BGE 109 Ib 158
 
26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 4 mai 1983 dans la cause Sociétés X. et Y. contre Office fédéral de la police (recours de droit administratif)
 
Regeste
Staatsvertrag mit den Vereinigten Staaten von Amerika über gegenseitige Rechtshilfe in Strafsachen (Art. 1 Abs. 1 lit. a und Abs. 2; Art. 29 Abs. 1 lit. a).
2. Das Bundesgericht hat die strafrechtliche Qualifikation nach amerikanischem Recht nicht einer vertieften Prüfung zu unterziehen. Der ersuchte Staat weicht von den vom ersuchenden Staat umschriebenen Tatsachen nur ab im Falle von offensichtlichen und ohne weiteres feststellbaren Irrtümern, Lücken oder Widersprüchen, die hier nicht vorliegen (Erw. 3).
 
Sachverhalt


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Le 28 janvier 1981, l'Office fédéral de la police a reçu du Département de la justice des Etats-Unis une demande d'entraide judiciaire fondée sur le Traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale, du 25 mai 1973 (ci-après: le traité). Cette demande a trait à une enquête menée par les autorités américaines au sujet des activités de la société X., qui a son siège principal à Hong Kong, mais possède une succursale à Las Vegas et une autre en Suisse. S'occupant du commerce des métaux précieux, cette société à entrepris aux Etats-Unis une opération publicitaire pour la vente d'or et d'argent. A cet effet, elle a distribué de nombreux prospectus, dont le texte laissait entendre qu'ils avaient été transmis, via satellite, par un bureau de la société situé en Suisse. Pour passer leurs commandes, les clients devaient composer un numéro de téléphone qui était censé les mettre en communication avec un ordinateur du centre de commerce de la société en Europe. En fait, les appels à ce numéro aboutissaient à un répondeur automatique se trouvant à Las Vegas. Plusieurs personnes se sont plaintes auprès des autorités américaines de n'avoir pas reçu le métal précieux qu'elles avaient commandé et payé. Des livraisons ont certes été faites après coup, mais il y avait de sérieuses raisons de soupçonner les responsables de la société X. de s'approprier les

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fonds remis, d'user d'expédients et de ne parvenir à désintéresser les plaignants qu'au moyen des paiements anticipés de nouveaux clients, eux-mêmes trompés de cette manière.
La demande d'entraide précisait que les faits ainsi décrits tombaient sous le coup de la section 1341 du Titre 18 de l'"United States Code" (mail fraud).
Par décision du 9 novembre 1981, l'Office fédéral de la police a rejeté l'opposition faite à la demande d'entraide par la société X., mais il a refusé en l'état, en vertu du principe de la proportionnalité, de remettre au Département de la justice des Etats-Unis tous les documents demandés. Il a précisé à cet égard que les autorités américaines seraient informées lors de la transmission des pièces pour lesquelles l'entraide était accordée que si elles entendaient obtenir des documents complémentaires, elles devaient lui adresser une nouvelle requête motivée.
Le 5 août 1982, le Département de la justice des Etats-Unis a saisi l'Office fédéral de la police d'une nouvelle demande d'entraide, en la désignant comme complément de la requête initiale (du 28 janvier 1981). Sur opposition de l'intéressée, l'Office fédéral a rendu, le 9 novembre 1982, la décision prévue à l'art. 16 al. 5 de la loi fédérale du 3 octobre 1975 relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 351.93, ci-après: LEEU).
En cours de procédure, il est apparu que, ou bien la société X. avait adopté en Suisse la raison sociale Y. ou bien que Y., société séparée et fondée en Suisse, avait repris des droits et obligations auparavant assumés par la société X.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, les sociétés X. et Y. ont demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision de l'Office fédéral de la police du 9 novembre 1982. Dans leurs conclusions, elles précisaient qu'aucune suite ne devait être donnée à la requête d'entraide tant que ne seraient pas fournis des indices plus concluants de la commission d'une infraction et tant que ne serait pas indiquée la disposition légale américaine prétendument violée.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
Extrait des considérants:
2. En plusieurs points de leur mémoire, les recourantes invoquent le caractère incomplet et imprécis de la demande

