BGE 121 IV 317 |
52. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 novembre 1995 dans la cause A. et consorts contre T., R. et Procureur général du canton de Genève (demande de révision) |
Regeste |
Art. 136 ff. OG; Revision eines Bundesgerichtsentscheides. Eintretensvoraussetzungen. |
Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG, Art. 270 Abs. 1 BStP, Art. 88 OG. |
Der angefochtene Strafentscheid kann sich nicht auf die Beurteilung einer Zivilforderung auswirken, wenn die Forderung zufolge Erfüllung der durch Vergleich eingegangenen Verpflichtungen nicht mehr besteht; das Opfer bzw. der Geschädigte ist daher nicht zur eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde gemäss Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG resp. Art. 270 Abs. 1 BStP legitimiert. In einem solchen Fall ist das Opfer bzw. der Geschädigte zur staatsrechtlichen Beschwerde gemäss Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG resp. Art. 88 OG nur insoweit legitimiert, als darin die einer formellen Rechtsverweigerung gleichkommende Verletzung von Verfahrensrechten geltend gemacht wird (E. 3). |
Art. 31 Abs. 2 OG. |
Der Anwalt, der Tatsachen, welche für die Beurteilung der Beschwerdelegitimation erheblich sind, verheimlicht, um für seine Mandanten günstige Entscheide zu erwirken, führt den Prozess im Sinne von Art. 31 Abs. 2 OG böswillig (E. 4). |
Sachverhalt |
Le 7 janvier 1991, les parents de l'enfant, T. et R., ont adressé au Procureur général du canton de Genève une dénonciation pour lésions corporelles graves intentionnelles par dol éventuel, subsidiairement par négligence, contre tous les médecins et infirmières qui avaient eu à s'occuper de l'enfant lors de son hospitalisation le 21 juin 1988.
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Les parents de l'enfant ont recouru auprès de la Chambre d'accusation contre cette décision, concluant principalement à l'inculpation, pour lésions corporelles graves par négligence, des médecins A., B., D., F., C. et E.; subsidiairement, ils ont sollicité des investigations complémentaires.
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Après avoir recueilli les conclusions des recourants, des personnes mises en cause et du Ministère public, la Chambre d'accusation, par ordonnance du 19 juillet 1994, a rejeté le recours.
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Les parents de l'enfant ont interjeté contre cette ordonnance à la fois un pourvoi en nullité et un recours de droit public au Tribunal fédéral.
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Par arrêt du 31 mars 1995, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, considérant que les constatations de fait devaient être complétées sur certains points, a admis le pourvoi en application de l'art. 277 PPF et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision, déclarant par ailleurs que le recours de droit public était ainsi sans objet.
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B.- Ayant eu connaissance de cet arrêt par une convocation de la Chambre d'accusation cantonale du 6 juin 1995, les médecins A., B., C., D., E. et F. ont déposé dans un bureau de poste suisse, le 17 août 1995, une demande fondée sur l'art. 137 let. b OJ tendant à la révision de l'arrêt rendu le 31 mars 1995. N'ayant pas eu l'occasion de s'exprimer devant la Cour de cassation en raison de la procédure prévue par l'art. 277 PPF, ils font valoir que cette autorité a ignoré un fait pertinent pour statuer sur la recevabilité des recours dont elle était saisie. Ils établissent que T., R. et leurs enfants, représentés par leur avocat, ont signé, au mois de mai 1993, avec l'hôpital cantonal de Genève une convention transactionnelle, portant sur une indemnité totale de 850'000 fr., et prévoyant que, "moyennant la bonne et fidèle exécution de cet accord, les soussignés reconnaissent avoir été complètement indemnisés de toutes les conséquences du sinistre susmentionné et renoncent à toute réclamation ultérieure envers quiconque, en particulier l'hôpital cantonal de Genève, ses collaborateurs, soit notamment le Professeur A., les Drs B., C., E. et F. et la Winterthur Société suisse d'assurances". Ils allèguent, sans être contredits, que cette convention a été entièrement exécutée le 1er juin 1993. Ils observent que les parents de l'enfant ne pouvaient former un pourvoi en nullité et un recours de droit public, sur la base des art. 2 al. 2 let. b et 8 al. 1 let. c LAVI (RS 312.5), que dans la mesure où la sentence pénale attaquée touche leurs prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières. Comme les prétentions civiles à l'égard des personnes visées ont ainsi été entièrement liquidées par l'exécution de la convention transactionnelle, la décision pénale ne pouvait plus affecter leurs prétentions civiles, de sorte que les parents n'avaient pas qualité pour recourir et que le pourvoi en nullité et le recours de droit public auraient dus être déclarés irrecevables. Les requérants concluent, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce que le pourvoi en nullité et le recours de droit public soient déclarés irrecevables. Ils sollicitent par ailleurs l'effet suspensif. |
Les intimés concluent à l'irrecevabilité et au rejet de la demande. Le Procureur général n'a pas présenté d'observations.
