BGer 1C_494/2016
 
BGer 1C_494/2016 vom 26.11.2018
 
1C_494/2016
 
Arrêt du 26 novembre 2018
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Karlen, Fonjallaz, Eusebio et Chaix.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
Office fédéral du développement territorial, Worblentalstrasse 66, 3063 Ittigen,
recourant,
contre
Commune mixte de Develier, case postale 102, 2802 Develier,
Service du développement territorial de la République et canton du Jura, Section de l'aménagement du territoire, rue des Moulins 2, 2800 Delémont,
Objet
modification du plan d'aménagement local,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
de la République et canton du Jura,
Cour administrative, du 16 septembre 2016
(ADM 129/2015).
 
Faits :
A. Le 8 juin 2015, la commune de Develier a adopté la nouvelle version de son plan d'aménagement local (PAL), le précédent datant de 1992. Selon cette nouvelle planification, six parcelles (n os 1204, 1205, 3116, 3117, 3054 et 3567) situées en périphérie de la zone construite sont désormais affectées, en tout ou partie, en zone d'habitation individuelle, soit 11'869 m² qui se trouvaient en zone agricole, soit en surfaces d'assolement (SDA). Une surface équivalente de zone constructible du précédent plan est déclassée en zone agricole, soit tout ou partie de 18 parcelles situées elles aussi dans divers secteurs périphériques (parcelles 22, 110, 599, 1220, 1221, 1269, 1271, 1556, 1596, 1931, 3081, 3083, 3096, 3111, 3132, 3172, 3592, et 3594).
Par décision du 26 octobre 2015, le Service cantonal jurassien du développement territorial (ci-après: SDT) a approuvé le PAL et rejeté les oppositions.
B. Par arrêt du 16 septembre 2016, la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura a rejeté le recours formé par l'Office fédéral du développement territorial (ci-après: l'office ou ARE). Il n'était pas contesté que les mises en zone étaient compensées par un déclassement simultané de surfaces équivalentes, conformément à l'art. 38a al. 2 LAT. Les exigences de l'art. 15 LAT devaient toutefois également être respectées. D'un point de vue formel, le rapport de conformité était insuffisant, mais les motifs ayant conduit à la nouvelle planification étaient clairs et avaient pu être complétés en instance de recours. La définition de la zone constructible se faisait à l'échelle communale, indépendamment d'un éventuel surdimensionnement au niveau cantonal. Develier se trouvait dans l'agglomération de Delémont, qui connaissait la plus forte croissance démographique du canton; les réserves de terrains à bâtir étaient insuffisantes pour les quinze ans à venir, la demande prévisible étant de l'ordre de 75 logements. La coordination supra-communale était assurée par le projet de plan régional de l'agglomération de Delémont. Les exigences de l'art. 30 al. 1bis OAT - dont la conformité à la LAT était au demeurant douteuse - ne s'appliquaient pas lorsque, comme en l'espèce, le recours à des SDA de réserve était compensé. L'extension nécessaire de la zone à bâtir passait par une sollicitation des SDA puisque la localité étaient entièrement entourée de SDA ou de forêt. L'habitat individuel se justifiait en bordure du milieu bâti et les réserves d'utilisation de terrains à bâtir était suffisamment mobilisées. La disponibilité des nouveaux terrains à bâtir était garantie.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'ARE demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et la décision du SDT et de refuser la modification du PAL.
La Cour administrative conclut au rejet du recours, sans observations. Le SDT conclut au rejet du recours. Par la suite, l'office recourant (3 avril 2017, 16 août 2017, 13 novembre 2017 et 15 janvier 2018) et le SDT (2 juin 2017, 29 septembre 2017, 21 décembre 2017 et 2 mars 2018) ont alternativement adressé à la Cour de céans des observations complémentaires, persistant dans leurs conclusions respectives. La commune de Develier n'a en revanche pas déposé de déterminations.
 
Considérant en droit :
1. Le recours est dirigé contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale confirmant l'approbation du plan d'affectation communal. Le recours est dès lors en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. L'Office fédéral du développement territorial a qualité pour recourir (art. 89 al. 2 LTF en relation avec l'art. 48 al. 4 OAT). Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière.
