BGer 1C_32/2018
 
BGer 1C_32/2018 vom 26.01.2018
 
1C_32/2018
 
Arrêt du 26 janvier 2018
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Karlen, Juge présidant,
Fonjallaz et Chaix.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________ Inc.,
3. C.________ Corp.,
toutes les trois représentées par Me Cedric Berger, avocat,
recourantes,
contre
Ministère public de la Confédération, route de Chavannes 31, case postale, 1001 Lausanne.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Argentine,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 4 janvier 2018 (RR.2017.153 + RR.2017.154 + RR 2017.155 + RR.2017.156 + RR.2017.157).
 
Faits :
A. Par décision de clôture du 10 mai 2017, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ordonné la transmission aux autorités argentines des documents relatifs à des comptes bancaires détenus par A.________, B.________ Inc. et C.________, toutes trois à Panama. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide formée pour les besoins d'une procédure pénale dirigée notamment contre D.________ (ci-après: le prévenu), soupçonné de blanchiment d'argent en rapport avec une surfacturation relative à des travaux adjugés par l'Etat argentin.
B. Par arrêt du 4 janvier 2018, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté les recours formés par les trois sociétés. L'argument tiré du principe "ne bis in idem" (en raison d'un abandon des poursuites en Argentine et en Suisse) ne pouvait être invoqué que par la personne poursuivie à l'étranger. Il en allait de même du grief tiré de l'art. 2 EIMP (défauts de la procédure étrangère) et les recourantes ne pouvaient pas non plus invoquer le principe de la spécialité puisqu'elles ne le faisaient pas dans leur propre intérêt. Le principe de la double incrimination était respecté, s'agissant d'infractions de faux dans les titres. La transmission était conforme au principe de la proportionnalité dès lors que les comptes avaient comme ayants droit des proches du prévenu et que certaines transactions impliquaient des entreprises visées dans la procédure étrangère.
C. Par acte du 18 janvier 2018, A.________, C.________ Corp. et B.________ Inc. forment un recours en matière de droit public par lequel elles demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes, de rejeter la demande d'entraide et de dire qu'aucun renseignement mentionnant le nom des recourantes, du prévenu, de ses enfants ou de ses sociétés ne sera transmis. Subsidiairement, elles concluent au renvoi de la cause au Tribunal pénal fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elles demandent préalablement au Tribunal fédéral de confirmer l'effet suspensif.
Il n'a pas été demande de réponse.
 
Considérant en droit :
1. Selon l'art. 109 al. 1 LTF, la cour siège à trois juges lorsqu'elle refuse d'entrer en matière sur un recours soumis à l'exigence de l'art. 84 LTF.
1.1. A teneur de cette disposition, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132).
1.2. La présente espèce porte certes sur la transmission de renseignements touchant le domaine secret. Toutefois, compte tenu des faits à l'origine de la demande d'entraide et de la nature de la transmission envisagée, portant sur la documentation relative à des comptes bancaires, le cas ne revêt en soi aucune importance particulière.
1.3. Les recourantes estiment avoir démontré que la procédure en Argentine comporte des vices graves. Elles reprochent à la Cour des plaintes d'avoir déclaré irrecevables leurs griefs relatifs au principe "ne bis in idem" ainsi qu'aux défauts de la procédure étrangère. Sur ces points, l'arrêt attaqué est conforme à la pratique constante qui ne reconnaît la qualité pour soulever de tels griefs qu'à celui qui est concrètement exposé aux vices invoqués, soit la personne poursuivie qui réside sur le territoire de l'Etat requérant et encourt de ce fait un traitement prohibé, respectivement la personne exposée à une double condamnation (concernant l'art. 2 EIMP: ATF 130 II 217 consid. 8.2 p. 227 s.; 129 II 268 consid. 6.1 p. 271 et les arrêts cités; concernant le principe "ne bis in idem": arrêts 1C_534/2015 du 22 octobre 2015, 1A.5/2007 du 25 janvier 2008 consid. 2.4 et 3.5). Il en va de même s'agissant du principe de la spécialité, que seules peuvent invoquer les personnes courant le risque d'une utilisation prohibée (notamment à des fins fiscales) des renseignements transmis (arrêt 1A.252/1991 du 2 avril 1992 consid. 2c). Tel n'est pas le cas de sociétés panaméennes n'exerçant aucune activité dans l'Etat requérant et n'étant pas habilitées à agir dans l'intérêt de tiers (art. 89 al. 1 let. b LTF).
1.4. Pour le surplus, les griefs relatifs au principe de la proportionnalité et de la double incrimination ne soulèvent aucune question de principe. La Cour des plaintes s'en est tenue sur le premier point à la jurisprudence constante qui consacre le principe d'utilité potentielle. Sur le second point, elle a considéré que les faits décrits dans la demande d'entraide seraient constitutifs en droit suisse de faux dans les titres. Les recourantes relèvent que la punissabilité du délit de blanchiment en droit argentin ne serait pas acquise, faute de délits préalables. Elles méconnaissent que l'autorité d'entraide judiciaire n'a pas à examiner la punissabilité des faits selon le droit de l'Etat requérant, comme cela ressort du texte clair de l'art. 64 al. 1 EIMP ainsi que de l'art. 6 al. 1 du traité d'entraide judiciaire avec l'Argentine (RS 0.351.915.4).
2. En définitive, le cas ne revêt aucune importance particulière au sens de l'art. 84 LTF, dont il convient de rappeler que le but est de limiter fortement l'accès au Tribunal fédéral dans le domaine de l'entraide judiciaire, en ne permettant de recourir que dans un nombre limité de cas jugés particulièrement importants (ATF 133 IV 125, 129, 131, 132).
Le recours est dès lors irrecevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge solidaire des recourantes qui succombent.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est irrecevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourantes.
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 26 janvier 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Karlen
Le Greffier : Kurz