BGer 2C_132/2017
 
BGer 2C_132/2017 vom 16.10.2018
 
2C_132/2017
 
Arrêt du 16 octobre 2018
 
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
Aubry Girardin, Donzallaz, Stadelmann et Haag.
Greffier : M. Ermotti.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Jean-Christophe Diserens,
avocat,
recourante,
contre
Commune de Rolle,
représentée par Me Jacques Haldy, avocat,
intimée.
Objet
Responsabilité étatique,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 9 novembre 2016 (CO08.037231-161095 605).
 
Faits :
 
A.
A.a. Fondée en 1983 et sise à Rolle, Y.________ SA (ci-après: Y.________) avait pour but l'exploitation d'un complexe hôtelier. Dès sa création, elle a géré l'établissement public "Hôtel Y.________" situé sur les parcelles nos *** et *** du territoire de la Commune de Rolle (ci-après: la Commune), à proximité de la plage communale.
Les parcelles nos *** et *** sont situées à l'extrême est du territoire de la Commune, entre la route du lac et la plage communale, à côté du carrefour de la Couronnette, qui départage les territoires des communes de Rolle, Mont-sur-Rolle et de Perroy. Initialement, on trouvait une ligne de sécurité (art. 73 OSR; RS 741.21) continue à l'intersection du chemin menant à la plage et à l'Hôtel Y.________, empêchant les automobilistes venant d'Allaman d'accéder directement à l'hôtel.
Pendant quatorze ans, cet établissement et son restaurant ont connu un beau succès d'estime, avec un taux d'occupation supérieur à 50 %. Après la crise des années nonante, l'hôtel, non rentable, devait être soit fermé, soit modernisé et agrandi.
A.b. En 1996, Y.________ a demandé une autorisation pour agrandir l'hôtel.
Deux copropriétés nommées Y.________ A et Y.________ B, qui se trouvaient à proximité, se sont inquiétées d'une augmentation du trafic liée à l'agrandissement de l'établissement et du risque que des véhicules de l'hôtel passent ou stationnent sur leur propriété. Un certain nombre de copropriétaires ont formé opposition à la demande d'autorisation d'agrandir déposée par Y.________, qu'ils ont levée, après avoir conclu, le 20 novembre 1997, une convention avec celle-ci. Aux termes de cet accord, Y.________ s'engageait à entreprendre des démarches permettant la réalisation d'une nouvelle présélection vers la gauche sur la route du lac, au carrefour de la Couronnette, permettant aux automobilistes roulant dans le sens Allaman-Rolle de bifurquer directement pour se rendre à l'hôtel, ce qu'ils ne pouvaient faire jusqu'à présent en raison de la ligne de sécurité sur la route.
Le 18 décembre 1997, la Commune a délivré une autorisation préalable d'implantation, indiquant que la convention du 20 novembre 1997 faisait partie intégrante de l'autorisation d'implantation.
L'aménagement du carrefour a fait l'objet d'un projet de présélection approuvé par le Département des infrastructures.
Le 17 août 1998, Y.________ a indiqué à la Commune que le problème du carrefour devait être réglé par convention, car la Commune serait le maître de l'ouvrage et la Société devrait participer financièrement à cet équipement.
Il ressort du procès-verbal d'une séance du 4 septembre 1998 réunissant l'administrateur-président de Y.________ et des représentants de la Commune, que le projet de présélection serait soumis à enquête publique dans les trois communes concernées. La Commune de Mont-sur-Rolle avait suggéré qu'il serait intéressant de créer un giratoire au carrefour de la Couronnette. Les Communes de Rolle et de Mont-sur-Rolle devaient se rencontrer à ce sujet.
Un accord entre la Municipalité de la Commune de Rolle et Y.________ sur la répartition des frais en cas de modification des présélections ou en cas de réalisation d'un giratoire a été passé en octobre 1998.
Le 3 novembre 1998, la Commune de Rolle a délivré le permis de construire à Y.________. Sous conditions spéciales communales, il était prévu l'obligation de créer une présélection permettant de tourner à gauche pour les véhicules en provenance d'Allaman, dont le montant estimatif des travaux de 100'000 fr. serait réparti à raison de 70 % pour Y.________ SA et 30 % pour la Commune. Ce permis ne prévoyait aucun délai pour la réalisation de la présélection.
