BGer 1B_414/2018
 
BGer 1B_414/2018 vom 26.09.2018
 
1B_414/2018
 
Arrêt du 26 septembre 2018
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Chaix et Kneubühler.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.A.________,
recourant,
contre
Fabien Gasser, Procureur général du Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
intimé.
Objet
procédure pénale; récusation,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 6 août 2018
(502 2018 149).
 
Considérant en fait et en droit :
1. Le 23 décembre 2017, A.A.________ a déposé une plainte pénale contre B.________ pour lésions corporelles graves avec l'intention de donner la mort et tentative de meurtre, voire d'assassinat, à la suite d'une agression dont il aurait été victime le 20 décembre 2017 à Granges en Veveyse.
A la suite de cette plainte, le Procureur général du Ministère public de l'Etat de Fribourg, Fabien Gasser, a ouvert une enquête préliminaire contre B.________ pour menaces, lésions corporelles simples, vol et violation de domicile. Il a également rejeté la demande de récusation le concernant contenue dans la plainte. A.A.________ a renoncé à recourir contre cette décision et l'a invité à procéder au plus vite.
Le 3 avril 2018, la doctoresse C.________ a informé le Procureur général que A.A.________ se trouvait toujours à sa consultation pour des plaintes en relation avec l'agression subie le 20 décembre 2017. Elle restait à disposition pour des renseignements complémentaires et suggérait de lui envoyer les questions précises auxquelles il souhaitait qu'elle réponde.
Le 16 avril 2018, le Procureur général a cité les parties à comparaître à son audience le 5 juin 2018.
Le 25 avril 2018, A.A.________ a accusé réception de la citation à comparaître en précisant espérer être complètement rétabli afin de pouvoir y assister dans les meilleures conditions possibles. Il a joint un certificat médical de la doctoresse C.________ établi le 23 avril 2018 attestant que pour des raisons de santé, il ne pouvait ni préparer des séances de justice ni y participer jusqu'au 31 mai 2018.
Le 30 mai 2018, A.A.________ a informé le Procureur général que son état de santé ne lui permettait pas d'assister à l'audience du 5 juin 2018 et l'a invité à annuler celle-ci. Il a produit un nouveau certificat médical de la doctoresse C.________ du 28 mai 2018 attestant de son incapacité à préparer des séances de justice et à y participer, dès cette date et jusqu'au 30 juin 2018.
Donnant suite à la proposition de la doctoresse C.________ du 3 avril 2018, le Procureur général lui a soumis le 5 juin 2018 un questionnaire auquel elle a répondu le 1 er juillet 2018.
Par courrier du 12 juillet 2018, A.A.________ a invité le Procureur général à se récuser en raison de la pression qu'il aurait exercée sur la doctoresse C.________ pour ne pas renouveler un certificat médical, parfaitement justifié au vu de son état de santé, afin d'éviter de mettre sa carrière en danger.
Le 16 juillet 2018, le Procureur général a fait savoir au plaignant qu'il considérait le contenu de ce courrier comme malhonnête, contestant fermement avoir exercé une quelconque pression ou menace sur la doctoresse C.________ qu'il a simplement invitée à répondre à un questionnaire. Il a transmis la requête de récusation et le dossier de la cause à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg comme objet de sa compétence.
A.A.________ a pris position le 28 juillet 2018 en indiquant que la lettre adressée le 21 juillet 2018 au Procureur général en réponse à son courrier du 16 juillet 2018 valait détermination. Il a joint une copie de cette lettre ainsi que du certificat médical établi le 18 juillet 2018 par la doctoresse C.________ à la suite d'une nouvelle consultation effectuée le même jour attestant la présence de douleurs de tête à nouveau plus fortes et de troubles de l'équilibre rendant impossible d'exiger sa présence devant la justice actuellement.
La Chambre pénale a rejeté la requête de récusation au terme d'un arrêt rendu le 6 août 2018 que A.A.________ a déféré le 8 septembre 2018 auprès du Tribunal fédéral en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et à la récusation du Procureur Gasser.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal cantonal et le Ministère public ont chacun produit leur dossier.
2. Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un procureur peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral nonobstant son caractère incident. Le recourant, dont la demande de récusation a été rejetée, a qualité pour agir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF. Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 80 al. 1 et 100 al. 1 LTF. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce que la récusation du Procureur général Fabien Gasser soit ordonnée sont recevables (art. 107 al. 2 LTF).
3. Le recourant considère que les juges du Tribunal fédéral, élus par les partis politiques auxquels ils rétrocèdent une partie de leurs revenus, ne se trouvent pas dans les dispositions légales afin de rendre une décision impartiale, indépendante et neutre. Il ne sollicite toutefois pas avec raison la récusation en bloc du Tribunal fédéral pour ce motif tant il est vrai que l'appartenance de membres d'un tribunal à un parti politique ne suffit pas à elle seule à susciter un doute sur leur capacité à statuer avec l'indépendance requise en l'absence de circonstances exceptionnelles, ni alléguées ni établies en l'occurrence, pouvant donner à penser qu'ils pourraient subir une influence au point de ne plus apparaître comme impartiaux dans le traitement d'une cause particulière (arrêt 1B_460/2012 du 25 septembre 2012 consid. 3.2 in SJ 2013 I p. 438).
