BGE 103 Ia 80
 
18. Extrait de l'arrêt du 2 mars 1977 en la cause S.I. Les Bouleaux Fribourg S.A. contre Direction des Finances du canton de Fribourg
 
Regeste
Art. 4 BV; Grundbuchgebühren.
2. Keine Verletzung des Art. 4 BV dadurch, dass die Gebühr für die Eintragung eines Eigentumsübergangs identisch ist mit derjenigen eines Grundpfandes, sofern die gleichzeitige Anwendung der Gesetze über die Registrierungs- und die Stempelabgaben eine unterschiedliche Behandlung der Vorgänge erlaubt (Präzisierung der Rechtsprechung; E. 3).
 
Sachverhalt
La Société immobilière Les Bouleaux Fribourg S.A., à Fribourg, a constitué par inscription au registre foncier sept cédules hypothécaires et sept hypothèques en compte courant au bénéfice de la Banque de l'Etat de Fribourg.
Le Bureau du registre foncier et d'enregistrement de la Sarine a adressé à la société deux factures, d'un montant total de 8'045 fr. 80 (soit 5'830 fr. au titre de droits d'enregistrement, 2'172 fr. au titre d'émoluments et 43 fr. 20 au titre de frais et débours).
Le 18 mars 1976, la société a adressé au Conservateur du registre foncier une réclamation. Elle concluait à l'annulation desdites factures, en tant qu'elles mettaient à sa charge des émoluments de 2'172 fr. Cette réclamation a été écartée. La Direction des Finances du canton de Fribourg a également rejeté le recours formé devant elle.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst., la Société immobilière Les Bouleaux Fribourg S.A. requiert le Tribunal fédéral de "prononcer l'annulation du bordereau notifié pour la part qui concerne les émoluments du registre foncier, soit pour le montant de Fr. 2'172.--", et "d'inviter la Direction des Finances cantonales à Fribourg à établir un nouveau tarif des émoluments dus au Registre foncier" en tenant compte des considérants de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 11 décembre 1956 en la cause Demetrio Ferrari S.A. c. Etat du Tessin (ATF 82 I 281).
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en tant qu'il était recevable.
 