De mars 2000 à mai 2002, les conditions d'exploitation de l'hôtel n'étaient pas optimales; il a été fermé et des travaux ont été effectués. Dans le procès-verbal de la séance d'administration de Y.________ du 17 août 2001, il est fait état de difficultés rencontrées en lien avec le chantier et des travaux plus importants que prévus. Il était question d'une date d'ouverture provisoire au 1er février 2002. Ce document ne fait pas allusion à l'aménagement routier pour faciliter l'accès à l'hôtel depuis Allaman. Le 27 août 2001, l'administrateur de Y.________ a demandé à la Municipalité de Rolle de communiquer les décisions et les échéances fixées pour la réalisation du rond-point. Celle-ci lui a indiqué que c'était la Municipalité de Mont-sur-Rolle qui pilotait seule le projet. Il n'est pas établi que Y.________ ait reçu des garanties s'agissant de l'aménagement routier à cette époque. Le 12 mars 2002, le conseil d'administration de Y.________ a décidé de terminer les travaux et de procéder à la réouverture de l'hôtel selon un planning à définir ultérieurement. La question de l'amélioration de l'accès depuis Allaman n'a pas été mentionnée.
De mai à juillet 2002, différents employés ont été engagés par l'hôtel. Puis, des licenciements sont intervenus entre octobre 2002 et mars 2009.
A.c. Dans un préavis de mars 2003, la Municipalité a demandé au Conseil communal d'autoriser la construction d'un giratoire au carrefour de la Couronnette et de lui accorder un crédit de 350'000 fr. à cet effet, sous déduction de 50'000 fr. de participation par Y.________. A la suite de discussions, ce préavis a été retiré, puis un nouveau préavis a été déposé en septembre 2003, la Municipalité de Rolle soulignant que si Rolle ne tenait pas son engagement, la Commune se dirigeait vers des difficultés juridiques.
S'en est suivi des échanges de courriers et des interventions des différentes communes responsables, à savoir Perroy, Rolle et Mont-sur-Rolle. Le 22 janvier 2004, celles-ci ont écrit à Y.________ pour l'informer qu'elles renonçaient à l'aménagement d'un rond-point, laissant l'intéressée prendre contact avec la Commune de Rolle pour la création d'une présélection.
La Municipalité de Rolle a accompli les démarches en vue de la création de cette présélection. Le 27 juin 2006, le Conseil communal lui a refusé la demande de crédit. Finalement, dans sa séance du 6 novembre 2009, il a accordé à la Municipalité un crédit de 149'000 fr. pour la réalisation du giratoire de la Couronnette.
Dans un rapport établi le 7 avril 2010 par un ingénieur diplômé EPFZ/SIA, intitulé "Rapport de vétusté et d'obsolescence dû à l'inexploitation de l'hôtel depuis 2001", son auteur conclut qu'un investissement de trois millions de francs serait nécessaire pour la mise en service de l'hôtel, en raison des dégradations beaucoup plus rapides du bien et de l'obsolescence d'une partie des installations techniques, ainsi que de l'équipement.
Le giratoire est opérationnel depuis octobre 2010. Les travaux d'aménagement ont été terminés en mai ou juin 2011. Il n'est pas établi que Y.________s ait été active durant ces travaux.
B. Le 7 juillet 2006, Y.________ a ouvert, conjointement avec une autre société, action contre la Commune de Rolle auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la Cour civile), lui demandant, pour ce qui la concerne, le paiement par la Commune de 8'030'170 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 3 novembre 1998, conclusion amplifiée le 31 août 2010, portant désormais sur le paiement de 19'911'503 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er janvier 2010.
Par jugement incident du 12 novembre 2008, le Juge instructeur de la Cour civile a ordonné la disjonction des causes, la présente procédure ne portant ainsi plus que sur la requête de Y.________. Le 21 avril 2011, il a ordonné la disjonction de l'instruction et du jugement de la question préalable de savoir si la Commune était responsable du dommage que soutenait avoir subi Y.________.
Le 5 mai 2015, les actifs et passifs de Y.________ ont été repris par X.________ SA (ci-après: la Société ou la recourante), qui lui a succédé dans la procédure.
Par jugement du 30 novembre 2015, la Cour civile a dit que la Commune de Rolle n'était pas responsable du dommage que soutenait avoir subi la Société, rejetant les conclusions prises par cette dernière, avec suite de frais et dépens.
La Société a saisi la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la Cour d'appel) qui, par arrêt du 9 novembre 2016, a partiellement admis son appel sur un point relatif aux frais de justice, confirmant le jugement attaqué s'agissant du constat de non-responsabilité de la Commune.
