BGer 1B_35/2017 |
BGer 1B_35/2017 vom 09.05.2017 |
{T 0/2}
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1B_35/2017
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Arrêt du 9 mai 2017 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
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Fonjallaz, Eusebio, Chaix et Kneubühler.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure
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Administration fédérale des contributions, Eigerstrasse 65, 3003 Berne,
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recourante,
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contre
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intimé.
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Objet
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Procédure pénale; levée de séquestre,
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recours contre la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 12 décembre 2016.
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Faits : |
A. Depuis le 15 juin 2015, l'Administration fédérale des contributions (AFC) mène une enquête contre A.________ en raison de soupçons de graves infractions fiscales au sens de l'art. 190 al. 2 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).
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Dans ce cadre, l'Etude de B.________, avocat-notaire, a fait l'objet d'une perquisition les 15 et 17 juin 2015. L'avocat C.________, alors présent, a formé opposition et fait placer sous scellés les documents saisis. Le 25 suivant, il a cependant levé son opposition et donné son accord à la levée des scellés. L'ensemble des pièces saisies a été séquestré. Parmi ces documents, figurent trois enveloppes fermées contenant, selon A.________, ses instructions post mortem; celles-ci ont été à nouveau inventoriées. A la suite du refus de l'AFC de lui restituer ces enveloppes, A.________ a déposé plainte auprès du directeur de l'AFC; la cause a ensuite été transmise à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Par arrêt du 15 mars 2016, cette autorité n'est pas entrée en matière sur la plainte; elle a invité l'AFC à prendre connaissance du contenu de ces pièces avant de procéder, le cas échéant, à leur séquestre.
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Le 7 juin 2016, l'autorité d'enquête a restitué l'une des trois enveloppes à A.________ et ordonné le séquestre des deux autres. La plainte déposée par le susmentionné contre cette décision a été transmise par le directeur de l'AFC à la Cour des plaintes. Le 12 décembre 2016, celle-ci a admis cette plainte, levé les séquestres portant sur les deux enveloppes litigieuses et ordonné leur restitution au plaignant, respectivement la destruction des copies en mains de l'autorité, ainsi que de celles à sa disposition dès l'entrée en force de son arrêt ou de sa confirmation en cas de recours. Elle a considéré en substance que ces documents, contenant des dispositions pour cause de mort, étaient protégés par le secret professionnel du notaire auprès de qui ils avaient été déposés et ne pouvaient dès lors faire l'objet d'un séquestre.
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B. Par acte du 30 janvier 2017, l'AFC forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. L'AFC sollicite également l'octroi de l'effet suspensif.
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Invitée à se déterminer, la Cour des plaintes a conclu à l'irrecevabilité du recours en raison de la tardiveté de son dépôt et, pour le surplus, a persisté dans les termes de sa décision. Quant à l'intimé, il a conclu à l'irrecevabilité du recours, au rejet de la requête d'effet suspensif et, le cas échéant, au rejet du recours. Les 3 mars et 6 avril 2017, la recourante a persisté dans ses conclusions, notamment quant à la recevabilité de son recours. Le 25 avril 2017, l'intimé s'est encore déterminé.
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Par ordonnance du 7 mars 2017, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif.
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Considérant en droit : |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1 p. 397; 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
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1.1. Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui portent sur des mesures de contrainte, soit notamment celles relatives à des séquestres (ATF 136 IV 92 consid. 2 p. 93 s.).
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1.2. Conformément à l'art. 100 al. 1 LTF, le recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
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1.2.1. Les délais fixés en jour par la loi ou par le juge ne courent pas notamment entre le 18 décembre et le 2 janvier inclus (art. 46 al. 1 let. c LTF). Cette suspension ne s'applique cependant pas, en vertu de l'art. 46 al. 2 LTF, dans les procédures concernant l'octroi de l'effet suspensif ou d'autres mesures provisionnelles.
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Sont notamment considérées comme des "autres mesures provisionnelles" les décisions ordonnant des séquestres et des blocages de comptes rendues dans le cadre d'une procédure pénale (ATF 138 IV 186 consid. 1.2 p. 188 s.; 135 I 257 consid. 1.5 p. 260 s.). Tel est également le cas des séquestres prononcés en application de l'art. 46 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0; arrêt 1B_142/2013 du 11 avril 2013 consid. 2).
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Si les prononcés en matière de levée des scellés sont également des décisions incidentes rendues au cours d'une procédure pénale, il ne s'agit alors toutefois pas de mesures provisionnelles au sens de l'art. 46 al. 2 LTF. En effet, au cours de ce type de procédure, le juge statue définitivement sur la protection conférée notamment par les secrets professionnels invoqués. Pour cette raison, la suspension en raison des féries est applicable au délai de recours contre ces prononcés (art. 46 al. 1 LTF; arrêts 1B_44/2016 du 9 février 2016 consid. 2.3; 1B_285/2013 du 11 mars 2014 consid. 1; 1B_268/2011 du 17 juin 2011 consid. 1.4; 1B_232/2009 du 25 février 2010 consid. 1.3).
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1.2.2. En l'occurrence, l'arrêt attaqué a été notifié à la recourante le 13 décembre 2016 et celle-ci a déposé son recours au Tribunal fédéral le 30 janvier 2017.
