BGE 130 I 347
 
29. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause X. contre dame X. ainsi que Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)
 
5P.70/2004 du 11 novembre 2004
 
Regeste
Art. 9 BV und 482 ZPO/VD; Gesuch um Erläuterung eines Urteils betreffend Abänderung eines Scheidungsurteils.
 
Sachverhalt
Le 7 mars 1988, le Président du Tribunal du district de Lausanne a notamment prononcé le divorce des époux X. et ratifié, sous le chiffre III du dispositif, la convention sur les effets accessoires du divorce des 10 et 15 octobre 1987. Aux termes du chiffre I de cet accord, X. s'engageait, en particulier, à verser à son ex-femme une rente mensuelle (art. 151 CC) de 7'000 fr. jusqu'au 31 décembre 1987 et de 6'500 fr. par la suite.
X. a agi en modification de ce jugement le 29 juin 1999, concluant, principalement, à la suppression de la contribution dès le 1er juillet suivant et, subsidiairement, à sa réduction à dire de justice.
Statuant sur mesures provisoires le 11 octobre 2000, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a réduit la rente à 3'000 fr. dès le 1er octobre précédent.
Par jugement du 5 août 2002, cette même autorité a admis partiellement l'action en modification et modifié le chiffre I de la convention susmentionnée, en ce sens notamment que la rente a été arrêtée à 1'500 fr. dès le 1er janvier 2000.
Le 18 décembre 2002, sur recours de dame X. et de son ex-mari, lesquels concluaient respectivement à l'allocation d'une rente mensuelle de 3'000 fr. dès le 1er janvier 2000 et à sa suppression, ou réduction à 1'500 fr., dès le 1er juillet 1999, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a fixé l'entrée en vigueur de la rente au 1er septembre 2002. En bref, elle a dérogé au principe selon lequel la modification doit prendre effet au jour du dépôt de la demande pour retenir une date ultérieure, soit le 1er septembre 2002, "date du jugement". Si tant l'amélioration des revenus de la crédirentière que la diminution de ceux du débirentier existaient déjà au moment de l'ouverture de l'action, force était toutefois de constater que la défenderesse ne pouvait pas vraiment connaître les revenus effectifs de son ex-époux, le premier juge ayant relevé que la situation financière de ce dernier était difficile à cerner. Dès lors, si, avant les mesures provisionnelles du 11 octobre 2000, la créancière d'aliments ne pouvait être sûre de rien, elle pouvait en revanche raisonnablement considérer, après ce moment, que le montant de 3'000 fr. était dû, ce d'autant plus qu'il avait été confirmé par les mesures provisionnelles du 7 janvier 2002. Il convenait également de prendre en considération la durée de la procédure (environ trois ans), le fait que l'intéressée perçoit de l'assurance invalidité une rente mensuelle de 2'010 fr. et est censée recevoir 3'000 fr. depuis le 1er octobre 2000, ainsi que l'absence de toute fortune. Si elle avait réalisé quelques économies, celles-ci ne devaient pas être importantes et ne pourraient, en tous les cas, pas lui permettre de rembourser un montant de quelque 36'000 fr. au minimum (1'500 fr. x 24 mois).
Le 19 septembre 2003, X. a requis l'interprétation de l'arrêt du 18 décembre 2002, en ce sens qu'il doit contribuer à l'entretien de son ex-épouse par le versement de 3'000 fr. dès le 1er octobre 2000, puis de 1'500 fr. dès le 1er septembre 2002.
Statuant le 15 janvier 2004, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté cette requête.
Le Tribunal fédéral a admis dans la mesure de sa recevabilité le recours de droit public formé par X. contre cet arrêt.
 