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Considérant en droit: |
La révision d'un arrêt du Tribunal fédéral est régie par les art. 136 ss OJ, même lorsqu'il s'agit d'un arrêt de la Cour de cassation pénale rendu sur un pourvoi en nullité (art. 278bis PPF).
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Comme le droit suisse ne connaît en principe pas l'action populaire, il faut admettre, même si la loi ne le dit pas expressément, que la révision ne peut être demandée que par une partie à la procédure ayant conduit à l'arrêt mis en cause (POUDRET/SANDOZ-MONOD, Commentaire OJ, titre VII no 4 p. 11 et la référence citée). Il faut encore, comme pour l'exercice de toute voie de droit, que le requérant ait un intérêt digne de protection, en particulier que l'admission de la demande soit de nature à modifier la situation dans un sens qui lui est favorable (ATF 114 II 189 consid. 2; POUDRET/SANDOZ-MONOD, op.cit., loc.cit.).
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Selon l'art. 23 CPP/GE, les parties au procès pénal sont le procureur général, la partie civile et l'inculpé. Les requérants n'ont aucune de ces qualités, puisque, précisément, aucune inculpation n'a été prononcée (cf. art. 134 CPP/GE).
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Toutefois, l'art. 191 al. 1 let. c CPP/GE assimile aux parties la personne qui fait l'objet de la dénonciation notamment dans le cas de l'art. 137 CPP/GE. Or, l'art. 137 CPP/GE vise l'hypothèse où le juge d'instruction, comme c'est le cas en l'espèce, refuse d'inculper une personne. |
Il résulte clairement de l'ordonnance de la Chambre d'accusation que les parents ont attaqué la décision du juge d'instruction qui refusait de prononcer une inculpation, en concluant expressément et nommément à l'inculpation de chacun des requérants. Etant ainsi visés, les requérants avaient les droits d'une partie devant la Chambre d'accusation, en application de l'art. 191 al. 1 let. c CPP/GE, et c'est bien pour cette raison qu'ils ont été admis à s'exprimer et à prendre des conclusions. Les requérants avaient donc les droits d'une partie dans la procédure cantonale.
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Il n'y a pas de raison de définir différemment les parties lorsqu'une cause pénale cantonale est portée devant le Tribunal fédéral.
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La question qui avait été soumise à la Cour de cassation portait sur l'inculpation des requérants. Le refus de les inculper avec décision de soit-communiqué (art. 137 et 185 al. 1 CPP/GE) ayant été annulé, l'instruction préparatoire reprenait à leur encontre. Les requérants ont donc un intérêt digne de protection à montrer que les intimés se sont adressés au Tribunal fédéral sans avoir qualité pour le faire et qu'ils ont ainsi prolongé sans droit les inquiétudes découlant pour eux de la procédure pénale, ainsi que le risque d'être inculpés et poursuivis. L'admission de la demande est propre à modifier cette situation.
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En conséquence, les requérants ont qualité pour demander la révision.
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b) Fondée sur l'art. 137 let. b OJ, la demande répond aux exigences de forme de l'art. 140 OJ.
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La conclusion et l'exécution de la convention invoquée par les requérants ne ressortaient pas du dossier soumis au Tribunal fédéral dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt dont la révision est demandée; l'art. 136 let. d OJ n'entre donc pas en ligne de compte, de sorte que l'art. 141 let. a OJ, qui prévoit un délai de 30 jours pour le dépôt de la demande, n'est pas applicable. Comme les requérants n'ont reçu l'arrêt que par une communication du 6 juin 1995 - ce qui n'est pas contesté -, il n'est pas douteux que la demande déposée le 17 août 1995 est intervenue dans le délai de 90 jours prévu par l'art. 141 al. 1 let. b OJ.