C. A l'encontre de cet arrêt, la Société forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, en concluant à l'annulation de l'arrêt du 9 novembre 2016, à ce qu'il soit dit que la Commune est responsable du dommage qu'elle soutient avoir subi et à ce que l'instruction de la cause devant la Cour civile soit reprise. Subsidiairement, elle demande le renvoi du dossier à la Cour d'appel pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Cour d'appel se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. Au terme de sa réponse, la Commune conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La Société a répliqué, déclarant persister dans ses conclusions.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours portés devant lui (ATF 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
1.1. Le litige concerne une action en paiement que la recourante fonde principalement sur un contrat de droit administratif, subsidiairement sur des prétentions extra contractuelles reposant sur la législation vaudoise sur la responsabilité étatique. Dans un cas comme dans l'autre, le litige relève du droit public. L'arrêt attaqué est donc en principe susceptible de faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (art. 82 let. a LTF), la cause ne relevant pas du domaine de la responsabilité de l'Etat pour les activités médicales, pour lequel la voie du recours en matière civile est exceptionnellement ouverte (cf. art. 72 al. 2 let. b LTF; ATF 139 III 252 consid. 1.5 p. 254 s.; 133 III 462 consid. 2.1 p. 465 s.; arrêt 2C_16/2017 du 17 mars 2017 consid. 1.1). La deuxième Cour de droit public du Tribunal fédéral est compétente pour traiter un tel recours (art. 30 al. 1 let. c ch. 1 du règlement du 20 novembre 2006 du Tribunal fédéral [RTF; RS 173.110.131]; arrêt 2C_525/2017 du 8 juin 2017 consid. 3). Il importe peu que, sur le plan cantonal, la compétence relève des autorités judiciaires civiles (cf. arrêt 2C_1150/2014 du 9 juin 2015 consid. 1.1).
1.2. L'arrêt entrepris constate que la responsabilité de la Commune n'est pas engagée et déboute la recourante de ses conclusions sur le fond, à l'exception d'un point relatif aux frais et dépens de la première instance qui n'est plus litigieux devant le Tribunal fédéral. Il s'agit ainsi d'une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Par ailleurs, le recours a été interjeté par la Société destinataire de la décision attaquée, qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Déposé en temps utile, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF), et dans les formes requises (art. 42 LTF), le recours en matière de droit public est également recevable au regard de l'art. 85 al. 1 let. a LTF, dès lors que la valeur limite de 30'000 fr. exigée dans le domaine de la responsabilité étatique est largement dépassée (arrêt 2C_965/2015 du 25 avril 2016 consid. 1). Il convient donc d'entrer en matière.
 
Erwägung 2
2.1. Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours en matière de droit public ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 137 V 143 consid. 1.2 p. 145; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé par le recourant, à savoir exposé de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41). Seuls les griefs de la recourante touchant au droit cantonal qui remplissent ces exigences seront donc pris en compte.
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358; 139 II 373 consid. 1.6 p. 377 s.). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288).
Dans la mesure où la recourante invoque des constatations de fait ne figurant pas dans l'arrêt attaqué de manière appellatoire, opposant sa propre version des événements à celle retenue par les juges cantonaux, sans expliquer en quoi les conditions permettant à la Cour de céans de rectifier ou compléter l'arrêt entrepris seraient réalisées, il n'en sera pas tenu compte.
 
Erwägung 3
3.1. L'action en responsabilité de la Société repose sur plusieurs fondements. D'une part, l'intéressée soutient avoir conclu avec la Commune un contrat de droit administratif dans lequel celle-ci se serait engagée à garantir un accès à son établissement aux véhicules venant depuis Allaman. Le retard pris par la Commune engageait ainsi sa responsabilité contractuelle. D'autre part, la Société considère qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'exploiter l'hôtel en raison du retard pris par la Commune constitutif d'un déni de justice, car elle ne pouvait demander la délivrance d'un permis d'habiter, condition sine qua non à l'exploitation de l'établissement, pour des questions de sécurité d'accès, tant que l'aménagement du carrefour n'était pas réalisé. La responsabilité de la collectivité était donc engagée en application de la loi cantonale sur la responsabilité de l'Etat. En dernier lieu, la recourante invoque une responsabilité fondée sur la violation du principe de la confiance.
