BGE 138 III 132
 
20. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. SA contre B. (recours en matière civile)
 
5A_195/2011 du 25 novembre 2011
 
Regeste
Art. 80 Abs. 1, Art. 151 und 153a SchKG; Art. 85 VZG; Art. 837 Abs. 1 Ziff. 3 und Art. 839 Abs. 3 ZGB; Gesuch um definitive Rechtsöffnung in einer Betreibung auf Grundpfandverwertung gestützt auf ein Urteil, das die definitive Eintragung eines Bauhandwerkerpfandrechtes anordnet.
 
Sachverhalt
A. Par jugement du 8 juin 2009, confirmé le 12 février 2010 par la Cour de justice, le Tribunal de première instance du canton de Genève a ordonné en faveur de A. SA, l'inscription définitive de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs inscrite provisoirement sur la parcelle n° 7023 de la commune de X., propriété de B., à concurrence de 61'882 fr. 51 avec intérêt à 5 % l'an dès le 5 juillet 2007.
B. Le 3 juin 2010, A. SA a introduit une poursuite en réalisation de gage immobilier tendant au paiement de la somme de 44'000 fr. (61'882 fr. 51 sous déduction de 17'882 fr. 51), avec intérêts à 5 % l'an dès le 5 juillet 2007; elle a invoqué, comme cause de l'obligation, le jugement du 8 juin 2009 ordonnant l'inscription définitive d'une hypothèque légale sur l'immeuble du poursuivi. Celui-ci a formé opposition totale au commandement de payer.
Statuant le 17 novembre 2010 sur la requête de mainlevée définitive, le Tribunal de première instance a levé définitivement l'opposition au commandement de payer.
Sur appel du poursuivi, la Cour de justice a, par arrêt du 10 février 2011, annulé ce jugement et rejeté la requête de mainlevée définitive.
C. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de la poursuivante.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
Il s'impose donc d'examiner si la créancière poursuivante est au bénéfice d'un jugement exécutoire lui permettant de requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition en vertu de l'art. 80 al. 1 LP.
4.1 Le créancier au bénéfice d'un gage immobilier agissant à l'encontre de son débiteur par la voie de la poursuite en réalisation de gage (art. 41 al. 1 LP) engage une procédure régie par des dispositions particulières. Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier, l'objet de la poursuite est la créance garantie par un gage immobilier (art. 151 al. 1 LP). L'art. 85 de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la réalisation forcée des immeubles (ORFI; RS 281.42) prévoit que, lorsque le débiteur fait opposition à un commandement de payer dans une poursuite en réalisation de gage, cette opposition est, sauf mention contraire, censée se rapporter tant au droit de gage qu'à la créance (arrêt 5A_366/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1). En conséquence, le Tribunal fédéral a opéré une distinction entre les notions de "Pfandsumme" (montant du gage) et de "Schuldsumme" (montant de la créance; ATF 126 III 467 consid. 3b/cc p. 472 pour la mainlevée définitive; ATF 111 III 8 consid. 3b p. 10 ss dans un cas de mainlevée provisoire). Si opposition est formée, le créancier peut requérir la mainlevée ou ouvrir action en constatation de la créance ou du droit de gage (art. 153a al. 1 LP). Si le créancier poursuivant n'obtient pas gain de cause dans la procédure de mainlevée, il peut encore ouvrir action en constatation de la créance et/ou du gage dans les dix jours dès notification de la décision de mainlevée (art. 153a al. 2 LP). Le jugement qui prononce la mainlevée de l'opposition sans précision sur sa portée, est présumé se rapporter tant à la créance qu'au droit de gage; cependant, la mainlevée de l'opposition peut être levée pour le montant de la créance indépendamment du gage (ATF 71 III 15 consid. 2a, in JdT 1945 II 12 p. 16; arrêt de l'Obergericht Zurich du 23 mars 1994, in RSJ 119/1944 p. 193 s., commenté par USTERI; PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, 2e éd. 1980, n° 20 p. 126).
L'objet de l'action en inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est de confirmer l'hypothèque légale annotée provisoirement (respect des conditions du droit à l'inscription et de l'inscription elle-même) ainsi que la somme garantie par le gage (arrêt du 5 juin 1984 du Tribunal cantonal du canton du Tessin, in DC 1986 p. 69, commenté par STEINAUER).