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d'entraide du 5 août 1982, soit quant aux faits, soit quant à l'indication de l'infraction pénale qui aurait été commise selon le droit des Etats-Unis. Il y a là une référence implicite à l'art. 29 al. 1 lettres a et b du traité.
a) Il faut constater tout d'abord que les sociétés X. et Y. n'ont pas intenté le recours administratif prévu à l'art. 18 al. 2 lettre d LEEU. Logiquement, on devrait donc considérer qu'elles se sont du même coup privées de la faculté de contester l'admissibilité du procédé consistant à ce qu'une demande d'entraide fasse référence, pour les faits, à une demande précédente. Il sied toutefois de rappeler que, récemment, le Tribunal fédéral a jugé que le recours au Département fédéral de justice et police de l'art. 18 al. 2 lettre d LEEU doit être restreint rigoureusement aux cas où la contestation ne porte réellement que sur de pures questions techniques; en revanche, l'examen d'une demande sous l'angle de la description suffisante de faits réunissant les éléments constitutifs d'actes punissables, au sens des art. 1er al. 2 et 29 al. 1 lettre a du traité, ne souffre pratiquement pas d'être séparé de l'appréciation matérielle des mérites de la demande, à laquelle doit procéder le Tribunal fédéral dans le cadre de l'art. 17 al. 1 LEEU (arrêt non publié J.S. c. Office fédéral de la police du 12 mai 1982, consid. 1b; voir également SCHMID/FREI/WYSS/SCHOUWEY, L'entraide judiciaire internationale en matière pénale, RDS 100 (1981) II p. 298/299 et LIONEL FREI, Drei Jahre Rechtshilfevertrag mit den USA, RPS 98 (1981) p. 103/104). En d'autres termes, si l'état de fait présenté dans la demande est tel que des éléments constitutifs d'un acte punissable dans l'Etat requérant (art. 1er al. 2 du traité) ou des conditions objectives d'une infraction punissable dans l'Etat requis (art. 4 al. 2 lettre a du traité) ne sont même pas allégués au sens de l'art. 29 al. 1 lettre a in fine du traité, le Tribunal fédéral, saisi du recours de droit administratif d'un opposant et ainsi appelé à connaître des griefs prévus à l'art. 16 al. 2 LEEU, ne pourra qu'accueillir ce recours; en quoi il aura statué sur le fond de la demande d'entraide, et non sur sa forme (cf. arrêt X. c. Office fédéral de la police du 26 janvier 1983, consid. 2a non publié).
b) Selon l'art. 7 al. 1 LEEU, toute procédure devant l'Office fédéral de la police est régie par la loi fédérale sur la procédure administrative (PA). En principe, aucune disposition de cette loi n'empêche de motiver une demande par référence à une requête antérieure. De surcroît, les dispositions de la procédure administrative fédérale doivent s'appliquer de manière à ne pas

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contredire les obligations résultant du traité, ni à compromettre le but de l'entraide (art. 7 al. 3 LEEU). Or tout formalisme rigoureux concernant les demandes d'une autorité étrangère aboutirait à de tels résultats.
Mais il importe avant tout d'observer que lorsqu'on se trouve en présence de causes compliquées, par exemple dans le domaine de la criminalité des affaires, ce n'est souvent qu'après l'exécution des mesures d'entraide judiciaire que l'autorité requérante disposera d'éléments suffisant à transformer en certitudes ce qui, au début, n'était que simples soupçons (SCHMID/FREI/WYSS/SCHOUWEY, op.cit., p. 270). Or une meilleure connaissance des faits révélés par l'instruction peut aussi amener l'autorité de poursuite à modifier ou à compléter la qualification juridique des agissements imputés à celui qui fait l'objet de la mesure d'entraide judiciaire internationale (ATF 107 Ib 260, 106 Ib 264/265). Certes, il se peut - comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans le dernier arrêt cité (p. 265 consid. b aa) - que le contenu d'une requête précédente, à laquelle on se borne à se référer, ne soit plus le reflet exact et fidèle de la situation litigieuse, telle qu'elle se présente au stade actuel de l'enquête. La question se pose, dans ce cas, de savoir dans quelle mesure il est encore possible de compléter la nouvelle requête par simple référence à l'ancienne. En l'espèce, une telle hypothèse n'apparaît nullement réalisée, car la situation - sous réserve de quelques précisions et compléments inévitables dans ce genre de procédure - est demeurée fondamentalement la même. La demande initiale de janvier 1981, à laquelle renvoyait clairement la requête complémentaire du 5 août 1982, contient sans aucun doute la description suffisante des principaux faits à établir, ainsi que la désignation de l'objet et de la nature de l'enquête au sens de l'art. 29 al. 1 lettre a du traité.
Il résulte de ce qui précède que, pour déterminer si les conditions du traité propres à justifier l'accueil de la demande d'entraide sont réalisées, c'est l'ensemble des faits invoqués jusqu'ici par l'autorité compétente de l'Etat requérant au sujet des activités de la société X. qu'il y a lieu de prendre en considération, sans distinction entre ceux qui furent mentionnés dans la première ou la seconde requête.