Extrait des considérants:
3. Bien que la formulation du recours soit sur ce point quelque peu confuse, on comprend de façon suffisamment claire, sous l'angle de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que le recourant se plaint d'une application insoutenable du droit cantonal de procédure. En substance, la cour cantonale aurait arbitrairement considéré que le dispositif de l'arrêt modifiant le jugement de divorce n'est pas équivoque, incomplet, contradictoire en lui-même ou avec les motifs de l'arrêt au sens de l'art. 482 du code de procédure civile vaudois (CPC/VD). Selon le recourant, en se bornant à dire que le débirentier doit verser à la crédirentière "une rente mensuelle (art. 151 CC) [...] de 1'500 fr. dès le 1er septembre 2002", le dispositif de l'arrêt du 18 décembre 2002 laisserait supposer que le débirentier doit, jusqu'à cette date, payer 6'000 fr. (recte: 6'500 fr.) par mois, ce qui ne ressortirait pas du considérant six de l'arrêt.
3.1 D'après la Chambre des recours, le dispositif litigieux est tout à fait clair, complet et cohérent et ne nécessite pas une interprétation selon l'art. 482 CPC/VD. La question en jeu, à savoir celle de la date d'entrée en vigueur de la nouvelle pension, est réglée dans le dispositif conformément au considérant six de l'arrêt: la contribution est due à partir du mois suivant (c'est-à-dire dès le 1er septembre 2002) le jugement de première instance modifiant la rente, lequel a été rendu le 5 août 2002. En réalité, le problème ne réside pas dans l'interprétation de l'arrêt du 18 décembre 2002, mais dans la coordination des mesures provisoires et de la décision au fond. Vu l'ordonnance de mesures provisoires du 11 octobre 2000, le montant de la rente a été réduit à 3'000 fr. par mois dès octobre 2000 et, à la suite de l'arrêt du 18 décembre 2002, aujourd'hui définitif et exécutoire, à 1'500 fr. dès septembre 2002, alors même que les mesures provisoires sont, en principe, efficaces jusqu'à jugement exécutoire sur le fond (art. 114 al. 1 CPC/VD), c'est-à-dire, en l'espèce, jusqu'à l'expiration du délai de recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 18 décembre 2002. En effet, si l'action en modification est, comme en l'espèce, fondée, les montants que le débiteur a payés provisoirement ne sont pas dus. La date d'entrée en vigueur de la nouvelle pension, selon le jugement au fond, prime celle fixée par mesures provisoires, car celles-ci n'ont pas autorité de chose jugée.
Par opposition aux mesures de réglementation que sont les mesures provisoires ordonnées pour la durée de la procédure de divorce, lesquelles sont définitivement acquises et s'appliquent jusqu'à ce que les pensions fixées par le jugement de divorce prennent effet (ATF 128 III 121 consid. 3c/bb p. 123), la diminution ou la suppression de la contribution d'entretien à titre provisoire dans le cadre d'une action en modification du jugement de divorce constitue une mesure d'exécution anticipée, dont le sort définitif sera réglé dans le jugement de modification au fond (ATF 117 II 368 consid. 4c/bb p. 371). Cela signifie qu'il appartient au juge de la modification de statuer dans le dispositif sur les contributions dues pour toute la période courant dès l'ouverture de l'action, les montants alloués en mesures provisoires étant décomptés.
En l'espèce, il résulte à l'évidence des motifs de l'arrêt du 18 décembre 2002 que les juges cantonaux saisis notamment du recours de la créancière qui limitait ses conclusions au montant de 3'000 fr. dès le 1er janvier 2000, n'ont pas voulu que le débirentier doive payer encore à son ex-femme 3'500 fr. - soit la différence par rapport aux 6'500 fr. arrêtés dans le cadre du divorce - pour la période courant du 1er octobre 2000 au 1er septembre 2002. En examinant si l'ex-épouse du recourant devait rembourser "un montant de quelque 36'000 fr. au minimum", correspondant à 24 mensualités de 1'500 fr., ce dernier montant représentant la différence entre la contribution de 3'000 fr. allouée dès le 1er octobre 2000 sur mesures provisoires et celle réduite à 1'500 fr. dès le 1er septembre 2002 au terme de la procédure en modification, cette autorité a incontestablement considéré que la crédirentière avait droit à 6'500 fr. jusqu'au 1er octobre 2000 et 3'000 fr. par mois dès cette date.
Au vu de ces considérations, le dispositif de l'arrêt du 18 décembre 2002, qui se borne à constater que le recourant doit verser une contribution de 1'500 fr. par mois dès le 1er septembre 2002, était dès lors clairement incomplet.