BGer 1C_521/2017
 
BGer 1C_521/2017 vom 14.05.2018
 
1C_521/2017, 1C_532/2017, 1C_545/2017
 
Arrêt du 14 mai 2018
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Karlen, Eusebio, Chaix et Kneubühler.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1C_521/2017
Gérard Robin,
recourant,
1C_532/2017
Pierre-François Duc,
recourant,
1C_545/2017
1.  Hugues Salomé,
2.  Cyril Duc,
tous les deux représentés par
Me Mercedes Novier, avocate,
recourants,
contre
Commune de Tolochenaz,
agissant par la Municipalité de Tolochenaz,
elle-même représentée par Me Laurent Trivelli, avocat,
intimée,
Préfète du district de Morges,
Conseil d'Etat du canton de Vaud,
agissant par le Service juridique et législatif, Direction.
Objet
Droits politiques, recours contre la votation communale du 27 novembre 2016,
recours contre les arrêts du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Cour constitutionnelle,
du 12 septembre 2017.
 
Faits :
A. Dans sa séance du 20-21 juin 2016, le Conseil communal de Tolochenaz a adopté deux préavis municipaux relatifs l'un à un crédit de 3'600'000 fr. pour l'achat de quatre bâtiments au centre du village et une étude de mise en valeur, l'autre à l'adoption du plan de quartier "En Cornachon". Le premier de ces préavis a été soumis à un référendum spontané, le second à un référendum populaire et la date de la votation a été fixée au 27 novembre 2016, simultanément à la votation sur l'initiative populaire fédérale "Sortir du nucléaire".
Le 13 octobre 2016, la Municipalité de Tolochenaz a adressé à l'ensemble des habitants de la commune, une lettre d'une page portant la signature de ses cinq membres, recommandant "chaleureusement" de voter deux fois oui et indiquant que durant cinq semaines consécutives, des portes ouvertes auraient lieu tous les mercredis soir dans l'un des bâtiments concernés. Etait joint à cette lettre un dépliant de quatre pages A5 élaboré par le comité "2x OUI" résumant les avantages des deux projets pour la population; les destinataires de la lettre étaient en outre invités à visiter le site Internet du comité ( www.faisons-vivre-tolochenaz.ch). Le 31 octobre 2016, le "comité référendaire 2x NON" a adressé aux mêmes destinataires sa recommandation de vote. La brochure explicative en vue de la votation, remise aux électeurs à partir du 3 novembre 2016, comporte huit pages au format A5. L'exposé des objets soumis à la votation (deux pages) mentionne les avantages que présentent les deux projets pour la population. Il est suivi de l'argumentaire du comité ("dix bonnes raisons de voter deux fois OUI", sur deux pages) et des recommandations de la Municipalité, également favorable sans réserve: "le double OUI permet de réaliser le projet de la Municipalité visant à transformer le coeur du village pour y créer un lieu de vie et de rencontre à disposition des habitants de Tolochenaz". Les arguments des opposants (en substance des motifs tenant à l'esthétique, à l'intégration et à la densification, au stationnement et à la circulation et à des raisons d'ordre fiscal et budgétaire), figurent sur les deux dernières pages.
Le 4 novembre 2016, les membres du comité "2x NON", soit Gérard Robin, Cyril Duc et Pierre-François Duc, ont adressé un recours à la Préfecture de Morges, considérant que la brochure explicative ne présentait pas les arguments de manière équitable. Ce recours a été transmis au Conseil d'Etat du canton de Vaud.
B. Le résultat de la votation du 27 novembre 2016 a été le suivant:
" Electeurs inscrits: 1276
Cartes des votes reçues: 797
Bulletins rentrés: 774
Bulletins blancs: 1
Bulletins nuls: 2
Bulletins valables: 771
Oui: 389
Non: 382
Taux de participation: 60.71%
Bulletins rentrés: 777
Bulletins blancs: 4
Bulletins nuls: 2
Bulletins valables: 771
Oui: 396
Non: 375
Taux de participation: 60.94% ".
Un nouveau recours a été formé au Conseil d'Etat, notamment par Hugues Salomé, contre la proclamation du résultat.
