BGer 8D_6/2016
 
BGer 8D_6/2016 vom 01.06.2017
8D_6/2016
 
Arrêt du 1er juin 2017
 
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Maillard, Président, Frésard et Heine.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
représentée par Me Benjamin Schwab, avocat,
recourante,
contre
Service de prévoyance et d'aide sociales, Section juridique, avenue des Casernes 2, BAP, 1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Aide sociale,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public,
du 25 octobre 2016.
 
Faits :
A. A.________, née en 1951, est au bénéfice du revenu d'insertion (RI). Ces dernières années, elle a adressé de nombreux courriers au Centre social intercommunal de Montreux-Veytaux (actuellement: le Centre social régional de la Riviera [CSR]) pour se plaindre du calcul des prestations lui revenant. Le 22 janvier 2014, le CSR lui a indiqué qu'il ne répondrait plus systématiquement à chaque courrier, mais qu'il rendrait une décision après le versement des prestations mensuelles dues. A.________ a recouru devant le Service de prévoyance et d'aide sociale (SPAS) contre plusieurs décisions. Le 21 mars 2016, elle a, par la plume d'un conseil, demandé au SPAS de rendre pour chaque recours une décision et de laisser 30 jours d'intervalle entre les décisions afin de lui laisser le temps nécessaire pour les contester. Le 11 avril 2016, le SPAS a confirmé qu'il renonçait à joindre les causes, mais relevé qu'aucune règle de procédure ne lui imposait de rendre une décision par mois, de sorte que les décisions seraient notifiées au fur et à mesure de leur rédaction.
Du 30 mai au 13 juin 2016, le SPAS a rendu onze décisions. Il a rejeté dans la mesure de leur recevabilité les différents recours formés contre les décisions du CSR relatives au calcul des prestations du revenu d'insertion des mois de novembre (décision du 30 mai 2016), décembre 2014 (décision du 31 mai 2016), janvier, février, mars, avril (décision du 3 juin 2016), mai (décision du 6 juin 2016), août, septembre (décision du 7 juin 2016), octobre (décisions des 8 et 9 juin 2016), décembre 2015 (décision du 10 juin 2016) et janvier 2016 (décision du 13 juin 2016), ainsi que contre le courrier du CSR du 2 septembre 2013 confirmant le paiement d'une facture de 287 fr. 40 (décision du 1er juin 2016). Le SPAS a également conjointement rejeté les onze requêtes d'assistance judiciaire formée par l'intéressée et rejeté dans la mesure de leur recevabilité trois recours pour déni de justice (décisions des 1er, 2 et 9 juin 2016).
B. Statuant le 25 octobre 2016, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, a rejeté le recours formé par l'intéressée et confirmé les onze décisions du SPAS.
C. A.________ forme un "recours constitutionnel" contre ce jugement. Elle conclut principalement à la réforme du jugement entrepris en ce sens que les onze décisions du SPAS sont annulées et la cause transmise à l'administration pour nouvelles décisions au sens des considérants. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision au sens des considérants. Plus subsidiairement encore, elle conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au SPAS pour qu'il rende de nouvelles décisions au sens des considérants.
Le SPAS a renoncé à se déterminer sur le recours, se référant à ses écritures précédentes.
La recourante a renoncé à déposer des observations sur la réponse. Elle a déposé des observations spontanées les 27, 28 avril et 8 mai 2017, ainsi que diverses annexes.
 
Considérant en droit :
1. La décision attaquée a été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) dans une matière où aucune des clauses d'exception de l'art. 83 LTF ne s'applique. Il s'ensuit que la voie du recours en matière de droit public est ouverte et, quoi qu'en dise la recourante, celle du recours constitutionnel subsidiaire en conséquence fermée (art. 113 LTF).
Cela étant, un recours mal intitulé ne nuit pas à son auteur mais doit être converti si les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté sont réunies (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1 p. 369; 134 III 379 consid. 1.2 p. 382). Tel est le cas en l'espèce dès lors que le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme requise (art. 42 LTF), par une partie ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente et ayant un intérêt à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 89 al. 1 let. a LTF); il est en outre dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance, statuant sur recours (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF).
 
