BGer 4A_285/2018
 
BGer 4A_285/2018 vom 26.11.2018
 
4A_285/2018
 
Arrêt du 26 novembre 2018
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les juges Kiss, présidente, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Thélin.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Hervé Crausaz,
demanderesse et recourante,
contre
Mission permanente du...,
défenderesse et intimée.
Objet
bail à loyer; créance du bailleur
recours contre l'arrêt rendu le 9 avril 2018 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève
(C/2760/2017 ACJC/420/18).
 
Considérant en fait et en droit :
1. Dès le 15 décembre 2015, la Mission permanente du... a pris à bail une villa individuelle avec dépendances sise dans la commune de Bellevue, destinée à la résidence de l'ambassadrice du... auprès des organisations internationales à Genève. Le bail était conclu pour une durée déterminée de deux ans et le loyer était fixé à 168'000 fr. par année, frais accessoires en sus.
2. Le 9 avril 2017, usant de la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC pour la solution rapide des cas clairs, la bailleresse X.________ SA a ouvert action contre la Mission permanente du... devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. La défenderesse devait être condamnée à payer 56'000 fr. à titre d'arriérés de loyers, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 31 décembre 2016. Le tribunal était requis de libérer en faveur de la demanderesse les sûretés que la défenderesse avait constituées lors de la conclusion du contrat.
La défenderesse s'est opposée à la requête. Elle a fait valoir que son adverse partie ne lui avait pas notifié d'avis de fixation du loyer initial conforme aux exigences légales, et que le contrat était donc nul en ce qui concernait le montant du loyer.
La demanderesse a soutenu qu'un avis de fixation du loyer initial ne s'imposait pas parce que le bail portait sur une maison familiale de luxe, soustraite par l'art. 253b al. 2 CO aux règles de protection des locataires contre les loyers abusifs. La défenderesse a contesté que la villa en cause fût une habitation de luxe selon cette disposition.
Le tribunal s'est prononcé le 1er septembre 2017; il a déclaré la requête irrecevable. Selon son jugement, l'avis de fixation du loyer initial ne répondait pas aux exigences de formes prescrites par l'art. 269d al. 2 let. b CO. Elucider si la villa louée était ou n'était pas une habitation de luxe nécessitait une instruction approfondie, de sorte que la situation juridique n'était pas claire aux termes de l'art. 257 al. 1 let. b CPC.
La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 9 avril 2018 sur l'appel de la demanderesse; elle a confirmé le jugement.
3. Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral de condamner la défenderesse à payer trois fois 14'000 fr., soit 42'000 fr., avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er décembre 2016, le 1er janvier 2017 et le 1er février 2017.
Invitée à répondre au recours, la défenderesse n'a pas procédé dans le délai imparti; elle a présenté une demande de restitution de ce délai.
4. Il n'est pas établi que la Mission permanente du... soit un établissement doté de la capacité d'être partie devant les tribunaux civils cantonaux, selon l'art. 66 CPC, et de la capacité d'ester devant le Tribunal fédéral selon l'art. 14 PCF, celui-ci applicable par le renvoi de l'art. 71 LTF. Cette question peut toutefois demeurer indécise car sa solution n'influence pas l'issue du recours. Celui-ci est de toute manière voué au rejet, de sorte qu'il n'est pas non plus nécessaire de statuer sur la demande de restitution de délai présentée par la défenderesse.
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont pour le surplus satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse.
5. La procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC est une alternative aux procédures ordinaire ou simplifiée normalement disponibles, destinée à offrir à la partie demanderesse, dans les cas dits clairs, une voie particulièrement simple et rapide. Selon l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC, cette voie suppose que l'état de fait ne soit pas litigieux ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que la situation juridique soit claire (let. b). Selon l'art. 257 al. 3 CPC, le juge n'entre pas en matière si l'une ou l'autre de ces hypothèses n'est pas vérifiée.
Le cas n'est pas clair, et la procédure sommaire ne peut donc pas aboutir, lorsqu'en fait ou en droit, la partie défenderesse oppose à l'action des objections ou exceptions motivées sur lesquelles le juge n'est pas en mesure de statuer incontinent. L'échec de la procédure sommaire ne suppose pas que la partie défenderesse rende vraisemblable l'inexistence, l'inexigibilité ou l'extinction de la prétention élevée contre elle; il suffit que les moyens de cette partie soient aptes à entraîner le rejet de l'action, qu'ils n'apparaissent pas d'emblée inconsistants et qu'ils ne se prêtent pas à un examen en procédure sommaire. La situation juridique est claire lorsque l'application du droit au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire s'il est nécessaire que le juge exerce un certain pouvoir d'appréciation, voire rende une décision en équité (ATF 141 III 23 consid. 3.2 p. 25; 138 III 123 consid. 2.1.2; 138 III 620 consid. 5).
6. La demanderesse ne met pas en doute que l'avis de fixation du loyer initial qu'elle a notifié à l'autre partie ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 269d al. 2 let. b CO, et que cet avis était donc nul selon cette disposition.
7. L'art. 253b al. 2 CO prévoit que les dispositions sur la protection contre les loyers abusifs (art. 269 ss CO) ne s'appliquent pas aux baux d'appartements et de maisons familiales de luxe comprenant six pièces ou plus (cuisine non comprise). Il s'ensuit que pour un logement de cette catégorie et lors de la conclusion d'un nouveau contrat, le bailleur peut se dispenser de notifier l'avis de fixation du loyer initial sur formule officielle qui est le cas échéant, notamment dans le canton de Genève, prescrit par le droit cantonal sur la base de l'art. 270 al. 2 CO (arrêt 4D_59/2017 du 7 mars 2018, consid. 2.2.1). Le nombre minimum des pièces et le caractère luxueux du logement en cause sont des conditions cumulatives. Le juge apprécie le caractère luxueux ou au contraire ordinaire du logement sur la base d'un examen concret de toutes ses caractéristiques et de l'impression générale qui en résulte; il jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt 4A_257/2015 du 11 janvier 2016, consid. 3.1, SJ 2016 I 409).
Dans ce contexte juridique, il n'est nullement clair que la demanderesse pût se dispenser de notifier valablement un avis de fixation du loyer initial lors de la conclusion du bail relatif à la villa en cause. Les autorités précédentes ont ainsi correctement appliqué l'art. 257 al. 3 CPC en refusant d'entrer en matière sur la requête introduite en procédure sommaire. La demanderesse ne le conteste d'ailleurs pas sérieusement; elle s'égare seulement dans une discussion des caractéristiques de la villa et de sa valeur locative. Ces développements sont dépourvus de pertinence car les autorités précédentes ne se sont précisément pas prononcées sur ces points.
8. Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral. L'adverse partie n'a pas procédé dans le délai imparti et elle n'est de toute manière pas représentée par un mandataire professionnel; il ne lui sera donc pas alloué de dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
3. Il n'est pas alloué de dépens.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 26 novembre 2018
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente : Kiss
Le greffier : Thélin