2. Le SDT estime que la détermination du besoin de zones à bâtir serait une question de fait que le Tribunal fédéral ne pourrait revoir que sous l'angle de l'arbitraire (art. 105 LTF). Il évoque aussi la liberté d'appréciation dont devraient bénéficier les autorités locales dans ce cadre.
Le taux de croissance déterminant pour l'évaluation de la surface des zones à bâtir est défini en premier lieu dans le plan directeur (art. 8 al. 1 et 8a al. 1 LAT), et ces indications sont contraignantes pour l'ensemble des communes (art. 9 al. 1 LAT). En dehors de la planification directrice, les zones à bâtir doivent être définies notamment selon les critères des art. 1, 3 et 15 LAT et, s'agissant de la période de droit transitoire faisant suite à la révision de la LAT entrée en vigueur le 1er mai 2014, selon les exigences des art. 38a LAT et 52a OAT. Il s'agit là de questions de droit fédéral et le Tribunal fédéral ne saurait dès lors restreindre son pouvoir d'examen à l'arbitraire.
N'étant pas l'autorité suprême de planification, le Tribunal fédéral s'impose cependant une certaine retenue lorsqu'il s'agit de trancher de pures questions d'appréciation ou de tenir compte de circonstances locales, mieux connues des autorités cantonales (ATF 132 II 408 consid. 4.3 p. 415 s.; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366 et la jurisprudence citée). Cette retenue à l'égard de la planification ordinaire n'est toutefois pas de mise s'agissant d'une mesure adoptée durant la période transitoire et soumise à des dispositions particulières dont le Tribunal fédéral examine librement le respect.
3. Dans un premier grief, l'office recourant considère que la zone à bâtir telle que définie dans le PAL serait surdimensionnée.
La planification litigieuse doit être conforme aux règles ordinaires révisées le 1er mai 2014, mais également aux normes de droit transitoire (art. 38a LAT et 52a OAT) puisque le PAL contesté a été adopté après l'entrée en vigueur de la révision de la LAT et avant l'adoption du plan directeur cantonal.
3.1. En ce qui concerne les règles ordinaires, l'art. 15 LAT, qui a trait aux zones à bâtir, prévoit que celles-ci doivent notamment être définies "de telle manière qu'elles répondent aux besoins prévisibles pour les quinze années suivantes". Selon l'alinéa 4 de cette disposition, de nouveaux classements en zone à bâtir ne sont admissibles qu'aux conditions suivantes: les terrains seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze prochaines années même si toutes les possibilités d'utilisation des zones à bâtir réservées ont été épuisées et ils seront équipés et construits à cette échéance (art. 15 al. 4 let. b); leur disponibilité est garantie sur le plan juridique (let. d). Avec cette révision de la LAT, le législateur fédéral a entendu renforcer la législation préexistante, jugée lacunaire, en établissant de manière précise les conditions permettant de classer des nouveaux terrains en zone à bâtir afin de mieux dimensionner ces zones. Si le nouvel art. 15 LAT a essentiellement codifié la jurisprudence et la pratique, il apporte certaines innovations telles que l'exigence de plans directeurs contenant les stratégies de répartition des zones à bâtir et le calcul supposé plus précis des surfaces en fonction des besoins (ATF 141 II 393 consid. 2 p. 395). S'agissant du délai de quinze ans (art. 15 al. 1 et al. 4 let. b LAT), celui-ci est repris de l'ancien droit. Toutefois, le législateur a assorti cet horizon de planification de règles précisant que la disponibilité des terrains à bâtir doit être garantie en fait (art. 15 al. 4 let. a LAT) et en droit (art. 15 al. 4 let. d LAT).
