BGer 4A_573/2010
 
BGer 4A_573/2010 vom 28.03.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_573/2010
Arrêt du 28 mars 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Thélin.
Participants à la procédure
A.________,
B.________,
représentés par Me Cornelia Seeger Tappy,
défendeurs et recourants,
contre
Z.________ SA, représentée par Me Pierre-Yves Baumann,
demanderesse et intimée.
Objet
responsabilité civile; dommages-intérêts
recours contre les décisions prises le 4 mars
2009 par la Cour civile et le 27 mai 2010 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Faits:
A.
Dès le milieu des années 1980, A.________ a collaboré avec le groupe de production de journaux Z.________ pour la distribution et la vente au détail de ses quotidiens. Celle-ci s'effectue notamment au moyen de caissettes installées sur la voie publique, où chacun peut se servir; elles sont pourvues de tirelires amovibles destinées à l'encaissement du prix.
Selon trois contrats datés du 18 juillet 1989, du 22 mars 1996 puis du 22 février 1999, A.________ s'est chargé de l'approvisionnement de kiosques et de caissettes, cela tous les jours de la semaine et de l'année, et, chaque dimanche soir à partir de dix-huit heures, du ramassage des tirelires et du contrôle de la marchandise invendue. Son rayon d'activité comprenait surtout les localités de Bienne et de Tavannes. Il utilisait son propre véhicule et il avait l'obligation de se faire remplacer si, pour quelque cause que ce fût, il ne pouvait pas assumer lui-même sa tâche. Il lui incombait de désigner son remplaçant et de l'annoncer au groupe Z.________. Aucune période de vacances n'était prévue ni effectivement payée. Des cotisations sociales étaient déduites de la rémunération convenue.
B.________, fils de A.________, a parfois exécuté les tournées de ramassage de tirelires pour le compte de son père.
Dès octobre 1999, A.________ s'est en outre chargé de transporter de Neuchâtel à la gare de Bienne des bacs de tirelires collectées dans la région neuchâteloise.
Il a par ailleurs exploité un kiosque à la gare de Bienne.
B.
Le 24 janvier 2001, la police cantonale bernoise a appris de l'épouse de B.________ que celui-ci et son père s'étaient procuré le moyen d'ouvrir les tirelires et qu'ils y prélevaient de la monnaie. Après que leur activité eut été habilement surveillée, tous deux furent arrêtés et placés en détention le 8 mars 2001. A.________ reconnut avoir soustrait près de 200'000 fr. sur une durée proche de deux ans; B.________ reconnut avoir soustrait près de 15'000 francs.
Par jugement du 22 août 2002, le Tribunal d'arrondissement de Bienne-Nidau a condamné A.________ et B.________, respectivement, aux peines de dix-sept mois et cinq mois d'emprisonnement avec sursis. Il a alloué des dépens à Z.________ SA, partie civile; pour le surplus, celle-ci était renvoyée à élever ses prétentions en dommages-intérêts devant les tribunaux civils.
C.
Le 12 février 2004, Z.________ SA a ouvert action contre A.________ et B.________ devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud. Selon les conclusions principales de sa demande, les défendeurs devaient être condamnés à payer solidairement 1'150'000 fr. et 41'769 fr.90 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er janvier 1997, 9'114 fr. avec intérêts dès le 27 mars 2001 et 1'398 fr.80 avec intérêts dès le 29 octobre 2003, le tout à titre de dommages-intérêts.
Les défendeurs ont conclu au rejet de l'action, B.________ offrant toutefois, à titre transactionnel, de verser 15'000 fr. pour solde de tout compte.
A.________ a pris des conclusions reconventionnelles tendant au paiement de 75'000 fr. à titre de salaire brut, soumis aux déductions sociales.
La demanderesse a conclu au rejet de l'action reconventionnelle.
