BGE 91 II 143
 
21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 29 juin 1965 dans la cause Société d'agriculture du Val-de-Ruz contre Matile et consorts.
 
Regeste
Art. 94 OG; Art. 84 Abs. 1 und 2 BZP.
Kausale und solidarische Haftung von Streitgenossen (Erw. 3 und 4).
 
Sachverhalt


BGE 91 II 143 (144):

Résumé des faits:
La Société d'agriculture du Val-de-Ruz a entrepris la construction d'un centre collecteur de céréales. Treize voisins ont fait au projet une opposition rejetée par le Conseil d'Etat neuchâtelois; douze d'entre eux ont formé un recours de droit public au Tribunal fédéral, mais trois se sont retirés en cours de procédure.
Le 26 juillet 1963, se fondant sur l'art. 94 OJ, les recourants ont requis la suspension de l'arrêté attaqué jusqu'à droit connu sur le recours. Le 30, rappelant cette requête, leur mandataire informait le président du tribunal du début des travaux et suggérait que le délai imparti pour répondre à la demande de mesures provisionnelles fût abrégé. Le 2 août, ce magistrat ordonna d'urgence le maintien de l'état de fait jusqu'à la décision sur les mesures provisionnelles; il se référait à la requête du 26 juillet et à la lettre du 30. Le 22 août, la Chambre de droit public déclara le recours irrecevable, par un arrêt dont le dispositif fut notifié aussitôt. Les travaux avaient été suspendus du lundi 5 au vendredi 23 août compris.
L'intimée a assigné les recourants, devant le Tribunal fédéral, en réparation du dommage causé par la suspension des travaux.
Le tribunal a admis sa compétence et condamné les défendeurs à réparer la totalité du dommage.
 
Extrait des motifs:
1. A la demande d'une partie, le président du tribunal peut, après avoir reçu l'acte du recours de droit public, ordonner les mesures provisionnelles nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde des intérêts compromis (art. 94 OJ). Le texte

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même de cette disposition et sa note marginale ("mesures provisionnelles") appellent d'emblée l'application, à titre supplétif (art. 40 OJ), des règles de la loi de procédure civile fédérale sur les mesures provisionnelles (art. 79 sv. PCF; BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, p. 401). Si le renvoi vise les dispositions "de procédure", il s'entend néanmoins dans un sens large, qui comprend la réparation du dommage causé par les mesures prises (art. 84 PCF).
Cette solution est conforme à la nature du recours de droit public. Voie de droit extraordinaire n'ayant en règle générale qu'une fonction de cassation, celui-ci n'a pas d'effet suspensif. Certes, l'on évitera souvent que l'arrêt du Tribunal fédéral se heurte au fait accompli par la suspension, totale ou partielle, de l'exécution de la décision attaquée; mais il n'en reste pas moins que les mesures conservatoires sont analogues à celles que le juge civil ordonne en cours d'instance. En effet, encore que la doctrine réserve parfois certaines hypothèses (BONNARD, Problèmes relatifs au recours de droit public, RDS 1962, p. 387/388, no 10), la jurisprudence constante admet très généralement que le recours de droit public, dépourvu d'effet dévolutif, ne continue pas la procédure, judiciaire ou administrative, qui s'est déroulée devant les autorités cantonales, mais introduit une instance indépendante destinée à examiner la constitutionnalité de l'acte de souveraineté du pouvoir cantonal (RO 86 I 102 consid. 3, 83 I 272 consid. 2). On ne statue pas à nouveau sur l'objet de la décision attaquée, que l'on ne revoit pas comme telle, fût-ce sous un angle restreint (BIRCHMEIER, op.cit., p. 401 et 358 ch. 2 lettre b; RO 70 I 155, 65 I 131, 59 I 80).
Naturelle, l'application de l'art. 84 PCF est aussi équitable. Les mesures provisionnelles prises à la requête d'une partie peuvent causer un préjudice considérable. En l'espèce, seule la rapidité avec laquelle la cour de droit public a statué a limité le dommage. Pour les motifs qui imposent la règle du procès civil, la partie qui le cause doit en répondre lorsque le recours est rejeté ou irrecevable ("nicht zu Recht bestand", dit l'art. 84 OJ), d'autant que le juge statue prima facie sans examiner le fond. L'obligation de réparer (et de fournir des sûretés: art. 82 al. 2 et 84 al. 3 PCF) est le corollaire nécessaire de la décision provoquée par le recourant pour la sauvegarde de ses droits, faute de quoi le juge hésiterait souvent à appliquer l'art. 94 OJ, par crainte de causer un préjudice irréparable; cette réserve

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serait même plus grande que dans un procès civil, car le recours de droit public attaque une décision cantonale en force, qui est présumée conforme à la constitution: c'est une raison de plus d'appliquer l'art. 84 PCF.
Les défendeurs soutiennent en vain qu'ils n'auraient commis aucune faute: leur responsabilité, fondée sur l'art. 84 PCF, n'en dépend pas (RO 88 II 279).