La création d'une zone à bâtir par le biais d'un plan d'aménagement local est en principe admissible si les buts et les principes de l'aménagement du territoire sont respectés. Parmi les buts et les principes de l'aménagement du territoire figurent l'utilisation mesurée du sol (art. 1 al. 1 LAT), la protection des bases naturelles de la vie, telles que le sol, l'air, l'eau, la forêt et le paysage (art. 1 al. 2 let. a LAT), l'orientation du développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti en maintenant une qualité de l'habitat appropriée (art. 1 al. 2 let. a bis LAT), la création d'un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT), la garantie des sources d'approvisionnement suffisantes dans le pays (art. 1 al. 2 let. d LAT), ainsi que la préservation du paysage en veillant à réserver à l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables (art. 3 al. 2 let. a LAT). La mesure de planification doit en outre être fondée sur une pesée des intérêts en présence objectivement justifiable (art. 3 OAT). Les éléments à prendre en considération dans la détermination du besoin en terrains à bâtir sont notamment les suivants: réserve en terrains disponibles dans les zones à bâtir actuelles, utilisation passée et future des terrains à bâtir, développement démographique, développement économique, état et développement du réseau de transports publics, possibilités financières et techniques de la commune en matière d'équipement notamment (FLÜCKIGER/GRODECKI, in: Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 2010, ad art. 15 LAT p. 43 et les références citées).
L'art. 15 al. 3 1 ère phrase LAT prévoit en outre expressément que l'emplacement et la dimension des zones à bâtir doivent être coordonnés par-delà les frontières communales en respectant les buts et les principes de l'aménagement du territoire (cf. également FF 2010 981). Cette disposition nouvelle est ainsi conforme à la jurisprudence fédérale selon laquelle il y avait lieu de tenir compte du développement supra-communal, régional, voire supra-régional (ATF 116 Ia 339 consid. 3b/aa p. 341 s.; arrêts 1C_119/2007 du 13 novembre 2008 consid. 3.2.3, in ZBl 2009 I 315 et 1C_15/2013 du 9 août 2013 consid. 2.1).
3.2. Quant aux exigences imposées par le législateur en matière transitoire, l'art. 38a LAT prévoit que les cantons adaptent leurs plans directeurs dans les cinq ans à compter de la révision de la loi (al. 1); jusqu'à l'approbation de cette adaptation du plan directeur par le Conseil fédéral, la surface totale des zones à bâtir légalisées ne doit pas augmenter dans le canton concerné (al. 2). La loi ne prévoit aucune exception à cette règle. Le message accompagnant le projet de révision précise que, durant cette période transitoire, "seuls les classements compensés par des déclassements de même surface sont autorisés" (Message du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la loi sur l'aménagement du territoire, FF 2010 966 ch. 1.3.1). Présentée comme un contre-projet indirect à l'initiative populaire "De l'espace pour l'homme et la nature (initiative pour le paysage) " qui entendait imposer un moratoire de 20 ans sur la surface totale des zones à bâtir en Suisse, la révision législative devait mettre l'accent sur ce point (FF 2010 987 ch. 2.6). La disposition transitoire institue ainsi un moratoire sur la création de nouvelles zones à bâtir dans l'attente de l'adaptation des plans directeurs cantonaux (ATF 142 II 415).
Selon l'art. 52a al. 2 OAT, durant la période transitoire prévue à l'art. 38a al. 2 LAT, un classement en zone à bâtir ne peut être approuvé qu'aux conditions alternatives suivantes: "une surface au moins équivalente a été déclassée dans le canton depuis l'entrée en vigueur de cette disposition ou est déclassée par la même décision" (let. a), "des zones affectées à des besoins publics dans lesquelles le canton planifie des infrastructures qui sont d'une très grande importance et présentent un caractère urgent sont créées" (let. b) ou "d'autres zones d'importance cantonale sont créées pour répondre à une nécessité urgente et, au moment de l'approbation au sens de l'art. 26 LAT, des mesures de planification déterminent et sécurisent la surface qui doit être déclassée; l'obligation de déclassement tombe si le plan directeur approuvé le rend superflu" (let. c). La compensation exigée à l'art. 52a al. 2 let. a OAT a pour but de garantir que l'étendue de la zone à bâtir n'augmente pas. La compensation doit intervenir simultanément à la création de la nouvelle zone à bâtir (ATF 142 II 415 consid. 2.1 p. 418).
3.3. En l'occurrence, la commune de Develier a établi le PAL litigieux pendant la période transitoire faisant suite à l'introduction de la révision de la LAT entrée en vigueur le 1er mai 2014 - le nouveau plan directeur du canton du Jura n'était pas approuvé par le Conseil fédéral au moment de son adoption - dans un contexte où il n'est pas contesté que les zones constructibles du canton du Jura sont largement surdimensionnées (taux d'utilisation des zones constructibles situé entre 90 et 95%). Cette nouvelle planification constitue en réalité un renouvellement ordinaire de la planification communale justifié par l'ancienneté de la planification précédente.
