BGer 5A_130/2018
 
BGer 5A_130/2018 vom 11.04.2018
 
5A_130/2018
 
Arrêt du 11 avril 2018
 
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme Dolivo.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Hervé Bovet, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Benoît Sansonnens, avocat,
intimée,
C.________ et D.________,
représentés par Me Philippe Leuba, avocat,
Objet
modification du jugement de divorce
(autorité parentale, garde),
recours contre l'arrêt de la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 10 janvier 2018 (101 2016 64 & 183).
 
Faits :
A. Par jugement du 5 novembre 2007, le Tribunal civil de la Gruyère a prononcé le divorce des époux A.________ et B.________ et a ratifié leur convention sur les effets accessoires, qui attribuait à la mère l'autorité parentale et la garde des enfants C.________, née en 2002, et D.________, né en 2005, et fixait des pensions alimentaires en leur faveur.
A.a. Le 25 mars 2010, ensuite de la demande de la mère et de la demande reconventionnelle du père, le Président du Tribunal civil de la Sarine a modifié le jugement de divorce et ratifié la convention conclue par les parties en audience, modifiant notamment le droit de visite du père et prenant acte de l'engagement de la mère de ne pas transférer le domicile des enfants hors des frontières cantonales sans en aviser le père au moins un mois à l'avance. Le père a fait appel de ce jugement, alléguant que la mère lui avait appris qu'elle avait décidé de s'installer en Tunisie avec les enfants et son nouvel ami à partir du 1er août 2010.
Durant le printemps 2010, mais au plus tard au mois d'août 2010, B.________ a effectivement quitté la Suisse et s'est installée en Tunisie avec les enfants.
Statuant le 1er juillet 2011, la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a réformé le jugement du 25 mars 2010 et modifié le jugement de divorce du 5 novembre 2007, en ce sens que l'autorité parentale et la garde des enfants sont attribuées au père, sous réserve d'un droit de visite en faveur de la mère, le père devant subvenir seul à l'entretien des enfants. Elle a estimé que le départ définitif de la mère pour la Tunisie constituait un fait nouveau important et que le bien-être des enfants n'y était pas garanti. Les recours respectifs formés par chacune des parties au Tribunal fédéral ont été rejetés par arrêt du 31 octobre 2011 (causes 5A_483/2011 et 5A_504/2011).
A.b. Donnant suite à des plaintes du père par jugement du 19 février 2013, le Juge de police de la Sarine a reconnu la mère coupable d'enlèvement de mineurs et l'a notamment condamnée à une peine privative de liberté ferme de 170 jours. L'appel formé par la mère a été rejeté par arrêt du 4 décembre 2013 de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
A.c. La mère est restée en Tunisie avec les enfants. Elle a eu deux autres enfants, en 2011 et 2012.
 
B.
B.a. Le 1er mars 2012, la mère a déposé une nouvelle demande de modification du jugement de divorce, concluant notamment à ce que l'autorité parentale et la garde de C.________ et D.________ lui soient attribuées, un droit de visite étant réservé au père.
Par décision du 21 décembre 2012, la requête de la mère tendant à ce qu'une enquête sociale soit ordonnée a été rejetée et un curateur a été nommé pour représenter les enfants dans la procédure. Celui-ci a conclu, en substance, à ce que l'autorité parentale et la garde soient attribuées à la mère, sous réserve d'un droit de visite en faveur du père.
Par jugement du 25 mars 2014, le Tribunal civil de la Sarine a modifié le jugement de divorce, en ce sens que l'autorité parentale et la garde de C.________ et D.________ sont attribuées à la mère, un droit de visite étant réservé au père. Il a aussi fixé les contributions d'entretien dues par le père en faveur des enfants.
B.b. Statuant le 26 février 2015, la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: la Ie Cour d'appel civil) a rejeté l'appel formé par le père contre cette décision.
Par arrêt du 20 janvier 2016, le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par le père, annulé l'arrêt du 26 février 2015 et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants (cause 5A_331/2015).
B.c. Statuant à nouveau le 10 janvier 2018, la Ie Cour d'appel civil a partiellement admis l'appel interjeté par le père et réformé la décision du Tribunal civil de la Sarine du 25 mars 2014, en ce sens que l'autorité parentale sur les enfants C.________ et D.________ est attribuée conjointement à leurs parents et que " la garde et l'entretien des enfants sont confiés à B.________ ", la décision précitée étant confirmée pour le surplus.
C. Par acte du 8 février 2018, A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme de l'arrêt entrepris, en ce sens que la demande de modification du jugement de divorce du 1er mars 2012 est rejetée. Il sollicite aussi le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Des réponses n'ont pas été demandées.
 