Après l'accomplissement d'une expertise judiciaire, la Cour civile du Tribunal cantonal s'est prononcée par un jugement du 4 mars 2009 dont l'expédition complète fut communiquée le 25 janvier 2010. Accueillant partiellement les deux actions, principale et reconventionnelle, elle a condamné les défendeurs à payer solidairement les sommes ci-après, à titre de dommages-intérêts: 237'176 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er février 1999, sous déduction des prétentions reconnues à A.________ par 24'906 fr.90 avec intérêts dès le 1er octobre 2004; 504'793 fr. avec intérêts dès le 15 juin 2000, et 22'512 fr.80 avec intérêts dès le 14 février 2004.
D.
Par arrêt du 27 mai 2010, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a rejeté un recours en nullité et en réforme des défendeurs, dans la mesure où il était recevable.
E.
Agissant conjointement par la voie du recours en matière civile, les défendeurs requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre des recours et de réformer le jugement de la Cour civile. La demanderesse doit être condamnée à payer 34'227 fr.40 à A.________, à titre de salaire soumis aux déductions sociales, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er janvier 2000, et B.________ doit être condamné à payer seulement 15'000 fr. à la demanderesse, avec intérêts au taux et dès la date que justice dira. Des conclusions subsidiaires tendent à l'annulation des deux prononcés et au renvoi de la cause à la Cour civile pour nouveau jugement.
La demanderesse conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, en tant que celui-ci est dirigé contre le jugement de la Cour civile; subsidiairement et pour le surplus, elle conclut à son rejet.
F.
Par ordonnance du 3 novembre 2010, le Tribunal fédéral a accordé l'assistance judiciaire aux défendeurs et il a désigné Me Cornelia Seeger Tappy en qualité d'avocate d'office.
Considérant en droit:
1.
Le recours est dirigé contre deux décisions finales (art. 90 LTF) rendues en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). L'arrêt de la Chambre des recours est une décision de dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF); le jugement de la Cour civile est lui aussi une décision de dernière instance cantonale, hormis sur les griefs qui pouvaient être portés devant la Chambre des recours. La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. prévu pour le recours en matière civile (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Les deux décisions ont été attaquées en temps utile, compte tenu que le délai légal de trente jours n'a couru, aussi pour le jugement, qu'à partir de la communication de l'arrêt (art. 100 al. 1 et 6 LTF); nonobstant l'opinion différente de la demanderesse, il importe peu que les défendeurs aient aussi introduit un recours en réforme cantonal qui s'est révélé irrecevable. Le mémoire de recours répond aux exigences légales (art. 42 al. 1 et 2 LTF).
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). En règle générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La Chambre des recours pouvait être saisie du grief d'appréciation arbitraire des preuves (JdT 2001 III 128; voir aussi ATF 126 I 257 consid. 1b p. 259). En raison du pouvoir d'examen ainsi limité qui appartenait à cette autorité, il incombe au Tribunal fédéral de contrôler librement, dans le cadre des griefs présentés, si la Cour civile a apprécié les preuves et constaté les faits d'une manière exempte d'arbitraire (ATF 116 III 70 consid. 2b p. 71).
2.
Sur l'action principale, les défendeurs contestent le montant du dommage retenu par la Cour civile, qui comprend d'abord le préjudice résultant de leurs prélèvements frauduleux dans les tirelires, par 237'176 fr. et 504'793 fr., puis divers frais d'expertise et d'enquête hors procès, par 1'398 fr.80 et 9'114 fr., et enfin des frais d'avocat par 12'000 francs. Les défendeurs contestent aussi l'obligation de réparer solidairement le dommage. En l'état de la cause, le père et le fils reconnaissent devoir respectivement 200'000 et 15'000 fr. par suite de leurs prélèvements de monnaie, et ils ne contestent plus l'obligation de rembourser solidairement les frais d'enquête et d'expertise hors procès.
3.
La Cour civile juge qu'il est impossible d'établir le montant exact des prélèvements opérés dans les tirelires et que le dommage correspondant doit être déterminé équitablement, en application de l'art. 42 al. 2 CO, d'après les indices apportés par la demanderesse. Ce point de droit n'est pas contesté.
