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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_906/2018
Arrêt du 14 décembre 2018
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Denys, Président,
Oberholzer et Rüedi.
Greffier : M. Graa.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Nelly Iglesias, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Détournement de l'impôt à la source (art. 27 LISP/GE et art. 187 LIFD),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 17 juillet 2018 (AARP/221/2018 P/21644/2016).
Faits :
A.
Par jugement du 22 janvier 2018, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a libéré X.________ du chef de prévention de détournement de l'impôt à la source.
B.
Par arrêt du 17 juillet 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise, statuant sur l'appel du ministère public et sur les appels joints formés par X.________ et par l'Administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que le prénommé est condamné, pour détournement de l'impôt à la source au sens des art. 27 de la loi genevoise sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales (LISP/GE; RS/GE D 3 20) et 187 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant trois ans.
La cour cantonale a retenu les faits suivants.
B.a. Dans le courant de l'année 2014, A.________ SA, en proie à d'importants problèmes financiers, n'a pas été en mesure de s'acquitter auprès de l'AFC des sommes dues au titre de l'impôt à la source.
Le 12 septembre 2014, X.________, en sa qualité d'administrateur unique de A.________ SA depuis le 17 avril 1991, a déposé un avis de surendettement au sens de l'art. 725 al. 2 CO devant le tribunal compétent.
Le 16 octobre 2015, l'AFC a envoyé au prénommé ainsi qu'à B.________, directrice de A.________ SA, deux courriers comminatoires les sommant de payer, au plus tard le 16 novembre 2015, le solde dû pour l'impôt à la source - impôts communaux, cantonaux et impôt fédéral direct - s'élevant notamment à 158'344 fr. 30 pour l'année 2014.
Le 30 novembre 2015, l'AFC a accordé à A.________ SA un arrangement de paiement. Celui-ci devait intervenir en six versements, à régler le 30 de chaque mois, la première fois le 30 décembre 2015 et la dernière au plus tard le 31 mai 2016, tout retard ou diminution des acomptes devant entraîner une dénonciation pénale.
B.b. Par jugement du 17 décembre 2015, A.________ SA a été déclarée en faillite. Il ressortait notamment de ce jugement que le paiement des salaires était à jour à la fin 2014 et que, le 17 décembre 2014, C.________ avait effectué un apport en espèces de 200'000 francs.
Le 15 novembre 2016, l'AFC a déposé plainte contre X.________ et B.________, A.________ SA - désormais en faillite - ayant omis de lui verser les soldes d'impôt à la source retenu, soit notamment un montant de 131'099 fr. 20 pour l'exercice 2014.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 juillet 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté, qu'un montant de 20'273 fr. lui est alloué pour ses dépens devant les instances cantonales et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
D.
Invités à se déterminer, la cour cantonale a renoncé à présenter des observations, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé les art. 187 LIFD et 27 LISP/GE.
L'art. 27 LISP/GE sanctionne une infraction de droit cantonal, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application que sous l'angle de l'arbitraire (cf. arrêt 6B_622/2018 du 14 août 2018 consid. 1 et les références citées). Cette disposition répond cependant aux mêmes principes que ceux de l'art. 187 LIFD, dont l'application peut être revue avec un plein pouvoir d'examen (cf. art. 95 al. 1 LTF).
1.1.
1.1.1. Aux termes de l'art. 18 al. 1 LISP/GE, le débiteur de la prestation imposable a notamment l'obligation de retenir l'impôt dû à l'échéance des prestations en espèces et de prélever auprès du contribuable l'impôt dû sur les autres prestations (let. a), de verser périodiquement les impôts à l'autorité fiscale compétente, d'établir à son intention les relevés y relatifs et de lui permettre de consulter tous les documents utiles au contrôle de la perception de l'impôt (let. c). Le débiteur de la prestation imposable est responsable du paiement de l'impôt à la source (art. 18 al. 3 LISP/GE). Selon l'art. 27 LISP/GE, celui qui, tenu de percevoir l'impôt à la source, détourne à son profit ou à celui d'un tiers les montants perçus sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Selon l'art. 7 al. 1 1re phrase du règlement d'application de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales (RISP/ GE; RS/GE D 3 20.01), l'impôt est échu au moment du paiement, du virement, de l'inscription au crédit ou de l'imputation de la prestation imposable. Il doit être versé au département des finances et des ressources humaines, mensuellement, dans les dix jours qui suivent l'échéance de la prestation imposable, avec un décompte de paiement. Il ressort des directives concernant l'imposition à la source de la République et canton de Genève (disponibles sur Internet à l'adresse https://www.ge.ch/document/directives-concernant-imposition-source-2018) que l'impôt à la source vient à échéance avec le paiement de la prestation imposable, par exemple le paiement d'un salaire. Le débiteur de la prestation imposable doit, dans les dix jours après l'échéance, verser l'impôt à la source retenu au moyen d'un bulletin de versement référencé reçu de l'AFC. Le solde éventuel à payer en fin d'année doit être versé au plus tard au 31 janvier de l'année qui suit celle pour laquelle l'impôt est dû (p. 43).