4. Le recourant voit un motif qui devrait conduire à l'annulation de l'arrêt attaqué dans le fait que le Président de la cour cantonale qui a statué sur sa demande de récusation, E.________, est membre du club D.________ qui aurait été fondé dans le but d'escroquer sa famille et qu'il qualifie d'organisation criminelle au sens de l'art. 260 ter CP.
Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé à ce propos dans un précédent arrêt en rappelant la jurisprudence suivant laquelle l'appartenance d'un magistrat à un club ne suffisait pas pour mettre en doute son indépendance et qu'elle devait s'accompagner d'autres circonstances propres à démontrer qu'il pourrait subir une influence au point de ne plus apparaître comme impartial dans le traitement d'une cause particulière (cf. arrêt 1B_78/2018 du 3 mai 2018 consid. 5 et les références citées). Le recourant n'apporte aucun élément susceptible de revenir sur cette appréciation. Le caractère criminel du club D.________ et son implication dans les décisions prises à l'encontre de la famille A.________ en restent au stade des allégations et ne suffisent pas à mettre en doute l'indépendance et l'impartialité du Président E.________. Au demeurant, le courrier de la Chambre pénale du 20 juillet 2018 par lequel cette autorité accusait réception de la requête de récusation et octroyait à A.A.________ un délai de dix jours pour lui adresser une réplique était signé du Président E.________, de sorte que si le recourant entendait que ce magistrat ne fasse pas partie de la cour appelée à statuer sur cette requête, il lui incombait de demander sa récusation dans sa réplique, ce qu'il n'a pas fait.
L'annulation de l'arrêt attaqué ne se justifie donc pas pour ce motif.
5. Le recourant s'en prend également au refus de la Chambre pénale de récuser le Procureur général en raison des pressions et des menaces exercées sur la doctoresse C.________ pour qu'elle s'abstienne à l'avenir de délivrer des certificats médicaux le dispensant de comparaître.
La Chambre pénale a constaté que A.A.________ ne procédait pas par une véritable argumentation mais se contentait d'affirmer que lors de son rendez-vous chez sa doctoresse le 4 juillet 2018, celle-ci lui aurait fait comprendre que le Procureur général aurait fait pression sur elle pour qu'elle ne renouvelle pas son certificat médical. Selon le dossier de la procédure, les parties ont été citées à comparaître pour audition par ordonnance du 16 avril 2018. A.A.________ a fait connaître, par lettre du 25 avril 2018, diverses remarques relatives à l'audition pour le cas où il pourrait y assister en cas de rétablissement, tout en produisant un certificat médical de la doctoresse C.________ du 23 avril 2018 attestant que son patient " ne peut ni préparer ni assister à des séances de justice " jusqu'au 31 mai 2018. Précédemment, il avait communiqué au Ministère public, avec invitation à y donner suite, une attestation établie à son intention par cette doctoresse le 3 avril 2018, soit un bref rapport médical dans lequel elle certifie avoir A.A.________ à sa consultation et indique demeurer à disposition pour des renseignements complémentaires, proposant de lui envoyer des questions précises auxquelles il serait souhaité qu'elle réponde. A.A.________ n'ayant pas comparu à l'audition du 5 juin 2018, le Procureur a établi un questionnaire à l'attention de la doctoresse, les premières questions portant sur les aspects médicaux de l'agression alléguée, les autres sur des précisions quant à une inaptitude à se préparer pour une audience et à comparaître alors que parallèlement le patient se rend régulièrement à tous endroits avec son véhicule afin de distribuer des tracts et de prendre à partie les passants tout en parlementant avec la police, alors qu'il multiplie les courriers aux autorités et alors qu'il interjette régulièrement des recours. La praticienne y a répondu par lettre du 1 er juillet 2018. Elle y expose notamment qu'à son avis, son patient avait été trop algique et trop choqué pour assister à une séance de justice suite à un traumatisme crânien source de vertiges et de troubles de la concentration mais son état s'est cependant amélioré sur les dernières semaines et " je n'ai plus d'argument médical parlant contre sa participation à toute demande de la justice ". Elle y ajoute, en réponse à la question de savoir si elle a d'autres remarques, que son patient semble présenter des idées fixes délirantes de longue date, pour lesquelles il refuse toute aide psychiatrique et qui peuvent expliquer les actes décrits dans le questionnaire. La Chambre pénale a ainsi constaté que tant le questionnaire que les réponses de la doctoresse n'étaient que le reflet d'un processus normal. Le fait que le Procureur se soit adressé à la doctoresse a été souhaité par le recourant lui-même. Quant au contenu de ces textes, il n'établissait nullement des pressions inadmissibles et en tous les cas pas une obligation de ne pas établir de nouveau certificat médical. Du reste, A.A.________ avait lui-même produit un nouveau certificat, établi quelques jours plus tard, le 18 juillet 2018, par la doctoresse C.________ dans lequel elle faisait état de la réapparition, à la consultation du même jour, de douleurs de tête et de troubles de l'équilibre qui l'ont décidée à diriger son patient vers un neurologue par rendez-vous pris le 9 août 2018; elle en déduisait une nouvelle impossibilité d'exiger actuellement une présence devant la justice.