3.2. La Cour d'appel civile a nié que la responsabilité de la Commune puisse être engagée sur la base des fondements précités. La recourante conteste son appréciation sur chacun de ceux-ci. Il convient donc de vérifier, eu égard aux griefs soulevés, si l'arrêt attaqué, en refusant d'admettre la responsabilité de l'intimée, qu'elle soit fondée sur un contrat de droit administratif, sur un acte illicite ou sur une violation du principe de la confiance, est conforme au droit.
I. Responsabilité issue d'un contrat de droit administratif
4. S'agissant de la responsabilité contractuelle de la Commune, la Cour cantonale l'a écartée au motif qu'aucun contrat de droit administratif entre la Société et la Commune ne pouvait être considéré comme conclu. Premièrement, elle a retenu qu'un tel contrat supposait des obligations pour l'administré, alors qu'en l'occurrence c'était uniquement la Commune qui était obligée. En second lieu, aucune volonté de s'engager de la Commune n'avait été établie. S'il était admis que les parties s'étaient mises d'accord sur la répartition des frais liés à l'aménagement routier lorsque celui-ci serait réalisé, aucun acte ne permettait d'établir que la Commune se serait engagée envers la Société à réaliser un carrefour en faveur de cette dernière, qui plus est dans un délai donné.
L'arrêt attaqué rejette donc l'existence d'un contrat de droit administratif sur la base de deux motivations alternatives. La recourante s'en prenant à chaque pan de cette double motivation, démontrant en quoi celle-ci serait, de son point de vue, contraire au droit, il convient d'entrer en matière (cf. ATF 136 III 534 consid. 2 p. 535 s.).
5. La recourante affirme qu'il n'est pas exact de nier l'existence d'un contrat de droit administratif, au motif qu'elle-même ne se voit pas confier d'obligations en lien avec l'exécution de tâches de droit public. Sans contester véritablement que seule la Commune se soit obligée à réaliser ici la tâche de droit public consistant dans l'aménagement du carrefour, la Société soutient que cet élément n'est pas pertinent, car il suffit qu'un contrat concerne une tâche de droit public ou dépende du domaine public, pour que l'on puisse parler d'un contrat de droit administratif, peu importe quelle partie est obligée.
5.1. Contrairement à ce qu'affirme la recourante, un contrat de droit administratif suppose un acte bilatéral (MOOR/POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, p. 424) ou multilatéral. Les actes juridiques qui n'ont qu'un caractère unilatéral et qui reposent sur l'exercice d'une compétence légale ne peuvent être qualifiés de tels (arrêts 1C_61/2010 du 2 novembre 2010 consid. 4.1 et 2A.106/1995 du 24 avril 1996 consid. 5b).
5.2. En l'espèce, la recourante se prévaut d'un contrat de droit administratif qui prévoirait, comme seul engagement, l'obligation pour la Commune d'aménager un carrefour permettant aux véhicules provenant d'Allaman d'accéder à l'hôtel, dans un délai qui n'est du reste pas défini. La Commune apparaît donc comme la seule partie à être chargée de tâches de droit public. En outre, on ne discerne pas quelle serait la contre-prestation à la charge de la recourante. Celle-ci ne soutient à juste titre pas que sa participation aux frais de l'aménagement du carrefour consisterait en une telle contre-prestation, dès lors qu'il a été constaté, d'une manière qui lie la Cour de céans (art. 105 al. 1 LTF), que la répartition des frais prévue était certes due en cas d'aménagement du carrefour, mais qu'elle était indépendante de tout engagement de la Commune de procéder à un tel aménagement.
C'est par conséquent à juste titre que l'existence d'un contrat de droit administratif a été niée. Cette conclusion suffit à justifier le rejet des prétentions de la recourante reposant sur la responsabilité contractuelle de la Commune. Il n'y a ainsi pas lieu d'examiner le bien-fondé de l'argumentation alternative présentée dans l'arrêt attaqué, qui constate l'absence de volonté de la Commune de s'engager.
II. Responsabilité délictuelle
6. L'arrêt attaqué a relevé qu'aucun acte illicite ne pouvait être reproché à la Commune. On ne voyait pas qu'une norme de comportement ayant pour but de protéger le bien juridique lésé, condition indispensable en présence d'une lésion du patrimoine, aurait été violée. En l'occurrence, la parcelle était équipée et l'hôtel avait toujours été accessible, même avant la réalisation du giratoire. Par conséquent, l'hôtel pouvait rouvrir et un permis d'habiter et d'exploiter être exigé et délivré. La condition spéciale intégrée au permis de construire du 3 novembre 1998, dans lequel il était prévu que la Commune créerait une présélection à gauche, n'y faisait pas obstacle. Au demeurant, la Société n'avait jamais demandé le permis d'habiter et d'exploiter l'hôtel, de sorte que soutenir, en se mettant à la place de la Commune, que l'accès depuis la gauche aurait constitué un élément de sécurité indispensable et que, partant, une telle autorisation aurait été refusée tant qu'un tel accès n'aurait pas été possible, relevait de la spéculation.