1.1.2. Aux termes de l'art. 88 al. 1 LIFD, le débiteur de la prestation imposable a notamment l'obligation de retenir l'impôt dû à l'échéance des prestations en espèces (let. a), de verser périodiquement les impôts à l'autorité fiscale compétente, d'établir à son intention les relevés y relatifs et de lui permettre de consulter tous les documents utiles au contrôle de la perception de l'impôt (let. c). Le débiteur de la prestation imposable est responsable du paiement de l'impôt à la source (art. 88 al. 3 LIFD). Selon l'art. 187 al. 1 LIFD, celui qui, tenu de percevoir l'impôt à la source, détourne les montants perçus à son profit ou à celui d'un tiers est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Une peine avec sursis peut être assortie d'une amende de 10'000 fr. au plus.
La réalisation de l'infraction à l'art. 187 LIFD suppose notamment que l'employeur ait eu les moyens de s'acquitter du montant des cotisations au moment où il a effectué la retenue (ATF 122 IV 270 consid. 2c p. 274; 117 IV 78 consid. 2d/aa, p. 81) et qu'il ait omis de transférer les cotisations échues à la dernière date possible (ATF 122 IV 270 consid. 2c p. 275; arrêt 6S.269/2005 du 22 septembre 2005 consid. 2), bien qu'il en ait eu la faculté ou parce que son incapacité à le faire résulte d'une violation fautive du devoir de garder à disposition les fonds nécessaires. L'obligation de conserver la substance de ces fonds correspond à un devoir général de diligence de l'entrepreneur, dont la violation est punissable. Il ne s'agit pas de fonds confiés à l'employeur par l'employé, mais de cotisations déduites du salaire par l'employeur, qui est chargé de les gérer, sans toutefois pouvoir en disposer, conformément à une obligation imposée par le droit public d'opérer certaines déductions du salaire et de transférer ces sommes à l'organisme auquel elles sont destinées. C'est la raison pour laquelle l'employeur viole l'obligation qui lui incombe s'il provoque ou tolère volontairement une situation qui le prive des moyens d'effectuer le transfert au dernier moment possible. Il faut entendre par là des actes ou des omissions qui font courir aux montants prélevés des risques déraisonnables ou inhabituels, une gestion propre à porter atteinte à la substance de l'entreprise ou à sa solvabilité, ainsi que tout procédé auquel ne recourrait pas un employeur consciencieux (ATF 122 IV 270 consid. 2c p. 275 s. et les références citées; arrêt 6S.269/2005 précité consid. 2).
1.2. La cour cantonale a exposé que, durant l'année 2014, A.________ SA, en proie à d'importants problèmes financiers, n'avait pas été en mesure de s'acquitter auprès de l'AFC des sommes dues au titre de l'impôt à la source, s'agissant des salaires de divers employés. En décembre 2014, la société avait bénéficié d'un apport de 200'000 fr. de la part de son actionnaire. A la fin de l'année 2014, le paiement des salaires était à jour, malgré une situation financière difficile, notamment due à un important manque de liquidités. Selon la cour cantonale, il n'était pas possible de déterminer, sur la base des pièces figurant au dossier, si A.________ SA avait disposé chaque mois des liquidités suffisantes pour s'acquitter des impôts à la source. Cependant, l'apport en capital de 200'000 fr. en décembre 2014 aurait permis de couvrir l'impôt à la source, à hauteur de 131'099 fr. 20, dû pour l'année 2014.
L'autorité précédente a ajouté que le recourant n'était pas intervenu dans la gestion de A.________ SA, celui-ci n'ayant été informé de la marche des affaires que lors du bouclement des comptes annuels. Le recourant ignorait quels employés étaient soumis à l'impôt à la source ainsi que ce qu'il advenait des retenues effectuées sur leurs salaires. Il avait admis qu'il ignorait quelle utilisation avait été faite des 200'000 fr. injectés dans le capital en décembre 2014. Ainsi, l'intéressé n'avait pris aucune disposition particulière pour s'assurer de l'affectation de cette somme aux dettes d'impôt de la société, bien qu'il eût conscience, à l'époque, de la gravité de la situation, puisqu'il avait déposé un avis de surendettement trois mois auparavant. Pour la cour cantonale, le recourant avait donc gravement violé son obligation de diligence, avait fait prendre d'importants risques à A.________ SA et avait permis à B.________ et C.________ de privilégier certaines dépenses. Ce faisant, il s'était accommodé du non-paiement de l'impôt à la source. Le recourant avait violé fautivement son obligation de garder à disposition les liquidités nécessaires à la bonne marche de l'entreprise et avait, partant, détourné l'impôt.
