BGE 128 V 217
 
35. Arrêt dans la cause A. contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud et Tribunal des assurances du canton de Vaud
 
I 40/01 du 11 juin 2002
 
Regeste
Art. 19 und 51 IVG; Art. 9 und 9bis IVV: Anspruch auf besondere Entschädigungen für durch Massnahmen pädagogisch-therapeutischer Art, welche den Besuch der Volksschule ermöglichen, bedingte Transporte.
- Soweit die Kostenübernahme durch die Invalidenversicherung für Transporte, welche durch die in Art. 9 Abs. 2 IVV aufgezählten Massnahmen pädagogisch-therapeutischer Art bedingt sind, ausschliesslich auf körperlich Behinderte und Sehgeschädigte beschränkt wird, ist Art. 9bis IVV mit Art. 8 BV nicht vereinbar. Eine angemessene Auslegung dieser Bestimmung führt dazu, dass Versicherten, welchen solche Massnahmen gewährt werden, auch die Kosten der Transporte, die für deren Durchführung notwendig sind, zu vergüten sind.
 
Sachverhalt


BGE 128 V 217 (218):

A.- A., née en 1988, domiciliée à D., est atteinte d'une surdité sévère bilatérale d'origine congénitale. Pour lui permettre de suivre l'enseignement de l'école publique, un traitement de logopédie, pris en charge par l'assurance-invalidité fédérale, lui est dispensé à E. par une praticienne spécialisée, chez laquelle elle se rend en moyenne une fois tous les quinze jours.
Par décision du 28 mai 1999, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a refusé de continuer à prendre en charge les frais de transport liés à ce traitement, dès le 1er mai 1999.
B.- Par jugement du 30 octobre 2000, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre cette décision par A.
C.- Cette dernière, représentée par son père, interjette recours de droit administratif contre ce jugement en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation, à l'octroi de subsides pour les frais de transport liés au traitement logopédique et au renvoi de la cause à l'administration afin qu'elle en détermine le montant.
L'OAI a renoncé à se déterminer cependant que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:


BGE 128 V 217 (219):

La recourante soutient, en substance, que l'art. 9bis RAI n'est pas conforme à la loi et consacre une inégalité de traitement. Elle se réfère, en ce qui concerne la question de la légalité de cette disposition réglementaire, à l'art. 51 LAI, d'une part, et à l'art. 19 LAI, d'autre part.
2. Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe librement la légalité des dispositions d'application prises par le Conseil fédéral. En particulier, il exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes) qui reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci est relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation, le tribunal doit se borner à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi ou à la Constitution. A cet égard, une norme réglementaire viole l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité ou qu'elle opère des distinctions juridiques que ne justifient pas les faits à réglementer. Dans l'examen auquel il procède à cette occasion, le juge ne doit toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité dont émane la réglementation en cause. Il doit au contraire se borner à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le mieux approprié pour atteindre ce but (ATF 127 V 7 consid. 5a, ATF 126 II 404 consid. 4a, 573 consid. 41, ATF 126 V 52 consid. 3b, 365 consid. 3, 473 consid. 5b et les références).
3. En relation avec le premier moyen de la recourante, il convient de rappeler, comme le relève à juste titre l'OFAS que l'art. 51 LAI ne constitue pas la base légale permettant le remboursement des frais de transport liés à des mesures de réadaptation pour lesquelles les prestations de l'assurance-invalidité se réduisent à de pures contributions pécuniaires. Il en va ainsi, notamment, des mesures de formation scolaire spéciale, auxquelles doivent être assimilées les mesures spéciales qui permettent à un mineur invalide de fréquenter l'école publique. Conformément à son texte clair, l'art. 51 LAI présuppose en effet l'application des mesures de réadaptation qu'il vise par les organes de l'assurance-invalidité, alors que, pour des raisons liées à la souveraineté des cantons en matière scolaire, la mise en oeuvre des mesures spéciales précitées échoit à ces derniers (ATFA 1966 p. 32 consid. 3, 1964 p. 245 consid. 4, RCC 1970

