BGE 98 Ia 247
 
37. Arrêt du 29 mars 1972 dans la cause L. contre Vaud, Ministère public et Président du Tribunal cantonal.
 
Regeste
Kantonales Strafprozessrecht. Art. 4 BV.
Die Partei hat zu beweisen, dass die Frist gewahrt wurde; zu diesem Zweck muss ihr gestattet werden, die sich aus dem Poststempel ergebende Vermutung zu widerlegen (Erw. 2).
 
Sachverhalt
A.- G. L. a été frappée d'une réprimande et condamnée aux frais par le Président de la Chambre des mineurs du canton de Vaud. Elle a recouru à la Cour de cassation pénale de ce canton, par acte déposé en temps utile. Le délai pour produire un mémoire à l'appui du recours venait à échéance le 22 novembre 1971. Le mémoire établi au nom de G. L. par un avocat est parvenu au greffe de la cour cantonale sous pli oblitéré par le bureau de poste de Lausanne 1 (poste principale de la gare); le sceau indique "23.11.1-2".
Statuant le 31 décembre 1971, le Président de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a considéré que le mémoire avait été déposé hors délai et a déclaré le recours irrecevable pour cette raison. L'arrêt est motivé, en bref, comme il suit:
En vertu de l'art. 136 al. 1 PP vaud., les actes écrits sont notamment déposés en temps utile s'ils sont remis à un bureau de poste suisse, à l'adresse d'une autorité judiciaire du canton, le dernier jour du délai au plus tard. Il résulte d'une déclaration de la Direction de l'arrondissement postal de Lausanne, du 24 novembre 1971, qu'un pli oblitéré entre 1 et 2 heures du matin a nécessairement été déposé la veille avant 23 heures 15, du moins s'il s'agit de la boîte aux lettres de la poste de St-François, où il n'y a pas de levée entre 23 heures 15 et 7 heures 30. On peut en inférer qu'en l'occurrence, le mémoire a bien été déposé dans la boîte aux lettres le 22 novembre encore. Cependant, le dépôt dans une boîte auxlettres ne vaut pas remise à un bureau de poste au sens de la disposition précitée.
B.- G. L. forme un recours de droit public et conclut à l'annulation de l'arrêt du Président de la Cour de cassation cantonale. Elle se plaint d'un excès de formalisme incompatible avec l'art. 4 Cst.
C.- Le Président de la Cour de cassation pénale du canton de Vaud se réfère aux motifs de son arrêt. Le Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
1. Le Président de la Cour de cassation cantonale admet en fait que le mémoire de recours a bien été déposé dans la boîte aux lettres avant la levée de 23 heures 15. Comme rien ne permet de croire que cette levée ait été retardée de plus de trois quarts d'heure, il faut en conclure que l'acte était même en main de l'agent postal chargé de cette opération avant l'échéance du délai. Dans ces conditions en tout cas, il est insoutenable de ne pas assimiler le dépôt dans une boîte aux lettres à la remise à un bureau de poste suisse. L'entreprise des postes, téléphones et télégraphes considère quant à elle qu'un envoi lui est remis dès qu'il est déposé dans une boîte (cf. RYCHNER, Wann ist ein Brief der Post übergeben?, RSJ 451949-p. 21 s.). Tel qu'il est motivé, l'arrêt attaqué est arbitraire.
2. Il est vrai que, selon l'acte de recours, l'état de fait sur lequel s'est fondé le juge cantonal ne correspondrait pas à la réalité. Le mandataire de la recourante affirme avoir fait déposer le mémoire dans la boîte aux lettres du bureau de poste de la gare. Il résulte de déclarations établies par la Direction des postes de Lausanne et figurant au dossier que le courrier déposé dans cette boîte est acheminé automatiquement jusqu'au personnel chargé de l'oblitération par un ruban transporteur, qu'il peut s'écouler jusqu'à trente minutes entre le dépôt et l'oblitération et que pour des raisons d'organisation du service, le courrier déposé après 23 heures n'est oblitéré que le lendemain entre 1 heure et 2 heures du matin. Dans ces conditions, il n'est pas certain, mais seulement possible que le mémoire de recours ait été déposé avant minuit. La recourante, à qui il incombe de prouver qu'elle a agi en temps utile, doit être mise en mesure de faire cette preuve, contre la présomption résultant du sceau postal.
Le recours doit dès lors être admis au sens des considérants. Il appartiendra à l'autorité cantonale de dire, le cas échéant, quelles conséquences de droit il faut déduire du fait que la boîte aux lettres en question s'ouvre directement sur les locaux du bureau de poste et porte l'inscription "levée automatique et continue".
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours au sens des considérants et annule l'arrêt attaqué.