BGE 113 II 68
 
13. Arrêt de la Ire Cour civile du 27 janvier 1987 dans la cause Epoux A. contre D. (recours en réforme)
 
Regeste
Auflösung eines Mietverhältnisses.
Art. 31 Ziff. 1 Abs. 2 BMM. Die aus dieser Strafbestimmung folgende zivilrechtliche Nichtigkeit einer als Vergeltungsmassnahme ausgesprochenen Kündigung gilt nicht für eine Kündigung, die mit der Wahrung von Rechten des Mieters aus Art. 254 ff. OR und nicht mit der Wahrung von Rechten aus dem BMM zusammenhängt (E. 2).
Rechtsmissbrauch? (E. 3).
 
Sachverhalt
A.- D. a remis à bail aux époux A. des locaux destinés à l'exploitation d'un commerce d'antiquités.
Le 17 mars 1982, le bailleur a notifié aux preneurs un avis de hausse, portant le loyer annuel à 9'360 francs, charges non comprises. Sans entreprendre de procédure, les parties sont entrées en pourparlers; les preneurs désiraient en effet un bail de dix ans. Ils n'ont pas obtenu satisfaction sur ce point, mais le bailleur a déclaré retirer l'avis de hausse par lettre du 24 mars 1982.
Au début de juillet 1983, le magasin A. a été cambriolé. Les preneurs disent avoir subi un dommage de quelque 3,5 à 4 millions de francs. Ils ont reproché au bailleur de leur avoir remis des locaux inadaptés à leur destination prévue par le contrat, notamment parce que les cambrioleurs auraient pu pénétrer aisément dans les lieux, en enfonçant un galandage de 4 cm. Déjà tendues précédemment, les relations entre les parties se sont encore détériorées à la suite de ce cambriolage.
Le 7 février 1984, le bailleur a résilié le bail pour son échéance du 31 juillet 1984.
Le 30 mars 1984, les époux A. ont assigné D. en paiement de 3'733'348 francs avec intérêt, représentant selon eux la contre-valeur des objets dérobés.
B.- Les époux A. se sont opposés à la résiliation. Ils ont conclu principalement à la constatation de la nullité de la résiliation, subsidiairement à l'octroi d'une première prolongation de bail de deux ans.
Le 4 septembre 1985, le Tribunal des baux et loyers a constaté que la résiliation était valable et rejeté la demande de prolongation de bail.
Par arrêt du 9 juin 1986, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a confirmé ce jugement en tant qu'il avait constaté la validité du congé, et accordé aux preneurs une première prolongation de bail de deux ans, soit du 1er août 1984 au 31 juillet 1986, aux mêmes clauses et conditions.
C.- Les demandeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a déclaré valable la résiliation qui leur a été notifiée pour le 31 juillet 1984 et à ce qu'il soit dit que cette résiliation est nulle.
Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.
 
Considérant en droit:
1. Selon l'art. 28 al. 3 AMSL, une résiliation de la part du bailleur est nulle lorsqu'elle intervient dans un délai de deux ans après qu'une entente est intervenue devant la commission de conciliation, que le bailleur a renoncé à porter l'affaire devant l'autorité judiciaire ou a succombé en procédure judiciaire, totalement ou en grande partie, à moins que l'affaire n'ait été portée abusivement devant la commission de conciliation. Demeurent réservés les motifs d'extinction du bail, fondés sur les art. 259 al. 2, 261 al. 2, 265, 266, 267 et 269 CO.
Contrairement à l'opinion soutenue par les preneurs, la cour cantonale a considéré que le retrait de l'avis de hausse, intervenu en dehors de toute procédure, n'entraînait pas les effets prévus par l'art. 28 al. 3 AMSL. Dans leur recours, les preneurs admettent que cette disposition n'est pas directement applicable. Ils soutiennent cependant que compte tenu du but protecteur de l'art. 28 al. 3 AMSL, la règle devrait également s'appliquer à une transaction extrajudiciaire conclue en dehors d'une procédure, car, à ce défaut, le preneur raisonnable qui tenterait de s'entendre avec le bailleur en dehors de toute intervention devant l'autorité serait pénalisé injustement.