BGE 128 V 217 (220):

p. 159 consid. 1; MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], in: MURER/STAUFFER [Hrsg.], Die Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, Zurich 1997, p. 290).
C'est, en conséquence, au regard de l'art. 19 LAI qu'il convient d'examiner la conformité de l'art. 9bis RAI.
4. a) A teneur de l'art. 19 al. 3 LAI, le Conseil fédéral a notamment la compétence d'édicter des prescriptions sur l'octroi de subsides, en faveur d'enfants invalides qui fréquentent l'école publique. Ces prestations correspondent à celles allouées pour la formation scolaire spéciale des assurés éducables qui n'ont pas atteint l'âge de 20 ans révolus mais qui, par suite d'invalidité, ne peuvent suivre l'école publique ou dont on ne peut attendre qu'ils la suivent. Ces derniers subsides, visés par les alinéas 1 et 2 de l'art. 19 LAI, comprennent notamment des indemnités particulières pour les frais de transport à l'école qui sont dus à l'invalidité (art. 19 al. 2 let. d LAI). Relativement imprécise, cette norme de délégation confère au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation (ATF 128 V 106 consid. 6b et les références citées).
Faisant usage de la compétence ainsi déléguée, le Conseil fédéral a édicté, sous le titre des "Mesures permettant la fréquentation de l'école publique", les art. 9, 9bis et 9ter RAI. Les deux premières de ces dispositions ont la teneur suivante (en vigueur depuis le 1er janvier 1997, selon ch. I et III de l'ordonnance du Conseil fédéral du 25 novembre 1996; RO 1996 3135, 3138):
Art. 9 Indemnités particulières pour des mesures de nature pédago-thérapeutique
1 L'assurance prend à sa charge les frais d'exécution des mesures de nature pédago-thérapeutique qui sont nécessaires pour permettre à l'assuré de participer à l'enseignement de l'école publique.
2 Les mesures comprennent:
a. la logopédie pour les assurés selon l'article 8, 4e alinéa, lettre e;
b. l'entraînement auditif et l'enseignement de la lecture labiale pour les assurés selon l'article 8, 4e alinéa, lettre c.
Art. 9bis Indemnités particulières pour les transports
L'assurance prend à sa charge les frais de transport qui, en raison d'un handicap physique ou d'un handicap de la vue, sont nécessaires pour l'exécution des mesures selon l'art. 9, 2e alinéa, ainsi que pour permettre à l'assuré de participer à l'enseignement de l'école publique.
L'art. 8quater est applicable par analogie.


BGE 128 V 217 (221):

b) Dans le cas des frais de transport pour participer à l'enseignement de l'école publique - qui ne sont pas en cause en l'espèce - la limitation de la prise en charge de ces frais aux assurés handicapés physiquement ou de la vue n'apparaît pas critiquable, de prime abord tout au moins. Ces frais doivent en effet être supportés par tous les enfants en âge scolaire aptes à fréquenter l'école publique. En règle générale, seuls des enfants handicapés physiques ou de la vue peuvent ainsi justifier de frais de transport supplémentaires en raison de leur handicap, aux conditions de l'art. 8quater al. 2 et 3 RAI applicable par analogie (art. 9bis in fine RAI).
c) Les mesures pédago-thérapeutiques, qui comprennent la logopédie pour les assurés atteints de graves difficultés d'élocution (art. 8 al. 4 let. e RAI) ainsi que l'entraînement auditif et l'enseignement de la lecture labiale pour les assurés sourds ou malentendants (art. 8 al. 4 let. c RAI), sont, selon la jurisprudence de la Cour de céans, énumérées exhaustivement par l'art. 9 al. 2 RAI (ATF 128 V 98 consid. 4b; arrêt O. du 2 septembre 1999; VSI 2000 p. 77 consid. 3b). Il s'ensuit, si l'on compare l'art. 9 al. 2 RAI et l'art. 9bis RAI, que la condition liée à l'existence d'un handicap physique ou de la vue posée par le Conseil fédéral dans cette dernière disposition impliquerait la prise en charge de frais de transport pour des mesures pédago-thérapeutiques que l'assurance n'alloue pas (ainsi pour des mesures en faveur des handicapés de la vue). A l'inverse, l'ordonnance n'accorderait pas de frais de transport pour des mesures pédago-thérapeutiques qu'elle alloue (ainsi en faveur d'assurés souffrant de surdité). On cherche vainement une justification objective à cette situation pour le moins paradoxale.
Il ressort, par ailleurs, de la comparaison de ces deux dispositions à la réglementation correspondante des mesures de nature pédago-thérapeutique nécessaires pour compléter l'enseignement spécialisé (art. 8ter et 8quater RAI) et à celle des mesures pédago-thérapeutiques nécessaires, à l'âge préscolaire, pour la préparation à la fréquentation de l'école spéciale ou de l'école publique (art. 10 et 11 RAI), que dans ces deux dernières hypothèses la prise en charge des frais de transport est toujours directement liée à une mesure qui est allouée et non à l'existence d'un handicap déterminé. On ne perçoit pas, du reste, en comparant ces situations, pour quelle raison un enfant suivant depuis peu l'enseignement de l'école publique et bénéficiant de mesures pédago-thérapeutiques prises en charge par l'assurance conformément à l'art. 9 RAI, ne pourrait prétendre bénéficier d'un subside pour les frais de transport en relation avec

