124 III 245
Urteilskopf
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45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 mai 1998 dans la cause dame B. contre Compagnie d'assurances Y. (recours en réforme)
Regeste
Mietvertrag; Auswirkung des Verstreichenlassens der Frist, innert welcher die Partei, die auf ihrem Rechtsbegehren beharren will, den Richter anrufen muss, nachdem vor der Schlichtungsbehörde keine Einigung über eine Mietzinserhöhung gefunden wurde.
Der Vermieter, der auf die Anrufung des Richters verzichtet hat, kann auf den gleichen Termin nicht nochmals eine Mietzinserhöhung verlangen. Es bleibt ihm indes unbenommen, den Mietzins auf den darauffolgenden Kündigungstermin zu erhöhen, selbst wenn er die gleichen Gründe anführt wie zuvor (E. 3).
A.- Par contrat du 30 mars 1992, la Compagnie d'assurances Y. (ci-après: Y.) a remis à bail à B., à partir du 30 juin 1992, un appartement de trois pièces dans un bâtiment sis à Neuchâtel, moyennant un loyer mensuel de 440 fr., acompte de charges en sus. Conclu initialement
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pour une durée de trois mois, le bail se poursuivait, sauf résiliation, aux mêmes conditions pour une durée de six mois et se renouvelait ainsi de suite s'il n'était pas résilié trois mois avant son échéance.Le 18 décembre 1995, Y. a communiqué à sa locataire que son loyer, qui était alors de 437 fr. par mois, passerait à 552 fr. dès le 1er octobre 1996. L'augmentation de loyer était fondée sur divers motifs, dont principalement l'exécution de travaux de rénovation. Avec d'autres locataires, B. a contesté cette augmentation devant l'autorité régionale de conciliation. Lors d'une audience tenue le 27 mars 1996, la conciliation a été tentée sans succès et les parties ont été informées qu'elles disposaient d'un délai de 30 jours pour saisir l'autorité judiciaire compétente. La bailleresse n'a pas agi dans ce délai.
Le 11 juin 1996, Y. a signifié à B. qu'elle devrait payer un loyer de 548 fr. par mois pour son appartement à partir du 1er octobre 1996. Pour justifier cette hausse, elle avançait divers motifs, au nombre desquels figurait la réalisation de travaux de rénovation. B. et d'autres locataires ont saisi derechef l'autorité régionale de conciliation. A l'audience du 6 août 1996, la conciliation a été tentée en vain et les parties ont été informées qu'elles disposaient d'un délai de 30 jours pour saisir l'autorité judiciaire compétente.
B.- Le 5 septembre 1996, Y. a introduit action contre B. en vue de faire constater son droit à une hausse de loyer de 25,47%, portant celui-ci à 548 fr. par mois, sans les charges, dès le 1er octobre 1996. La demanderesse alléguait notamment qu'elle avait retiré la hausse de loyer notifiée le 18 décembre 1995, pour en signifier une nouvelle, car elle reposait sur des calculs erronés.
La défenderesse a conclu, préjudiciellement, à l'irrecevabilité de la demande ou à son rejet.
Par jugement du 28 novembre 1996, le Tribunal civil du district de Neuchâtel a déclaré la demande du 5 septembre 1996 irrecevable pour cause de tardiveté, car elle portait sur la même prétention que celle qui avait été formulée en décembre 1995 et discutée devant l'autorité régionale de conciliation le 27 mars 1996.
Statuant par arrêt du 11 novembre 1997, sur recours de la demanderesse, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a cassé le jugement entrepris et renvoyé la cause au premier juge afin qu'il en poursuive l'instruction.
C.- La défenderesse interjette un recours en réforme dans lequel elle invite le Tribunal fédéral à constater l'irrecevabilité de la demande du 5 septembre 1996.
Le Tribunal fédéral admet le recours et réforme l'arrêt cantonal en ce sens que ladite demande est déclarée irrecevable.
Extrait des considérants:
2. La défenderesse critique l'opinion de la cour cantonale voulant que le bailleur qui a notifié une hausse de loyer et qui, après échec de la tentative de conciliation, ne saisit pas le juge dans le délai de 30 jours de l'art. 274f al. 1 CO conserve la possibilité d'adresser au locataire un nouvel avis de majoration. Pour elle, la présente espèce soulève deux problèmes distincts: le premier est de savoir si un bailleur qui n'a pas saisi l'autorité judiciaire dans le délai de l'art. 274f al. 1 CO peut notifier une "nouvelle" majoration de loyer pour la même échéance que la précédente, quelle que soit la motivation de cette majoration; le second problème est de savoir si un bailleur peut se prévaloir pour une échéance ultérieure des motifs qui fondaient la majoration à laquelle il avait renoncé précédemment en ne saisissant pas l'autorité compétente. Selon la défenderesse, le différend soumis au Tribunal fédéral a trait uniquement au premier de ces deux problèmes.
