BGE 88 I 137
 
22. Arrêt du 10 octobre 1962 dans la cause X. SA contre Y. et la Commission neuchâteloise de recours pour les mesures contre la pénurie de logements.
 
Regeste
Art. 4 BV. Willkür.
Darf ohne Willkür angenommen werden, die Kündigung sei nur dann im Sinne von Art. 35 lit. c VMK gerechtfertigt, wenn ein eigentlicher beruflicher Notstand vorliege? Frage offen gelassen (Erw. 2).
Die kantonale Behörde handelt nicht willkürlich, wenn sie eine nur mit einem allgemeinen Bedürfnis nach Arbeiterwohnungen begründete Kündigung als nicht gerechtfertigt betrachtet (Erw. 3).
 
Sachverhalt


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A.- La société anonyme X. (ci-après: la société) exploite, à Neuchâtel, une entreprise de constructions et travaux publics. Elle a acquis, le 8 août 1961, un immeuble bâti sis en dite ville. Le 18 octobre 1961, son mandataire a résilié pour le 24 juin 1962 les baux de huit locataires sur neuf, dont celui de l'intimé Y. La lettre de résiliation précise que la société a acheté l'immeuble pour y loger son personnel.
L'intimé, se fondant sur l'art. 34 de l'ordonnance du Conseil fédéral concernant les loyers et la limitation du droit de résiliation, du 11 avril 1961 (OCL), demanda que le congé fût déclaré nul. Statuant en sa qualité d'autorité compétente selon l'art. 41 OCL, le Conseil communal de la Ville de Neuchâtel déclara la résiliation justifiée, sur la base de l'art. 35 litt. c OCL.
Admettant le recours de l'intimé, la Commission cantonale de recours pour les mesures contre la pénurie de logements (en abrégé: CCR) déclara le congé injustifié. Elle considère que l'art. 35 litt. c OCL apporte une exception au principe de la protection du locataire, énoncé à l'art. 34 OCL, et doit être interprété restrictivement. Aux yeux de la CCR, cette disposition "postule un état de nécessité professionnelle où les intérêts de l'employé et de l'employeur propriétaire sont communs, par exemple, patron boulanger, maître-boucher, etc.". Or le besoin invoqué par la société est généralisé. Dès lors, il ne saurait être admis sans compromettre la protection que l'OCL accorde au locataire.
B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la société requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la CCR. Elle tient pour arbitraire le refus d'admettre que la cause de résiliation prévue à l'art. 35 litt. c OCL est réalisée, "sous prétexte que cette cause postulerait un état de nécessité professionnelle où les intérêts de l'employé et de l'employeur propriétaire sont communs".
C.- Dans ses observations, la CCR précise son interprétation de l'art. 35 litt. c OCL. Les situations visées

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par ce texte sont énumérées limitativement. Cela implique un examen de cas en cas. L'autorité compétente ne saurait donner un blanc-seing au propriétaire, comme le voudrait la recourante. Celle-ci n'a parlé que de ses ouvriers, d'une manière tout à fait générale. Elle n'a cité aucun cas concret. Adopter son point de vue, ce serait consentir à ce que la loi soit éludée.
D.- L'intimé conclut au rejet du recours. Il prétend qu'en achetant l'immeuble, la société a fait une opération spéculative; il lui reproche aussi d'avoir agi dans le but de continuer l'expansion de son entreprise, contrairement aux recommandations de l'autorité fédérale et aux instructions de l'autorité cantonale.
 
Considérant en droit:
2. Appelé à se prononcer, d'un point de vue ainsi limité, sur des décisions cantonales concernant l'application de prescriptions antérieures ayant la même teneur que l'art. 35 litt. c OCL (art. 32 litt. b de l'OCL du 28 décembre 1956; art. 31 litt. b de l'OCL du 30 décembre 1953), le Tribunal fédéral a jugé naguère soutenable de n'admettre le besoin pour un employé du propriétaire qu'en présence d'une nécessité propre à l'économie de l'entreprise ("eine betriebswirtschaftliche Notwendigkeit"). Puis il a prononcé qu'il n'était pas arbitraire de se contenter d'un simple intérêt touchant la marche de l'entreprise ("ein

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betriebsbedingtes Interesse") (arrêt non publié du 18 janvier 1956 en la cause Ziegler c. Rodel, Grob et Direction de la justice du canton de Zurich). Au regard de cette jurisprudence, il est douteux que l'exigence d'un véritable état de nécessité professionnelle, posée par la CCR, échappe au grief d'arbitraire. La question peut toutefois rester indécise. En effet, la décision attaquée est soutenable par un autre motif.
3. La CCR tient pour injustifié le congé donné en alléguant un besoin généralisé. Elle estime que le propriétaire doit préciser quel employé il entend loger, afin que l'autorité puisse examiner chaque cas particulier en pleine connaissance de cause. Son argumentation trouve un appui dans le texte légal. Il incombe au propriétaire, en effet, de prouver le besoin qu'il invoque. Dans l'appréciation de cette preuve, l'autorité ne tombe pas dans l'arbitraire en examinant si le besoin est actuel, au moment de la résiliation du bail. La recourante n'a fourni à cet égard que des explications imprécises à l'autorité communale, dans les termes suivants: "... pour assurer la marche de notre entreprise, il est indispensable que nous puissions offrir des logements à notre personnel, sinon nous courrions le risque qu'une partie de nos employés nous quittent". L'admission d'un motif de résiliation aussi général créerait un précédent fâcheux. Tout entrepreneur ayant acheté une maison serait alors en mesure d'en libérer les appartements, sous prétexte de loger son personnel. De la sorte, les prescriptions limitant le droit de résiliation seraient éludées. Les locataires seraient privés de la protection que le législateur a voulu leur donner. L'argumentation de la CCR, qui tend à éviter de tels abus, repose sur des motifs objectifs et sérieux. Partant, elle n'est pas arbitraire.
4. Il est vrai que la preuve d'un besoin concret sera parfois difficile à rapporter, lorsqu'il s'agit d'offrir un logement à des travailleurs étrangers qui ne sont pas encore arrivés en Suisse. Mais cet inconvénient n'est pas insurmontable. Rien n'empêche en effet l'employeur,

BGE 88 I 137 (141):

propriétaire d'un bâtiment, d'indiquer à l'autorité compétente les noms des travailleurs étrangers qu'il se propose d'engager, la tâche qui leur sera assignée et l'intérêt que présente, pour la marche de l'entreprise, leur logement dans tel appartement déterminé. Ainsi renseignée, l'autorité sera à même d'examiner, dans chaque cas particulier, si le congé est justifié au regard de l'art. 35 litt. c OCL.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Rejette le recours.