BGE 110 V 273
 
43. Extrait de l'arrêt du 26 novembre 1984 dans la cause Bey contre Caisse suisse de compensation et Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger
 
Regeste
Art. 28 Abs. 2 IVG.
- Tragweite dieses Begriffs für im Ausland wohnhafte Versicherte (Änderung der Rechtsprechung).
- Für die Bemessung der Invalidität eines im Ausland wohnhaften Versicherten muss der Vergleich der massgebenden Einkommen auf demselben Arbeitsmarkt erfolgen.
 
Sachverhalt
A.- Marie-France Bey, de nationalité française, a travaillé à plein temps comme ouvrière frontalière dans une entreprise de tabac à Boncourt de 1962 à 1969, puis à nouveau dès 1973.
Le 11 mars 1975, elle a abandonné définitivement l'exercice de cette activité pour des motifs de santé.
L'assurée ayant sollicité des prestations de l'assurance-invalidité, la Caisse suisse de compensation - se fondant sur un prononcé de la Commission de l'assurance-invalidité du canton du Jura fixant le degré d'invalidité à 50% dès le 6 mars 1975 - a alloué à l'intéressée une demi-rente d'invalidité dès le 1er novembre 1976. Cette décision du 15 janvier 1980 est entrée en force.
Le 1er décembre 1979 déjà, la commission de l'assurance-invalidité a entrepris une révision de la rente. Des renseignements fournis à cette occasion par l'assurée et par le docteur K. - aux termes desquels l'intéressée n'est pas incapable de travailler et exerce une activité lucrative comme vendeuse dans un magasin de tabac à Grandvillars (France) depuis le 16 février 1979 - ainsi que des indications obtenues auprès de l'employeur, elle a déduit que l'invalidité de l'assurée était nulle. Par décision du 26 avril 1982, la Caisse suisse de compensation a supprimé la demi-rente d'invalidité avec effet au 30 avril 1982.
B.- L'assurée a recouru contre cette décision auprès de la Commission fédérale de recours en matière d'AVS pour les personnes résidant à l'étranger. Celle-ci a rejeté le recours par jugement du 9 mars 1983, motif pris qu'en 1980 déjà, l'assurée ne présentait plus une incapacité de travail de la moitié au moins, de sorte que la suppression de la demi-rente le 26 avril 1982 était justifiée. Elle a relevé, en outre, que l'assurée ne subissait pas une incapacité de gain de 50% au moins, car son salaire annuel n'était "en aucun cas inférieur de plus de la moitié à celui qu'elle réaliserait en France en déployant l'activité d'ouvrière de fabrique, la comparaison avec le gain réalisé en Suisse avant l'invalidité, converti en monnaie française, n'étant pas de mise en raison des différences de rémunération d'un pays à l'autre".
C.- Marie-France Bey interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant à ce que la demi-rente d'invalidité continue à lui être versée. L'intimée renvoie à l'avis de la Commission de l'assurance-invalidité du canton du Jura, laquelle propose de confirmer le jugement entrepris.
 
