BGer 1B_374/2017 |
BGer 1B_374/2017 vom 13.11.2017 |
1B_374/2017
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Arrêt du 13 novembre 2017 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
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Fonjallaz et Chaix.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure
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Me Gilbert Deschamps, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
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Objet
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Procédure pénale; ordonnance de jonction; mesures provisionnelles,
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recours contre l'ordonnance de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 15 août 2017 (OCPR/47/2017).
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Faits : |
A. Par ordonnance du 24 juillet 2017, le Ministère public de la République et canton de Genève a ordonné la jonction des causes P/930/2013 et P/2277/2016, deux procédures initiées à la suite de plaintes pénales déposées par A.________ Limited. Le 7 août suivant, cette dernière a formé recours contre cette décision. Elle a en particulier sollicité l'octroi de l'effet suspensif, ainsi que des mesures provisionnelles, invoquant en substance un risque de collusion si les pièces de l'une de ces procédures étaient versées dans l'autre et que les différents intervenants venaient à en prendre connaissance.
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Cette demande a été rejetée par ordonnance du 15 août 2017 de la direction de la procédure de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Cette autorité a considéré que la jonction de cause n'avait pas pour effet de rendre accessible à d'autres participants les pièces du dossier joint; cela valait d'autant plus que les rapports d'enquête privés sur lesquels A.________ Limited se fondait seraient déjà connus des "parties".
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B. Par acte déposé le 2 septembre 2017, A.________ Limited forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation (ch. 6 et 8), à l'octroi de l'effet suspensif au recours formé le 7 août 2017 (ch. 7.1), au retrait immédiat des pièces de la procédure P/2277/2016 versées au dossier de la cause P/930/2013 (ch. 7.2), à la restitution des copies desdites pièces au Ministère public et qu'il soit fait interdiction aux avocats d'en garder trace, ainsi que d'en communiquer la teneur à leurs mandants (ch. 7.3). A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants (ch. 9). La recourante sollicite également, à titre de mesures provisionnelles, l'octroi de l'effet suspensif à ses recours fédéral (ch. 1) et cantonal (ch. 2), ainsi qu'au retrait des pièces de la procédure P/2277/2016 versées à celle P/930/2013 (ch. 3), respectivement à la restitution des copies obtenues par les parties et à l'interdiction pour les avocats de celles-ci d'en garder trace et d'en communiquer la teneur (ch. 4).
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Invité à se déterminer, le Ministère public s'en est remis à justice; il a cependant relevé que le classeur de la procédure P/2277/2016 n'avait pas encore été versé à celle P/930/2013, ce qui rendait sans objet les conclusions prises sous chiffres 3, 4, 7.2 et 7.3. Quant à la cour cantonale, elle s'est référée aux considérants de son ordonnance.
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Le 13 septembre 2017, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête de mesures provisionnelles dans la mesure où elle n'était pas sans objet; le Ministère public a ainsi été invité à surseoir à tout acte d'exécution de l'ordonnance de jonction de cause jusqu'à droit connu sur le recours fédéral.
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Considérant en droit : |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1 p. 397; 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
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1.1. La décision attaquée - rendue en instance cantonale unique (art. 80 al. 2 in fine LTF) - concerne le refus d'accorder l'effet suspensif et les mesures provisionnelles requises lors du dépôt d'un recours cantonal dirigé contre une ordonnance de jonction de deux procédures pénales. La voie du recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF est ainsi en principe ouverte.
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1.2. S'agissant d'une décision incidente ne tombant pas dans le champ d'application de l'art. 92 LTF, le recours n'est ouvert que si la partie recourante est exposée à un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 137 IV 237 consid. 1.1 p. 239 s.). Selon la recourante, elle subirait un tel dommage si un droit d'accès était accordé aux intervenants de la procédure P/930/2013; ceux-ci seraient ainsi à même de pouvoir prendre des mesures afin de prévenir les éventuelles poursuites pénales à leur encontre qui pourraient découler de la cause P/2277/2016.
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La recourante omet toutefois de prendre en considération que la décision attaquée se limite à ne pas empêcher le Ministère public de joindre les deux causes pendant la durée de la procédure de recours cantonale. Elle n'autorise en revanche pas les différents intervenants à avoir accès au dossier pénal des causes jointes; le risque de collusion qui pourrait résulter de cette situation n'est ainsi à ce stade pas réalisé. Si une telle requête devait être déposée par l'un ou l'autre des différents intéressés dans les procédures P/930/2013 et P/2277/2016, le Ministère public serait appelé à examiner leur qualité procédurale, à interpeller les autres éventuels intervenants - sauf à violer leur droit d'être entendu -, puis à rendre une décision sujette à recours (cf. art. 102 et 393 al. 1 let. a CPP). En l'état, la recourante ne subit donc aucun préjudice irréparable qu'une autre décision ultérieure ne pourrait réparer, notamment en cas d'admission de son recours cantonal contre la jonction des causes. Partant, le recours est irrecevable.
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Au demeurant, les risques liés à un droit d'accès prématuré au dossier pénal semblent d'autant moins concrets que la recourante prétend qu'aucune mesure d'instruction n'a été effectuée dans la procédure P/2277/2016 (cf. en particulier ad 19, 21, 84 et 92 du mémoire de recours). Les conditions posées à l'art. 101 al. 1 CPP pour obtenir un droit d'accès au dossier ne paraissent ainsi vraisemblablement pas réalisées. Cela vaut d'autant plus que cette disposition présuppose la qualité de parties; or, ce statut par rapport à l'une des infractions dénoncées pourrait ne pas valoir pour l'ensemble des faits et/ou autres chefs de prévention examinés, ce qui peut, le cas échéant, limiter le droit d'accès à la procédure qui concerne le (s) requérant (s) (cf. arrêt 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2, spécialement 2.4).
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1.3. Invoquant en particulier les art. 29 al. 1 et 2, 35 Cst., ainsi que 6 par. 1 CEDH, la recourante se prévaut encore d'un déni de justice formel. Elle prétend en substance qu'en l'absence d'effet suspensif à son recours cantonal, la recherche de la vérité matérielle serait compromise (art. 6 et 7 CPP).
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Dans la mesure où un tel raisonnement pourrait être suivi, les considérations précédentes permettent également d'écarter ce grief. En particulier, il est à nouveau relevé que la décision entreprise n'autorise pas l'accès au dossier pénal. On ne voit dès lors pas en quoi la recherche de la vérité - tâche incombant au Ministère public - serait mise en danger par le défaut d'effet suspensif au recours cantonal. Il n'est pas non plus apparent que la cour cantonale refuserait ou tarderait à statuer sur la contestation soulevée au fond; la recourante ne le soutient d'ailleurs pas.
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2. Il s'ensuit que le recours est irrecevable.
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La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
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Lausanne, le 13 novembre 2017
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Merkli
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La Greffière : Kropf
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