Cela étant, avant de procéder, cas échéant, à l'examen de la planification litigieuse du point de vue des règles ordinaires de la planification, il y a lieu d'y procéder sous l'angle des dispositions transitoires qui sont plus restrictives que celles-là.
3.3.1. L'art. 52a al. 2 let. b et c OAT n'est à juste titre pas invoqué par la commune intimée et les autorités cantonales. Ses conditions ne sont à l'évidence pas satisfaites, le classement en zone à bâtir de parcelles affectées à la zone agricole n'étant pas justifié par des infrastructures cantonales de grande importance et urgentes (let. b); cette opération ne correspond pas non plus à une zone d'importance cantonale répondant à une nécessité urgente (let. c).
3.3.2. Reste à examiner si la planification contestée respecte les conditions strictes de l'art. 52a al. 2 let. a OAT. Le nouveau plan propose en effet le maintien approximatif du total de la surface constructible calculée en m². Il procède au classement en zone constructible de certaines parcelles précédemment en zone agricole et au déclassement simultané d'autres parcelles, précédemment constructibles, en zone agricole. Apparemment, la surface constructible du PAL/1992 est donc identique à celle du PAL/2015.
En réalité, les surfaces déclassées apparaissent cependant, pour une part significative, inconstructibles. Il ressort en effet de l'annexe 4 du rapport de synthèse de juillet 2015, ainsi que du nouveau plan des zones que certaines d'entre elles (n° 3172, 599, partie est de la parcelle n° 110, partie sud de la parcelle n° 22) sont traversées par un cours d'eau et largement occupées par l'espace réservé aux eaux au sens des art. 36a de la loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux, RS 814.20) et 41a de l'ordonnance sur la protection des eaux (OEaux, RS 814.201), dont la constructibilité est strictement limitée aux installations mentionnées à l'art. 41c OEaux. Par ailleurs, les parcelles n° 110, 599, 1269, 1556 et 1597 sont bordées par la forêt, voire se trouvent à l'intérieur de la limite forestière telle qu'elle est définie dans le plan d'affectation, et sont donc également touchées par l'interdiction de construire qui découle de la réglementation forestière. Les parcelles nouvellement classées en zone à bâtir, en revanche, ne sont apparemment pas touchées par ce genre de restrictions. Comme cela ressort des textes allemand et italien de la disposition, l'expression "au moins équivalente" ("die gleiche Fläche", "la stessa superficie") est avant tout quantitative. L'art. 52a al. 2 let. a OAT ne paraît dès lors pas exiger que les surfaces déclassées présentent strictement les mêmes qualités que les terrains nouvellement classés (FRANZISKA WASER, La réduction de la zone à bâtir surdimensionnée selon l'art. 15 al. 2 LAT, thèse Fribourg 2018 n° 407 s.). La question peut toutefois demeurer indécise.
3.3.3. En effet, même s'il fallait considérer les surfaces compensées comme 
3.3.4. Dans ces circonstances, il apparaît que les nouveaux classements en zone à bâtir ne sont pas conformes aux art. 38a LAT et 52a al. 2 let. a OAT.
3.4. En tout état de cause, dans l'hypothèse où les exigences de l'art. 52a al. 2 let. a OAT seraient respectées, il faudrait constater que la planification contestée ne satisfait pas aux règles ordinaires sur le dimensionnement de la zone à bâtir.
3.4.1. L'arrêt attaqué retient que la commune de Develier se trouve dans l'agglomération de Delémont, région connaissant la plus forte croissance démographique du canton. Selon la cour cantonale, le PAL se fonde sur le projet de plan directeur régional en cours d'élaboration qui attribue à Develier 273 habitants supplémentaires pour les quinze prochaines années, ce qui correspondrait à environ 110 logements. La cour cantonale a en particulier considéré que seul un tiers des réserves existantes en zone à bâtir devait être pris en compte pour satisfaire aux exigences de l'art. 15 al. 4 let. b LAT. Selon elle, les réserves théoriques situées à l'intérieur du tissu bâti ne pourraient satisfaire aux besoins en logements pour les quinze prochaines années puisqu'elles correspondraient à peine au nombre de logements créés entre 1999 et 2013.