Extrait des considérants:
b) Cependant, les motifs qui ont conduit l'administration à supprimer la demi-rente de la recourante ne résidaient pas dans une modification de l'invalidité, mais dans la constatation que, lors de la décision de rente initiale, l'assurée était capable - d'après le docteur K. - de travailler à plein temps, et qu'elle exerçait le métier de vendeuse depuis le 16 février 1979. Les conditions d'une révision n'étant pas remplies, comme on l'a vu, il eût fallu que l'administration examinât la possibilité de modifier cette décision sous l'angle de la reconsidération. Conformément aux principes posés par la jurisprudence (ATF 106 V 87 consid. 1, ATF 105 V 201 consid. 1 et les arrêts cités), il convient dès lors de trancher le point de savoir si la décision initiale était sans nul doute erronée, auquel cas la décision de révision litigieuse devrait être confirmée en son résultat, la suppression éventuelle de la demi-rente d'invalidité constituant à l'évidence une rectification d'une importance notable.
a) Il n'est pas contesté que la capacité de travail de la recourante était réduite dans une certaine mesure par des limitations fonctionnelles de sa colonne vertébrale. L'invalidité est, cependant, une notion économique et non médicale et son taux ne se confond pas nécessairement avec le taux d'incapacité fonctionnelle déterminé par le médecin. Ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 105 V 207 -208). C'est pourquoi l'appréciation théorique du docteur I., selon laquelle la recourante pourrait, comme vendeuse, "à condition d'avoir la possibilité de s'asseoir de temps en temps, exercer une telle profession à 50%", ainsi que la déclaration du docteur K., qui fait état, dans son rapport établi en 1980 (sans avoir revu l'assurée depuis 1978), d'un "travail à 100% avec interdiction du port de charges lourdes", ne sont pas déterminantes en elles-mêmes. Aussi n'est-il pas nécessaire - les aspects médicaux utiles en l'espèce étant par ailleurs suffisamment clairs - de procéder à d'autres examens ou à une expertise, comme le voudrait la recourante. Cela s'impose d'autant moins qu'il est constant, au vu du dossier, que l'assurée utilisait au mieux - compte tenu de ce que l'on pouvait exiger d'elle et sans que des mesures de réadaptation aient dû être envisagées - sa capacité résiduelle de gain en travaillant comme vendeuse dans un magasin de tabac.
b) Le revenu de l'activité raisonnablement exigible de l'assuré doit être déterminé en se référant aux conditions d'un marché du travail "équilibré" (art. 28 al. 2 LAI).
La notion du marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite, qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés. D'après ces critères, on déterminera si, dans les circonstances concrètes du cas, l'invalide a la possibilité de mettre à profit sa capacité résiduelle de gain, et s'il peut ou non réaliser un revenu excluant le droit à une rente.
S'agissant d'un assuré domicilié à l'étranger, la jurisprudence antérieure (ATF 96 V 31) précisait que le marché du travail à prendre en considération dans un tel cas était celui d'un pays industrialisé, tant et aussi longtemps que des possibilités d'emploi existaient pour cet assuré également en dehors de son pays. Compte tenu de ce qui précède, cette jurisprudence ne peut pas être maintenue. Le marché équilibré du travail étant une notion théorique, il suffit, en effet, d'examiner quelle est (ou quelle serait) - sur un marché du travail supposé équilibré - l'activité raisonnablement exigible dans laquelle l'invalide peut (ou pourrait) mettre à profit sa capacité résiduelle de gain; il importe peu, à cet égard, que l'assuré soit domicilié à l'étranger. Ainsi, dans la mesure où le ch. marg. 73.3 des directives de l'Office fédéral des assurances sociales sur l'invalidité et l'impotence (supplément 3 desdites directives, valable dès le 1er janvier 1984, qui reprend l'ancien ch. marg. 73.2) se fonde sur la jurisprudence précitée, il n'est pas pertinent.
En ce qui concerne, par ailleurs, la comparaison des revenus déterminants pour évaluer le degré d'invalidité d'un assuré domicilié à l'étranger, elle doit s'effectuer sur le même marché du travail, car la disparité des niveaux de rémunération et des coûts de la vie d'un pays à l'autre ne permet pas de procéder à une comparaison objective des revenus en question.
c) En l'espèce, il n'est pas douteux que la recourante exerce, comme vendeuse, une activité que l'on doit considérer comme adéquate - eu égard à son handicap d'une part, et aux possibilités qu'offre un marché équilibré du travail d'autre part - et qui lui permet de mettre à profit de manière satisfaisante sa capacité de travail et de gain. La recourante prétend, certes, que le rendement de son travail n'est que de 50% d'un rendement normal. Cette affirmation n'est cependant pas convaincante, et le dossier ne contient pas d'éléments permettant de considérer comme établi que le gain qu'elle obtenait en travaillant 38 heures par semaine comportait une part de "salaire social", soit une rémunération dont elle ne pouvait pas fournir la contrepartie en raison de sa capacité limitée de travail. En tout cas, la déclaration de l'employeur du 21 avril 1983, produite par la recourante en procédure fédérale, et les renseignements fournis antérieurement par celui-ci ne justifient pas une telle conclusion. On rappelle, au demeurant, que la preuve de l'existence d'un salaire social est soumise à des exigences sévères, parce que, selon la jurisprudence, l'on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 104 V 93; RCC 1970 p. 336).
Il reste à comparer le revenu que la recourante aurait réalisé, en 1980, si - comme elle le soutient - elle avait continué de travailler comme ouvrière à l'entreprise de tabac à Boncourt, ce qui est plausible, avec celui qu'elle aurait obtenu à la même époque en exerçant en Suisse sa nouvelle activité de vendeuse. Les calculs exposés à ce sujet par l'assurée dans son recours ne sont pas pertinents, notamment parce qu'ils se fondent sur la comparaison d'un gain obtenu en France avec un revenu réalisable en Suisse.
En 1974, dernière année complète de travail de la recourante à ladite entreprise, l'intéressée a gagné 15'105 francs. Selon les enquêtes statistiques de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (La vie économique, rapports économiques et de statistique sociale, 1975 p. 296, 1981 p. 389), le gain horaire moyen des ouvrières de l'industrie du tabac était de 7 francs 04 en 1974, et de 9 francs 54 en 1980. Compte tenu de cette augmentation, le gain annuel de l'assurée se serait donc élevé, en 1980, à 20'469 francs. Quant au salaire mensuel moyen des vendeuses, il s'élevait, en 1980, à 1'787 francs, soit à 21'444 francs par an (op.cit., éd. 1981 p. 402). Dès lors, même en admettant que le niveau des salaires usuels à Boncourt pourrait être légèrement inférieur à cette moyenne et en tenant compte, par ailleurs, d'un horaire de travail de 38 heures hebdomadaires, il résulte de la comparaison de ces deux revenus annuels que l'incapacité de gain de la recourante à l'époque considérée n'atteignait en aucun cas 50%. Les conditions du cas économiquement pénible n'étant, par ailleurs, manifestement pas réunies en l'espèce, il s'ensuit que la recourante ne pouvait pas prétendre une demi-rente d'invalidité, et que le recours est mal fondé.