3.1 Idéalement, la tirelire d'une caissette est censée contenir une somme correspondant au nombre des journaux que l'on n'y retrouve pas, multiplié par leur prix unitaire. En réalité, de nombreux exemplaires sont volés et le contenu de la tirelire présente toujours un manque. Ce manque a été aggravé par les prélèvements des défendeurs. Pour déterminer globalement les pertes cumulées qui leur sont spécifiquement imputables, la demanderesse a entrepris de comparer les taux de manque, ou taux de vols, constatés pendant la période des prélèvements, d'une part, avec ceux constatés dans une période-témoin de quinze semaines qui a suivi l'arrestation des défendeurs, d'autre part. Dans les tableaux de chiffres qu'elle a créés et produits, la demanderesse a indiqué des taux de vols pour chacun des circuits ou tournées de ramassage concernés. Il s'agit d'abord des deux tournées dont les défendeurs exécutaient personnellement le ramassage, à Bienne et à Tavannes; il s'agit aussi de huit tournées de la région neuchâteloise, pour lesquelles A.________ effectuait seulement un transport des tirelires après le ramassage, et d'une tournée à Saint-Imier. Les taux sont des moyennes indiquées pour chacune des années entières 1997 à 2000, puis pour les neuf premières semaines de 2001, jusqu'à l'arrestation des défendeurs, et enfin pour la période-témoin, soit les quinze semaines suivantes. Les tableaux présentent encore d'autres chiffres avec, en particulier, les montants en francs que la demanderesse impute aux défendeurs.
Invité à se prononcer, l'expert judiciaire a approuvé la méthode appliquée par la demanderesse et les tableaux produits par elle. Il a affirmé que l'arrestation des défendeurs ne s'était pas ébruitée, qu'elle n'avait donc pas exercé d'influence dissuasive sur d'autres fraudeurs éventuels, et que la période-témoin de quinze semaines après cette arrestation était ainsi concluante. Au motif que la moyenne des taux de l'année 1997 était égale à celle de la période-témoin, il a retenu que les prélèvements des défendeurs n'ont commencé que l'année suivante.
Sur plusieurs points, la Cour civile s'est écartée des données validées par l'expertise. A l'avantage des défendeurs, elle juge ne pas pouvoir constater que A.________ ait eu accès aux tirelires de la tournée de Saint-Imier, et elle exclut donc les chiffres correspondants. Pour les tournées de la région neuchâteloise, parce que A.________ n'a commencé le transport des tirelires qu'en octobre 1999, elle réduit de trois quarts les chiffres de cette année. Au détriment des défendeurs, la Cour constate que les prélèvements opérés dans les tirelires de Bienne et Tavannes ont commencé au début de 1997 déjà, et elle incorpore les chiffres de ces tournées pour cette année. Pour certaines années et certaines des tournées de la région neuchâteloise, les tableaux présentent des « pertes négatives » là où le taux de manque, ou taux de vols, est apparu inférieur à celui de la période-témoin; la Cour juge, aussi au détriment des défendeurs, que ces chiffres ne sont pas pertinents et elle les élimine de son propre calcul. En définitive, elle évalue les prélèvements frauduleux à 237'176 fr. dans les tirelires de Bienne et Tavannes, et à 503'793 fr. dans celles de la région neuchâteloise.
3.2 Devant la Chambre des recours, les défendeurs ont contesté la force probante de l'expertise et ils ont persisté, à ce sujet, dans des critiques déjà développées devant les premiers juges. La Chambre des recours n'est pas entrée en matière. Elle a considéré que les griefs présentés auraient justifié la demande d'une expertise complémentaire, et que les défendeurs s'étant abstenus de requérir une pareille étude, ils n'avaient pas « épuisé les moyens à leur disposition » et se trouvaient « forclos » à contester l'expertise présente au dossier.