Cette opinion ne saurait être partagée. Tout comme l'art. 24 AMSL (nullité d'une résiliation prononcée pendant la procédure), l'art. 28 al. 3 AMSL se rapporte aux conséquences de la procédure devant la commission de conciliation et le juge (cf. ATF 109 II 158). Cette limitation ressort aussi bien de la lettre de la loi que de l'emplacement de la disposition au sein de l'acte législatif (cf. ATF 110 II 313, ATF 109 II 157).
Rien ne permet de penser que la loi contiendrait sur ce point une lacune, qu'il appartiendrait au juge de combler pour étendre les effets de l'art. 28 al. 3 AMSL, soit l'interdiction de résilier pendant deux ans, aux cas où le bailleur renonce à une hausse annoncée, en dehors de toute procédure devant la commission de conciliation et le juge. Une telle éventualité ne pouvait pas échapper à ceux qui ont préparé et adopté la loi. Or elle n'a pas été évoquée lors des travaux préparatoires (cf. notamment le Message du Conseil fédéral du 4 octobre 1976 concernant la prorogation et la modification de l'AMSL, FF 1976 III 880 s.). Il est d'ailleurs compréhensible que le législateur n'ait pas estimé indiqué de limiter dans ce cas les effets de la liberté des conventions (art. 19 CO): pour le preneur, le risque d'un congé de représailles est sans doute plus considérable lorsque les parties au contrat se sont trouvées opposées dans une procédure devant les autorités. Le texte même de l'art. 28 al. 3 AMSL montre que le législateur n'a pas voulu attacher les effets de cette disposition à une renonciation du bailleur ou à une transaction extrajudiciaire intervenue en l'absence de toute procédure: si la sanction de la nullité est exclue lorsque la commission a été saisie abusivement, cela confirme qu'elle est réservée aux cas où une procédure a été entamée, mais qu'elle ne doit pas se produire lorsqu'il était abusif de saisir la commission parce qu'une entente extrajudiciaire aurait pu intervenir directement entre les parties.
Aucun des arguments invoqués par les recourants n'infirme cette solution. La référence à un arrêt de l'Obergericht du canton de Zurich (RSJ 77/1981 p. 341), appliquant les art. 18 al. 3 et 28 al. 3 AMSL à l'hypothèse d'un avis de hausse de loyer, donné sans utiliser la formule de l'art. 18 al. 2 AMSL, est dénuée de pertinence. Cette jurisprudence se fonde en effet sur la considération que le preneur, privé dans cette hypothèse de l'information prévue par l'art. 18 al. 2 AMSL, lui permettant de contester le loyer devant la commission de conciliation, mérite une protection équivalente. Or ce besoin d'une protection spéciale n'existe pas lorsque le preneur a été avisé au moyen de la formule officielle mais qu'il a préféré s'entendre directement avec le bailleur, plutôt que d'entamer la procédure de contestation. Quant au texte de l'art. 271a lettre d CO du projet de revision du droit du bail à loyer du Conseil fédéral (FF 1985 I 1493 s.), invoqué par les recourants, il va à l'encontre de leur thèse, puisque la transaction ou l'accord dont il est question suppose précisément l'existence d'"une procédure de conciliation ou d'une procédure judiciaire".
L'interprétation extensive proposée par les recourants ne trouve pas non plus appui dans la doctrine. Sans doute BARBEY (L'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, p. 134) écrit-il que "par application analogique de l'art. 28 al. 3 AMSL un congé doit également être déclaré nul, pendant une période de deux ans, s'il tend à sanctionner une opposition du preneur au sujet du loyer ou d'une autre prétention, alors que ce différend s'est soldé par une transaction extrajudiciaire, sauf si la contestation du locataire revêtait un caractère abusif". Mais ce passage, placé dans son contexte et au regard notamment des notes 429a et 436, ne paraît viser que le cas d'une transaction extrajudiciaire mettant un terme à une contestation portée devant la commission de conciliation, et non pas celle qui intervient en dehors de toute procédure, comme c'est le cas ici.
2. Selon l'art. 31 ch. 1 al. 2 AMSL, celui qui aura dénoncé le bail parce que le locataire sauvegarde ou se propose de sauvegarder les droits que l'arrêté lui confère est punissable pénalement. Le Tribunal fédéral a jugé que de l'illicéité pénale découle la nullité civile du congé de représailles (ATF 111 II 387).