La défenderesse demande cependant, en cas d'admission de son recours sur la première question, que soit aussi résolue celle de la péremption du droit matériel et que cette péremption soit d'ores et déjà admise pour le cas où la bailleresse lui notifierait une nouvelle majoration de loyer fondée sur les mêmes motifs pour la prochaine échéance utile.
3. a) Selon la jurisprudence la plus récente, qui résout le second problème soulevé par la défenderesse, si le droit matériel du bail ne prévoit pas de délais de péremption spéciaux pour les prétentions devant faire l'objet d'une tentative de conciliation et qu'il n'attribue pas à l'autorité de conciliation le pouvoir de rendre, à leur égard, des décisions ayant force de chose jugée si le juge n'est pas saisi, de telles prétentions peuvent être déduites derechef en justice, après une nouvelle tentative de conciliation. Le Tribunal fédéral a ainsi exclu, dans un litige concernant une résiliation de bail, que l'écoulement du délai de 30 jours pour saisir le juge après l'échec de la tentative de conciliation entraînât la péremption des prétentions du demandeur (ATF 124 III 21).
b) La doctrine traite de manière différente ou nuancée l'hypothèse dans laquelle le bailleur qui a notifié une hausse de loyer ou une modification unilatérale du contrat de bail ne saisit pas le
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juge dans le délai de 30 jours après l'échec de la tentative de conciliation.Certains auteurs sont d'avis que le bailleur ne peut plus se prévaloir ultérieurement des motifs qui fondaient la majoration à laquelle il a renoncé (ZIHLMANN, Das Mietrecht, 2e éd., p. 255; JEANPRĂŠTRE, in Droit du bail 1990 n. 36; WEBER/ZIHLMANN, in Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht I, 2e éd., n. 5 ad art. 274f CO; GUHL/MERZ/KOHLER, Das Schweizerische Obligationenrecht, 8e éd., p. 420; ROBERTI, Institut und Verfahren der Schlichtungsbehörde in Mietsachen, thèse Zurich 1993, p. 26 note 87). Ce point de vue est précisément celui qui a été écarté par la jurisprudence précitée.
Selon une autre opinion, le bailleur qui n'a pas saisi le juge dans le délai de 30 jours ne peut plus y prétendre pour la prochaine échéance, mais il a la possibilité de notifier une nouvelle majoration ou de formuler une nouvelle prétention pour l'échéance contractuelle suivante, même s'il se prévaut à l'appui de cette nouvelle prétention de motifs identiques à ceux qu'il a invoqués précédemment (HIGI, Commentaire zurichois, n. 86/87 ad art. 274f CO; arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 23 août 1994, publié in Cahiers du bail [CdB] 1995 p. 124 ss; cf., à ce propos, LACHAT, Le bail à loyer, p. 102/103, ch. 3.2.2, et p. 272 note 100, lequel auteur ne prend pas position sur la question des motifs susceptibles d'être invoqués à l'appui de la nouvelle prétention).
Certains auteurs, enfin, ne traitent pas différemment le cas de la hausse de loyer de celui des autres cas. Ils se bornent à exclure la péremption, sans parler du problème de l'échéance contractuelle, ce qui peut donner à penser qu'ils seraient prêts à admettre la possibilité de la notification d'une nouvelle hausse de loyer pour les mêmes motifs et pour le même terme s'il n'est pas dépassé (Commentaire de l'USPI, n. 12 à 19 ad art. 274f CO; BISANG, in Mietrecht Aktuell [MRA] 1996 p. 82 ss.).
c) L'opinion exprimée par Higi et par le Tribunal cantonal vaudois mérite d'être approuvée. La péremption du droit à l'augmentation de loyer ne peut concerner que l'augmentation abandonnée par le bailleur; la prétention de ce dernier n'est pas identique à celle qu'il a renoncé à porter devant le juge si elle ne prend pas effet à la même date. L'importance de la date à laquelle une modification du loyer doit entrer en vigueur a encore été soulignée récemment dans un cas de demande de baisse de loyer (ATF 122 III 20). Ainsi, à l'instar du Tribunal cantonal vaudois, il est exclu d'admettre qu'en s'abstenant
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de porter une augmentation contestée devant le juge, le bailleur renonce à se prévaloir, pour les termes suivants du bail, des facteurs qui avaient motivé cette prétention. Et cela pour les mêmes motifs qui interdisent de dénier à un locataire, qui a renoncé à porter devant le juge une demande de baisse de loyer, le droit de réclamer pour un terme suivant une baisse fondée sur les mêmes motifs (cf. HIGI, op.cit., n. 85 ad art. 274f CO).d) Il apparaît donc, sur le vu des principes ainsi posés, que la cour cantonale a violé le droit fédéral en jugeant que la demande n'était pas irrecevable, alors même que la bailleresse, après avoir renoncé à saisir le juge dans les 30 jours dès l'échec de la tentative de conciliation, avait notifié une nouvelle hausse de loyer pour le même terme et pour les mêmes motifs. Force est, dès lors, de réformer son arrêt et de constater l'irrecevabilité de ladite demande.