3.3 A l'appui du recours en matière civile, les défendeurs réitèrent leurs griefs contre l'expertise et les montants que celle-ci valide. En particulier, ils discutent les tableaux de chiffres créés par la demanderesse et ils les tiennent pour inintelligibles. Au premier abord, cette critique semble fondée: on ne sait pas à quoi les chiffres indiqués à la base du calcul des taux de vols font référence, et on ne peut pas non plus reconnaître à partir de quelles données pécuniaires et par quel calcul la demanderesse et l'expert parviennent aux montants en francs qui sont imputés aux défendeurs. Le jugement contient le fac simile des tableaux mais il ne fournit pas d'explication sur ces points. Or, s'il n'est pas possible de contrôler et évaluer la pertinence des calculs apparemment complexes auxquels il est fait allusion, leur résultat ne peut pas servir à une constatation du dommage qui soit compatible avec les art. 42 al. 2 CO et 9 Cst.
Les défendeurs reprochent aussi à l'expert d'avoir retenu arbitrairement et, à leur avis, contrairement à toute vraisemblance, que leur arrestation est demeurée inconnue dans le milieu professionnel de A.________, c'est-à-dire surtout parmi les autres collecteurs de tirelires, et qu'elle n'a donc pas pu dissuader, par hypothèse, d'autres collecteurs également adonnés aux prélèvements de monnaie. Ils se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, en ce sens qu'à ce sujet, l'expert s'est fondé exclusivement sur des assertions de la demanderesse sans les inviter à s'exprimer eux aussi. Ils soutiennent qu'en raison de l'alerte que les collecteurs ont au contraire reçue, la période-témoin de quinze semaines après leur arrestation est inapte a permettre une comparaison sérieuse de taux de vols différents. Cette critique tend elle aussi à réfuter l'ensemble des résultats de l'expertise.
Enfin, les défendeurs contestent la liste des huit tournées de ramassage de la région neuchâteloise que la Cour civile a adoptée en se conformant à l'expertise; ils discutent de manière détaillée les documents auxquels l'expert fait référence afin de démontrer que ces documents ne permettent pas de reconnaître quelles sont les tournées concernées.
3.4 On a vu que la Chambre des recours n'est entrée en matière sur aucune de ces questions. Les défendeurs contestent la fin de non recevoir qu'elle leur a opposée. Ils font valoir que selon l'art. 42 al. 1 CO, la preuve du dommage incombe à la partie lésée. Ils exposent que si l'expertise déjà accomplie ne suffit pas à l'apport de cette preuve, il appartient à cette partie, soit à la demanderesse, de requérir un complément afin de corroborer la première expertise, et que l'on ne peut pas leur refuser, à eux, la discussion de cette même expertise au motif qu'ils ne demandent pas ce complément de preuve. Avec raison, ils affirment que le raisonnement adopté par la Chambre des recours équivaut à reporter sur eux-mêmes, en violation des art. 8 CC et 42 al. 1 CO, le fardeau de la preuve incombant à leur adverse partie. Avec raison aussi, ils se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., ou plus exactement d'un déni de justice formel contraire à l'art. 29 al. 1 Cst., puisque la Chambre des recours refuse en termes exprès de se prononcer sur leurs griefs (cf. ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9; 134 I 229 consid. 2.3 p. 232). En tant que cette autorité leur oppose qu'ils n'ont pas usé de voies juridiques à épuiser au préalable, son raisonnement est déroutant; en effet, le juge du fait ne peut pas se dispenser d'apprécier - et d'apprécier sainement - les preuves effectivement administrées au motif que les parties auraient pu en offrir encore d'autres; de même, le juge du recours ne peut pas se dispenser, pour ce même motif, de discuter les griefs qui lui sont présentés contre cette appréciation et qui s'inscrivent dans son pouvoir d'examen.