La cour cantonale considère que ce cas de nullité de congé n'est pas réalisé en l'espèce car la résiliation n'est pas la conséquence de l'exercice d'un droit conféré par l'arrêté ou du projet du preneur d'exercer un tel droit. En effet, l'action que les demandeurs se proposaient d'intenter devait se fonder sur les art. 254 ss CO et non pas sur les dispositions spécifiques de l'AMSL, de sorte que l'art. 31 ch. 1 al. 2 AMSL est inapplicable.
Les recourants font valoir que les dispositions des art. 254 et 255 CO concernant la délivrance de la chose en bon état sont impératives en vertu de l'art. 5 AMSL et que l'exercice des droits qu'elles confèrent au preneur doit également bénéficier de la protection pénale de l'art. 31.
Cette dernière proposition ne saurait être suivie. Elle ne peut en effet se fonder ni sur le texte de la loi ni sur sa fonction. Les prétentions issues des art. 254 ss CO tirent par définition leur fondement du code des obligations et non de l'AMSL; l'art. 5 AMSL a seulement pour effet de les rendre de droit impératif mais il n'en modifie pas la nature. Il serait d'ailleurs difficilement conciliable que l'interdiction de résilier pendant deux ans (art. 28 al. 3 AMSL) ne s'attache qu'aux procédures fondées sur l'AMSL au sens strict, alors que la nullité du congé de représailles selon l'art. 31 ch. 1 al. 2 AMSL serait admise aussi lorsque le congé est en relation avec une procédure fondée sur les art. 254 ss CO. Une pareille sanction excéderait le but immédiat de l'AMSL, qui se limite à lutter contre les loyers abusifs ou autres prétentions abusives des bailleurs (art. 1er AMSL, art. 34septies al. 2 Cst.). Sans doute peut-on soutenir qu'un mauvais état d'entretien de la chose peut avoir une incidence sur le montant du loyer et rendre celui-ci abusif; mais une sanction telle que la nullité de la résiliation, liée à des procédures instruites en général selon les règles de la procédure ordinaire et qui comme telles peuvent durer longtemps, ne s'impose pas avec évidence et ne peut être retenue par le juge à l'encontre du texte de la loi ("droits que le présent arrêté lui confère"), d'autant que le législateur protège les locataires contre les rigueurs excessives d'une résiliation au moyen de la prolongation de bail (art. 267a ss CO), sans compter la protection tirée de l'art. 2 CC (cf. ATF 109 II 158 consid. 4).
Les jugements invoqués par les demandeurs ne sont pas déterminants. L'arrêt du Tribunal cantonal vaudois (JdT 1984 III 51) a été rendu avant la publication de l'arrêt ATF 109 II 153 et se fonde, implicitement, sur une notion des "droits que le présent arrêté lui confère" contraire à la tendance de cette dernière jurisprudence. L'arrêt de la Cour d'appel de Bâle-Ville (BJM 1981, p. 197) traite un problème un peu différent, en admettant certes qu'un loyer pourrait être "abusif" en raison d'un mauvais entretien de la chose, ce qui n'apparaît cependant pas décisif pour les motifs indiqués ci-dessus. Enfin, les travaux législatifs destinés à une nouvelle législation - en l'espèce le projet de revision du droit du bail - n'ont en principe pas d'influence sur le sens de la législation antérieure. Les recourants ne démontrent d'ailleurs pas que, sur le point en cause, la solution serait différente.
Aussi la cour cantonale a-t-elle considéré à juste titre que le congé litigieux n'était pas un congé de représailles au sens de l'art. 31 ch. 1 al. 2 AMSL.
S'écartant de l'avis des preneurs, la cour cantonale a considéré que la résiliation litigieuse n'était pas abusive au sens de cette disposition car l'institution du congé n'avait pas été utilisée contrairement à son but, qui est de permettre aux contractants de recouvrer leur liberté. Le Tribunal fédéral ne peut que souscrire sur ce point aux considérations de l'arrêté attaqué (ATF 109 II 158 s. consid. 4).