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucune argumentation propre à le remettre en cause mais se borne à opposer sa propre appréciation de la situation à celle de la Chambre pénale. Il n'a produit devant la cour cantonale aucune pièce qui viendrait étayer les graves accusations portées à l'encontre du Procureur général alors qu'il lui appartenait de rendre plausibles les faits sur lesquels il fonde sa récusation en vertu de l'art. 58 al. 2 CPP. Il n'indique pas davantage quelle pièce du dossier pénal la cour cantonale aurait méconnue et qui établirait sans équivoque que le Procureur général aurait exercé une pression sur la doctoresse pour qu'elle ne renouvelle pas de certificat médical. De tels agissements ne transparaissent pas des réponses de la doctoresse aux questions du Procureur contenues dans son rapport du 1 er juillet 2018. On ne saurait ainsi faire grief à la Chambre pénale de s'en être tenue aux pièces versées au dossier pénal plutôt qu'aux allégations du recourant non étayées par pièces et non vérifiées pour apprécier la crédibilité des accusations portées à l'encontre du Procureur général.
La Chambre pénale n'a pas davantage vu un motif de récusation du Procureur général dans le fait d'avoir qualifié de malhonnêtes les accusations portées à son endroit par le recourant dans sa lettre du 12 juillet 2018. Le propos incriminé visait le reproche fait au Procureur général d'avoir adopté un comportement totalement inacceptable envers la doctoresse C.________ pour qu'elle ne renouvelle pas le certificat médical attestant de son incapacité à prendre part aux auditions en raison de son état de santé. Elle a considéré que, avec l'éclairage qui venait d'être donné précédemment, on ne pouvait effectivement considérer comme honnête une accusation, grave, d'avoir, dans l'exercice de fonctions officielles, obligé un médecin, respectivement de lui avoir donné un ordre de ne pas établir de certificat médical alors que la démarche, en sus d'avoir été proposée et demandée par médecin et patient, n'était qu'une demande d'éclaircissements adaptés aux circonstances de l'espèce. Dans ce contexte, l'usage de ce terme n'était donc pas inapproprié et visait un texte et non une personne, le procédé du questionnaire n'était aucunement déloyal et conséquemment ni l'un ni l'autre ne peuvent constituer un motif de récusation.
Sur ce point également, l'appréciation de la cour cantonale résiste aux critiques du recourant. Mis en cause pour avoir exercé des pressions inadmissibles sur le médecin traitant d'une partie à la procédure pour l'inciter à ne pas renouveler un certificat médical attestant de l'incapacité de celle-ci à assister à une audience de confrontation, le magistrat intimé ne saurait se voir reprocher d'avoir réagi de manière excessive en qualifiant de malhonnête le courrier renfermant de telles accusations portant gravement atteinte à son crédit dans la mesure où il les réfutait catégoriquement. A tout le moins, la Chambre pénale n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant que cette réaction restait somme toute mesurée dans le contexte dans lequel elle intervenait et ne traduisait pas une inimitié particulière à l'égard du recourant propre à justifier sa récusation.
Le recourant voit enfin un dernier motif de récusation du Procureur général dans le fait qu'en date du 16 août 2018, ce magistrat l'a cité à comparaître à une audience de confrontation prévue le 17 septembre 2018 en dépit du certificat médical établi le 18 juillet 2018 par son médecin traitant attestant de son incapacité à se présenter actuellement devant la justice. Il s'agit d'un nouvel argument fondé sur des éléments de fait postérieurs à l'arrêt attaqué, qui étaient ainsi inconnus de l'autorité inférieure et dont celle-ci n'a pas pu prendre en considération sans que l'on puisse lui en faire le reproche. A ce titre, il est irrecevable (cf. art. 80 al. 1 et 99 al. 1 LTF). Au demeurant, la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de se plaindre de la manière dont est menée l'instruction et/ou de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. Le recourant disposait de la voie du recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP s'il entendait contester la citation à comparaître qui lui a été prétendument injustement notifiée (ATF 140 IV 118 consid. 3.2 p. 120), moyen dont il a au demeurant fait usage.
Partant, la Chambre pénale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la requête de récusation du Procureur général déposée par le recourant.
6. Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Le présent arrêt sera exceptionnellement rendu sans frais (art. 66 al. 1, 2 ème phrase, LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
Lausanne, le 26 septembre 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Parmelin