La demanderesse fait valoir que ledit raisonnement est conforme à la jurisprudence concernant le recours en nullité cantonal mais la référence qu'elle mentionne (JdT 1985 III 96) est très laconique et l'incidence des règles sur le fardeau de la preuve n'y est pas discutée. En plusieurs passages de son mémoire, elle insiste sur l'allégement de la preuve que l'art. 42 al. 2 CO instaure en faveur de la partie lésée; néanmoins, il incombe à cette partie de prouver les éléments de fait qui, selon sa propre thèse, constituent des indices de l'existence du dommage et permettent ou facilitent son estimation (cf. ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363/364; voir aussi ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471).
En conséquence, l'arrêt de la Chambre des recours doit être annulé afin que ce corps se prononce, dans une nouvelle décision, sur les griefs dirigés contre l'expertise et les chiffres que celle-ci entérine.
3.5 Dans l'appréciation de la Cour civile, les défendeurs tiennent aussi pour incohérent d'avoir retranché des tableaux de la demanderesse les « pertes négatives » des tournées et années où le taux de vols moyen s'est révélé inférieur à celui de la période-témoin. Telle que présentée, cette critique ne convainc pas. Il est en effet constant que les défendeurs n'ont jamais ajouté de monnaie dans les tirelires, de sorte que, conformément au jugement de la Cour, les « pertes négatives » sont dépourvues de pertinence pour l'évaluation du dommage causé par eux. En contradiction manifeste avec la réalité, ces « pertes négatives » sont des résultats aberrants de la méthode d'évaluation fondée sur la comparaison de taux de vols différents. Mais puisque cette méthode aboutit à un mélange de résultats apparemment possibles et de résultats aberrants, il faut s'interroger sur le principe même de sa validité, et l'on ne peut pas, comme le fait la Cour civile, éliminer simplement les résultats aberrants, sans même tenter d'expliquer et de corriger l'anomalie qu'ils révèlent. A première vue, les taux de vols sont sujets à des variations aléatoires très importantes et c'est la pertinence de l'ensemble des résultats qui est compromise.
La Chambre des recours ne s'est pas non plus prononcée à ce propos, sinon en répétant le jugement de la Cour et en affirmant qu'il n'est pas arbitraire. La motivation de sa décision est ici insuffisante. Si la Chambre parvient à comprendre et expliquer les tableaux de chiffres, elle aura soin, dans sa nouvelle décision, d'expliquer aussi pourquoi la méthode lui paraît admissible nonobstant la présence de résultats aberrants.
3.6 Le procès est la suite d'un comportement criminel des défendeurs, pour lequel ceux-ci ont d'ailleurs été punis par le juge pénal; néanmoins, cela ne peut pas justifier que le juge civil leur impute des dettes de dommages-intérêts qui ne soient pas établies de manière sérieuse et objective.
4.
La demanderesse a consulté Me Pierre-Yves Baumann, avocat à Lausanne, lequel a présenté deux notes d'honoraires au total de 14'574 fr.45 pour la période du 29 août 2001 au 29 janvier 2004. La Cour civile condamne les défendeurs à rembourser ces honoraires à concurrence de 12'000 francs.
En droit de la responsabilité civile, le dommage comprend les frais engagés par le lésé pour la consultation d'un avocat avant l'ouverture du procès civil, lorsque cette consultation était nécessaire et adéquate et que les frais ne sont pas couverts ni présumés couverts par les dépens. Il en est de même pour les frais engagés dans une autre procédure, en particulier dans une procédure pénale; si cette autre procédure permet d'obtenir des dépens, même tarifés, le lésé ne peut pas exiger séparément, sur la base du droit fédéral, le remboursement de ses frais de conseil (ATF 133 II 361 consid. 4.1 p. 363).
Les défendeurs contestent l'obligation de rembourser les honoraires de Me Baumann. Ils soulignent que dans une large mesure, ce conseil a fourni ses services à l'époque du procès pénal et que dans ce procès, la demanderesse a obtenu des dépens.
