BGer 1C_614/2018
 
BGer 1C_614/2018 vom 26.11.2018
 
1C_614/2018
 
Arrêt du 26 novembre 2018
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Maîtres Lionel Halpérin et Tali Paschoud, avocats,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Inde,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 8 novembre 2018 (RR.2018.264-266).
 
Faits :
A. Par trois ordonnances de clôture partielle du 14 août 2018, le Ministère public du canton de Genève a décidé de transmettre aux autorités indiennes les documents relatifs à trois comptes bancaires détenus par A.________. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire formée dans le cadre d'une procédure menée par un juge spécial de Bombay contre A.________ pour des faits de corruption en rapport avec l'octroi d'un prêt par une banque à un établissement dont le prévenu était l'un des dirigeants.
B. Par arrêt du 8 novembre 2018, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________. Celui-ci, qui résidait à Londres depuis plusieurs années, ne pouvait se prévaloir de l'art. 2 EIMP; si son extradition était requise par l'Inde, il appartiendrait aux autorités britanniques de se prononcer à ce sujet. La condition de la double incrimination était satisfaite, l'obtention d'un prêt sur la base de faux renseignements (s'agissant de la situation financière de la société emprunteuse) étant susceptible de constituer une escroquerie. L'existence d'une demande d'entraide administrative portant sur les mêmes faits était sans incidence sur l'octroi de l'entraide judiciaire. Même si la demande d'entraide tendait principalement au blocage des fonds, la transmission de renseignements bancaires respectait le principe de la proportionnalité, y compris quant à la période visée.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes, de déclarer irrecevable - ou de rejeter - la demande d'entraide, d'annuler les décisions de clôture, de refuser la transmission de documents et d'en ordonner la restitution. Subsidiairement, il conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pénal fédéral, ce dernier étant invité à suspendre la procédure jusqu'à droit jugé sur la demande d'extradition, et à interpeller l'autorité requérante sur les charges retenues contre le recourant.
Il n'a pas été demandé de réponse.
 
Considérant en droit :
1. Selon l'art. 109 al. 1 LTF, la cour siège à trois juges lorsqu'elle refuse d'entrer en matière sur un recours soumis à l'exigence de l'art. 84 LTF.
1.1. A teneur de cette disposition, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132).
1.2. La présente espèce porte certes sur la transmission de documents bancaires, soit des renseignements touchant le domaine secret. Toutefois, compte tenu des faits à l'origine de la demande (une infraction en soi dépourvue de caractère politique ou fiscal) et de la nature de la transmission envisagée (limitée à la documentation relative à trois comptes bancaires), le cas ne revêt en soi aucune importance particulière.
1.3. Le recourant soutient que la procédure menée en Inde présenterait des vices graves parce que la personne chargée de l'enquête serait elle-même accusée de corruption, et en raison de possibles violations de l'art. 6 CEDH (violation de la présomption d'innocence et du droit d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial). Il estime pouvoir se prévaloir de l'art. 2 EIMP dès lors que, faisant l'objet au Royaume-Uni d'une demande d'extradition, il risquerait d'être livré aux autorités indiennes. L'examen de la demande d'extradition par les autorités britanniques ne dispenserait pas la Suisse de vérifier, conformément aux obligations qui découlent de la CEDH, la recevabilité de la demande d'entraide qui lui est soumise au regard des exigences de l'art. 6 CEDH.
1.3.1. Selon la jurisprudence constante, les personnes physiques ne se trouvant pas sur le territoire de l'Etat requérant n'ont pas qualité pour invoquer des vices affectant la procédure étrangère dès lors qu'elles ne sont pas elles-mêmes exposées à un danger concret et sérieux de traitement dégradant (ATF 130 II 217 consid. 8.2 p. 227 s.; 129 II 268 consid. 6.1 p. 271 et les arrêts cités). Peut ainsi se prévaloir de l'art. 2 EIMP, en matière d'entraide judiciaire, l'accusé qui réside sur le territoire de l'Etat requérant et se trouve ainsi exposé à un danger concret d'avoir à pâtir de la situation qu'il dénonce (ATF 130 II 217 consid. 8.2 p. 227 s). La jurisprudence considère également que lorsque la personne poursuivie réside dans un Etat tiers et fait l'objet d'une demande d'extradition de la part de l'Etat requérant, c'est à l'Etat de résidence qu'il appartient d'examiner la question de la régularité de la procédure pénale. Dans la mesure où il s'agit d'un Etat tenu, tout autant que la Suisse, au respect de la CEDH et du Pacte ONU II et susceptible d'engager sa propre responsabilité, il n'y a pas lieu de douter que la question sera, le cas échéant, examinée conformément aux exigences du droit conventionnel.
1.3.2. Les défauts de la procédure étrangère invoqués par le recourant ne sauraient, dans ces circonstances, constituer un motif d'entrée en matière. Contrairement à ce que soutient le recourant, cette jurisprudence constante ne s'applique pas seulement aux conditions de détention dans l'Etat requérant (cf. arrêt 1C_324/2017 du 14 juin 2017 consid. 1.3), mais à l'ensemble des vices pouvant affecter la procédure pénale (arrêts 1C_637/2017 du 15 décembre 2017 consid. 1.3.2; 1C_548/2016 du 1
1.4. En définitive, le cas ne revêt aucune importance particulière au regard de l'art. 84 LTF, dont il convient de rappeler que le but est de limiter fortement l'accès au Tribunal fédéral dans le domaine de l'entraide judiciaire, en ne permettant de recourir que dans un nombre limité de cas jugés particulièrement importants (ATF 133 IV 125, 129, 131, 132).
2. Le recours est dès lors irrecevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est irrecevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 26 novembre 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Kurz