BGE 98 V 191
 
48. Extrait de l'arrêt du 26 octobre 1972 dans la cause Sch. contre Caisse de compensation de la Fédération genevoise des sociétés de détaillants et Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS
 
Regeste
Art. 9 AHVG und 20 Abs. 3 AHVV.
 
Extrait des considérants:
La fiducie se distingue de la représentation en ce que les droits acquis par le fiduciaire et les obligations qu'il a contractées pour le compte du fiduciant ne passent pas à celui-ci.
Les actes juridiques dont est chargé le fiduciaire se distinguent des actes simulés, donc nuls, en ce que les parties entendent bien faire les actes en question, et non d'autres actes présentés sous une apparence trompeuse. Lorsque le fiduciant entend se servir d'un homme de paille au lieu d'agir personnellement, on est en présence d'actes juridiques "per interpositam personam" ou convention de prête-nom.
Les rapports fiduciaires réalisent des buts variés; ils sont en principe licites quels que soient leurs mobiles, qui peuvent toutefois entraîner des sanctions. L'acte fiduciaire devient nul, en vertu de l'art. 20 CO, s'il a pour but d'éluder une disposition légale impérative. Pour en juger, il faut rechercher si la loi interdit absolument le résultat économique que les intéressés veulent atteindre, ou ne l'autorise que dans certaines limites qui échappent au droit de disposition des parties, ou si au contraire elle permet d'obtenir ce résultat par la voie suivie en l'espèce.
Sur le contrat de fiducie en général, renvoi soit aux arrêts du Tribunal fédéral, en particulier: RO 54 II 429 consid. 3; 85 II 97 consid. 3; 91 II 442 consid. 4 et 91 III 104 consid. 3. Le droit suisse des sociétés est très large quant à la validité de l'intervention d'un homme de paille ou d'autres fiduciaires dans la constitution et la gestion, à moins que cette intervention ne heurte une règle absolue, comme - par exemple - celle des art. 691 al. 1er et 692 al. 2 CO, pour la société anonyme. Mais à l'égard des tiers, les hommes de paille sont seuls fondateurs, sociétaires ou administrateurs. Ils ont toutes les obligations que la loi impose à ces personnes et ne peuvent s'y soustraire en faisant valoir leur qualité de fiduciaires (v. CLAUDE REYMOND, "Essai sur la nature et les limites de l'acte fiduciaire", thèse, Lausanne 1948, p. 108; RO 81 II 534, v. consid. 4, p. 540).
3. Dans le cas particulier, le fait que le recourant Sch. soit membre fiduciaire de la société en nom collectif D. & Cie, pour le compte de la fiduciante O. SA, ne heurte aucune règle impérative de la loi. Mais, pour D. & Cie, la convention de fiducie est "res inter alios acta". Elle connaît comme sociétaire le recourant seul à l'exclusion d'O. SA, conformément d'ailleurs à l'art. 552 CO. De même, à l'égard des tiers, le recourant a toutes les obligations que la loi impose aux membres d'une société en nom collectif. Parmi ces obligations figure celle de cotiser à titre d'indépendants sur la part nette qui leur revient (art. 20 al. 3 et 17 lit. c RAVS). Cette obligation a comme corollaire l'inscription d'un crédit au compte individuel de cotisation de l'intéressé. Elle existe indépendamment de l'usage que le cotisant fait de sa part: il lui est loisible de l'utiliser à son profit ou d'en transférer la propriété à une personne, physique ou morale.
Il en irait autrement, dans ce sens que l'assurance sociale devrait faire abstraction de l'aspect juridique des relations des parties pour s'attacher à la réalité économique, si les parties avaient entendu éluder par leurs accords une obligation de cotiser en les revêtant d'une forme juridique insolite et inadéquate (ATFA 1951 p. 11 consid. 4 et Bäsler, non publié, du 9 juin 1969). Il n'en est rien en l'espèce; les mobiles de la fiduciante et du fiduciaire étaient étrangers à l'assurance sociale et il n'y a rien d'insolite ni d'inadéquat dans la combinaison qu'ils ont réalisée.
4. Le recourant allègue que les honoraires encaissés par une société fiduciaire pour l'un de ses collaborateurs mis à la disposition d'une société anonyme afin d'y assumer la fonction d'administrateur sont exceptés du salaire déterminant lors du calcul de la cotisation dudit collaborateur. Il produit à ce propos une lettre du 17 avril 1972 de la caisse de compensation du canton de Fribourg. L'Office fédéral des assurances sociales confirme le fait; il relève toutefois que la situation d'un administrateur de société anonyme est différente de celle de l'associé d'une société en nom collectif; notamment, il serait plus facile d'admettre que l'administrateur est rémunéré par son employeur de l'activité qu'il déploie en faveur de la société anonyme. A cela, il faut ajouter que les droits et les obligations de l'associé sont beaucoup plus étendus que ceux de l'administrateur. L'associé a droit non seulement à des honoraires mais encore, sans réserves, à une part de bénéfice (art. 559 CO). Il serait probablement difficile de soutenir et de prouver, en l'occurrence, que la part de plus de 330 000 fr. revenant au recourant pour six mois de sociétariat est déjà comprise dans le traitement que la fiduciante lui a versé pour cette période-là. L'administrateur, lui, n'a droit à une part de bénéfice qu'après une première répartition aux actionnaires (art. 677 CO). Les associés sont tenus des engagements de la société solidairement et sur tous leurs biens (art. 568 al. 1er CO), les administrateurs, seulement dans la limite du dommage qu'ils causent par leur faute (art. 754 al. 1er CO). Un associé ne peut être exclu contre son gré que par le juge, pour justes motifs (art. 577 CO). L'assemblée générale est libre de révoquer un administrateur ou de ne pas le réélire (art. 648 et 705 CO). Il est donc plus facile de détacher un administrateur de la société anonyme, pour certains aspects juridiques de son statut, que de détacher un associé de la société en nom collectif.
Il est prématuré, dans le cadre d'une fixation provisoire de la cotisation selon l'art. 25 al. 1er RAVS, d'examiner si, dans le cas du recourant, la caisse de compensation sera liée par une communication ultérieure de l'autorité cantonale de l'impôt pour la défense nationale. La question ne se posera que lorsque, nantie de la communication de l'autorité fiscale, la caisse de compensation décidera sile recourant a payé trop de cotisations. Dans l'affirmative, elle devra lui restituer le trop-perçu conformément à l'art. 25 al. 3 RAVS. En attendant cette communication, la caisse de compensation pouvait statuer librement sur l'assujettissement. C'est ce qu'elle a fait, et, dans l'état actuel du dossier, la solution qu'elle a adoptée en l'espèce est conforme à la loi et à la jurisprudence...