BGE 128 V 217 (222):

ces mesures s'il n'est, en outre, handicapé physique ou de la vue (art. 9bis RAI) alors qu'un enfant d'âge immédiatement préscolaire se préparant à l'école publique par le suivi des mêmes mesures pédago-thérapeutiques pourrait prétendre la prise en charge des frais de transport liés à ces dernières, indépendamment de l'existence d'un handicap physique ou de la vue (art. 11 en corrélation avec l'art. 8quater RAI). Cette situation se présentera, d'ailleurs, le plus souvent chez le même enfant, avant et après son intégration à l'enseignement public.
d) La situation paradoxale relevée ci-dessus en ce qui concerne les art. 9 et 9bis RAI, de même que la comparaison avec les frais de transport pour les mesures nécessaires pour compléter l'enseignement spécialisé, d'une part, et, d'autre part, pour les mesures de préparation à l'enseignement spécialisé ou à la fréquentation de l'école publique, montre que la réglementation de l'art. 9bis RAI, pour autant qu'elle se rapporte aux frais de transport pour l'exécution de mesures de nature pédago-thérapeutique, n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs. Aussi bien doit-on considérer qu'elle n'est pas compatible avec l'art. 8 al. 1 Cst.
Du moment que l'art. 9 al. 2 RAI prévoit l'octroi de mesures de nature pédago-thérapeutique pour les assurés souffrant de graves difficultés d'élocution (art. 8 al. 4 let. e RAI, auquel renvoie l'art. 9 al. 2 let. a RAI), une interprétation raisonnable de l'art. 9bis RAI, inspirée des solutions adoptées aux art. 8quater et 11 RAI, conduit à reconnaître à ces enfants également la prise en charge des frais de transport nécessaires à l'exécution des mesures dont ils bénéficient, comme la Cour de céans l'admettait dans sa jurisprudence rendue en application de l'ancien art. 11 RAI (cf. VSI 1993 p. 40).
e) Pour le surplus, la comparaison opérée par l'OFAS entre, d'une part, les enfants qui ne sont pas invalides mais qui bénéficient d'un traitement de logopédie, dont les frais, y compris les frais de transport, demeurent à charge des parents et, d'autre part, les enfants invalides pour lesquels un tel traitement est nécessaire à la poursuite d'une scolarité normale n'est pas pertinente. Cette comparaison ne permet pas, en effet, de mettre en évidence le motif sérieux et objectif qui fait défaut à la réglementation de l'art. 9bis RAI. La différence de traitement entre ces deux catégories est, au demeurant, imposée par la loi qui définit la notion d'invalidité chez les assurés de moins de 20 ans révolus (art. 5 al. 2 LAI) et le droit aux prestations qui en découlent.


BGE 128 V 217 (223):

5. Il résulte de ce qui précède que la recourante peut prétendre la prise en charge des frais de transport afférents aux mesures pédago-thérapeutiques dont elle bénéficie, si bien que le recours doit être admis. Les pièces figurant au dossier ne permettant toutefois pas de calculer le montant de ces subsides, la cause doit être renvoyée à l'intimé afin qu'il complète l'instruction sur ce point et rende une nouvelle décision.