Selon la jurisprudence précitée, seuls les frais d'un conseil juridique nécessaires et adéquats s'incorporent au dommage dont le lésé peut demander réparation. Le jugement de la Cour civile ne précise pas en quoi cette affaire de soustraction de monnaie nécessitait objectivement, du point de vue de la demanderesse, des démarches ou analyses juridiques à faire accomplir par un avocat, en sus des prestations indispensables donnant droit aux dépens, ayant pour objet de conseiller et de représenter cette partie dans le procès pénal puis dans le procès civil. Le jugement indique seulement que Me Baumann a introduit et renouvelé des réquisitions de poursuite contre chacun des défendeurs; or, pour ces démarches-ci, les frais de représentation ne peuvent pas être mis à la charge du débiteur (art. 27 al. 3 LP) et, au surplus, ils ne sauraient raisonnablement atteindre 12'000 francs. Me Baumann a aussi introduit une demande de mainlevée d'opposition contre A.________ mais il s'agit là encore d'une procédure où l'on peut obtenir des dépens. Du reste, la demanderesse ayant succombé, elle a dû elle-même acquitter des dépens. Au regard de ces seules constatations de fait, la justification d'éventuels services hors procès de Me Baumann n'apparaît pas, et les honoraires correspondants ne constituent donc pas un élément du dommage. Ainsi, le recours doit être accueilli sur ce point aussi.
5.
La Cour civile retient que les deux défendeurs ont agi « de concert » et, en application de l'art. 50 al. 1 CO, elle les condamne à réparer solidairement la totalité du dommage. Les défendeurs lui reprochent d'avoir constaté arbitrairement qu'ils ont agi « de concert ». Dans la mesure où elle est entrée en matière, la Chambre des recours a seulement indiqué que le juge civil n'est pas lié par les constatations du juge pénal.
La Cour civile constate en fait que les deux défendeurs exécutaient leur activité coupable de la même manière, chacun s'étant procuré une clé permettant d'ouvrir les tirelires et les bacs dans lesquels celles-ci étaient rassemblées; que les bacs étaient eux-mêmes rassemblés chez A.________ où un transporteur venait les chercher, et que les deux familles, soit celles du père et du fils, ont profité de l'argent soustrait. De cela, la Cour déduit que les défendeurs ont agi « de concert ». Ce raisonnement est une appréciation juridique des faits constatés, au regard de l'art. 50 al. 1 CO supposant que les auteurs aient causé le dommage « ensemble »; le Tribunal fédéral contrôle librement cette appréciation.
On a vu que la Cour civile a évalué séparément les prélèvements opérés dans les tirelires de Bienne et de Tavannes, d'une part, et dans celles de la région neuchâteloise d'autre part, et qu'elle est parvenue aux montants respectifs de 237'176 fr. et 503'793 francs.
Les deux défendeurs collaboraient pour le ramassage des tirelires de Bienne et de Tavannes, en ce sens que les tournées était accomplies soit par l'un, soit par l'autre. Par une présomption de fait exempte d'arbitraire (cf. ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 703; 128 III 390 consid. 4.3.2 p. 396; 106 III 49 p. 51), le juge du fait peut admettre que chacun savait que l'autre se livrait à des prélèvements de monnaie lorsqu'il en avait l'occasion, ce qui suffit à engendrer l'obligation solidaire prévue par l'art. 50 al. 1 CO (ATF 115 II 42 consid. 1b p. 45; 127 III 257 consid. 6a p. 264). En tant que les prélèvements perpétrés dans ces tirelires sont effectivement susceptibles d'une évaluation distincte, le jugement échappe donc à la critique des défendeurs.
En revanche, il n'est pas constaté que B.________ ait lui aussi subtilisé de la monnaie dans les tirelires collectées dans la région neuchâteloise, ni même qu'il ait participé au transport et à la garde de ces tirelires. Peut-être a-t-il su ou pu savoir que son père se livrait également au pillage desdites tirelires, mais cela ne suffit pas à justifier qu'il soit lui aussi condamné, solidairement avec son codéfendeur, à réparer un préjudice dans lequel il n'est pas personnellement impliqué. Au contraire, A.________ est seul responsable de cette partie du dommage. Le recours est donc fondé sur ce point encore.
