15. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 11 juin 1996 dans la cause D. contre Chambre d'accusation du canton de Genève (recours de droit public)
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Regeste
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Art. 64bis Abs. 2 BV und Art. 2 ÜbBest. BV; Art. 355 Abs. 2 StGB; Art. 4 des Konkordats über die Rechtshilfe und die interkantonale Zusammenarbeit in Strafsachen vom 5. November 1992 (SR 351.71).
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Sachverhalt
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BGE 122 I 85 (86):
Les 16 mai et 23 juin 1995, se fondant sur le concordat sur l'entraide judiciaire et la coopération intercantonale en matière pénale, le Juge d'instruction genevois a rendu deux ordonnances de perquisition et de saisie au sens des art. 178 ss CPP/GE, tendant à la remise par des établissement bancaires zurichois de documents et de renseignements relatifs à des opérations effectuées sur les comptes dont D. est le titulaire.
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Le 6 décembre 1995, la Chambre d'accusation du canton de Genève a rejeté les recours formés par D. contre les ordonnances des 16 mai et 23 juin 1995.
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Agissant par la voie du recours de droit public au sens l'art. 84 al. 1 let. a, b, c et d OJ, D. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du 6 décembre 1995 et de renvoyer la cause à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants. Il invoque l'art. 4 Cst., ainsi que la liberté personnelle et l'art. 8 CEDH.
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Le Tribunal fédéral rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
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Extrait des considérants:
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3. Selon le recourant, le Juge d'instruction aurait indûment appliqué les normes de la procédure pénale genevoise, en lieu et place du droit zurichois. A son avis, l'art. 4 du concordat invoqué par les autorités cantonales heurterait l'art. 355 al. 2 CP dont il se prévaut. En disant cela, le recourant invoque - de manière implicite - la primauté du droit fédéral sur le droit concordataire; ce grief de violation de l'art. 2 Disp. trans. Cst. soulevé à titre préjudiciel contre un concordat est recevable dans le cadre du recours de droit public pour la violation des droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ (arrêt non publié P. du 2 mai 1990, cf. ATF 120 Ia 113; JEAN-FRANÇOIS AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, Neuchâtel, 1967/1982, no 892 et 1657; WALTER KÄLIN, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd., Berne, 1994, p. 111, ANDREAS AUER, La juridiction constitutionnelle en Suisse, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1983, no 311, ROBERT ZIMMERMANN, Le contrôle préjudiciel en droit fédéral et dans les cantons suisses, thèse Genève 1987, p. 129-132). Le recourant, visé directement par les mesures de contrainte ordonnées par le Juge d'instruction en application du droit genevois, a qualité pour soulever ce grief au sens de l'art. 88 OJ.
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a) Les cantons ont le droit de conclure entre eux des conventions sur des objets de législation, d'administration ou de justice; la Confédération BGE 122 I 85 (87):
peut en empêcher l'exécution "si ces conventions renferment quelque chose de contraire à la Confédération ou aux droits des autres cantons" (art. 7 al. 2 Cst.).
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b) Selon l'art. 64bis Cst., la Confédération a le droit de légiférer en matière de droit pénal (al. 1); l'organisation judiciaire, la procédure et l'administration de la justice demeurent toutefois du domaine des cantons (al. 2), y compris pour ce qui touche à la délimitation de la compétence des autorités de poursuite pénale à raison du lieu. Le domaine réservé aux cantons selon l'art. 64bis al. 2 Cst. est cependant limité par le principe selon lequel la Confédération est habilitée à édicter les dispositions de procédure indispensables à une application correcte du droit pénal (ATF 103 IV 64), que les cantons ne sauraient contrecarrer (ATF 119 IV 277 consid. 1a p. 278, 113 Ia 309 consid. 3b p. 312; pour la disposition analogue de l'art. 64 al. 3 Cst., cf. ATF 118 II 479 consid. 2d p. 482/483).
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aa) Selon l'art. 352 CP, la Confédération et les cantons, ainsi que les cantons entre eux, sont tenus de se prêter assistance dans toute cause relative à l'application du droit fédéral. A teneur de l'art. 355 CP aucune autorité de poursuite, ni aucun tribunal, n'est en droit d'accomplir un acte de procédure sur le territoire d'un autre canton sans le consentement de l'autorité cantonale compétente (al. 1); la procédure applicable est celle du canton dans lequel l'acte est fait (al. 2). Selon ce principe de la territorialité exprimé par la maxime "locus regit actum", le droit du canton requis détermine la recevabilité et la forme des mesures d'entraide, ainsi que les voies de recours (ATF 120 Ia 113, ATF 117 Ia 5, ATF 87 IV 138, ATF 71 IV 170). Dans ce domaine précis, l'application du droit de procédure du canton requis ne doit toutefois pas entraver la mise en oeuvre des art. 352 ss CP (ATF 118 Ia 336 consid. 1b p. 338/339).
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bb) Le 4 janvier 1993, le Département fédéral de justice et police a approuvé le concordat du 5 novembre 1992, qui est entré en vigueur le 2 novembre 1993 pour le canton de Genève (RO 1993 p. 2880) et le 30 décembre 1994 pour le canton de Zurich (RO 1994 p. 3156). Selon l'art. 4 du concordat, lu en relation avec l'art. 3 du même texte, l'autorité judiciaire saisie d'une affaire pénale peut, en appliquant la procédure de son propre canton, accomplir un acte de procédure directement dans un autre canton. Le recourant estime que l'art. 4 du concordat déroge au principe de territorialité ancré à l'art. 355 al. 2 CP; il y voit une violation de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.).
