BGE 82 IV 136
 
29. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 30 juillet 1956 dans la cause Ministère public du canton de Vaud contre Schenk.
 
Regeste
Art. 87 AHVG.
 
Sachverhalt
A.- William Schenk a été associé gérant de la société en nom collectif Schenk & Cie, lithographie, à Lausanne, dont la faillite a été ouverte le 22 avril 1955.
En dépit des sommations qui lui ont été adressées, Schenk n'a plus fourni à la caisse de compensation pour l'assurance-vieillesse et survivants, depuis le 1er janvier 1954, les indications nécessaires à l'établissement des comptes, et ne lui a plus fait aucun versement; il n'en a pas moins continué à déduire des salaires des ouvriers la contribution de 2% qui est à leur charge. Les cotisations déduites des salaires qui n'ont pas été versées à la caisse de compensation s'élèvent au total à 1225 fr., selon la taxation qu'elle a opérée, cependant que les contributions dues par la société qui n'ont pas été payées atteignent 4039 fr. 25.
B.- Sur plainte de la caisse de compensation, Schenk a été condamné, le 16 mars 1956, par le Tribunal de simple police du district de Lausanne, à vingt jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à une amende de 200 fr. pour infraction à l'art. 87 LAVS et gestion déloyale au sens de l'art. 159 CP.
C.- Saisie d'un recours formé par Schenk, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, par arrêt du 13 avril 1956, l'a libéré du chef de prévention de gestion déloyale et l'a condamné à dix jours d'emprisonnement et 200 fr. d'amende, avec sursis pendant deux ans, pour infraction à l'art. 87 al. 2 et 3 LAVS. Elle a jugé que Schenk ne s'était pas rendu coupable de gestion déloyale, ses employés n'ayant subi aucune atteinte dans leurs intérêts pécuniaires.
D.- Contre cet arrêt, Schenk et le Ministère public du canton de Vaud se sont pourvus en nullité au Tribunal fédéral.
Schenk conteste s'être rendu coupable des infractions réprimées par l'art. 87 al. 2 et 3 LAVS et conclut à libération.
Le Ministère public conclut au rejet du recours de Schenk. Dans son pourvoi, il demande que celui-ci soit puni non seulement pour les infractions réprimées par l'art. 87 al. 2 et 3 LAVS, mais également pour gestion déloyale, en conformité de l'art. 159 CP, ou subsidiairement pour abus de confiance, par application de l'art. 140 ch. 1 CP.
 
Considérant en droit:
Celui qui contrevient à l'art. 87 LAVS est puni conformément à cette disposition, "à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal" (art. 87 dernier alinéa). Le Ministère public prétend qu'en ne versant pas à la caisse de compensation les cotisations des employés Schenk s'est rendu coupable non seulement de l'infraction réprimée par l'art. 87 al. 3 LAVS, mais également de gestion déloyale (art. 159 CP) ou subsidiairement d'abus de confiance (art. 140 ch. 1 CP), délits qui sont frappés d'une peine plus élevée par le code pénal. Si c'était le cas, les dispositions du code pénal seraient seules applicables et, contrairement à l'opinion du Ministère public, Schenk ne pourrait pas être puni en même temps en vertu de l'art. 87 al. 3 LAVS. En effet, conformément au texte clair du dernier alinéa de cette disposition, il ne devrait être puni que pour le délit réprimé par la peine la plus sévère, à l'instar de ce que prévoit l'art. 65 al. 4 LA lorsqu'il y a concours entre les dispositions pénales de cette loi et les règles du droit commun.
Supposé que les éléments constitutifs du délit de gestion déloyale fussent réunis dans le cas où l'employeur n'a pas versé à la caisse de compensation les cotisations des employés, l'art. 87 al. 3 LAVS serait néanmoins seul applicable. Si l'on admettait le contraire, cette disposition ne pourrait jamais être appliquée et n'aurait aucun sens; le fait de ne pas remettre à la caisse de compensation les contributions déduites des salaires du personnel constituerait toujours un acte de gestion déloyale ou un abus de confiance et tomberait exclusivement sous le coup des art. 159 ou 140 CP. Selon ce que les arrêts RO 76 IV 176 et 80 IV 184 admettent implicitement, les dispositions pénales de l'art. 87 LAVS sont des règles spéciales qui excluent l'application du droit commun dans la mesure où les actes ou omissions retenus à la charge de l'auteur ne sortent pas du cadre des infractions qu'elles définissent. Le Ministère public ne prétend pas que ce soit le cas pour les faits reprochés à Schenk. Il s'ensuit que celui-ci ne doit être puni qu'en vertu des dispositions spéciales de l'art. 87 LAVS.