Le seul chiffre non contesté est celui de l'augmentation du nombre d'habitants dans la commune pour les 15 prochaines années, estimé à 273.
L'ARE estime que le développement futur devrait être estimé selon des critères objectifs définis dans les directives techniques sur les zones à bâtir du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, du 17 mars 2014 (DZB, http:/www.are.admin.ch/lat1). Il est vrai que ces directives s'appliquent en principe à la collaboration entre cantons et Confédération afin de définir la superficie totale des zones à bâtir cantonales. Elles peuvent toutefois aussi trouver à s'appliquer, à tout le moins à titre indicatif lorsqu'il s'agit comme en l'espèce de définir le taux d'utilisation des zones à bâtir pour une commune particulière durant la période transitoire, ce d'autant que, dans le même temps, le canton doit se fonder sur les mêmes principes pour adopter son plan directeur. En particulier, selon l'office recourant, la limite d'un tiers (DZB, p. 7) ne s'appliquerait qu'aux réserves situées dans les zones à bâtir déjà construites; pour les zones non construites, c'est l'entier du potentiel qui devrait être pris en considération. L'ARE affirme en outre que le PAL ne serait pas conforme au projet de plan directeur cantonal s'agissant de l'indice minimal d'utilisation du sol à respecter en cas d'emprise sur des SDA. L'argument est lui aussi pertinent et, dans le cas d'un pronostic à effectuer dans le cadre de la période transitoire, il n'y a aucune violation du principe de non-rétroactivité à se fonder sur le plan directeur cantonal en cours d'élaboration, ni sur le plan régional en cours d'élaboration et adopté, entre temps, au mois de décembre 2017.
L'ARE considère dès lors que le potentiel des zones à bâtir légalisées (75 logements collectifs et 28 logements individuels) plus le tiers des réserves d'utilisation interne (10 logements) permettraient de répondre "en bonne partie" à ces besoins, de sorte que l'extension prévue conduirait à un surdimensionnement.
Se référant à ses observations présentées en instance cantonale - qui reviennent largement sur les données du rapport technique de mars 2015 -, le SDT relève qu'en terme de surfaces, le potentiel des parcelles libres était de 19'517 m² pour l'habitat collectif et de 24'396 m² pour l'habitat individuel; avec des indices d'utilisation de 0,4, respectivement 0,25, on obtiendrait, 24, respectivement 42 habitants/ha, soit 59 habitants en individuel et 82 en collectif, au total 141. Les 1,74 ha de nouvelle zone consacrée à l'habitat individuel et les logements vacants et réhabilitations envisageables représentaient respectivement 42 et 70 habitants supplémentaires, soit au total 253 habitants. Le rapport technique ne prendrait pas non plus en compte les activités économiques dans les zones mixte/centre/ habitation, soit en moyenne un équivalent plein temps (EPT) pour 8,4 habitants. L'augmentation de la population sur quinze ans signifierait donc parallèlement une augmentation de 33 EPT, voire probablement plus compte tenu de la tendance actuelle. Au total, 53 habitants et EPT ne pourraient être accueillis qu'en mobilisant les réserves internes. Cette évaluation serait confirmée par les moyens alternatifs fondés sur le nombre moyen d'habitants à l'hectare (potentiel de 245 habitants supplémentaires), et par comparaison avec les entités territoriales selon l'art 30a al. 1 OAT et les DZB - Develier est classée comme commune périurbaine de région non-métropolitaine -, soit un potentiel total de 322 habitants et EPT. Le SDT estime en outre qu'il y aurait lieu de tenir compte de la réalité du bâti dans les communes telles que Develier, encore attachées à l'habitat individuel ou aux bâtiments d'habitat collectif de petite taille, de sorte que le potentiel des zones destinées à l'habitat collectif devrait être revu à la baisse, soit 45 personnes/ha; en définitive, 91 habitants et 33 EPT ne pourraient se loger ou travailler dans les zones existantes, ce qui correspondrait au tiers des réserves internes.