Les défendeurs ne contestent pas l'obligation de rembourser solidairement les frais d'enquête et d'expertise hors procès, et les honoraires de Me Baumann doivent être exclus du dommage.
6.
En sus du montant de 24'906 fr.90 obtenu devant la Cour civile et imputé sur la dette de dommages-intérêts, A.________ persiste à élever des prétentions reconventionnelles ayant pour objet le salaire de périodes prolongées dans lesquelles il a dû se faire remplacer à ses frais parce qu'il était incapable de travailler par suite de maladie, le salaire de périodes de vacances qui ne lui ont pas été accordées et, enfin, le salaire d'heures d'attente qu'il a fournies sans rémunération. Ces prétentions sont fondées sur les règles du contrat de travail, et il est donc nécessaire d'élucider si ce défendeur s'est lié à la demanderesse par des contrats de travail, selon la thèse développée à l'appui du recours, ou par des contrats mixtes de transport et de mandat, selon le jugement de la Cour civile.
7.
A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage à travailler au service de l'employeur, et celui-ci s'engage à payer un salaire. Le travailleur se place dans un rapport de subordination envers l'employeur; cet élément est caractéristique du contrat de travail et il le distingue des autres contrats de prestation de services (ATF 112 II 41 consid. 1a/aa in fine, consid. 1a/bb p. 46; voir aussi ATF 134 III 102 consid. 3.1.2 p. 106/107; 130 III 213 consid. 2.1 p. 216).
7.1 La Cour civile tient pour constant que la demanderesse donnait des instructions précises au sujet des heures, de l'organisation et de la procédure du ramassage des tirelires. Le jugement mentionne en particulier des « impératifs de temps pour sécuriser la collecte » et il précise que « l'argent » - en réalité, les bacs de tirelires - devait être « rentré » le lundi ou le mardi au plus tard. Les défendeurs insistent sur ces prescriptions que leur adverse partie imposait et ils insistent aussi sur les prescriptions similaires qui, selon leurs affirmations, s'appliquaient tous les jours à l'approvisionnement des caissettes et des kiosques.
La Cour ne constate pas que la demanderesse soit par ailleurs intervenue dans l'organisation et l'emploi du temps du défendeur. Elle relève que deux entreprises de transport devaient elles aussi respecter des consignes semblables, sans qu'elles fussent liées à la demanderesse par un contrat de travail.
La demanderesse exploite un vaste réseau de caissettes en libre accès sur la voie publique et elle fournit ses produits à de nombreux kiosques. Il est notoire qu'en raison du caractère périssable de l'information - une information tardive n'en est plus une - et de la concurrence qui s'exerce entre les médias, les journaux quotidiens doivent parvenir très rapidement sur leurs lieux de vente, et ainsi à leurs lecteurs, sitôt qu'ils ont été imprimés. Cela explique que l'approvisionnement des caissettes soit soumis à un horaire strict. La technique uniforme des tirelires et des bacs, destinée notamment à protéger leur contenu contre le vol, explique que le ramassage soit soumis lui aussi à un protocole relativement précis. Dans ce contexte spécifique, les instructions contraignantes à respecter par les personnes exécutant ces tâches n'impliquent pas, du point de vue juridique, que ces personnes soient nécessairement des travailleurs subordonnés à la demanderesse. Le transport répétitif et régulier d'une marchandise, même prise en charge et livrée selon des modalités précisément spécifiées par le commettant, n'est pas nécessairement un travail salarié; éventuellement, il s'agit d'une simple prestation de transport. Les prestations supplémentaires fournies à cette occasion, telles qu'établir un bordereau des articles transportés, peuvent s'inscrire dans un mandat. Le rapport de subordination est ainsi douteux, de sorte que la relation juridique doit être qualifiée en tenant compte de l'ensemble des stipulations adoptées par les cocontractants.
7.2 Le défendeur devait exécuter les tournées avec son propre véhicule et, par là, supporter entièrement les frais imposés par l'exécution de sa tâche. Ce régime est normal dans le contrat de transport tandis qu'au regard des art. 327a et 327b CO, il est insolite, voir prohibé dans le contrat de travail.