Erwägung 2
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Cependant, il ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été invoqué et motivé par le recourant, selon le principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 229 consid. 2.2 p. 232 et les références). En revanche, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), l'on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine alors de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 V 577 consid. 3.2 p. 579 et la référence).
2.2. Il n'y a pas lieu de prendre en considération les observations de la recourante (des 27, 28 avril et 8 mai 2017) ou les annexes de celles-ci déposées hors délai (cf. art. 48 al. 1 LTF).
3. La recourante se limite à critiquer le jugement cantonal en ce que les premiers juges n'ont pas admis que la notification par le SPAS de onze décisions en neuf jours procédait d'un formalisme excessif qui l'a privée de ses droits de participer à la procédure et d'exercer un recours effectif. Elle se plaint en particulier de violation de son droit d'être entendue, du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'arbitraire.
3.1. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 p. 304; 142 V 152 consid. 4.2 p. 158 et les références). En tant qu'elle sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, l'interdiction du formalisme excessif poursuit le même but que le principe de la bonne foi consacré aux art. 5 al. 3 et 9 Cst. (cf. ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170; arrêt 5A_637/2016 du 2 novembre 2016 consid. 5.1.1). Tel qu'invoqué, l'art. 29 al. 2 Cst., qui garantit aux parties le droit d'être entendues, n'offre pas une protection plus étendue. Le Tribunal fédéral examine librement si l'on se trouve en présence d'un formalisme excessif (arrêt 8C_686/2014 du 25 août 2015 consid. 2.3). Il n'examine cependant que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application du droit cantonal déterminant (supra consid. 2.1).
3.2. Les formes procédurales sont nécessaires à la mise en oeuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l'égalité de traitement, ainsi que pour garantir l'application du droit matériel; toutes les exigences formelles ne se trouvent donc pas en contradiction avec la prohibition du formalisme excessif découlant de l'art. 29 al. 1 Cst. Singulièrement, un strict respect des dispositions concernant les délais de recours s'impose pour des motifs d'égalité de traitement et de sécurité du droit (cf. ATF 142 V 152 consid. 4.2 p. 158; arrêt 5A_741/2016 du 6 décembre 2016 consid. 6.1.2 et les références).
4. L'argumentation de la recourante, en grande partie fondée sur une présentation réductrice des faits constatés par les premiers juges, ne convainc pas et ne saurait faire échec aux principes clairs énoncés par la jurisprudence susrappelée.
4.1. Ce qui est décisif en l'espèce, c'est de savoir si la réglementation cantonale en cause, ou l'application qui en a été faite, a empêché la recourante de se prévaloir d'une voie de recours disponible. A cet égard, la cour cantonale n'a nullement "justifié" la pratique du SPAS consistant à suspendre certaines causes avant de notifier conjointement plusieurs décisions. En réalité, les premiers juges ont retenu qu'on ne saurait reprocher à l'intimé d'avoir regroupé au moment de leur examen les dossiers contenant des questions similaires. La décision entreprise ne prête en outre pas le flanc à la critique sur ce point. Le SPAS est en effet obligé de mettre certaines priorités dans le traitement des recours dont il est saisi. Il dispose naturellement pour cela d'une marge d'appréciation. Et les suppositions de la recourante liées à l'application qui en a été faite ne trouvent aucune assise dans la décision litigieuse. Au contraire, le principe de célérité, soit le droit de tout justiciable à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable, garanti par l'art. 29 al. 1 Cst., commandait que les procédures, prêtes à être jugées, le soient sans attendre.
4.2. La recourante omet par ailleurs de mentionner le fait qu'elle est directement intervenue auprès du SPAS pour qu'il lui notifie des décisions séparées dans des causes qui présentaient - selon les constatations cantonales - de grandes similitudes. Ces différentes causes auraient pu être jointes et faire l'objet d'une unique décision. Il ne saurait dès lors y avoir formalisme excessif à ce que la partie réponde des conséquences des procédés qu'elle a elle-même délibérément choisis. Contrairement aux affirmations de la recourante, le contenu de la communication (du 11 avril 2016) est par ailleurs parfaitement clair; le SPAS y a souligné qu'il traitait "les dossiers avec le maximum de célérité possible et [notifierait] les décisions sur recours dès qu'elles [seraient] rendues". Même si on devait admettre que la recourante a pu nourrir un doute quant à une notification rapprochée dans le temps de plusieurs décisions sur recours, on ajoutera que la teneur du courrier subséquent du 27 mai 2016 ne pouvait que le dissiper. L'intimé a en effet averti la recourante qu'elle allait "recevoir très prochainement des décisions portant sur les recours interjetés", lui offrant ainsi l'occasion de s'organiser. C'est d'ailleurs bien ce que la recourante a fait, puisqu'elle a mandaté un avocat pour défendre ses intérêts (procuration du 24 juin 2016).
4.3. Au demeurant, la recourante ne fait pas valoir que la juridiction cantonale aurait dû lui accorder un bref délai pour compléter son recours cantonal parce qu'elle ou son mandataire s'était trouvée, sans faute de sa part, dans l'impossibilité d'agir à temps (art. 29 al. 2 Cst.; à ce sujet, voir ATF 125 V 262 consid. 5d p. 264; arrêt 6B_53/2008 du 15 avril 2008 consid. 2).
5. La recourante ne saurait pour finir être suivie lorsqu'elle reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas constaté une violation de son droit d'être entendue du point de vue du devoir de l'autorité de motiver sa décision. Si les premiers juges ont effectivement critiqué la forme rédactionnelle des onze décisions entreprises, d'une lecture difficile, ils ont souligné que la recourante ne s'en était nullement plainte. Or la recourante, représentée par un avocat, ne prétend pas avoir formulé, même de manière réduite à sa plus simple expression, un quelconque grief à ce sujet devant l'autorité précédente. En dépit des insuffisances constatées, les premiers juges ont dès lors tiré les conclusions qui s'imposaient.
6. Au regard des éléments qui précèdent, la décision attaquée ne porte pas atteinte aux droits constitutionnels de la recourante. Par conséquent, le recours, considéré comme un recours en matière de droit public, doit être rejeté.
7. Compte tenu des circonstances, il convient de renoncer à la perception des frais judiciaires (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF). Dans la mesure où elle tend à la désignation d'un avocat d'office en instance fédérale, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée, vu l'absence de chances de succès du recours.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et au Centre social régional (CSR).
Lucerne, le 1er juin 2017
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
Le Greffier : Bleicker