BGE 124 III 211
 
39. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 27 mai 1998 dans la cause N. (recours LP)
 
Regeste
Pfändung eines zum Teil aus Mitteln der beruflichen Vorsorge erworbenen Grundstücks (Art. 30c BVG und Art. 30e BVG; Art. 92 Abs. 1 Ziff. 10 SchKG).
Ein Grundstück, welches aus dem Vorbezug von Freizügigkeitsleistungen im Sinne von Art. 30c BVG erworben worden ist, kann gepfändet werden, und demzufolge ist Art. 92 Abs. 1 Ziff. 10 SchKG nicht anwendbar (E. 2).
 
Sachverhalt
En février 1997, N. a fait l'objet d'une première saisie portant sur sa villa en PPE. L'office des poursuites a aussitôt communiqué cette saisie au registre foncier pour annotation, conformément à l'art. 101 LP; puis il a donné avis de la saisie et de l'annotation au débiteur, ainsi qu'au créancier hypothécaire, au bénéfice d'une cédule hypothécaire en 1er rang pour un montant de 325'000 fr. Il n'a toutefois notifié le procès-verbal de saisie que le 7 octobre 1997. Le 17 avril 1997, le débiteur et la Fondation collective LPP X. ont requis du conservateur du registre foncier l'inscription, sur le même immeuble, de la mention prévue à l'art. 30e de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40) (restriction du droit d'aliéner). Le 7 juillet 1997, l'office a opéré une seconde saisie sur la villa, laquelle a donné lieu à l'annotation au registre foncier d'une nouvelle restriction du droit d'aliéner.
Le 24 octobre 1997, le débiteur a porté plainte contre la saisie exécutée dans le cadre de la première poursuite. Il invoquait la violation de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP. Par lettre du 3 novembre 1997, la Fondation collective LPP X. a attesté avoir payé une somme de 385'579 fr. au débiteur en date du 1er août 1997, à titre de versement anticipé dans le cadre de la loi fédérale sur l'accession à la propriété. Le 5 novembre 1997, le créancier hypothécaire a déclaré de son côté que le financement de la villa saisie était constitué d'un prêt hypothécaire de 455'000 fr. et d'un financement LPP de 385'579 fr. (840'579 fr. au total). Statuant comme autorité inférieure de surveillance, le président du tribunal de district a rejeté la plainte pour les motifs essentiels suivants: la créance dont le débiteur était titulaire auprès de son institution de prévoyance était devenue exigible le jour où celui-ci avait requis le versement anticipé de son capital de prévoyance dans le but d'acquérir la propriété de son logement; l'institution de prévoyance s'étant déjà acquittée de sa dette en remettant les fonds à l'intéressé, ceux-ci étaient saisissables; partant, l'immeuble acquis au moyen de ces fonds était également saisissable et ne tombait pas sous le coup de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP. Saisie d'un recours du plaignant, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 15 avril 1998.
Le débiteur a recouru le 24 avril 1998 à la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral, afin qu'elle déclare sa villa insaisissable et annule le procès-verbal de saisie. La Chambre des poursuites et des faillites a rejeté le recours.
 