Le défendeur devait aussi pourvoir à ce que sa tâche fût accomplie tous les jours de l'année et il devait désigner et annoncer un remplaçant pour les jours où il ne l'exécutait pas lui-même. La demanderesse ne s'occupait pas de rémunérer le remplaçant et elle payait le défendeur comme s'il fournissait lui-même les prestations concernées. Ce pouvoir et ces modalités de substitution correspondent à ce que l'art. 68 CO prévoit pour le régime général de l'exécution des obligations; elles sont en revanche insolites dans le contrat de travail, cela même dans l'hypothèse où un accord dérogeant à l'art. 321 CO autorise le travailleur à se faire remplacer par une autre personne. En effet, si le remplaçant n'est pas un proche qui se substitue bénévolement au travailleur, il entre lui-même dans une relation de contrat de travail avec l'employeur (Gabriel Aubert, in Commentaire romand, n° 2 ad art. 321 CO).
Durant de nombreuses années et jusqu'à la fin de son activité, le défendeur a assuré les services convenus sans jamais signaler de périodes de maladie ni jamais réclamer de vacances. Il n'a non plus jamais réclamé le paiement d'heures d'attente. Au regard du principe de la confiance qui régit l'interprétation des manifestations de volonté entre cocontractants (cf. ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 681), ce comportement dénote que A.________ ne se considérait guère comme un employé de la demanderesse mais plutôt comme le chef de sa propre petite entreprise de transport et de distribution de journaux. C'est d'ailleurs l'interprétation d'ensemble que la Cour civile adopte à l'issue de son appréciation.
Le prélèvement de cotisations sociales, sur la rémunération convenue, tend au contraire à signaler une activité dépendante au service d'une employeuse (art. 14 al. 1 LAVS). Les défendeurs soulignent cet élément mais son importance ne doit pas être surestimée. Le prélèvement des cotisations de salarié était en effet favorable à A.________ car il le dispensait de payer lui-même, à un taux plus élevé, des cotisations d'indépendant (cf. art. 5 al. 1 et 8 al. 1 LAVS), avec les tâches administratives liées à cette opération, et il lui assurait aussi, le cas échéant, des prestations de prévoyance professionnelle. La signification du prélèvement est donc équivoque car il peut être compris comme un élément de la rémunération convenue.
7.3 En considération de l'ensemble des circonstances, la Cour civile juge avec raison que A.________ n'était pas lié à la demanderesse par un contrat de travail. Ce défendeur ne tente pas de fonder ses prétentions salariales sur des règles autres que celles du contrat de travail. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si lesdites prétentions sont au surplus atteintes par la prescription, ni si elles pourraient néanmoins réduire par compensation la dette de dommages-intérêts. Il n'est pas non plus nécessaire d'examiner si la Cour civile a pu juger sans arbitraire que les périodes d'incapacité de travail n'ont pas été prouvées. En ce qui concerne l'action reconventionnelle, le recours se révèle privé de fondement.
8.
Il appartient à la Chambre des recours de statuer à nouveau sur l'appréciation de l'expertise conformément aux consid. 3.4 et 3.5 ci-dessus. S'il y a lieu, cette autorité annulera le jugement de la Cour civile; sinon, elle veillera à ce que le jugement soit réformé conformément aux consid. 4 et 5.
9.
Aucune des parties n'obtient entièrement ni définitivement gain de cause, de sorte qu'il se justifie de répartir l'émolument judiciaire par moitié et de compenser les dépens. Bénéficiant de l'assistance judiciaire, les défendeurs seront dispensés de leur part de l'émolument.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt de la Chambre des recours est annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision.
2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire réduit de moitié, arrêté à 3'500 francs.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
La caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 8'000 fr. à
Me Cornelia Seeger Tappy, à titre d'honoraires.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 28 mars 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:
Klett Thélin