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BGE 122 I 85 (88):
cc) Ce grief ne saurait être accueilli. Les art. 352 ss CP contiennent des prescriptions minimales en matière de procédure, afin de faciliter l'application du droit pénal matériel sur l'ensemble du territoire de la Confédération. Ces normes ont remplacé les anciennes conventions conclues entre les cantons depuis les débuts de l'ancienne Confédération (pour un exposé historique, cf. RUDOLF TRÜB, Die interkantonale Rechtshilfe im schweizerischen Strafrecht, thèse Zurich, 1950, p. 33-43 et JEAN GRAVEN, L'assistance intercantonale dans le domaine de la répression pénale en Suisse, Revue de droit pénal et de criminologie 2/1948, p. 686 ss). En adoptant l'art. 355 al. 2 CP, le législateur a voulu prévenir les conflits pouvant surgir entre des normes cantonales divergentes quant au droit applicable en matière d'entraide intercantonale. Si le législateur a opté pour l'application du droit du canton requis, il aurait tout aussi bien pu trancher en faveur du droit du canton requérant: c'est ce qu'exprime les prises de position des Conseillers nationaux Seiler et Logoz, rapporteurs de la commission du Conseil national, lors de la séance du 4 mars 1930 (BOCN 1930, p. 71, p. 74).
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Si les cantons ne sauraient réduire la portée des art. 352 ss CP en refusant l'entraide intercantonale dans les cas prévus par le Code pénal, ils demeurent cependant libres d'établir, dans les domaines relevant de leur domaine de compétence - telle la procédure pénale (art. 64bis al. 2 Cst.) - des prescriptions plus favorables à l'application uniforme du droit fédéral. Plus particulièrement, l'art. 355 al. 1, 1ère phrase in fine CP, qui réserve le consentement du canton sur le territoire duquel un acte de procédure doit être accompli, autorise évidemment les cantons à élargir et généraliser la mesure de ce consentement, en s'accordant à l'avance, selon des modalités définies entre eux, le droit d'ordonner et d'effectuer des actes de procédure directement dans un autre canton. Tel est précisément le but des art. 3 ss du concordat, qui, comme le rappelle son art. 1er, n'a pas seulement pour objet de faciliter l'entraide judiciaire en matière pénale selon la procédure traditionnelle (art. 15 ss du concordat, notamment 16), mais aussi de lutter efficacement contre la criminalité en favorisant la coopération intercantonale et en donnant aux autorités judiciaires la compétence d'accomplir des actes de procédure dans un autre canton. L'avantage que présente le concordat à cet égard est double: d'une part, il permet de surmonter les inconvénients liés à une application stricte du principe de la territorialité (art. 355 al. 2 CP); d'autre part, il dispense les autorités de poursuite de devoir appliquer simultanément plusieurs lois à la même procédure, situation qui présente aussi de sérieux BGE 122 I 85 (89):
inconvénients pour les justiciables. Dans le contexte moderne de la lutte contre la criminalité, notamment en matière économique, où il s'agit de démanteler des réseaux aux ramifications internationales utilisant de manière optimale les nouveaux moyens de communication et de transferts de fonds, il se justifie d'atténuer la portée du principe "locus regit actum", afin d'assurer, comme en l'espèce, l'application correcte du droit pénal matériel. De ce point de vue, et eu égard à la sphère de compétence réservée aux cantons selon l'art. 64bis al. 2 Cst., rien n'empêche en effet ceux-ci de déroger, par la voie concordataire, aux règles minimales prescrites par les art. 352 ss CP, en prévoyant désormais qu'une autorité judiciaire saisie d'une affaire pénale peut, en appliquant son propre droit de procédure, ordonner et effectuer des actes de procédure dans un autre canton. En ce sens, l'art. 4 du concordat facilite grandement l'exécution de ces mesures d'instruction, en assurant que l'ensemble de la procédure pénale est régie par une seule loi, à savoir celle du canton requérant. Cette unité de la procédure mettra un terme aux situations complexes résultant autrefois de l'application parallèle de plusieurs codes de procédure cantonaux à une même enquête. Ainsi, loin de l'entraver, l'art. 4 du concordat facilite l'application cohérente du droit pénal de la Confédération (cf. GÉRARD PIQUEREZ, Le concordat sur l'entraide judiciaire et la coopération intercantonale en matière pénale, RFJ 1994, p. 1 ss, 6-15; du même auteur, Le fédéralisme: un obstacle à lutte contre la criminalité? in: Problèmes actuels de la lutte contre la criminalité, Mélanges en l'honneur du cinquantenaire de la Société suisse de droit pénal, Berne, 1992, p. 57 ss, 63-66; cf. aussi TRÜB, op.cit. p. 48). On ne saurait donc considérer, avec le recourant, que l'art. 4 du concordat viole l'art. 355 al. 2 CP et, partant, la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.). Eu égard au but de l'art. 355 al. 2 CP, les cantons étaient libres de faire usage, dans leur domaine de compétence (art. 64bis al. 2 Cst.), de la possibilité offerte par la Constitution (art. 7 al. 2 Cst.), d'aller plus loin que les règles minimales édictées par le législateur en contribuant ainsi à simplifier et à renforcer la lutte contre la criminalité transfrontalière, qui requiert de plus en plus fréquemment des investigations sur le territoire de plusieurs cantons (cf. PIQUEREZ, op.cit., p. 7-12).
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Le grief de violation de la force dérogatoire du droit fédéral est ainsi mal fondé.
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