BGer 1C_558/2017
 
BGer 1C_558/2017 vom 21.11.2017
1C_558/2017
 
Arrêt du 21 novembre 2017
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Karlen, Fonjallaz, Eusebio et Chaix.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
2. B.________,
tous les deux représentés par Mes Maurice Harari et
Laurent Baeriswyl,
recourants,
contre
Ministère public de la Confédération, Taubenstrasse 16, 3003 Berne.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France; remise de moyens de preuve,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
Cour des plaintes, du 2 octobre 2017 (RR.2017.53-54).
 
Faits :
A. Le 17 novembre 2014, le Ministère public de la Confédération (MPC) est entré en matière sur une demande d'entraide judiciaire formée par un juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Paris dans le cadre d'une information pour délits d'initiés mettant notamment en cause C.________ et B.________. La demande tendait à une surveillance active de raccordements téléphoniques. Le MPC a autorisé la transmission immédiate des données récoltées tout en interdisant aux autorités françaises leur utilisation à des fins probatoires et en réservant une décision finale de refus. A notamment fait l'objet d'une surveillance un raccordement détenu par A.________ SA, mais utilisé par B.________. Par arrêt du 23 novembre 2015 (1C_594/2015), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé à ce stade par B.________ et A.________, considérant que les écoutes téléphoniques n'avaient pas donné de résultat susceptible de faire l'objet d'une transmission immédiate.
Le 4 avril 2016, le MPC est entré en matière sur une demande d'entraide complémentaire portant sur un titre dont l'achat et la revente auraient rapporté 3'100'000 euros à B.________. Par ordonnance de clôture du 30 janvier 2017 - après avoir également procédé à une transmission immédiate en avril 2016 -, le MPC a transmis les données requises, soit le produit de la surveillance téléphonique ainsi qu'un rapport de police du 31 mars 2015 portant sur le raccordement.
B. Par arrêt du 2 octobre 2017, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par B.________ et A.________. Dans un arrêt rendu le 27 mars 2017 (1C_1/2017, ATF 143 IV 186) concernant la même procédure d'entraide, le Tribunal fédéral avait considéré que le MPC ne pouvait procéder à une transmission anticipée des données litigieuses, mais que la décision de clôture rendue ultérieurement pouvait guérir cette irrégularité. Les assurances données par le magistrat français quant à la participation des enquêteurs aux actes d'enquête avaient déjà été considérées comme suffisantes dans un premier arrêt. La demande d'entraide faisait état de graves soupçons au sens de l'art. 269 al. 1 let. a CPP et les personnes visées avaient le statut de prévenus au sens de l'art. 270 CPP. La condition de la double incrimination était satisfaite et le principe de proportionnalité était respecté.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes et la décision de clôture, de refuser l'entraide judiciaire, d'ordonner la destruction des écoutes et d'enjoindre au MPC de récupérer toutes les données remises de manière anticipée à l'autorité requérante. Subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Cour des plaintes a renoncé à se déterminer. Le MPC et l'Office fédéral de la justice concluent à l'irrecevabilité du recours. Dans leurs dernières observations, les recourants persistent dans les termes de leur recours.
 
Considérant en droit :
1. Selon l'art. 84 LTF, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du TPF en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe aux recourants de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132).
1.1. La présente espèce porte sur la transmission de renseignements touchant le domaine secret. Toutefois, compte tenu de la nature de la transmission envisagée (des écoutes téléphoniques et un rapport de police) et de l'objet de la procédure étrangère, limité à des infractions de droit commun (délits d'initiés), le cas ne revêt en soi aucune importance particulière.
1.2. Les recourants soulèvent deux griefs qui porteraient selon eux sur des questions juridiques de principe.
S'agissant de la demande d'entraide du 14 novembre 2014, ils estiment que les conditions posées à l'art. 269 al. 1 CPP, en particulier l'exigence de "graves soupçons" ainsi qu'une mise en prévention, devraient s'appliquer également à des écoutes téléphoniques opérées dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire. A supposer qu'il y ait une question de principe sur ce point, le grief devrait être rejeté. En effet, selon les règles sur l'entraide judiciaire et la jurisprudence constante, les art. 14 CEEJ, 28 EIMP et 10 OEIMP imposent à l'autorité requérante d'expliquer en quoi consistent ses soupçons, mais pas de les prouver ni même de les rendre vraisemblables. Sous réserve de l'interdiction des requêtes exploratoires, les soupçons de l'autorité requérante n'ont donc pas à être particulièrement graves ou précis. Il n'en va pas différemment lorsque les actes requis sont des écoutes téléphoniques. En effet, si le droit interne doit s'appliquer lorsqu'il est plus favorable à la coopération que le droit conventionnel, il ne saurait en revanche poser des conditions matérielles à l'entraide qui ne sont pas prévues par le droit conventionnel (ATF 136 IV 82 consid. 3.1 et la jurisprudence citée). Compte tenu de ce principe de faveur (ATF 131 II 132 consid. 2.4 p. 135), le renvoi de l'art. 18a al. 4 EIMP aux art. 269ss CPP ne saurait impliquer des exigences plus strictes en matière de motivation des demandes d'entraide. La référence des recourants à la jurisprudence rendue en matière de procédure pénale est ainsi sans pertinence.
Quant au fait que le recourant n'a pas été mis en examen, il est également sans pertinence puisque, selon la jurisprudence constante rappelée dans l'arrêt attaqué, l'entraide judiciaire peut être accordée indépendamment de toute mise en prévention, y compris lorsque l'enquête à l'étranger est ouverte contre inconnu. Compte tenu des principes rappelés ci-dessus, le fait que la demande d'entraide tend à la réalisation d'écoutes téléphoniques n'y change rien.
S'agissant de la demande d'entraide du 25 janvier 2016, les recourants reprochent au MPC de s'être entretenu par téléphone le 1er avril 2016 avec l'autorité requérante en lui donnant des détails sur le résultat des investigations, ce qui l'aurait convaincue de demander la transmission anticipée des renseignements. Il n'y a pas de question juridique de principe sur ce point. L'art. 67a EIMP permet en effet de procéder à une transmission spontanée d'informations, pour autant qu'il ne s'agisse pas de moyens de preuve et que cela figure dans un procès-verbal (al. 4, 5 et 6), ce qui est le cas en l'occurrence. Pour le surplus, la transmission spontanée a déjà été sanctionnée par l'ATF 143 IV 186, et le vice constaté a pu être réparé par l'exécution régulière de la demande d'entraide. Le MPC précise lui-même qu'une telle irrégularité n'est pas susceptible de se reproduire.
2. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent (art. 66 al. 1 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté en tant qu'il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 21 novembre 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Kurz