumis au referendum, le Grand Conseil neuchâtelois n'a pas respecté le principe du parallélisme des formes et, par là, a porté atteinte aux droits politiques des recourants.
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c) Il ne fait aucun doute que les règles de droit dont le décret attaqué s'est écarté sont de nature législative au sens de l'art. 138 al. 2 de la loi sur l'exercice des droits politiques. Il n'est donc pas nécessaire de décider si un texte adopté sous la forme d'une loi ou d'un décret de portée générale, mais qui aurait pu revêtir celle d'un décret simple, peut être modifiée par un acte soustrait au referendum.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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Admet le recours et constate que le décret attaqué a violé les droits politiques des recourants.
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