1.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne peut être suivi. En effet, il convenait de se demander si, au moment du versement des salaires concernés, le débiteur de la prestation imposable disposait des actifs correspondant à la somme perçue à titre d'impôt à la source. S'il ne disposait en réalité pas des ressources nécessaires, il s'agissait d'une retenue purement comptable et aucune somme disponible n'était perçue pour payer ultérieurement l'autorité fiscale compétente. Une telle situation, à défaut d'une véritable perception, excluait une infraction (cf. ATF 122 IV 270 consid. 2c p. 274; 117 IV 78 consid. 2d/aa p. 81; arrêt 6B_1091/2014 du 24 novembre 2015 consid. 7; cf. aussi le Message relatif à la modification de la LAVS, FF 2011 538 s., dans lequel il est expliqué pourquoi les principes jurisprudentiels précités ont affaibli la portée de l'ancien art. 87 LAVS et provoqué sa révision).
Dès lors que la cour cantonale a indiqué qu'il était impossible de déterminer, sur la base des pièces figurant au dossier, si A.________ SA avait disposé chaque mois des liquidités suffisantes pour s'acquitter des impôts à la source, on ignore absolument si - entre janvier et novembre 2014 à tout le moins - cette société avait procédé à une véritable perception ou si celle-ci avait au contraire été purement comptable.
Par ailleurs, l'autorité précédente a retenu que A.________ SA avait bénéficié d'un apport en espèces de 200'000 fr. en décembre 2014 de la part de C.________. L'état de fait de la cour cantonale ne permet pas de comprendre si, au moment du paiement des salaires du mois de décembre 2014 sur lesquels devait être perçu l'impôt à la source, A.________ SA disposait encore des actifs nécessaires à son versement, soit si l'apport du 17 décembre 2014 ou d'autres actifs subsistaient après le paiement desdits salaires ou si la retenue n'aurait été que comptable.
Or, de manière générale, à supposer que A.________ SA n'eût pas perçu d'impôts à la source ni disposé des actifs correspondant durant les périodes en cause, les montants concernés ne pouvaient être détournés au sens de l'art. 187 al. 1 LIFD. On rappellera, à cet égard, que celui qui, tenu de percevoir un impôt à la source, ne le retient pas ou ne retient qu'un montant insuffisant, peut tout au plus se rendre coupable d'une infraction à l'art. 175 al. 1 LIFD.
A supposer que des retenues effectives d'impôts à la source eussent été effectuées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 - période avant et après laquelle la cour cantonale n'a pas considéré qu'une infraction avait pu être commise -, il conviendrait encore de déterminer si A.________ SA avait omis de transférer celles-ci à l'AFC à la dernière date possible (cf. consid. 1.1.2 supra). On ne comprend pas, à la lecture de l'arrêt attaqué, si la cour cantonale a considéré que cette date correspondait au délai évoqué à l'art. 7 al. 1 RISP/GE, au 31 janvier 2015 ou à un autre terme fixé par l'AFC. A cet égard, dès lors que l'AFC a accordé à A.________ SA un arrangement de paiement, il apparaît que la dernière date possible ne correspondait pas à une échéance légale mais à un terme convenu entre ceux-ci, qu'il conviendrait également de déterminer (cf. ATF 122 IV 270 consid. 2c p. 275; arrêt 6S.749/2000 du 22 décembre 2000 consid. 2d), afin de pouvoir se prononcer sur une éventuelle omission de transférer à l'AFC l'impôt à la source perçu, étant rappelé que A.________ SA a été déclarée en faillite avant l'échéance de la première tranche prévue dans l'arrangement du 30 novembre 2015.
Compte tenu de ce qui précède, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause doit être renvoyée à l'autorité cantonale afin que celle-ci complète l'état de fait. Il lui appartiendra ainsi de déterminer, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, si et dans quelle mesure A.________ SA aurait effectivement retenu l'impôt à la source sur les salaires concernés, soit si la société disposait des ressources nécessaires au versement de l'impôt lors du versement des salaires en question. L'autorité cantonale devra ensuite, cas échéant, examiner à nouveau si A.________ SA aurait omis de verser les impôts à la source perçus à la dernière date possible et si le recourant a pu se rendre coupable d'un détournement de l'impôt à la source au sens des art. 187 LIFD et 27 LISP/GE (cf. art. 112 al. 3 LTF).
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens, pour la procédure devant le Tribunal fédéral, qui seront mis à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 14 décembre 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Graa