Extrait des considérants:
a) Contrairement à ce que semble retenir l'arrêt attaqué (consid. 2 p. 6), la restriction en cause ne peut faire l'objet, aux termes de la loi, que d'une mention au sens des art. 962 CC et 78 ss de l'ordonnance sur le registre foncier (ORF; RS 211.432.1), et non pas d'une annotation selon les art. 959 ss CC et 70 ss ORF (cf. Message concernant l'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle, FF 1992 VI 242 ch. 133.3; P.-H. Steinauer, Les droits réels, t. I, 3e éd. 1997, § 19 ch. 835). L'effet d'une mention au registre foncier n'est en principe ni constitutif ni déclaratif; il consiste uniquement à informer sur l'existence du rapport juridique concerné; en conséquence, l'existence et le contenu de celui-ci sont indépendants de la mention (H. DESCHENAUX, Le registre foncier, Traité de droit privé suisse, vol. V, t. II,2, p. 586 s.; STEINAUER, op.cit., § 19 ch. 839 s.).
b) En vertu de l'art. 30e al. 2 LPP, l'institution de prévoyance est tenue de requérir la mention de la restriction du droit d'aliéner au registre foncier lors du versement anticipé de l'avoir de prévoyance. La mention ayant été requise en l'espèce le 17 avril 1997 et le versement effectué le 1er août suivant, on ne saurait faire grief à l'autorité cantonale d'avoir retenu qu'au moment de la première saisie (février 1997), seule en cause dans la plainte du recourant, un motif d'insaisissabilité fondé sur la LPP n'existait pas.
C'est néanmoins à tort que la Cour cantonale, après avoir constaté que la Fondation collective LPP X. avait requis la mention au registre foncier le 17 avril 1997 et effectué le versement anticipé le 1er août 1997, retient que le débiteur n'était pas en droit le 7 octobre 1997, lors de la notification du procès-verbal de saisie, de se prévaloir du financement partiel de son immeuble par des fonds issus de son institution de prévoyance. La restriction du droit d'aliéner en cause était certes postérieure à l'exécution de la première saisie; mais, comme elle découlait d'une disposition impérative du droit public fédéral (STEINAUER, op.cit., § 19 ch. 835), les autorités cantonales de surveillance se devaient - indépendamment même de la mention au registre foncier - d'examiner son incidence éventuelle sur la procédure de réalisation pendante et d'en tenir compte le cas échéant, étant donné leur pouvoir d'intervenir d'office et tout temps en pareille hypothèse (art. 22 al. 1 LP; ATF 117 III 39 consid. 4b p. 42; GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 3e éd., Lausanne 1993, p. 61).
c) Au demeurant, la notification du procès-verbal de saisie faisant courir le délai de plainte (GILLIÉRON, op.cit., p. 194; JAEGER/WALDER/KULL/KOTTMANN, SchKG, 4e éd. 1997, art. 114 n. 3), le recourant ne saurait se voir reprocher d'avoir attendu cette notification pour faire valoir tous ses arguments à l'encontre de la saisie.
Il ne s'ensuit pas, cependant, que l'arrêt attaqué doive être annulé. En effet, la Cour cantonale est de toute façon entrée en matière sur les arguments du recourant et, comme on le verra ci-après, c'est à juste titre qu'elle les a rejetés.
La faculté conférée à un assuré LPP par l'art. 30c LPP d'obtenir de son institution de prévoyance le versement anticipé d'un montant lui permettant d'acquérir son propre logement est une exception au principe selon lequel les prestations fondées sur la LPP ne doivent être ni cédées ni mises en gage avant leur exigibilité (art. 331b CO; ATF 121 III 285 consid. 1b p. 287/288; Message déjà cité, FF 1992 VI 233 ch. 111.22). Lorsque l'assuré fait valoir son droit au versement anticipé, la propriété du logement acquise par ce biais représente un élément de la prestation de prévoyance ou de libre passage et remplace la part soustraite de la prestation en espèces, de sorte que la prestation servie ultérieurement, lors de la survenance d'un cas de prévoyance ou de libre passage, est réduite en conséquence (Message déjà cité, FF 1992 VI 240 ch. 133.2). Contrairement à ce que soutient le recourant, la restriction du droit d'aliéner à mentionner au registre foncier et l'obligation de rembourser en cas de vente ne signifient pas que le versement anticipé garde sa "qualification de prévoyance professionnelle". Ces mesures n'ont pas d'autre justification que de garantir de manière simple qu'un assuré ne retire pas du cercle de la prévoyance le capital anticipé qu'il a reçu pour l'utiliser à des fins de consommation (Message déjà cité, FF 1992 VI 241 ch. 133.3). Dès lors, en revanche, que sont réalisées, comme en l'espèce, les conditions du versement d'une prestation de libre passage, celle-ci devient saisissable (ATF 120 III 75).
Avec l'autorité cantonale, il y a donc lieu d'admettre que le bien immobilier acquis au moyen du versement anticipé peut être saisi et que l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP n'est, partant, pas applicable. En décider autrement reviendrait à créer une inégalité de traitement entre les débiteurs ayant acquis la propriété de leur logement au moyen de leurs fonds propres ou d'emprunts bancaires et ceux qui, à cette même fin, se sont servis de leurs avoirs de prévoyance: le bien immobilier en question serait saisissable dans le premier cas, mais pas dans le second, ce qui créerait du même coup une discrimination injustifiable entre les créanciers.
Il suit de là que le recours doit être rejeté.