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La demande de révision est donc recevable.
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2. Selon l'art. 137 let. b OJ, il y a lieu à révision notamment lorsque le requérant a connaissance subséquemment de faits nouveaux importants qu'il n'avait pas pu invoquer dans la procédure précédente. |
Il faut donc des faits nouveaux importants.
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Un fait doit être qualifié de nouveau au sens de cette disposition s'il existait déjà lorsque l'arrêt a été rendu, mais qu'il n'a pas été porté à la connaissance du Tribunal fédéral (POUDRET/SANDOZ-MONOD, op.cit., art. 137 no 2.2.3 p. 27; ATF 88 II 60 consid. 2b p. 64). En l'espèce, la conclusion de la convention transactionnelle et son exécution constituent des faits, qui s'étaient produits avant le 31 mars 1995, mais qui n'ont pas été portés à la connaissance du Tribunal fédéral (cf. supra, consid. 1b). Il s'agit donc de faits nouveaux.
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Un fait est important, au sens de l'art. 137 let. b OJ, s'il est propre à entraîner une modification de l'état de fait à la base du jugement et, ainsi, une modification de l'arrêt en faveur du requérant (ATF 118 II 205 consid. 5; POUDRET/SANDOZ-MONOD, op.cit., art. 137 no 2.2 p. 27). Comme une victime (ou une personne qui y est assimilée) ne peut exercer les mêmes droits de recours qu'un accusé que dans la mesure où la sentence pénale attaquée touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières (art. 8 al. 1 let. c LAVI), il était pertinent, pour statuer sur la recevabilité des recours, de savoir si le sort des prétentions civiles avait déjà été liquidé (cf. ATF 120 IV 44 consid. 4). Les faits nouveaux établis sont donc importants, puisqu'ils peuvent conduire à mettre fin à la procédure pénale.
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Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cassation est en principe liée par les constatations de fait cantonales (art. 277bis al. 1 PPF) et ne procède elle-même qu'exceptionnellement à la constatation des faits; cela n'exclut toutefois pas la révision lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les faits nouveaux importants qui sont invoqués concernent des faits que, par exception, la Cour de cassation devait élucider, en particulier les faits qui ne sont pertinents que devant elle et qui déterminent les conditions de recevabilité du pourvoi (POUDRET/SANDOZ-MONOD, op.cit., titre 7 no 2.1 p. 5 et art. 137 no 2.1 p. 25). Il en va de même dans le cas du recours de droit public (ATF 118 Ia 366 consid. 2, ATF 118 II 477 consid. 1).
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Pour que la révision soit admise sur la base de l'art. 137 let. b OJ, il faut encore, selon le texte de cette disposition, que les requérants n'aient pas pu invoquer les faits dans la procédure précédente (cf. POUDRET/SANDOZ-MONOD, op.cit., art. 137 no 2.2.5 p. 29). Comme la Cour de cassation a appliqué la procédure prévue par l'art. 277 PPF, c'est-à-dire qu'elle a annulé la décision attaquée sans communiquer le mémoire aux intéressés, les requérants n'ont eu aucune possibilité de s'exprimer et de révéler à la Cour de cassation les faits qui lui étaient inconnus et ils n'avaient pas de raison de les invoquer dans la procédure cantonale, où ces faits étaient sans pertinence. En conséquence, on ne saurait reprocher aux requérants d'avoir tardé à invoquer les faits dont ils se prévalent. |
Le motif de révision prévu par l'art. 137 let. b OJ étant ainsi réalisé, l'arrêt attaqué doit être annulé et il convient de statuer à nouveau, y compris sur les frais et dépens (art. 144 al. 1 OJ).
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La qualité pour se pourvoir en nullité d'une victime, d'une personne assimilée à la victime ou d'un lésé ne peut donc être admise que si la décision attaquée peut affecter le jugement de sa prétention civile. La décision attaquée ne peut évidemment avoir un effet négatif sur le jugement de l'action civile que pour autant que cette dernière existe ou existe encore; si la prétention civile a déjà été tranchée par un jugement entré en force ou si la créance invoquée est éteinte pour n'importe quel motif, il ne peut plus être question d'un effet sur le jugement des prétentions civiles (CORBOZ, Le pourvoi en nullité interjeté par le lésé, SJ 1995 p. 147).