Considérant en droit :
1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), prise par un tribunal cantonal supérieur statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF). Le litige porte sur l'attribution de la garde et de l'autorité parentale, de sorte qu'il s'agit d'une affaire non pécuniaire. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi (art. 42 LTF), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 let. a LTF) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 let. b LTF).
 
Erwägung 2
2.1. En vertu du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l'autorité cantonale à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral; sa cognition est limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été jugé définitivement par le Tribunal fédéral ainsi que par les constatations de fait qui n'ont pas été critiquées devant lui; des faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait l'objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (ATF 131 III 91 consid. 5.2 et les références). Saisi d'un recours contre la nouvelle décision cantonale, le Tribunal fédéral est aussi lié par son arrêt de renvoi (ATF 125 III 421 consid. 2a); il ne saurait se fonder sur les motifs qui avaient été écartés ou qu'il n'avait pas eu à examiner, faute pour les parties de les avoir invoqués dans la précédente procédure de recours, alors qu'elles pouvaient - et devaient - le faire. La portée de l'arrêt de renvoi dépend donc du contenu de cet arrêt en relation avec les mémoires de recours et de réponse qui avaient été déposés: le procès civil doit parvenir un jour à sa fin et les parties - aussi bien la partie recourante que la partie intimée - doivent soulever tous les griefs qu'elles souhaitent voir traités de façon que le Tribunal fédéral soit en mesure de rendre une décision finale qui clôt le litige (ATF 135 III 334 consid. 2; 133 III 201 consid. 4.2; arrêt 5A_56/2018 du 6 mars 2018 consid. 3.1).
2.2. Dans les limitées dictées par le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 143 V 19 consid. 2.3; 140 III 86 consid. 2).
Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références), sauf en présence d'une violation du droit évidente (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 140 III 115 consid. 2; 138 I 274 consid. 1.6; 133 II 249 consid. 1.4.1).
2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Le Tribunal fédéral ne corrige les constatations de fait que si elles sont arbitraires (art. 9 Cst.) et ont une influence sur le résultat de la décision (ATF 133 II 249 consid. 1.2.2).
3. Dans l'arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral a considéré que les autorités suisses n'étaient en principe pas compétentes pour se saisir de l'action en modification du jugement de divorce, sauf à pouvoir fonder leur compétence sur l'art. 85 al. 3 LDIP. Dans la mesure où les faits nécessaires pour déterminer si la protection des enfants exigeait que les tribunaux suisses se considèrent comme compétents en vertu de cette disposition ne ressortaient pas de l'arrêt querellé, la cause a été renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision (arrêt 5A_331/2015 du 20 janvier 2016, publié aux ATF 142 III 56, consid. 2.1).
Se conformant aux exigences de cet arrêt, l'autorité cantonale a pu établir que les autorités tunisiennes n'étaient pas intervenues et qu'elles n'allaient pas le faire. Il n'y avait pas eu de décision ni d'ouverture d'une procédure concernant les enfants, alors qu'ils vivaient et étaient scolarisés dans ce pays depuis plus de sept ans. Le risque que des mesures soient prises à l'étranger et qu'elles rendent la compétence des autorités suisses inutile ou inopportune était ainsi très faible. Dans ces circonstances, la juridiction précédente a retenu qu'il était nécessaire d'agir dans un but de protection des enfants, qui n'avaient pas vu leur père depuis des années et qui risquaient de ne pas le voir tant qu'aucune décision ne statuait définitivement sur la question de la garde. La compétence des autorités suisses était donc fondée, en vertu de l'art. 85 al. 3 LDIP.
Cette compétence n'est pas remise en cause par le recourant. Il s'agit toutefois d'une question qui doit être examinée d'office par le Tribunal fédéral (ATF 142 III 56 consid. 2.1). Sur la base des faits qui ressortent de l'arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés, partant, qui lient la Cour de céans (cf. supra consid. 2.3), c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que les tribunaux suisses étaient compétents, en l'espèce, pour statuer sur la requête de modification du jugement de divorce (cf. à ce sujet ATF 142 III 56 consid. 2.1.4).
4. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 134 CC.
4.1. En particulier, il fait valoir que, se méprenant sur la portée de l'arrêt de renvoi, la cour cantonale a omis de vérifier si des faits nouveaux et durables, au sens de cette disposition, impliquaient d'entrer en matière sur la requête de modification du jugement de divorce du 1er mars 2012. Il ajoute que, dans la mesure où les faits nouveaux doivent exister au moment du dépôt de la requête, ce serait à tort que la cour cantonale a tenu compte à ce titre de l'âge actuel des enfants et la durée de leur séjour en Tunisie (arrêt entrepris, p. 9). Le recourant relève aussi qu'au moment du dépôt de la requête de modification, les enfants n'étaient âgés que de " quatre mois de plus que la situation prise en considération de l'arrêt du Tribunal fédéral " du 31 octobre 2011. Leur âge ne pouvait donc pas constituer un fait nouveau. Il en allait de même s'agissant de leur " prétendue " volonté de rester avec leur mère. Enfin, " aucun des prétendus faits nouveaux allégués dans la requête du 1er mars 2012 aux chiffres 8 à 19 ne constitue[rait] un fait nouveau susceptible d'entraîner une modification de jugement de divorce ".
4.2. Comme le relève le recourant, la cour cantonale a méconnu la portée de l'arrêt de renvoi, considérant, à tort, qu'il en ressortait que " si les autorités suisses sont compétentes, il faudrait considérer que des faits nouveaux importants et durables au sens de l'art. 134 CC impliquent d'entrer en matière sur la requête de modification du jugement de divorce " (arrêt entrepris, consid. 4.1 p. 8). En réalité, dans l'arrêt de renvoi, la Cour de céans n'a pas tranché la question de l'existence de faits nouveaux au sens de l'art. 134 CC. Elle a uniquement relevé que, dans l'hypothèse où la compétence des autorités suisse serait donnée
Ce nonobstant, il ressort des faits de la cause qu'au moment du dépôt de la requête (1er mars 2012), les enfants vivaient en Tunisie depuis plus d'un an et demi (à tout le moins depuis août 2010) avec le nouvel enfant de leur mère, né en 2011, et avec la perspective de demeurer dans ce pays, ce d'autant qu'un nouvel enfant est né en 2012, ce qui constitue un motif de réexamen de leur situation. Ces faits, ultérieurs à la précédente requête de modification du jugement de divorce ayant donné lieu au jugement du 25 mars 2010, étaient véritablement nouveaux et durables. L'autorité cantonale n'a ainsi pas violé le droit fédéral en considérant qu'il s'imposait d'entrer en matière sur la demande de modification du jugement de divorce, partant, d'examiner s'il se justifiait de modifier la réglementation de la garde et de l'autorité parentale. Il s'ensuit que les critiques du recourant doivent être rejetées par substitution de motifs.
5. Le recourant ne remet pas en cause l'attribution de l'autorité parentale conjointe (arrêt entrepris, consid. 4.2), pas plus que les considérations de la juridiction précédente ayant conduit à confier à la mère la garde des enfants et le droit de déterminer leur lieu de résidence (arrêt entrepris, consid. 4.3.2 in fine). Il n'y a donc pas lieu de s'y pencher (cf. supra consid. 2.2 in fine).
 
Erwägung 6
En conclusion, le recours est rejeté. La requête d'assistance judiciaire du recourant est admise (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires lui incombant seront donc provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 4 LTF) et celle-ci versera à son conseil une indemnité à titre d'honoraires d'avocat d'office. Il n'est pas alloué de dépens aux autres participants à la procédure, aucune détermination n'ayant été demandée.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La requête d'assistance judiciaire du recourant est admise et Me Hervé Bovet lui est désigné comme avocat d'office.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr. et provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral, sont mis à la charge du recourant.
4. Une indemnité de 2'000 fr., supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à Me Hervé Bovet à titre d'honoraires d'avocat d'office.
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à Me Philippe Leuba, curateur des enfants, et à la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
Lausanne, le 11 avril 2018
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
La Greffière : Dolivo