C. Par décision datée du 22 mars 2017, le Conseil d'Etat a joint et rejeté les deux recours. Le comité "2x OUI" ne faisait pas partie des entités autorisées à s'exprimer dans la brochure explicative. Toutefois, l'argumentaire de ce comité pouvait tenir lieu d'avis de l'autorité, cette dernière n'ayant pas présenté de prise de position propre. En définitive, les arguments des partisans et des opposants étaient présentés de manière équilibrée et tenaient chacun sur deux pages, même si la police de l'avis du comité "2x OUI" était légèrement plus petite. Une éventuelle irrégularité n'avait pas eu d'influence sur le résultat de la votation. Les autres arguments relatifs au manque d'objectivité de la Municipalité ont été considérés comme non pertinents. S'agissant du résultat de la votation, un recomptage avait été effectué et aucune erreur n'avait été mise en évidence. La différence entre le nombre de cartes de vote et le nombre de bulletins déposés pouvait s'expliquer par le fait que certains électeurs n'avaient pas voté pour tous les objets soumis simultanément au scrutin. Aucune irrégularité n'était apparue dans le dépouillement.
D. Par trois arrêts du 12 septembre 2017, la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les recours formés par Hugues Salomé et Cyril Duc, par Gérard Robin et par Pierre-François Duc, Frédéric Glassey et Jean-François Huguelet. Le fait que l'argumentaire des opposants soit présenté à la fin de la brochure explicative ne constituait pas un traitement inéquitable. Les arguments du comité "2x OUI" pouvaient remplacer l'avis de l'autorité et les deux textes étaient présentés de manière comparable. Le comité "2x OUI" n'avait pas diffusé d'informations trompeuses; même si ce comité avait engagé des moyens assez importants, une intervention de l'autorité communale pour rétablir l'équilibre ne se justifiait pas. Concernant les opérations de vote et de dépouillement, il était courant que le nombre de cartes de vote dépasse celui des bulletins rentrés; les procès-verbaux du bureau électoral ne faisaient état d'aucune irrégularité (double vote notamment); l'ouverture par une seule personne des enveloppes de vote par correspondance ne constituait pas une irrégularité, pas plus que la présence, à l'issue du dépouillement, de deux personnes étrangères à l'administration.
E. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Gérard Robin (1C_521/2017), Pierre-François Duc (1C_532/2017), Hugues Salomé et Cyril Duc (1C_545/2017) demandent en substance et à titre principal l'annulation de la votation. Préalablement, les recourants demandent l'octroi de l'effet suspensif ou de mesures provisionnelles tendant à empêcher la commune d'entreprendre des démarches liées à la mise en oeuvre des projets concernés par la votation.
Par ordonnances du 24 octobre 2017, la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles a été admise.
La Cour constitutionnelle renonce à se déterminer sur les recours et se réfère aux considérants de son arrêt. Le Service juridique et législatif du canton de Vaud, agissant sur délégation du Conseil d'Etat, conclut au rejet des recours. La commune de Tolochenaz conclut également au rejet des recours. Les recourants ont présenté des déterminations complémentaires et persistent dans leurs conclusions respectives.
Les parties n'ont pas déposé d'autres observations.
 
Considérant en droit :
1. Les trois recours sont dirigés au fond contre une même votation communale et font valoir des arguments similaires. Il se justifie de les joindre afin qu'il soit statué à leur sujet par un seul et même arrêt (art. 71 LTF et 24 PCF).
2. Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. Cette voie de recours permet en particulier aux citoyens de contester le résultat d'une votation communale.
Citoyens actifs de la commune de Tolochenaz, les recourants, qui ont pris part à la procédure devant la Cour constitutionnelle, ont la qualité pour recourir, au sens de l'art. 89 al. 3 LTF.
Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, les recours sont recevables au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.
3. Invoquant l'art. 34 Cst. ainsi que les dispositions de droit cantonal en matière de votations populaires (art. 24 de la loi vaudoise sur l'exercice des droits politiques - LEDP) et les droits constitutionnels cantonaux, les recourants soulèvent deux griefs distincts. Le premier se rapporte au contenu de la notice explicative et à l'attitude de la municipalité avant la votation. Le second a trait à des irrégularités qui auraient entaché la procédure de dépouillement.