4.2.1 Le jugement ordonnant l'inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne constitue pas à lui seul un titre de mainlevée définitive pour le gage (Pfandsumme), car il n'apporte pas la preuve que celui-ci a effectivement été constitué (STAEHELIN, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2e éd. 2010, n° 57 ad art. 80 LP; VALLAT, op. cit., n° 186 p. 165. Contra, SCHUMACHER, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 3e éd. 2008, n° 1632 p. 600 in fine). En effet, l'hypothèque légale de l'art. 837 CC est dite "indirecte"; le gage n'existe que par l'inscription constitutive au Registre foncier (art. 22 de l'ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier [ORF; RS 211. 432.1]; STEINAUER, L'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, in Journées suisses du droit de la construction 2005, p. 227 s.; le même, Les droits réels, vol. I, 4e éd. 2007, n° 698a p. 251; ZOBL, Das Bauhandwerkerpfandrecht de lege lata und de lege ferenda, RDS 101/1982 II p. 57 et 76; DE HALLER, L'hypothèque légale de l'entrepreneur, RDS 101/1982 II p. 285). En d'autres termes, en cas d'opposition au droit de gage, l'artisan ou l'entrepreneur ne peut se contenter de produire le jugement ordonnant l'inscription définitive de l'hypothèque légale à l'appui de sa requête de mainlevée définitive pour le gage; le poursuivant doit démontrer l'existence du droit de gage en produisant l'extrait du Registre foncier prouvant qu'il a effectivement été inscrit définitivement dans le registre (ATF 125 III 248 consid. 2 p. 249 s.; STAEHELIN, op. cit., n° 57 ad art. 80 LP).
4.2.2 Le juge saisi de l'action en inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs n'a pas à reconnaître, respectivement à fixer la créance en paiement des prestations de l'artisan et de l'entrepreneur (Schuldsumme); il fixe uniquement le montant à concurrence duquel l'immeuble devra répondre. Cette action n'a pas pour but de déterminer la créance en tant que telle, mais le montant du gage ou, en d'autres termes, l'étendue de la garantie hypothécaire (ATF 126 III 467 consid. 4d p. 474; STEINAUER, Les droits réels, vol. III, 3e éd. 2003, n° 2888 p. 287). Le juge examine certes la créance personnelle de l'artisan ou de l'entrepreneur (Schuldsumme), mais uniquement à titre préjudiciel et à seule fin de déterminer la somme garantie par gage. Dès lors, même si l'action a été dirigée contre le propriétaire de l'immeuble qui est simultanément le débiteur de la créance, le jugement ordonnant l'inscription définitive de l'hypothèque légale ne constitue pas un titre de mainlevée définitive pour la créance garantie au sens de l'art. 80 al. 1 LP (SCHUMACHER, op. cit., n° 1630 p. 599). Le créancier ne peut donc pas obtenir la mainlevée de l'opposition en ce qui concerne la créance garantie sur la base d'un seul jugement d'inscription définitive d'une hypothèque légale. En général, l'artisan ou l'entrepreneur aura donc intérêt à intenter parallèlement à son action en inscription définitive d'une hypothèque légale, une action condamnatoire en paiement de sa créance (ATF 105 II 149 consid. 2b p. 152 s.; SCHUMACHER, op. cit., n° 1630 s. p. 600), le jugement condamnant le débiteur à payer une somme déterminée valant titre de mainlevée au sens de l'art. 80 al. 1 LP (VALLAT, op. cit., n° 195 p. 170).
4.3.2 Le jugement du 8 juin 2009 ne constitue pas non plus un titre de mainlevée de l'opposition pour la créance (Schuldsumme). Il ressort en effet du dispositif du jugement produit pour valoir titre de mainlevée définitive que le Tribunal de première instance a "ordonn[é] l'inscription définitive, à concurrence de Frs 61'882,51 avec intérêts à 5 % dès le 5 juillet 2007, de l'hypothèque légale provisoire inscrite sur la parcelle n° 7023 de la commune de X. propriété de B. suite à l'ordonnance du Tribunal du 2 octobre 2007" et réglé le sort des frais liés à la procédure. Il résulte des conclusions prises par la demanderesse à l'action, des motifs et du dispositif du jugement du 8 juin 2009 que la décision a pour seul objet d'ordonner une inscription définitive d'hypothèque légale, à l'exclusion de toute condamnation du poursuivi au paiement de la créance garantie par le droit de gage. Le Tribunal de première instance n'a examiné qu'à titre préjudiciel les prétentions pécuniaires de la demanderesse à l'action en inscription de l'hypothèque légale, afin de déterminer l'étendue de la garantie offerte par l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Le premier juge de la mainlevée a d'ailleurs constaté que le montant de la créance "ne figure pas au dispositif du prononcé" et la Cour de justice a retenu que la poursuivante est titulaire "a priori" d'une créance de 61'882 fr. 51. La poursuivante l'admet également puisqu'elle indique dans son recours que le "[j]ugement pris à l'appui de la requête de mainlevée définitive [...] tend bel et bien à l'établissement du montant garanti par l'hypothèque légale". On ne peut, dans de telles circonstances, considérer que le jugement du 8 juin 2009 - dont le dispositif ne condamne pas expressément l'intimé à payer une somme d'argent à la poursuivante - constitue un titre de mainlevée définitive pour la créance en poursuite (Schuldsumme) au sens de l'art. 80 al. 1 LP. Par conséquent, la requête de mainlevée de l'opposition doit être rejetée en ce qui concerne la créance également.