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En l'espèce, il est maintenant établi que les parents, agissant tant en leur propre nom qu'au nom de leurs enfants, ont passé une transaction et reçu l'indemnité convenue pour solde de tous comptes. Ils ne prouvent nullement que cette convention serait nulle ou aurait été invalidée en temps utile pour un motif admissible en droit des obligations. Une transaction supposant d'ailleurs des concessions réciproques sur des incertitudes de fait ou de droit, une erreur ne pourrait normalement pas être invoquée (cf. ATF 114 Ib 74 consid. 2b p. 79, ATF 114 II 189 consid. 2 p. 191). Dans le cadre de cette transaction, dont il n'est pas contesté qu'elle ait été exécutée, l'hôpital cantonal a obtenu, par une forme de stipulation pour autrui, que les parents et leurs enfants renoncent (remise de dette) à toute prétention civile contre les médecins et le personnel soignant, ce dont les requérants peuvent se prévaloir. Dès lors, on ne voit pas comment les parents de l'enfant pourraient encore former une prétention civile contre les personnes dont ils demandent l'inculpation. En conséquence, l'ordonnance de la Chambre d'accusation ne peut pas avoir d'effet sur leurs prétentions civiles, de sorte qu'ils n'ont pas qualité pour se pourvoir en nullité. Contrairement à ce que suggèrent les intimés, la qualité pour recourir est régie par la loi et ne peut pas être étendue par une éventuelle réserve dans le cadre d'une transaction. |
b) Pour les mêmes motifs, les parents de l'enfant ne peuvent former un recours de droit public en fondant leur qualité pour recourir sur l'art. 8 al. 1 let. c LAVI (cf. ATF 120 Ia 101 ss).
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Comme le droit de punir n'appartient qu'à l'Etat, le lésé n'est pas atteint dans un droit qui lui soit propre - comme le requiert l'art. 88 OJ - par une décision pénale qu'il juge trop favorable à l'accusé; il n'a donc pas qualité pour se plaindre, sur la base de l'art. 88 OJ, de l'appréciation des preuves et des conséquences qui en ont été tirées (ATF 120 Ia 101 ss et les arrêts cités; CORBOZ, op.cit., p. 152). Celui qui n'a pas qualité pour recourir sur le fond ne pourrait interjeter un recours de droit public qu'en invoquant une violation, équivalant à un déni de justice formel, d'un droit procédural qui lui est reconnu en tant que partie par le droit cantonal ou qui peut être déduit directement de l'art. 4 Cst. (ATF 120 Ib 27 consid. 3a p. 33, ATF 120 Ia 101 consid. 3b p. 110, 157 consid. 2a/aa, 220 consid. 2a, 227 consid. 1). En l'espèce cependant, les recourants ne se plaignaient pas de la violation d'un droit procédural, mais seulement d'une appréciation arbitraire des preuves; comme le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués devant lui (ATF 118 Ia 64 consid. 1b, ATF 117 Ia 393 consid. 1c, 412 consid. 1c et les arrêts cités), il apparaît que les recourants ne soulevaient aucun grief qu'ils étaient légitimés à invoquer, de sorte que le recours de droit public doit également être déclaré irrecevable.
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L'avocat des recourants, en se référant expressément à l'art. 8 LAVI dans le recours de droit public et aux art. 2 LAVI et 270 PPF dans le pourvoi en nullité, a dissimulé des faits pertinents pour juger de la qualité de ses mandants à recourir, usant ainsi de mauvaise foi pour obtenir des décisions favorables à ceux-ci, et cela alors que précédemment, après avoir reçu un avertissement, il avait déjà été sanctionné à deux reprises. Dès lors, après qu'occasion lui a été donnée de se déterminer à ce sujet, il sera condamné à une amende disciplinaire en application de l'art. 31 al. 2 OJ. |
Une indemnité sera allouée aux requérants, déterminée en tenant compte du fait qu'ils ne sont intervenus que dans la procédure de révision et qu'ils ont présenté une seule écriture commune (art. 159 al. 1 OJ).
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