BGer 1B_459/2016
 
BGer 1B_459/2016 vom 09.01.2017
{T 0/2}
1B_459/2016
 
Arrêt du 9 janvier 2017
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
représentées par Me Roger Müller, avocat,
recourantes,
contre
Ministère public de la Confédération, route de Chavannes 31, case postale,
1001 Lausanne.
Objet
Procédure pénale; séquestre,
recours contre la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 24 octobre 2016.
 
Faits :
A. Donnant suite à une annonce du Bureau de communication en matière de blanchiment (MROS) du 21 avril 2015, le Ministère public de la Confédération a ouvert, le 24 novembre 2015, une instruction pénale contre C.________ et inconnus pour corruption d'agents publics étrangers et blanchiment d'argent aggravé. Le prévenu fait l'objet d'une procédure pénale au Brésil pour son implication dans le scandale de corruption lié à l'entreprise M.________. Il lui est reproché d'avoir agi comme opérateur financier de la société N.________ pour le paiement de pots-de-vin aux anciens directeurs des services de D.________ et E.________ en vue de permettre à cette société d'obtenir l'adjudication de contrats avec M.________. Il aurait également versé des montants importants à F.________, alors que ce dernier était directeur d'une filiale de M.________. La relation n° xxx ouverte auprès de la banque G.________ au nom de H.________ Ltd, dont C.________ est l'ayant droit économique, a été débitée, entre novembre 2004 et mars 2007, de montants respectifs de 587'000 USD et 41'000 USD en faveur de la relation n° yyy ouverte auprès du I.________ au nom de F.________ (avec pouvoir de signature de son épouse) et de la relation n° zzz au nom de J.________, dont celui-ci était le fondateur et le bénéficiaire avec son épouse A.________ et sa fille B.________ jusqu'à son décès survenu le 1 er décembre 2007.
Le 4 janvier 2016, le Ministère public de la Confédération a ordonné le séquestre des avoirs déposés sur la relation n° www auprès de I.________ à Zurich aux noms de A.________ et B.________. Cette relation, ouverte le 10 juillet 2012, a été créditée d'une somme de 3 millions versée le 30 juillet 2012 en provenance du compte n° zzz clôturé le 4 février 2013.
Le 3 mars 2016, A.________ et B.________ ont demandé la libération totale, respectivement partielle du compte, ainsi que le déblocage d'un montant de 30'000 fr. pour assurer les frais de représentation en justice.
Le 28 juin 2016, le Ministère public de la Confédération a refusé de donner suite à cette requête.
Le 7 juillet 2016, A.________ et B.________ ont recouru contre cette décision auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral en concluant à la libération intégrale du compte, respectivement à sa libération partielle pour des montants au-delà de 800'000 fr., et au déblocage de 30'000 fr. pour les frais de défense.
La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours par décision du 24 octobre 2016.
B. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ et B.________ demandent la libération partielle du compte au-delà de 800'000 fr.
Invités à se déterminer, le Ministère public de la Confédération conclut au rejet du recours, tandis que la Cour des plaintes a renoncé à formuler des observations.
 
Considérant en droit :
1. Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui portent sur des mesures de contrainte, dont font partie les décisions relatives au séquestre (ATF 136 IV 92 consid. 2.2 p. 94), nonobstant leur caractère incident (ATF 140 IV 57 consid. 2.3 p. 60). Les recourantes, titulaires du compte séquestré, ont qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. b ch. 1 LTF) et ont agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).
2. Le séquestre est une mesure de contrainte qui ne peut être ordonnée, en vertu de l'art. 197 al. 1 CPP, que si elle est prévue par la loi (let. a), s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).
Lors de cet examen, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer, à restituer au lésé ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364).
Un séquestre est proportionné lorsqu'il porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364); l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 1B_145/2016 du 1 er juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 96; arrêt 1B_416/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2.1). Un séquestre peut en effet apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6 p. 247). En outre, pour respecter le principe de proportionnalité, l'étendue du séquestre doit rester en rapport avec le produit de l'infraction poursuivie (ATF 130 II 329 consid. 6 p. 336).
3. Les recourantes contestent que le compte n° www ait été exclusivement alimenté depuis des relations contrôlées par C.________, respectivement que l'ensemble des actifs déposés serait probablement d'origine criminelle comme l'a retenu le Ministère public de la Confédération. Cette constatation ne trouverait aucun fondement dans les pièces du dossier. Les avoirs détenus sur ce compte proviendraient de la liquidation du compte de J.________ majoritairement constitué de "rendements d'applications" [recte: rendements d'obligations], de paiement de dividendes et d'intérêts. Il est en outre plausible que F.________ ait pu faire des économies issues des revenus réguliers de son activité au sein du groupe M.________ (soit un million USD par année). Sous la perspective de l'art. 376 CPP, il serait adéquat de laisser subsister le séquestre sur 800'000 fr. correspondant aux avoirs sous enquête d'un montant de 719'000 USD auxquels il y a lieu d'ajouter les coûts judiciaires estimés et l'intérêt.
Le Ministère public de la Confédération a certes affirmé que le compte n° www a été exclusivement alimenté depuis des relations contrôlées par C.________. Il a toutefois aussi précisé qu'à l'heure actuelle, l'origine des avoirs se trouvant sur ce compte n'était pas établie et que des investigations complémentaires sont nécessaires, ajoutant que les analyses des comptes se poursuivent et que, dans l'intervalle, le séquestre de l'ensemble des avoirs déposés sur ce compte est justifié. Quant au Bureau de communication en matière de blanchiment, il s'est borné à constater qu'au moins un montant de 678'000 USD sur les 3,6 millions USD détenus sur le compte avait une origine suspecte à charge pour le Ministère public de la Confédération de vérifier ce qu'il en était et de déterminer si d'autres transferts seraient susceptibles de tomber sous le coup du blanchiment d'argent. Comme l'a relevé la Cour des plaintes, on ne saurait se baser sur cet avis pour conclure que seuls les montants considérés comme suspects seraient d'origine criminelle. L'allégation des recourantes selon lesquelles le compte de J.________ a également été alimenté par des revenus provenant de l'activité régulière de leur père respectivement de leur époux doit être vérifiée. Quant à la nature des fonds qui composent actuellement la relation bancaire (rendement d'obligations, dividende ou intérêts), elle importe peu. A ce stade et sur la base des pièces consultables du dossier, la Cour des plaintes pouvait conclure à l'existence d'un doute sur la part des fonds qui pourrait provenir d'une activité criminelle propre à justifier le maintien intégral du séquestre sur la relation bancaire n° www. Les recourantes ne font par ailleurs pas valoir un intérêt privé qui l'emporterait sur l'intérêt public au maintien du séquestre litigieux. Elles ne soutiennent en particulier pas que cette mesure les menacerait dans leur existence même. Le séquestre sur l'ensemble des avoirs détenus sur le compte n° www ne viole ainsi pas en l'état le principe de proportionnalité. Il appartiendra toutefois au Ministère public de la Confédération de faire diligence dans l'analyse des comptes et les investigations pour déterminer si le séquestre se justifie toujours et, le cas échéant, dans quelle mesure.
4. Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes.
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
Lausanne, le 9 janvier 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Parmelin