L'ARE ajoute encore à ce propos que, selon les DZB, pour les zones d'habitation dans le type de commune telle que Develier, la valeur médiane de la surface par habitant et par EPT est de 273 et non de 286 m² comme l'indiquait le SDT pour les zones d'habitation, de 245 au lieu de 250 pour les zones mixtes et de 198 au lieu de 207 pour les zones centrales. La densité et donc la capacité d'accueil s'en trouveraient sensiblement accrues.
Le SDT admet, dans son écriture du 2 juin 2017, qu'il y aurait en réalité une surcapacité d'environ 30 habitants/EPT. Il estime toutefois que cela ne serait pas excessif, une différence d'à peine 10% paraissant admissible dans le cadre d'une estimation soumise à de nombreuses incertitudes. Il considère qu'à l'horizon 2032 (sur lequel il faudrait désormais se fonder pour tenir compte de la durée de la procédure), cette surcapacité aura été entièrement résorbée.
En définitive, les estimations de la cour cantonale et du SDT ne font pas apparaître de manière indiscutable, en l'état, que le classement de nouvelles zones à bâtir serait nécessaire pour accueillir les nouveaux habitants et les nouveaux emplois à l'issue de la période de planification, compte tenu des réserves internes existantes. Les exigences de l'art. 15 al. 1 et et 4 let. b LAT n'apparaissent ainsi pas satisfaites en matière d'établissement de l'insuffisance de la zone constructible actuelle.
3.4.2. En outre, il y a lieu de constater que les parcelles nouvellement classées en zone à bâtir se trouvent en périphérie de la localité et sont actuellement des surfaces destinées à l'exploitation agricole. Ainsi, aucune de ces parcelles ne vient combler une brèche dans le milieu bâti, de sorte que, même s'il existe une desserte suffisante en transports publics, leur classement ne s'impose pas d'emblée par leur localisation. En outre, un tel classement ne va pas dans le sens de la densification vers l'intérieur et n'apporte rien à cet égard en comparaison du PAL/1992. De plus, à ce stade, il n'est pas démontré que cette nouvelle planification répondrait à un besoin indiscutable et immédiat et qu'elle satisferait à l'obligation de densifier davantage que la planification précédente puisque ces parcelles nouvellement classées sont destinées à de la construction individuelle. A ce propos, le SDT appelle à tenir compte de "l'identité jurassienne" en matière de construction; telle qu'elle est présentée, cette identité réside dans la place importante accordée à la villa individuelle, caractéristique largement répandue sur le territoire suisse qui n'est pas à même de faire obstacle au principe cardinal de densification vers l'intérieur du milieu bâti prévalant selon la volonté du législateur fédéral exprimée à l'occasion de la révision de la LAT. Quoi qu'il en soit, c'est au canton qu'il appartiendra de définir, dans le cadre de son plan directeur, de quelle manière il faudra tenir compte des spécificités avancées par le SDT dans le cadre de la densification voulue par le droit fédéral. Au surplus, les autorités cantonales ont, à tort, expressément limité leur examen de la justification de la nouvelle planification au territoire communal alors que, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus (consid. 3.1), en particulier pendant la période transitoire (art. 38a al. 2 LAT), les autorités de planification ne sauraient faire abstraction d'une évaluation supra-communale voire régionale des zones constructibles dans un contexte de surdimensionnement des zones à bâtir dans le canton (WASER, op. cit. n° 149).
Ainsi, la nouvelle planification se révèle, en l'état, non conforme aux règles ordinaires et aux principes applicables en ce domaine (art. 1 al. 1, al. 2 let. a biset b et 15 al. 3 LAT).
4. L'office recourant soutient encore que la sollicitation des SDA devrait être soumise aux exigences de l'art. 30 al. 1bis OAT. Il soutient que cette disposition s'appliquerait à toutes les surfaces présentant les qualités requises pour constituer une SDA, qu'il y ait ou non compensation. En l'occurrence, le classement de 11'869 m² de SDA en zone d'habitation ou de centre ne correspondrait pas à un intérêt cantonal, faute de justification suffisante; la condition de l'utilisation optimale ne serait pas non plus réalisée puisque le taux d'occupation prévu est insuffisant et qu'il existe encore un potentiel de densification dans le tissu bâti. L'ARE considère que les terrains utilisés pour compenser les mises en zone seraient des terrains hors de la zone à bâtir ayant déjà la qualité de SDA.