Dans leur premier grief, les recourants reprochent à la cour cantonale de s'être limitée à l'examen de la brochure explicative, sans s'interroger sur l'ensemble des informations diffusées par l'autorité, en particulier le tout-ménage du 13 octobre 2016 aux armoiries de la commune, contenant le flyer du comité "2x OUI", une référence au site Internet de ce même comité et annonçant des soirées d'information organisées par la commune. Les recourants critiquent ensuite la forme et le contenu de la brochure explicative assimilant l'argumentaire des partisans du projet avec la position de la Municipalité. Ils évoquent également la mention du site Internet précité sur le site officiel de la commune. Ils relèvent en outre que le dépliant du 18 novembre 2016 du comité "2x OUI" comporterait les mêmes caractéristiques graphiques que les autres communications, accentuant la confusion entre la position du comité et celle de l'autorité. Le recourant Duc s'attache en outre à démontrer que les affirmations figurant dans ce dépliant seraient erronées. Les recourants évoquent enfin les cinq soirées d'information animées par les conseillers municipaux, en présence du conseiller en communication du comité "2x OUI". Ils en déduisent que la commune aurait mené une campagne disproportionnée et n'aurait pas respecté son devoir de réserve ainsi que l'égalité des armes.
3.1. L'art. 34 al. 2 Cst. garantit aux citoyens qu'aucun résultat de vote ne soit reconnu s'il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l'expression de leur libre volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence. La liberté de vote garantit la sincérité du débat nécessaire au processus démocratique et à la légitimité des décisions prises en démocratie directe (ATF 139 I 2 consid. 6.2 p. 13 s. et les références citées).
3.1.1. Le résultat d'une votation est faussé en particulier lorsque les autorités influencent de manière inadmissible les citoyens; une influence de ce genre peut notamment s'exercer dans les explications officielles adressées aux citoyens. La liberté de vote admet les explications ou messages officiels relatifs à une votation, où l'autorité explique l'objet du scrutin et recommande son acceptation ou son rejet. L'autorité n'est pas tenue à un devoir de neutralité et elle peut donc formuler une recommandation de vote, mais elle doit respecter un devoir d'objectivité, de transparence et de proportionnalité. Les informations qu'elle apporte doivent prendre place dans un processus ouvert de formation de l'opinion, ce qui exclut les interventions excessives et disproportionnées s'apparentant à de la propagande et propres à empêcher la formation de l'opinion (ATF 140 I 338 consid. 5.1 p. 342). L'autorité viole ainsi son devoir d'information objective lorsqu'elle informe de manière erronée sur le but et la portée du projet. Les explications de vote satisfont à l'exigence d'objectivité lorsqu'elles sont équilibrées et répondent à des motifs importants, qu'elles fournissent une image complète du projet avec ses avantages et ses inconvénients, et qu'elles mettent les électeurs en mesure d'acquérir une opinion; au-delà d'une certaine exagération, elles ne doivent être ni contraires à la vérité ni tendancieuses, ni simplement inexactes ou incomplètes. L'autorité n'est pas tenue de discuter chaque détail du projet ni d'évoquer chaque objection qui pourrait être soulevée à son encontre, mais il lui est interdit de passer sous silence des éléments importants pour la décision du citoyen ou de reproduire de manière inexacte les arguments des adversaires du référendum ou de l'initiative (ATF 143 I 78 consid. 4.4 p. 82; 139 I 2 consid. 6.2 p. 13 s.; 138 I 61 consid. 6.2 p. 82 et les références citées).
3.1.2. En droit vaudois, l'art. 24 LEDP s'applique aux explications officielles en vue d'une votation. Il précise (al. 2) que "la brochure explicative contient mot pour mot la question posée aux électeurs ainsi que des explications succinctes et objectives sur l'objet du vote. Elle contient également le résultat du vote du Grand Conseil, un avis et une recommandation de vote des autorités et, le cas échéant, l'avis d'importantes minorités. Les recommandations de vote des différentes formations politiques représentées par un groupe au Grand Conseil y figurent également". Selon l'al. 3, dans le cas d'une initiative ou d'un référendum, le comité remet au département un texte présentant ses arguments. Ce texte sera traité équitablement sur le plan graphique et pourra avoir une dimension égale à l'avis des autorités. Le département peut modifier ou refuser des propos portant atteinte à l'honneur, manifestement contraires à la vérité ou trop longs. Ces dispositions s'appliquent par analogie pour les votations communales (al. 4).