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Selon l'autorité précédente, ainsi que l'intimé, ce recours serait tardif, dès lors qu'il aurait dû être déposé au plus tard le 12 janvier 2017. Ils prétendent à cet égard que la suspension du délai de recours en raison des féries prévues par l'art. 46 al. 1 let. c LTF ne s'appliquerait pas à la décision attaquée, celle-ci étant une mesure provisionnelle au sens de l'art. 46 al. 2 LTF.
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La recourante soutient en revanche que la situation d'espèce - décision de levée du séquestre portant sur des documents allégués couverts par le secret professionnel d'un notaire - serait la même que celle prévalant lors de la procédure de levée, respectivement de maintien, des scellés; les suspensions prévues à l'art. 46 al. 1 LTF seraient donc applicables.
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1.2.3. Certes, des conséquences similaires ne sont pas exclues (cf. le retrait du dossier pénal de certains documents). Cela étant, le séquestre - mesure provisoire fondée sur la vraisemblance (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 61 s.) - est une mesure de contrainte. Dans une telle situation, le principe de célérité impose à l'autorité de statuer rapidement sur les recours tendant à la levée des séquestres, que ceux-ci soient à caractère conservatoire ou probatoire (ATF 135 I 257 consid. 1.5 p. 260 s.). Il n'en va pas différemment de ceux demandant le maintien de ces mesures, dès lors que les parties en cause sont les mêmes - certes avec un rôle procédural inversé - et que l'issue de ces procédures de recours peut avoir comme conséquence de limiter - peut-être temporairement - les droits des personnes touchées par la mesure ordonnée.
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Rien ne permet donc de considérer que la partie qui conteste un refus de séquestre - généralement au demeurant l'autorité d'enquête - devrait pouvoir bénéficier de la suspension des féries alors que tel n'est pas le cas de celle - ordinairement le prévenu - contre qui la mesure de contrainte est ordonnée. La sécurité du droit et l'égalité des armes imposent en effet de soumettre les parties en cause à des règles identiques en matière de calcul des délais lorsqu'une même problématique est traitée, cela indépendamment en principe de la portée de la décision (admission ou refus de la mesure) ou de la motivation retenue (secret professionnel). Déterminer l'éventuelle application de l'art. 46 al. 1 LTF en fonction des motifs de la décision attaquée conduirait au demeurant à de grandes incertitudes, ceux-ci pouvant être variés (proportionnalité, pertinence des pièces, etc.) et/ou concerner un ou plusieurs objets/documents saisis. Ce raisonnement vaut d'autant plus si la décision de séquestre n'admet que partiellement le séquestre et le refuse pour le surplus. Considérer, dans une telle situation, que la suspension lors des périodes de féries serait applicable à l'une des parties en cause équivaudrait en outre à lui permettre de déposer, le cas échéant, un recours joint, institution que ne connaît pas la LTF (ATF 138 V 106 consid. 2.1 p. 110).
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Il s'ensuit que tant les décisions ordonnant un séquestre que celles le refusant sont des mesures provisionnelles au sens de l'art. 46 al. 2 LTF. Dès lors, le délai de recours, qui a commencé à courir le 14 décembre 2016, n'a pas été interrompu par la période de féries prévue par l'art. 46 al. 1 let. c LTF et est arrivé à échéance le 12 janvier 2017. Le recours déposé le 30 janvier 2017 est par conséquent tardif (art. 46 al. 2, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF).
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2. Dans l'indication des voies de recours figurant au pied de sa décision, la Cour des plaintes a précisé que les décisions relatives aux mesures de contrainte étaient sujettes à recours devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent leur notification. Elle a donc reproduit la règle légale (art. 79 et 100 al. 1 LTF) sans se prononcer sur la question de la suspension du délai, ce qu'elle n'était pas tenue de faire (ATF 141 III 170 consid. 3 p. 172; arrêt 1B_148/2016 du 20 avril 2016 consid. 2). Il n'y avait donc pas, dans cette indication, d'information susceptible d'inciter la recourante à agir après l'expiration du délai légal de recours en tenant compte, par erreur, d'une suspension au sens de l'art. 46 al. 1 let. c LTF. La recourante ne le soutient d'ailleurs pas, étant au demeurant douteux qu'elle ait réellement ignoré l'absence de suspension en matière de séquestre (cf. notamment les faits de l'ATF 137 IV 145 et ceux de l'arrêt 1B_11/2011 du 1er avril 2011).
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En d'autres termes, les règles de la bonne foi ne commandent pas en l'occurrence d'appliquer exceptionnellement l'art. 46 al. 1 LTF pour admettre une suspension du délai de recours pendant les féries judiciaires (ATF 135 I 257 consid. 1.6 p. 261; 133 I 270 consid. 1.2.3 p. 274 s.).
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3. Il s'ensuit que le recours est irrecevable.
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L'intimé, qui procède avec l'assistance d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens à la charge de la Confédération (Administration fédérale des contributions; art. 68 al. 1 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Une indemnité de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée à l'intimé, à la charge de la Confédération (Administration fédérale des contributions).
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3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
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Lausanne, le 9 mai 2017
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Merkli
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La Greffière : Kropf
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