Tout comme le SDT, la cour cantonale met en doute la conformité de l'art. 30 al. 1bis OAT à la loi, compte tenu de son caractère schématique: cette disposition ne tiendrait pas compte des autres intérêts pertinents reconnus par la loi, ni des compétences communales et cantonale dans le cadre de la pesée d'intérêts. Les instances cantonales considèrent que l'art. 30 al. 1bis OAT ne pourrait s'appliquer lorsque la sollicitation de SDA de réserve est compensée, sans quoi les conditions pour l'utilisation de ces SDA seraient plus sévères que pour les SDA minimales, soumises à la seule exigence de compensation en vertu de l'art. 30 al. 2 OAT. En l'occurrence, les mesures compensatoires seraient suffisantes et la sollicitation de SDA de réserve serait justifiée par le développement nécessaire de la zone à bâtir et inévitable puisque l'agglomération de Develier est ceinturée par les SDA ou par la forêt.
4.1. Les surfaces d'assolement font partie du territoire qui se prête à l'agriculture (art. 6 al. 2 let. a LAT) et qui doivent être préservées en vertu de l'art. 3 al. 2 let. a LAT. Selon l'art. 26 OAT, elles se composent des terres cultivables comprenant avant tout les terres ouvertes, les prairies artificielles intercalaires et les prairies naturelles arables. Elles sont garanties par des mesures d'aménagement du territoire. Elles sont délimitées en fonction des conditions climatiques (période de végétation, précipitations), des caractéristiques du sol (possibilités de labourer, degrés de fertilité et d'humidité) ainsi que de la configuration du terrain (déclivité, possibilité d'exploitation mécanisée). La nécessité d'assurer une compensation écologique doit également être prise en considération (al. 2). Selon l'art. 26 al. 3 OAT, une surface totale minimale d'assolement a pour but d'assurer au pays une base d'approvisionnement suffisante, comme l'exige le plan alimentaire, dans l'hypothèse où le ravitaillement serait perturbé, cela conformément à l'art. 1 al. 2 let. d LAT. Sur la base des surfaces minimales arrêtées dans le plan sectoriel de la Confédération (art. 29 OAT), les cantons définissent les surfaces d'assolement dans leur plan directeur, dans le cadre de la délimitation des autres parties du territoire qui se prêtent à l'agriculture (art. 28 OAT). Pour le canton du Jura, la surface minimale des SDA a été fixée à 15'000 ha; selon l'arrêt attaqué, le canton dispose d'un excédent de 80 ha (au 1er janvier 2011 selon la fiche 3.07 du plan directeur cantonal). La jurisprudence n'exclut pas que des surfaces d'assolement puissent être utilisées à des fins autres qu'agricoles. Toutefois, il convient d'opérer une pesée d'intérêts complète tenant notamment compte du fait que la part cantonale de surface d'assolement doit être garantie à long terme. Il y a lieu d'évaluer dans quelle mesure le terrain concerné pourrait à nouveau être cultivé et, lorsque la surface minimale cantonale n'est pas atteinte ou ne l'est que de peu, une compensation doit être opérée (ATF 134 II 217 consid. 3.3 p. 220).
4.2. Selon l'art. 30 al. 1bis OAT, des surfaces d'assolement ne peuvent être classées en zone à bâtir que lorsqu'un objectif que le canton également estime important ne peut pas être atteint judicieusement sans recourir aux surfaces d'assolement (let. a) et lorsqu'il peut être assuré que les surfaces sollicitées seront utilisées de manière optimale selon l'état des connaissances (let. b). Cette disposition a pour but de tenir compte de la nécessité de maintenir les SDA (art. 15 al. 3 LAT) en durcissant les exigences à satisfaire lorsqu'il est question de recourir à des SDA pour créer des zones à bâtir. Elle s'applique lorsque les cantons disposent de réserves de SDA; dans le cas contraire, c'est l'art. 30 al. 2 OAT qui s'applique et empêche en principe un tel classement à moins qu'il soit compensé, exigeant au contraire la création de zones réservées afin de garantir durablement la surface d'assolement attribuée à chaque canton (DETEC/ARE, rapport explicatif relatif au projet mis en consultation de révision partielle de l'OAT, août 2013, p. 8). L'art. 30 al. 1bis OAT impose de s'assurer que le sacrifice de SDA pour la création de zones à bâtir est absolument nécessaire du point de vue du canton. L'autorité de planification doit examiner quelles alternatives pourraient raisonnablement entrer en considération (idem).