3.1.3. Lorsque des irrégularités sont constatées, la votation n'est annulée qu'à la double condition que la violation constatée est grave et qu'elle a pu avoir une influence sur le résultat du vote. Il y a lieu de tenir compte notamment de l'écart de voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble. Si la possibilité d'un résultat différent au cas où la procédure n'avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à l'annulation du vote; dans le cas contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation. Lorsque la différence de voix est très nette, seules de graves irrégularités sont de nature à remettre en cause la validité du résultat du vote (ATF 143 I 78 consid. 7.1 p. 90; 138 I 61 consid. 4.7.2 p. 78; 135 I 292 consid. 4.4 p. 301). L'art. 120 al. 2 LEDP précise à ce sujet qu'en matière d'élection ou de votation, le recourant doit rendre vraisemblable que la nature et l'importance des irrégularités dont il fait état ont pu influencer de façon déterminante le résultat.
3.2. Telles qu'elles ressortent de l'arrêt attaqué et du dossier - sans qu'il soit besoin de corriger ou de compléter formellement l'état de fait comme le voudraient certains recourants en se fondant sur l'art. 97 al. 1 LTF -, les différentes interventions de la Municipalité avant la votation peuvent être récapitulées de la manière suivante.
Le 13 octobre 2016, elle a adressé à tous les électeurs un tout-ménage d'une page portant les armoiries de la commune et la signature des cinq membres de la Municipalité. Elle y explique l'objet de la votation, soit d'une part la création d'un nouveau quartier d'habitations et d'autre part l'acquisition de bâtiments au centre afin de créer des lieux de vie, notamment une auberge et des commerces de proximité. Expliquant que les deux projets sont liés, elle "recommande chaleureusement de voter deux fois oui". Elle explique que des portes ouvertes seront organisées chaque mercredi soir afin de présenter les projets et de répondre aux questions. Est joint à cette lettre le dépliant format A5 de quatre pages intitulé "faisons vivre Tolochenaz", exposant en dix points les raisons de voter oui et rappelant la tenue des portes ouvertes avec une animation 3D présentée par les Municipaux. Les citoyens sont aussi invités à consulter le site Internet du comité "2x OUI" ( www.faisons-vivre-Tolochenaz.ch). Affirmant qu'il s'agit d'une occasion unique de soutenir deux projets raisonnables et qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts, la Municipalité encourage encore une fois les citoyens à voter. La Municipalité et le comité "2x OUI" ont ainsi exposé conjointement leurs arguments favorables avant même l'envoi du matériel de vote.
Ce matériel a été reçu dès le 3 novembre 2016 par les électeurs. La brochure explicative format A5, comporte huit pages. L'exposé et la chronologie des objets soumis à la votation (2 pages) mentionnent les avantages que présentent les deux projets pour la population. Ils sont suivis de l'argumentaire du comité ("dix bonnes raisons de voter deux fois OUI", sur deux pages, reprenant intégralement les arguments du dépliant précité) et des recommandations de la Municipalité de voter deux fois oui, ajoutant que cette manière de voter "permet de réaliser le projet de la Municipalité visant à transformer le coeur du village pour y créer un lieu de vie et de rencontre à la disposition des habitants de Tolochenaz". Les arguments des opposants figurent sur les deux dernières pages, dans une police légèrement plus grande.
Il est par ailleurs admis (cela ressort en particulier de la décision du Conseil d'Etat) que le site Internet officiel de la commune comportait, sous la rubrique des votations du 27 novembre 2016, un lien vers le site du comité "2x OUI".