Extrait des considérants:
2. A la différence de l'impôt, l'émolument est dû pour une prestation déterminée de l'administration. Il s'agit d'une contribution que l'Etat exige de l'administré en échange d'un service qu'il lui rend. L'émolument doit respecter le principe de la couverture des frais. Le montant global des émoluments ne doit pas dépasser, dans la règle, les charges totales - frais généraux compris - du service administratif intéressé. Il n'est certes pas interdit d'opérer une certaine compensation entre les grosses affaires et celles pour lesquelles l'importance des intérêts en jeu ne permet pas de prélever un émolument qui couvre les frais. On peut par ailleurs tenir compte de la capacité financière des redevables et de leur intérêt à la prestation étatique. Il convient cependant d'observer certaines limites; celles-ci découlent tant de la nature même de l'émolument que du respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 97 I 204 et les arrêts cités).
En l'espèce, la recourante ne prétend pas que les émoluments litigieux violeraient les principes de la proportionnalité et de la couverture des frais. Selon les chiffres figurant aux comptes de l'Etat de Fribourg pour 1975, le total des charges dépasse le montant global des recettes provenant des émoluments du registre foncier, de sorte que ces derniers ne couvrent pas les frais généraux effectifs de ce service administratif. Par ailleurs, l'émolument proportionnel, perçu au taux maximum de 1,5%o, ne peut être considéré comme étant excessif. On ne se trouve donc pas dans un cas où l'utilisation du registre foncier, institution fédérale, serait rendue anormalement onéreuse, hypothèse dans laquelle il conviendrait d'admettre que l'art. 2 disp. trans. Cst. est violé (ATF 82 I 287 consid. 4).
a) Dans l'arrêt cité, le Tribunal fédéral a en effet jugé qu'il est contraire à l'art. 4 Cst. de prévoir des émoluments de mêmes montants pour l'inscription d'un transfert de propriété immobilière et pour celle d'un gage immobilier. Certes, dans les deux cas, les émoluments du registre foncier portent sur la transmission de droits. Mais l'intérêt économique n'est pas le même. Le bénéficiaire de la première de ces opérations acquiert la propriété d'un bien d'une valeur déterminée qui fournit la base à la perception de l'émolument. Il existe ainsi un rapport proportionnel effectif et d'emblée reconnaissable entre l'intérêt économique du bénéficiaire et le montant de l'émolument. Il en va en revanche autrement en ce qui concerne l'inscription d'un gage immobilier. En requérant celle-ci, le créancier entend que soit garanti un droit dont il est déjà titulaire. Mais la garantie immobilière peut être complète, apparaître dès l'abord douteuse ou se révéler par la suite insuffisante. S'il est vrai que l'inscription du gage a souvent pour effet de mobiliser la propriété foncière, il n'en demeure pas moins que le créancier court le risque de n'obtenir qu'une garantie partielle et que le débiteur peut être l'objet d'une exécution forcée qui le dépossède de son bien en lui causant une perte. Il convient donc d'admettre que l'intérêt du particulier à l'une ou l'autre opération est différent. Dès lors, on tombe dans l'arbitraire en traitant de manière identique deux opérations qui diffèrent objectivement l'une de l'autre. D'ailleurs, la plupart des cantons imposent l'inscription du transfert de la propriété plus lourdement que celle d'un gage immobilier.
b) Il convient de relever que l'arrêt précité avait trait à des contributions dites "mixtes", se caractérisant par le fait qu'elles constituent à la fois une taxe administrative correspondant à une prestation déterminée de l'Etat et un impôt indirect, destiné à couvrir les frais généraux de l'Etat. Ainsi, l'émolument perçu par le canton du Tessin représentait par moitié un émolument, par moitié un impôt indirect. La situation se présente différemment dans le canton de Fribourg. Si les émoluments sont calculés selon les mêmes taux, l'inscription de transfert de la propriété immobilière et celle d'un gage immobilier donnent lieu à des taxations fiscales différentes.
Les transferts de propriété sont frappés d'un droit d'enregistrement ou de mutation de 2% du prix, droit auquel s'ajoutent les centimes additionnels communaux pouvant également atteindre 2%. Les constitutions de gages immobiliers donnent lieu à la perception d'un droit d'enregistrement de 0,5% pour les créances nominatives et de 0,75% pour les créances au porteur (loi du 4 mai 1934 sur les droits d'enregistrement et tarif des droits d'enregistrement, du 4 mai 1934, modifié en 1943 et en 1963). Par ailleurs, un droit de timbre de 1,5%o est perçu sur les titres de créance (loi fribourgeoise sur le timbre, du 13 mai 1936). Si l'on tient compte de l'émolument et du droit d'enregistrement, on constate que l'inscription d'un gage immobilier est moins onéreuse que celle du transfert de la propriété.
c) L'art. 4 Cst. ne lie pas seulement les autorités chargées d'appliquer la loi, mais aussi le législateur cantonal. Celui-ci doit respecter, outre les autres limites qui découlent du droit constitutionnel et du droit fédéral, le principe de l'égalité devant la loi et l'interdiction de l'arbitraire qui en résulte. Une norme générale et abstraite viole ces principes constitutionnels lorsqu'elle n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité et qu'elle opère des distinctions juridiques que ne justifient pas les faits à réglementer. Dans ces limites, le législateur jouit d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge constitutionnel limitera son intervention aux cas d'abus de pouvoir ou d'excès des limites de celui-ci. Il ne doit en revanche pas substituer sa propre appréciation à celle du législateur (ATF 100 Ia 212 et les arrêts cités).
En l'espèce, on ne saurait considérer que le législateur fribourgeois soit tombé dans l'arbitraire en établissant le tarif contesté, bien que celui-ci prévoie la perception d'émoluments de mêmes montants pour l'inscription d'un transfert de propriété et pour celle de gages immobiliers. Il était en effet fondé à tenir compte des lois sur l'enregistrement et sur le timbre, dont l'application permet de différencier de manière suffisante le coût des opérations susmentionnées. Le législateur fribourgeois n'a ainsi pas abusé du pouvoir d'appréciation qui est le sien; il n'en a pas excédé les limites.
Le grief d'inconstitutionnalité du tarif du 11 décembre 1972 doit ainsi être écarté, ce qui entraîne le rejet du présent recours.