L'art. 30 OAT est une disposition d'application de l'art. 15 al. 3 in fine LAT, qui impose de manière générale le maintien des SDA. Le rapport explicatif précise ce qui suit: "Concrètement, l'alinéa 1bis s'applique lorsqu'un canton dispose encore de réserves en surfaces d'assolement. Lorsque le contingent minimal n'est plus garanti, l'alinéa 2 prévaut. Les cantons n'atteignant plus le contingent de surfaces d'assolement qui leur est prescrit ne peuvent classer des surfaces d'assolement en zone à bâtir qu'à condition de pouvoir les compenser hors des zones à bâtir ou de prévoir des zones réservées pour des territoires non équipés dans des zones à bâtir (art. 30 al. 2, OAT) ". Contrairement à ce que laisse entendre l'arrêt attaqué, l'art. 30 al. 1bis OAT s'applique à l'ensemble des SDA, qu'elles soient ou non comprises dans la surface minimale fixée dans le plan sectoriel. Lorsque la surface minimale n'est plus garantie, l'art. 30 al. 2 OAT pose des conditions supplémentairesen exigeant une compensation ou la création de zones de réserve. Les cantons peuvent en principe disposer des SDA de réserve, moyennant comme on l'a vu une pesée de tous les intérêts en présence; les critères posés à l'art. 30 al. 1bis let. a et b OAT peuvent être pris en compte dans le cadre de cette pesée d'intérêts: la let. a rappelle que le recours aux SDA doit reposer sur un intérêt public suffisamment important pour trouver un appui au niveau cantonal; la let. b impose que les surfaces sollicitées soient utilisées de manière optimale, ce qui est conforme au principe selon lequel le recours aux SDA doit demeurer exceptionnel et le plus limité possible. Le rapport précise encore que les deux critères laissent une marge d'appréciation considérable, nécessaire au vu du large spectre que peuvent couvrir les situations concrètes et les intérêts à prendre en considération. En particulier, la notion de l'intérêt jugé important par le canton doit être définie de manière large, sans quoi l'autonomie des communes dans ce domaine se trouverait indûment réduite. L'intérêt en question ne doit dès lors pas nécessairement être formellement consacré dans le droit ou le plan directeur cantonal. Par ailleurs, une obligation systématique de compensation n'est pas imposée lorsque le canton dispose comme en l'espèce, de réserves de SDA. Une telle compensation, totale ou partielle, peut en revanche constituer un critère important pour juger de l'admissibilité de l'opération. Dans la mesure où elle ne fait que concrétiser l'exigence d'une stricte pesée d'intérêts, l'ordonnance apparaît ainsi correspondre aux exigences de la loi.
4.3. En l'occurrence, la nouvelle planification est censée répondre aux besoins de l'accroissement démographique prévu au niveau communal. Sur le vu des considérants qui précèdent, on peut s'interroger sur l'existence d'un intérêt public suffisant. Quoiqu'il en soit, l'exigence d'une utilisation optimale (art. 30 al. 1bis let. b OAT) n'est pas satisfaite puisque, comme on l'a vu, la nouvelle affectation ne prévoit, contrairement à la volonté du législateur, qu'un indice d'utilisation réduit (habitations individuelles) et ne garantit nullement la densification vers l'intérieur du milieu bâti voulue par le législateur (consid. 3.4.2 ci-dessus). Le recours doit dès lors être admis pour ce motif également.
5. Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé, de même que la décision d'approbation du SDT du 26 octobre 2015. Conformément aux art. 66 al. 4 et 68 al. 3 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. La cour cantonale ayant elle aussi statué sans frais ni dépens, il n'y a pas lieu de rendre une nouvelle décision à ce sujet.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé, de même que la décision d'approbation du Service du développement territorial du 26 octobre 2015.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaire ni alloué de dépens.
3. Le présent arrêt est communiqué à l'Office fédéral du développement territorial, à la Commune mixte de Develier, au Service du développement territorial de la République et canton du Jura et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative.
Lausanne, le 26 novembre 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Kurz