7. La recourante invoque un acte illicite en lien avec le retard de la Commune à constituer l'aménagement routier décidé.
7.1. La recourante reproche à la Cour d'appel de " 
7.2. L'art. 4 de la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (LRECA/VD; RS/VD 170.11) prévoit que: 
7.3. Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205; arrêt 2D_42/2016 du 3 octobre 2017 consid. 5.2).
7.4. L'art. 4 LREC subordonne la responsabilité étatique à l'existence d'un dommage, d'un acte illicite et d'un lien de causalité entre celui-ci et le dommage. En l'absence de disposition spécifique de droit cantonal explicitant ces notions, il convient de se fonder sur la jurisprudence du Tribunal fédéral pour en déterminer la portée (cf. arrêt 2C_34/2017 du 24 août 2018 consid. 5.5 destiné à la publication, en lien avec l'illicéité). La recourante réclame la réparation d'un préjudice patrimonial. Comme la lésion d'un droit patrimonial d'autrui ne représente pas, en tant que telle, un acte illicite, il faut encore qu'une règle de comportement interdise une telle atteinte ou, en cas d'omission, confère à son auteur une obligation juridique d'agir (ATF 126 III 113 consid. 2a/aa p. 114 s.) et que cette règle ait pour but la protection du bien lésé (théorie de la 
7.5. En l'espèce, le dommage invoqué par la recourante découle de l'impossibilité de rouvrir l'hôtel qu'elle avait rénové, tant que le carrefour n'était pas aménagé. Elle n'invoque pas, dans ce contexte, la violation d'une norme de comportement protégeant son intérêt patrimonial qui serait issue de dispositions de droit cantonal ou fédéral en matière d'aménagement du territoire, mais se prévaut d'un retard injustifié constituant un déni de justice contraire à l'art. 29 al. 1 Cst. L'acte illicite découlerait ainsi du retard pris par la Commune dans l'aménagement du carrefour. La Société soutient que, tant que la Commune n'avait pas concrétisé la procédure routière préalable, la délivrance d'un permis d'habiter et partant l'exploitation de l'hôtel était impossible. Or, la Commune avait mis douze ans pour la réalisation d'un giratoire, ce qui signifiait qu'elle avait tardé au-delà de toute mesure admissible.
7.6. En tant que tel, un retard à statuer constitutif d'un déni de justice au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. peut, selon la nature de l'acte qui devait être accompli (par exemple une décision), constituer un acte illicite susceptible d'entraîner la responsabilité de la collectivité publique concernée; il faut toutefois que les autres conditions de la responsabilité étatique soient réalisées (cf., sur cette question, arrêt 2C_34/2017 du 24 août 2018 consid. 7.3.2 destiné à la publication et les arrêts cités).
Il n'est a priori pas évident qu'un déni de justice à charge de la Commune en lien avec la procédure portant sur l'aménagement du carrefour puisse être retenu. En effet, selon l'arrêt attaqué, la mise en place d'un tel aménagement routier n'était pas du ressort de la seule intimée, mais supposait aussi l'accord des deux autres communes adjacentes (cf. infra consid. 8); en outre, aucun délai pour cet aménagement n'avait été fixé. Il appartenait à tout le moins à la recourante de le démontrer précisément (art. 106 al. 2 LTF), ce qu'elle ne fait pas, se contentant de tirer de l'écoulement du temps entre les premières discussions et l'aménagement final un déni de justice, ce qui n'est pas suffisant. Quoi qu'il en soit, il ressort des constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que non seulement l'hôtel avait toujours été accessible, même sans l'aménagement routier litigieux, mais aussi qu'aucun permis d'habiter n'avait été demandé par la Société à la Commune. Il découle ainsi de ces éléments que le déni de justice allégué en lien avec l'aménagement du carrefour n'a pas privé l'hôtel de tout accès et il n'est pas démontré qu'il l'aurait empêché d'obtenir un permis d'habiter si elle l'avait requis. Ces faits excluent l'existence d'un lien de causalité naturelle entre le comportement illicite invoqué (retard dans l'aménagement du carrefour constitutif d'un déni de justice) et le dommage allégué, en lien avec la non-réouverture de l'hôtel.