3.3. Il apparaît ainsi que les différentes interventions de la Municipalité ont exclusivement eu pour objet de promouvoir, sans aucune réserve, les deux objets soumis au vote. Tout au long de la procédure préparatoire, les avis convergents de la Municipalité et du comité "2x OUI" ont été présentés simultanément et de manière indistincte. L'autorité fait ainsi constamment référence au comité, et ce dernier fait usage des armoiries communales dans son dépliant, conférant à celui-ci une apparence officielle. La brochure explicative commence par la rubrique "l'essentiel en bref", soit la présentation sur deux pages des objets soumis au vote. Il ne s'agit toutefois pas d'une présentation neutre et objective puisqu'elle expose déjà dans le détail les avantages des deux projets pour la population. Les deux pages suivantes contiennent l'avis du comité "2x OUI" ("dix bonnes raisons de voter deux fois oui") alors que, comme l'ont relevé les instances précédentes, celui-ci ne constitue pas un comité d'initiative ou un comité référendaire au sens de l'art. 24 al. 3 LDEP. Les mêmes instances ont considéré ce mode de faire comme admissible en estimant que l'argumentaire du comité pouvait être assimilé à l'avis de l'autorité. Il n'en demeure pas moins que ce texte ne fait que présenter les avantages des objets soumis aux votes, sans aucune allusion aux objections soulevées à leur encontre. A cela s'ajoute que la Municipalité elle-même a fait figurer sur une page distincte ses propres recommandations brièvement motivées dans lesquelles elle recommande le double oui tout en exposant à nouveau les avantages liés aux projets. Les arguments des opposants figurent sur deux pages en fin de fascicule, alors que les cinq pages précédentes sont en définitive consacrées à la promotion des deux objets. En définitive, face à l'argumentaire des opposants, la brochure explicative contient trois parties entièrement favorables aux projets. On ne saurait, dans ces conditions, y voir une information objective et équilibrée.
Les membres de la Municipalité ont en outre participé à des séances d'information les cinq mercredis ayant précédé la votation. Ces séances sont ouvertement présentées à l'appui des projets. Si un procédé de nature informative est assurément de mise - et conforme d'ailleurs aux exigences du droit fédéral - lorsqu'il s'agit d'informer la population avant des décisions ayant une incidence sur l'aménagement du territoire, il apparaît plus problématique dans le débat précédant une votation, dans la mesure où les membres de l'autorité se posaient exclusivement en défenseurs du projet.
Le comité "2x OUI" a enfin distribué, moins de dix jours avant la votation, un second dépliant intitulé "Non les impôts ne vont pas augmenter / Ne vous laissez pas abuser! informez-vous avant de voter", consacré à la réfutation, en dix points, des objections soulevées par les opposants. Sur l'une des pages de ce dépliant figure une photo des cinq membres de l'exécutif communal, entourée de slogans favorables au projet et dénigrant les opposants ("Ne vous laissez pas tromper par les contre-vérités de ceux qui refusent par intérêt personnel deux excellents projets pour Tolochenaz"). Cela vient encore confirmer l'impression que la position de la Municipalité se confond entièrement avec celle du comité "2x OUI", en contradiction manifeste avec la réserve dont l'autorité devrait faire preuve en une telle occasion.
3.4. Compte tenu du score serré (écart de 7 voix pour le premier objet - 12 voix en tenant compte des sept enveloppes ouvertes dans le cadre de la procédure de recours - et de 21 voix - respectivement 26 - pour le second), on ne saurait exclure que l'intervention massive et unilatérale de la Municipalité en faveur du projet ait pu influer sur le résultat de la votation. Celle ci doit dès lors être annulée, sans qu'il y ait à examiner les autres griefs soulevés en rapport avec le scrutin lui-même.
4. Sur le vu de ce qui précède, les recours sont admis. Cela entraîne l'annulation des arrêts attaqués, de la décision du Conseil d'Etat ainsi que de la votation communale du 27 novembre 2016. Il n'appartient pas, cela étant, au Tribunal fédéral, de donner des instructions à l'autorité communale en vue d'une nouvelle votation, comme le voudraient certains recourants. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. La commune de Tolochenaz versera une indemnité de dépens aux recourants Salomé et Duc, qui agissent avec un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Cette indemnité peut être fixée de manière globale pour les procédures devant le Tribunal fédéral et la Cour constitutionnelle cantonale (art. 68 al. 5 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Les causes 1C_521/2017, 1C_532/2017 et 1C_545/2017 sont jointes.
2. Les recours sont admis; les arrêts attaqués sont annulés, de même que la décision du Conseil d'Etat datée du 22 mars 2017 et la votation communale du 27 novembre 2016.
3. Une indemnité de dépens globale de 4'000 fr. allouée aux recourants Hugues Salomé et Cyril Duc (cause 1C_545/2017) pour les procédures fédérale et cantonale, est mise à la charge de la commune de Tolochenaz.
4. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Préfète du district de Morges, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour constitutionnelle.
Lausanne, le 14 mai 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Kurz