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L'al. 2 du même article précise qu'il faut considérer comme infraction tout acte dont on peut raisonnablement présumer dans cet Etat (requérant) qu'il a été commis et qu'il réunit les éléments constitutifs d'un acte punissable. Les termes mêmes de cette disposition, notamment lorsqu'ils évoquent une simple présomption quant aux faits et la possibilité de leur punissabilité, démontrent déjà qu'il ne s'agit nullement d'exiger, pour l'entraide, une preuve complète ainsi que la démonstration totale de la punissabilité.
a) En l'espèce, les recourantes ne contestent pas qu'il y ait dans l'Etat requérant une enquête au sens de l'art. 1er al. 1 lettre a du traité; à juste titre, si l'on s'en tient au seul texte de cette disposition, et bien que l'instruction aux Etats-Unis n'en soit pas encore au stade judiciaire proprement dit (cf. ATF 109 Ib 50 /51 consid. 3a).
b) Elles nient, en revanche, qu'il puisse ressortir de la demande d'entraide que cette enquête concerne réellement une infraction dont la répression tombe sous la juridiction de l'Etat requérant, voire même que les actes incriminés réunissent les éléments constitutifs d'un acte punissable aux Etats-Unis.
Cette contestation des recourantes se rapporte essentiellement au fait que la demande d'entraide du 5 août 1982 ne faisait pas mention de l'infraction ou de l'acte punissable dont il est question à l'art. 1er al. 1 lettre a et al. 2 du traité. Mais, ainsi que cela résulte du consid. 2 ci-dessus, cette argumentation doit être écartée, car la référence faite par la seconde demande - objet du présent recours - au contenu de la première requête était admissible. Or, dans cette demande initiale, l'infraction avait été qualifiée de "mail fraud" au sens de la section 1341 du Titre 18 de l'"United States Code", soit d'escroquerie par voie postale et par moyens de télécommunication. Cette question de la qualification pénale selon le droit américain, le Tribunal fédéral n'a évidemment pas à l'examiner de manière approfondie. D'abord parce que le principe de la double incrimination ne ressort pas de l'art. 1er du traité et ne constitue donc pas une condition générale d'admissibilité de la demande d'entraide: la qualification juridique des faits et l'indication des dispositions pénales applicables dans l'Etat requérant ont simplement pour but d'aider l'Etat requis à qualifier les faits selon son propre droit (cf. SCHMID/FREI/WYSS/SCHOUWEY, op.cit., p. 317; MARKEES, Aktuelle Fragen aus dem Gebiete der internationalen Rechtshilfe, RPS 1973, p. 256). Ensuite et surtout

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parce que seul le juge américain statuant sur le fond pourra exécuter avec pertinence un tel examen (cf. LIONEL FREI, op.cit., p. 105; cf. également ATF 103 Ia 629 consid. 4). A cet égard, l'argument selon lequel le Département américain de la justice aurait dû rendre davantage vraisemblable l'existence d'une infraction, apparaît d'emblée dénué de pertinence.
Enfin, il ne faut pas oublier que d'après la jurisprudence, l'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits invoqués et ne peut que déterminer s'ils constituent une infraction, tels qu'ils sont présentés dans la demande. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 107 Ib 254 consid. 2b aa, 267 consid. 3a; ATF 105 Ib 425 consid. 4b). En l'espèce, les recourantes invoquent l'existence d'une contradiction qui consisterait, selon elles, à ce que l'autorité requérante fasse état de salaires élevés payés aux employés des sociétés X. et Y. et simultanément demande à titre d'entraide judiciaire les documents propres à établir l'ampleur de ces salaires. Comme l'a relevé avec raison l'Office fédéral de la police, cet argument néglige que, précisément parce que l'on se trouve encore aux Etats-Unis au stade de l'enquête préparatoire, la demande d'entraide ne peut faire état que de soupçons, et que c'est le but même de cette demande d'obtenir les documents qui confirmeront ou infirmeront le bien-fondé de ces soupçons. Les recourantes font valoir également qu'elles ont satisfait à toutes les commandes d'or ou d'argent reçues, ce qui devrait permettre de lever les soupçons pesant sur leurs organes ou employés. Mais il s'agit là d'une simple allégation; le moyen invoqué ne suffit donc pas à éliminer le poids qui doit être accordé à l'exposé des faits présenté par l'autorité requérante. En outre, l'exception à la règle selon laquelle l'Etat requis est lié par cet exposé n'est admise qu'en cas d'erreur ou inexactitude à la fois évidente et immédiatement établie. Dans le cas particulier, les recourantes avaient dû accepter, après la première demande d'entraide, que l'Etat requérant reçoive la liste des clients auteurs de commandes de métaux précieux et de paiements anticipés; dès lors, si elles entendaient faire échec à l'allégation de clients ayant subi des pertes, elles devaient produire, séance tenante ou à bref délai, à l'autorité cantonale se présentant pour exécuter la seconde demande d'entraide, les récépissés d'envois d'espèces ou de marchandises correspondant à cette liste

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et attestant du remboursement des clients ou de la livraison des commandes passées. Cela n'ayant pas été fait, en l'état des actes du dossier, l'argument selon lequel toutes les commandes de métaux précieux ont finalement été exécutées serait dépourvu de poids même si, en droit, l'exécution retardée pouvait avoir un effet exculpatoire selon la législation de l'Etat requérant, ce qui paraît d'ailleurs douteux au premier abord.