C'est donc sans arbitraire que la Cour d'appel a refusé d'admettre la réalisation des conditions d'une responsabilité illicite de la Commune fondée sur l'art. 4 LRECA/VD.
III. Responsabilité fondée sur la confiance
8. Les juges cantonaux ont enfin exclu toute prétention de la recourante issue d'une violation du principe de la confiance. Ils ont retenu que la Municipalité n'était de toute manière pas compétente pour s'engager à réaliser le carrefour, situé sur une route cantonale à la frontière séparant trois communes. Il était donc particulièrement évident que la Municipalité ne pouvait pas valablement promettre seule la réalisation de l'ouvrage.
 
Erwägung 9
9.1. La recourante soutient en substance que la Commune lui aurait initialement laissé croire que la création de la présélection litigieuse était une simple formalité et que l'intimée n'avait jamais soulevé la problématique des autres communes, celle-ci n'ayant jamais été présentée comme un obstacle. La Société en déduit que l'intimée lui aurait fait la promesse d'une réalisation simple et rapide de la présélection de la Couronnette.
9.2. Fondé directement sur l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de celles-ci (ATF 141 V 530 consid. 6.2 p. 538). Ce principe protège ainsi les administrés en cas de renseignement erroné fourni par l'autorité (arrêt 2C_382/2016 du 11 juillet 2017 consid. 7.2). Il faut toutefois que celle-ci ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu (ATF 141 V 530 consid. 6.2 p. 538; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637; pour une énumération complète des conditions de la bonne foi, cf. ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 et les références citées).
9.3. En l'occurrence, l'aménagement routier litigieux était situé sur une route cantonale, à la frontière séparant trois communes. Les juges cantonaux ont retenu, en application du droit cantonal, que l'intimée n'était pas seule compétente. La recourante ne soutient pas que cette conclusion procéderait d'une application arbitraire du droit cantonal. En revanche, elle estime que l'intimée, en envisageant initialement la seule mise en place d'une présélection, lui aurait laissé croire que sa réalisation, même si elle n'était pas entièrement de sa compétence, serait une vaine formalité.
Ce faisant, la recourante se focalise sur les toutes premières discussions, avant qu'il ne soit question d'un rond-point. Il a pourtant été rapidement clair que l'intimée devait obtenir l'approbation des autres communes et que celle-ci était loin d'être acquise. Selon les faits constatés, la recourante ne saurait sérieusement prétendre que la Commune lui aurait laissé croire qu'elle était seule compétente de facto pour procéder à l'aménagement, l'accord des autres communes n'étant qu'une simple formalité. En effet, le 4 septembre 1998 déjà, selon un procès-verbal d'une séance à laquelle participaient les représentants de l'intimée et l'administrateur-président de la recourante (arrêt attaqué, p. 7), il a été relevé que si le projet de présélection présenté par l'intimée avait été approuvé par le Département cantonal des infrastructures, ce projet devait être transmis aux trois communes concernées, afin d'être soumis à l'enquête publique; la Commune de Mont-sur-Rolle avait quant à elle approché le Service des routes et envisagé de créer un giratoire sur ledit carrefour, les Communes de Rolle et de Mont-sur-Rolle devant se rencontrer à ce sujet. Il en découle que depuis cette séance de septembre 1998, la recourante ne pouvait ignorer que l'intimée n'avait pas seule la maîtrise de l'aménagement et que sa réalisation ne relevait pas d'une simple formalité. Elle savait également que la solution du giratoire, plus onéreuse, était aussi envisagée par les deux autres communes.
Sur cette base, on ne voit manifestement pas que l'on puisse reprocher à la Cour d'appel d'avoir rejeté l'application du principe de la confiance.
10. Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté, les fondements de la responsabilité invoqués par la recourante ne permettant pas de justifier ses prétentions envers la Commune. Il n'y a partant pas lieu d'examiner les griefs de la recourante concernant les autres conditions de la responsabilité, envisagées de manière sommaire et superfétatoire par la Cour d'appel dans l'arrêt attaqué. Le point de savoir si la cause est ou non prescrite, comme le soutient la recourante, n'a plus d'objet au vu de l'issue du litige.
11. La recourante supportera les frais (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 30'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires respectifs de la recourante et de l'intimée, ainsi qu'à la Cour civile et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 16 octobre 2018
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Seiler
Le Greffier : Ermotti