BGE 124 III 49
 
10. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 4 décembre 1997 dans la cause C. contre H. et Département de justice et police et des transports du canton de Genève (recours de droit public)
 
Regeste
Art. 4 BV und Art. 30 ZGB; Namensänderung, Anspruch auf rechtliches Gehör.
 
Sachverhalt


BGE 124 III 49 (49):

C., de nationalité tunisienne, né le 27 septembre 1955, et T., de nationalité italienne, née le 3 juin 1958, ont vécu en union libre entre 1985 et 1994. Une enfant est issue de cette union, Sonia Myriam, née le 23 octobre 1989, qui porte, depuis sa naissance, le nom de C.
Par arrêtés des 27 mars 1995 et 9 juin 1997, le Département de justice et police et des transports du canton de Genève (le Département) a autorisé l'enfant à changer de nom de famille et à porter celui de T., puis - à la suite du mariage de la mère avec H. - celui de H.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, C. conclut à l'annulation de ces décisions.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
 


BGE 124 III 49 (50):

Extrait des considérants:
a) La portée du droit d'être entendu est déterminée en premier lieu par le droit de procédure cantonal, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application que sous l'angle de l'arbitraire. Dans le cas où la protection accordée par ce droit apparaît insuffisante, l'intéressé peut invoquer celle découlant directement de l'art. 4 Cst., qui constitue ainsi une garantie subsidiaire et minimale. Le Tribunal fédéral examine alors librement si les exigences posées par cette disposition constitutionnelle ont été respectées (ATF 122 I 153 consid. 3 p. 158 et la jurisprudence citée). Le recourant ne se plaint pas, en l'occurrence, d'une violation du droit cantonal; c'est donc au seul regard de l'art. 4 Cst. qu'il convient d'examiner son moyen.
b) Selon la jurisprudence constante, le père a le droit d'être entendu dans la procédure en changement de nom de son enfant mineur (ATF 105 Ia 281 consid. 2a p. 282; ATF 99 Ia 561 consid. 1 p. 563; ATF 97 I 619 consid. 3 p. 621/622; ATF 89 I 153 consid. 2 p. 155; ATF 83 I 237, spéc. p. 239; ATF 76 II 337 consid. 2 p. 342; arrêt non publié L. c/ P. et Conseil d'Etat du canton du Valais du 20 juillet 1995, consid. 2b, pour le changement de prénom). Il est vrai que ce principe n'a été explicitement posé qu'au sujet d'enfants de parents divorcés attribués à la mère, mais le Tribunal fédéral n'en a pas restreint la portée à cette seule hypothèse; tout en relevant qu'il s'agissait là du "cas le plus fréquent", il a justifié sa solution par les rapports étroits - tant personnels que patrimoniaux - entre le père et son enfant (ATF 105 Ia 281 consid. 2b p. 283, qui évoque aussi la possibilité pour le père de se voir attribuer ultérieurement l'autorité parentale; arrêt non publié M. du 11 août 1986, in Rep. 121/1988 p. 265/266). Or, en soi, cette considération vaut également pour le père qui vivait en union libre (VOGT, in Die eheähnliche Gemeinschaft [Konkubinat] im schweizerischen Recht, § 9 n. 10 et 13; SCHNEIDER, Situation juridique des enfants de concubins, in RDT 36/1981 p. 121 ss, spéc. 133 ss). Toutefois, comme le souligne le Département à l'appui de ses déterminations, l'enfant dont les parents ne sont pas mariés porte légalement le nom de sa mère (art. 270 al. 2 CC; cf. ATF 119 II 307);

BGE 124 III 49 (51):

on peut se demander si cette seule circonstance dispense l'autorité d'entendre le père, dès lors que l'enfant, n'ayant jamais acquis le nom de ce dernier, ne peut, à plus forte raison, le perdre au terme de la procédure en changement de nom.
Cette question peut cependant demeurer indécise dans le cas présent. En effet, il n'est pas contesté que l'enfant porte, depuis sa naissance, le nom de son père; d'après les déclarations concordantes du recourant et du Département, un tel choix résulterait de l'application du droit national des parents (art. 37 al. 2 LDIP et 177d OEC; cf. Vischer, in IPRG Kommentar, n. 21 ss ad art. 37 LDIP et les citations). Il n'y a pas lieu d'examiner en l'espèce le bien-fondé de cet avis, l'inscription sur le registre des naissances étant désormais définitive; il suffit de constater que l'on ne se trouve pas dans la situation envisagée par l'art. 270 al. 2 CC. Or, en consacrant le droit du père à ce que l'enfant mineur ne porte pas un autre nom que le sien (ATF 99 Ia 561 consid. 2 p. 564; ATF 97 I 619 consid. 3 p. 621; ATF 89 I 153 consid. 2 p. 155; ATF 83 I 237, spéc. p. 239; ATF 76 II 337 consid. 2 p. 342), le Tribunal fédéral exige de l'autorité qu'elle entende, à tout le moins, le parent dont l'enfant perd le nom (sic: BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 3e éd., n. 824; GEISER, Die neuere Namensänderungspraxis des schweizerischen Bundesgerichts, in REC 61/1993 p. 376 ch. 2.13; GROSSEN, Les personnes physiques, in TDPS II/2, p. 62; HEGNAUER, Grundriss des Kindesrechts, 4e éd., n. 16.13). Le recourant a dès lors raison, lorsqu'il affirme que, sous cet aspect, sa position n'est guère différente de celle d'un père divorcé. A suivre l'argumentation du Département, il ne s'imposerait pas non plus d'entendre le père non marié dont l'enfant mineur avait été autorisé, avant la séparation de ses parents, à porter le nom en vertu de l'art. 30 CC (sur les conditions: ATF 121 III 145); tel ne peut manifestement être le cas.